Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 30 : Confrontation à la porte de Haches

La compagnie de Balco était partie de la cité depuis plus d’une heure. Homelf et son compagnon elfique Lif venaient de quitter le grand maître pour partir à leur poursuite. Le grand maître était encore à l’extérieur de la cité, son regard se perdait devant lui. Il semblait absorbé par ses réflexions.
L’engrenage venait d’être lancé. Le grand maître était partagé entre plusieurs sentiments. Lui qui avait donné de son temps pour bâtir l’Empire. Assistant le chevalier Sylvain dans ses débuts, soufflant sa ligne de conduite et ses codes de la chevalerie.
Un ami de toujours qui aujourd’hui se retrouvait être un opposant par la faute d’un empereur peu ambitieux. Pour ne pas dire pire. C’était une attaque en règle qu’il venait de lancer dont le seul but était de renverser l’empereur, mais pas l’Empire.
Il avait encore de nombreux alliés au sein de l’Empire, seule sa tête était un obstacle à la survie de cette planète.
Le grand maître cligna des yeux. Il ne pouvait plus rien faire. Le destin était lancé sur des rails nouveaux. Il avait fait son possible, formant de nouveaux héros. Et surtout en découvrant le premier des héritiers de l’aigle blanc. Il avait fait sa part, le reste reposait entre les mains de ce jeune garçon. Trop jeune pour être embarqué dans une telle histoire.
Il devrait apprendre vite et sur le tas.
Le capitaine de la garde interrompit la réflexion du grand maître. « Grand maître ! Interpella d’une voix guerrière et puissante le capitaine. Vous êtes attendus à la taverne. Plusieurs de vos élèves vous attendent.
— Vous êtes devenu un messager, mon cher capitaine ? Questionna le grand maître avec un petit rire.
— Ne vous méprenez pas, déclara le capitaine avec un ton vexé. Je devais vous voir pour une autre affaire. Je profite juste de cette rencontre pour vous annoncer d’autres nouvelles qui sont arrivées jusqu’à moi.
— Je n’en doute pas capitaine, ajouta le grand maître avec le plus grand sérieux qui lui était possible en cet instant. J’irais les voir dans quelques minutes. Je dois m’entretenir avec un grand nombre d’entre eux. Vous n’êtes pas sans savoir que de grands événements se préparent. La cité de Haches aura une place prépondérante prochainement.
— Je ne m’occupe pas de la politique, indiqua le capitaine. Je ne suis ici que pour protéger cette cité. Je vous laisse tout le reste avec grand plaisir.
— Je vous en remercie, dit le grand maître avec un léger sourire en coin.
— Comme je suis en charge de protéger cette cité, continua le capitaine de la garde. Je vous demanderais de ne pas oublier de me fournir quelques-uns de vos élèves pour protéger la cité. La muraille sera réparée en peu de temps. Je vais en profiter pour consolider plusieurs secteurs de la muraille. La dernière bataille en a fait ressurgir quelques faiblesses.
— Mes élèves ! Déclara le grand maître en réfléchissant. Je ne vais pas oublier. Je tiens tout comme vous que cette cité tienne debout. Le dernier démon envoyé par Lichn ne va pas faire sa loi ici. Nous le délogerons et le vaincrons comme il se doit. Vous n’aurez pas à vous battre, je vous l’ai promis.
— On parle tout de même de déclencher un Aticas ! Grogna le capitaine.
— Je vous donnerais dix de mes élèves, argumenta le grand maître. Vous n’aurez qu’à provoquer l’Aticas face au démon. Pour le reste, mes élèves s’occuperont de tout. Vous n’êtes engagé dans ce conflit qu’à titre de capitaine de la garde de la cité de Haches. Le représentant le plus haut placé dans la protection de cette cité.
— C’est sympathique de le reconnaître, continua de grogner le capitaine. Même si je me fais mener par le bout du nez par Votre Éminence !
— Je ne le fais pas par plaisir capitaine, clama le grand maître. Mes élèves seront à la porte de Haches dans une heure. Nous en reparlerons après votre victoire. Tous les honneurs retomberont sur vous d’avoir eu l’audace de gagner un Aticas face à un démon.
— Je ne cherche pas les honneurs, grand maître, grimaça le capitaine. Je souhaite juste faire mon travail correctement. Le prestige ne m’indique pas le chemin à suivre.
— C’est bien ce qui fait de vous un capitaine admirable, commenta le grand maître. Cette cité ne pourrait pas en avoir un capitaine plus brillant et fidèle. Cette cité ne peut pas imaginer ce qu’elle deviendrait si vous n’étiez pas présent. Et elle a encore besoin de vous aujourd’hui et à l’avenir.
— Je préférerais ne pas avoir une place à jouer dans toutes vos intrigues mon cher grand maître, soupira le capitaine. Sans vous, cette cité serait bien plus calme. Toutefois, je vous remercie de votre sollicitude. J’attends vos protégés avec la plus grande impatience ! Dans une heure !
— Je n’en doute pas une seule seconde, indiqua le grand maître avec un sourire entre les lèvres. Ils seront là. »
Il se détourna du capitaine de la garde et se dirigea à grands pas vers l’intérieur de la cité. À peine la grande porte sud franchie, qu’il usa de ses pouvoirs millénaires pour se déplacer plus rapidement. Il ne fut qu’une vague ombre pour les citadins qui le croisèrent. Il poussa un rapide soupir de satisfaction en s’arrêtant brusquement devant la porte de la taverne. Son image se reforma lentement. Ses contours vinrent briser la lumière comme ils n’auraient jamais dû cesser de le faire.
Un humain qui se tenait proche de la porte de la taverne haussa un sourcil en voyant l’image du grand maître se matérialiser lentement devant lui. Le grand maître le fixa d’un regard en biais. Reconnaissant l’archiviste qui lui faisait face, il lui adressa la parole…
Le capitaine fut ponctuel comme à son habitude et les élèves du grand maître ne le furent pas ! Comme à leur propre habitude !
Le pauvre capitaine trépigna et transpira devant la porte de Haches une heure supplémentaire. Il se retint de hurler contre eux se rappelant que le grand maître lui en tiendrait rigueur. Il fut toutefois soulagé de les voir enfin arriver !
Bien qu’il n’ait pas perdu son temps profitant de sa position pour observer les entrées et les sorties de la cité. Il n’était pourtant plus l’heure de jouer les observateurs. Une bataille le réclamait.
Le capitaine sortit de la cité et se dirigea vers l’orée du bois où on lui avait signalé la présence du démon. Les derniers restes de l’armée vaincue de Lichn devaient s’y trouver. Le capitaine souhaita que le grand maître ne se trompe pas ! Si jamais le démon refusait de combattre selon les anciennes traditions des ténèbres, il serait très mal !
Le capitaine était encore à deux cents mètres de sa destination lorsqu’un son de trompette s’éleva devant lui. Un démon apparut entre les arbres et s’avança vers le capitaine. Il avait des yeux rouges flamboyants. Le capitaine sursauta ! Un frisson provoqua quelques pas maladroits dans sa démarche.
Il calma sa respiration pour retrouver sa voix la plus rude. Celle d’un capitaine de la garde d’une grande cité de Sulder. Une voix en mesure de réveiller tout un régiment de garde aux heures les plus avancées de la nuit. « Arrête-toi démon ! Tonna le capitaine.
— Tremble humain ! Gronda le démon en ouvrant une large bouche sombre dont deux rangées de dents noircies étaient à peine visibles. Tes troupes se sont dispersées durant la journée, même le grand maître a quitté ta cité ! Nous sommes plus très nombreux, mais vous aussi. Votre cité tombera sous la proie des flammes ! De mes flammes ! »
Le capitaine gonfla son torse. Il leva sa main droite face au démon en lui tendant la paume. « Aticas ! »
Le démon plissa les yeux et un grondement intérieur résonna dans sa gorge. Le capitaine profitant que le démon fut légèrement surpris par sa proposition pour continuer sa provocation. « J’invoque un Aticas, démon ! Tu peux obtenir une mort digne si tu le souhaites. Même si je doute que l’honneur soit d’un intérêt quelconque pour un démon.
— J’accepte ton défi humain, gronda le démon. Un Aticas selon nos règles ancestrales. Moi et mes dix meilleurs guerriers contre toi et dix guerriers de ton choix. Des combats à un contre un. La bataille s’arrête dès que l’un des deux camps a perdu tous ses participants. Seule la mort peut retirer un guerrier du combat. Un guerrier peut se faire remplacer au cours d’un affrontement. Mais même blessé, il est encore considéré faisant partie de l’Aticas. Si vous en acceptez les règles ancestrales que le premier de vos guerriers s’approche ! Et que débute l’Aticas ! »
Un humanoïde vêtu d’une tenue noire moulante s’avança de derrière le démon. Un visage sombre, des yeux blancs dans leur intégralité. Une épée courbée dans chaque main. C’était le premier guerrier du démon qui se dirigea vers le capitaine. Ce n’était pas à lui de défier ce premier guerrier, il était le leader de sa petite équipe. À ce titre, il n’entrerait en jeu qu’en dernier. Seulement si les dix élèves du grand maître avaient échoué dans leur tâche !
Il souhaitait de tout cœur que cela ne se produise pas. Il était doué pour diriger des hommes, pas pour être sur la première ligne d’un conflit.
Le premier guerrier du démon n’eut pas à attendre longtemps. Les élèves du grand maître avaient décidé lequel d’entre eux commencerait cet affrontement.
Une guerrière amazone s’avança. Une tenue faite de cuir sombre, les bras tatoués avec plusieurs symboles guerriers. Des cheveux sombres et courts. Plusieurs poignards accrochés à sa ceinture. Dans la main, un fouet qu’elle fit claquer devant elle.
Elle était déterminée, ses yeux luisaient alors qu’elle fixait son adversaire. Ils s’avancèrent l’un vers l’autre en s’épiant.
Lyssille, l’amazone, attaqua la première, ce n’était pas dans ses habitudes d’attendre. Elle fit pivoter son fouet dans son poignet et le fit claquer en direction du guerrier. Celui-ci fut surpris et recula d’un pas pour ne pas prendre le fouet dans le visage. Lyssille s’attendait à un tel réflexe et elle enchaîna !
Son fouet s’enroula autour des pieds du guerrier. Elle le projeta en arrière. Incapable de tenir en équilibre, il s’écroula au sol. Il eut à peine le temps de commencer à se redresser sur ses coudes que l’amazone se tenait au-dessus de lui. Elle avait sorti l’un de ses poignards. Elle le planta d’un geste rapide et déterminé dans le cœur du guerrier.
Il poussa un léger cri étouffé avant que son propre sang n’obstrue définitivement sa gorge. Lyssille se tenait droite et fixa le deuxième guerrier que lui proposait le démon. Un mercenaire du sud vêtu également d’une tenue noir légère.
Lors d’un Aticas, les combats s’enchaînaient, le vainqueur d’un combat n’avait jamais le temps de savourer sa victoire.
Le mercenaire sortit une longue épée courbée de son dos. Lyssille refit claquer son fouet. Elle avait la ferme intention d’éliminer un maximum des guerriers du démon avant de passer le relais. Avec un peu de finesse, elle pourrait même ne pas donner son tour, ce serait bien plus simple de cette manière.
Lyssille remua ses épaules avant de pousser un cri strident. Elle était prête à affronter le mercenaire. Le cri guerrier qu’elle propulsa était destiné à intimider son adversaire. Même si celui-ci ne sembla pas particulièrement perturbé.
Elle fit plusieurs fois claquer son fouet devant elle tout en fixant le mercenaire qui se rapprocher d’elle lentement. Il prenait le temps lui aussi d’observer les mouvements de l’amazone. Son fouet lui donnait un avantage, le mercenaire en avait conscience. Il voulait rétablir l’équilibre entre les deux parties.
Pour Lyssille, elle espérait bien garder son fouet le plus longtemps possible. Cela lui permettrait de garder son adversaire à une bonne distance. Ses poignards étaient en mesure de terminer le travail.
Le mercenaire tenta de faire quelques pas rapides en direction de l’amazone. Un claquement de fouet frappa sa tête. Une profonde entaille sanglante apparut sur tout le côté gauche de son visage. Un sang rouge commença à couler lentement de la blessure.
Le mercenaire recula devant le coup reçu. Lyssille esquissa un sourire entre ses lèvres. Le deuxième combat commençait bien. Ce premier coup avait dû secouer un peu le mercenaire. Il allait mettre un peu de temps à se remettre de cette méga baffe reçue en plein visage.
Lyssille bondit en avant, certaine de son avantage. Elle assena un nouveau coup de fouet en direction des jambes du mercenaire. Groggy, mais encore éveillé, il eut le réflexe de faire un léger bond en arrière. Le fouet passa proche de ses jambes sans le toucher cette fois-ci.
Lyssille dans une continuité parfaite, agrippa un poignard de sa ceinture et le lança au même instant que son fouet claquant dans le vide devant les jambes du mercenaire. Le poignard tournoya sur lui-même dans les airs. Il se figea dans la trachée du mercenaire. Trop heureux d’avoir évité le coup de fouet qu’il n’avait pas prêté attention aux autres mouvements de l’amazone.
Lyssille garda son sourire sur ses lèvres en regardant le mercenaire lâcher son dernier souffle après quelques spasmes d’agonie. Le mercenaire éliminé, elle tourna la tête vers le démon. Elle était prête à en découdre avec un troisième adversaire qu’on lui opposerait.
Le capitaine de la garde soupira de contentement. Les élèves du grand maître étaient à la hauteur, tout se déroulait très bien, à ce rythme-là, il n’aurait rien besoin de faire. Et cela lui convenait parfaitement.
Un troisième mercenaire s’avança, vêtu d’une tenue sombre comme les précédents, il était toutefois plus musclé que les précédents. Il avait la démarche et la musculature d’un barbare.
Lyssille ne fut pas le moindrement émue par cet amas de muscles qui s’avançait d’un pas déterminé vers elle. Le nouveau mercenaire n’avait pas d’arme apparente. Il semblait vouloir se battre à mains nues. Lyssille n’avait que faire de cet illuminé. S’il voulait mourir vite, c’était son droit le plus strict.
Lyssille fit face au mercenaire et une fois encore elle fit claquer son fouet devant elle pour le mettre en garde. Le mercenaire lui lança un regard sombre rempli de haine. Lyssille remua les sourcils rapidement de haut en bas pour lui répondre avec une légère provocation. Le mercenaire poussa un grognement bestial. Qui était plus proche de l’animal que de l’humain.
Lyssille lui répondit un poussant un long cri haché typique des peuples amazones. Le mercenaire s’avança en gonflant outrageusement les muscles de ses bras. Lyssille assena un coup de fouet en direction du mercenaire. Ce dernier laissa le fouet s’enrouler autour de son bras droit et le maintint d’une main ferme. Lyssille grimaça et força sur son poignet pour faire revenir son fouet. Mais le mercenaire tenait bon !
D’autres voix féminines encouragèrent l’amazone. Le capitaine de la garde ne se retourna pas, il surveillait le combat. Les autres élèves du grand maître ne l’importaient pas pour le moment.
« Allez Lyssille, nique-les tous, s’écrièrent les autres. Tu peux y arriver. Ne te laisse pas avoir par ce gros tas de muscle. Fais parler la force des amazones ! »
Le mercenaire gonfla encore un peu plus les muscles de son bras et commença à tirer à son tour sur le fouet de l’amazone. C’était une épreuve de force qui s’engagea entre les deux protagonistes. Lyssille serra les dents. Elle était en mesure de rivaliser avec le mercenaire. Sa fierté féminine l’empêchait d’abandonner.
La tension était palpable. Les deux adversaires se regardaient hargneusement, chacun forçant pour attirer l’autre de son côté. Lyssille tenait aussi bien qu’elle le pouvait, mais imperceptiblement le mercenaire gagnait du terrain. Lentement et progressivement, il parvenait à attirer l’amazone vers lui. Il la faisait avancer de quelques centimètres dans sa direction. Lyssille cherchait déjà une nouvelle façon de s’en sortir.
Le mercenaire mit fin prématurément à cet exercice de force. De son autre main, il abaissa son épée courbe contre le fouet tendu. La tension fut soudainement libérée entre les deux. Lyssille n’ayant pas senti la manœuvre du mercenaire se retrouva projetée en arrière avec la moitié de son fouet encore dans la main.
Responsable de l’attaque, le mercenaire put stabiliser sa position pour ne pas chavirer en arrière. Encore sur ses jambes, il se rua sur l’amazone. Il se lança sur elle, son épée courbe en avant. Lyssille roula sur le côté en cherchant à esquiver la manœuvre. Ce geste lui sauva la vie, mais n’empêcha pas l’épée du mercenaire d’entailler son bras. La lame érafla sur plusieurs centimètres son avant-bras gauche. Rien de mortel. Mais la douleur était intense.
Elle tira de sa main droite un nouveau poignard de sa ceinture. Et en terminant sa roulade sur le côté, elle lança son poignard à l’aveuglette. Le poignard se logea dans l’épaule droite du mercenaire qui lâcha son épée instantanément.
Lyssille se redressa sur ses jambes. Elle n’eut qu’un léger regard vers sa blessure sanglante. Elle devait terminer ce combat avant de passer la main à une autre de ses comparses. Elle aurait voulu en défaire beaucoup plus, mais elle devait être raisonnable. Elle n’était pas le seul rempart de cette cité. Elle avait fait sa part de travail, elle devait conclure en beauté en se débarrassant de son troisième adversaire.
Le mercenaire se relevait également. Il retira avec hargne le poignard figé dans son épaule. L’écoulement de sang s’en retrouva accentué depuis sa blessure. Lyssille remua ses doigts en regardant fixement son adversaire. Les doigts de sa main gauche commençaient à être engourdis. L’entaille diminuait l’afflux de sang jusqu’au bout de ses doigts. Elle devait finir au plus vite ce combat, car elle allait s’affaiblir au fur et à mesure.
Ses yeux commencèrent à voir son adversaire en double. Elle perdait de sa concentration. Son adversaire n’était pas en meilleur état, mais aucun des deux ne baisserait les armes tant que l’autre serait encore debout. Lyssille hésita un instant à tirer un nouveau poignard de sa ceinture pour le lancer, mais sa vue baissant, elle risquait de le rater. Un tel signal de sa faiblesse croissante aurait redonné de l’espoir à son adversaire. Ça, elle ne le souhaitait pas, elle ne voulait lui accorder aucun bon de sortie.
Elle se décida donc à employer la seule méthode valable. Elle prit sa main droite et retira de son dos une longue épée. Elle était accrochée dans un fourreau placé transversalement dans son dos. Cela lui permettait de garder toujours des mouvements fluides pour ses jambes sans être encombré par une longue arme frottant contre ses jambes.
Le mercenaire empoigna son épée courbe avec un visage mauvais. Son sang continuait de couler abondamment. Sans soin, il allait sombre dans l’inconscience dans quelques minutes. Lyssille lissa un sourire sur son visage. Elle allait lui promulguer des soins à sa manière. Il ne se relèverait plus jamais.
Le mercenaire et l’amazone se retrouvèrent tous les deux en corps à corps. L’amazone chargea la première avec un coup d’épée de bas en haut pour écraser le crâne du mercenaire. Il para le coup sans difficulté. Le choc des deux lames résonna dans la tête de chacun des deux comme une cloche lugubre annonciatrice de malheur.
Un échange de coup suivit. Le mercenaire prenait l’avantage. Lyssille manipulait son épée que d’une seule main, elle ne ressentait plus assez le bout de ses doigts de la main gauche pour l’utiliser efficacement. Le mercenaire en profita pour l’acculer avec une série d’attaques. Lyssille enchaîna les esquives de côté et para la majorité des attaques avec sa seule main valide.
Le combat durait en longueur et cela tourna à l’avantage de l’amazone. Elle ressentit son adversaire commençant à perdre pied. Quelques mouvements de pas erratiques, comme s’il perdait l’équilibre et qu’il se rattrapait au dernier moment. Lyssille sentit que c’était sa chance. Elle surveilla de plus prêt chaque petit geste du mercenaire et au signe suivant de défaillance, elle lui porta une estocade.
Le mercenaire se battait bien, mais sa vaillance ne suffisait plus. Un nouveau mouvement sur la gauche imprévue le força à faire un petit pas de côté pour rattraper son équilibre. Lyssille plongea sa main en avant et embrocha le mercenaire dans le ventre. Il hoqueta en écarquillant de grands yeux ingurgités de sang.
Lyssille ne lui laissa même pas la chance de riposter. Laissant son épée dans le ventre du mercenaire. D’un geste rapide, elle empoigna un nouveau poignard dans sa ceinture et d’un mouvement vertical de bas en haut, elle vint le planter dans la mâchoire du mercenaire !
Ce dernier gargouilla quelques sons inintelligibles. Avant de se laisser tomber en avant sans plus aucune réaction. Lyssille soupira et fit un mouvement de côté pour laisser choir son adversaire.
Si elle avait eu sa main gauche valide, elle aurait tiré un autre poignard pour le planter dans sa colonne vertébrale, afin de s’assurer qu’il ne se relèverait jamais. À la place, elle se laissa tomber sur les genoux.
Elle jeta un regard noir en direction du capitaine de la garde qui n’eut pas besoin de plus d’explication pour comprendre ce qu’elle souhaitait. Le capitaine clama un changement de guerrier pour son camp. Il en avait le droit. Le démon ne lui refusa pas cette règle ancestrale de l’Aticas. Il aurait fait de même si son guerrier avait pu l’emporter. Lyssille n’était plus la guerrière protectrice de la cité de Haches. Une autre allait prendre sa place.
Elle posa enfin un regard sur son bras gauche. Du sang coulait tout le long de son bras. Sa main était couverte d’un sang rouge. Elle tourna de l’œil à la vue d’autant de sang et tomba face contre terre.
Le démon gronda intérieurement. L’amazone n’était plus en état de combattre. Toutefois, elle avait éliminé trois de ses guerriers à elle seule. La situation n’était pas aussi profitable qu’il l’aurait souhaité. Cette bataille n’était pas encore terminée. Le premier camp qui éliminait les onze guerriers adversaires l’emportait. Il venait d’en perdre trois, mais il lui restait encore sept guerriers avant que lui-même ne rentre dans le conflit. Il pouvait encore se rattraper. Le retard n’était pas encore insurmontable.
Un quatrième mercenaire à la solde du démon s’avança en direction du capitaine de la garde qui ne broncha pas. Ce n’était toujours pas au tour du capitaine. Un autre élève du grand maître devait prendre la relève.
C’est une autre amazone qui dépassa le capitaine de la garde. De petite taille. Des cheveux blonds lui arrivant jusqu’au bas des épaules. Elle portait une jupe en cuir brun lui arrivant jusqu’aux genoux. Des bottes noires cachaient ses mollets. Elle avait une chemise en peau de bête brunâtre sur les épaules. Un bandeau rose bonbon entourait sa tête et maintenait ses cheveux plaqués en arrière.
Le capitaine ne s’attarda pas sur le physique de la nouvelle amazone, mais sur l’arc qu’elle portait dans ses mains. C’était une archère !
Lorsque le mercenaire découvrit son adversaire, il se rua sur elle sans perdre un seul instant. L’amazone plaça ses pieds correctement en bandant son arc. Elle laissa le mercenaire s’approcher suffisamment, puis décocha sa flèche. Le mercenaire voulut esquiver la flèche d’un mouvement de côté.
Est-ce que la flèche était mal tirée dès le départ ou l’amazone avait déjà prévu l’anticipation du mercenaire ? Nul ne le saura jamais. Bien que beaucoup pencheraient pour la première solution. Quoi qu’il en soit, l’esquive du mercenaire fut un échec ! La flèche se planta directement dans son cœur !
Un filet de sang se mit à couler de sa bouche et dégoulina sur sa barbichette noire. Il regarda, incrédule, l’amazone qui avait encore son arc tendu dans sa direction. Il se demanda encore comment un combat aussi rapide avait pu se dérouler. Il n’avait pas pu porter le moindre coup face à une simple lanceuse de flèches. Les yeux toujours ouverts, il tomba sur les genoux. Son cœur était arrêté depuis plusieurs secondes, mais il luttait encore pour ne pas mourir.
Démarche veine. Son corps vacilla. Il finit par tomber sur le dos, ses pieds coincés sous son corps. « Theranine, réarme ton arc ! Dépêche ! Hurlèrent plusieurs voix derrière le capitaine. 
— Vise bien ma grande, ajouta avec une pointe d’ironie Guigui. »
Theranine ne releva pas la remarque de l’entité terreuse. Elle avait parfaitement conscience de ses capacités. Elle n’était pas une archère douée de nature, mais c’était l’arme avec laquelle elle obtenait le plus de succès. Pour preuve, elle venait de se défaire d’un mercenaire du démon et encore plus rapidement que n’avait pu le faire Lyssille. Elle avait bien sa place dans ce groupe, même si Lyssille et Oeorline s’y étaient fermement opposées.
Le démon fit craquer ses doigts sombres. Ses yeux brillèrent d’un éclat rouge inquiétant. Theranine prit peur que le démon décide de se charger d’elle directement. Ce n’était pas dans les habitudes d’un Aticas qu’un leader intervient avant la fin, mais rien ne l’interdisait toutefois. Le démon n’avait pas encore l’intention d’entrer en scène, mais le dernier combat l’avait passablement échaudé.
Il décida de changer l’ordre de ses guerriers.
Le cinquième ne fut pas un mercenaire, mais un squelette. Pas un simple petit squelette, mais une carcasse immense de plus de deux mètres cinquante de haut. Il devait s’agir des os d’un géant qui avait été animé par la magie noire d’un nécromancien des ténèbres. La créature sans vie s’avança d’un pas équilibré.
Theranine recula d’un pas en apercevant la nouvelle créature qui lui était proposée. Elle souffla un coup avant de bander une nouvelle fois son arc. Elle décocha sa flèche en prenant à peine le temps de viser. La flèche fila droit sur la grande créature, mais traversa sa poitrine de part en part sans rien toucher ! La flèche venait de passer au travers des os du squelette sans causer le moindre dégât.
Theranine devait viser de manière parfaite pour se défaire de cette adversaire. Elle tendit une fois encore son arc en y encochant une flèche. Le trait fusa à vive allure et érafla le crâne du squelette qui émit un claquement lugubre avec ses dents en guise de rire. Theranine commença à trembler.
Ses membres ne réagissaient plus correctement. Ses membres étaient tétanisés par la peur de cette créature s’approchant inéluctablement d’elle. Elle encocha une nouvelle flèche. Ses membres vibraient sous la pression de la peur. Ne contrôlant plus ses mouvements, elle exerça un mouvement trop brusque et sa corde rompit ! Le bout de ses doigts rougis, mais elle n’eut pas le temps d’émettre le moindre cri de douleur. Pas pour cette douleur ci en tout cas.
Le squelette s’était approché d’elle. Il leva son pied et le rabattit à l’horizontale contre la tête de l’amazone qui se laissa choir contre le sol sans réagir. Elle eut à peine le temps d’émettre un léger cri. Le squelette remua ses épaules comme pour rire. Ce qui eut pour effet lugubre de faire résonner tous les os de son corps les uns contre les autres.
Le squelette avança vers l’amazone encore couchée par terre. D’une main sans peau, il lui grippa la tête pour la relever. Et il recommença à la frapper en lui assenant un coup de genou dans le ventre. Elle se cambra sur elle-même en gerbant tout le contenu de son dernier repas. Le squelette n’y prêta même pas attention. Et il frappa à nouveau. Theranine eut le réflexe de mettre ses mains en protection du prochain coup.
Le squelette était sans pitié. Le choc fut terrible. Le genou du squelette s’écrasa contre les mains de la pauvre amazone. Un craquement retentit. Puis un long cri de détresse de l’amazone qui fixait ses mains avec un regard affolé ! Les doigts de sa main gauche pendouillaient dans la paume de sa main. Sa main droite était dans un état presque similaire.
Il venait de lui briser les os de la main. Elle n’allait pas utiliser un arc avant un long moment. Enfin, seulement si elle parvenait à sortir vivante de ce combat, ce qui semblait plutôt compromis.
Le squelette se baissa légèrement sur ses jambes. Il profita du mouvement vers le bas pour asséner un coup de tête à l’amazone. Le choc des deux crânes déchira l’atmosphère. Les yeux de Theranine se refermèrent sans qu’elle pousse de cri. Une traînée de sang coula de son front jusqu’à son nez. Elle bascula en arrière, inconsciente. Le squelette s’apprêtait à l’écraser face contre terre.
Mais le démon lui fit signe de la laisser à son triste sort. Si elle vivait encore après ça, il aurait l’occasion de l’achever à la fin. Il demanda à son squelette de se concentrer sur la suite. Le démon venait d’esquisser un sourire sur son visage tyrannique. Il venait de marquer un nouveau point. La bataille commençait à s’équilibrer.
Avec une voix enjouée, il demanda au capitaine de la garde de faire avancer son prochain champion. Celle-ci ne se fit pas prier. Les chances que Theranine puisse survivre à ce combat étaient minces, mais elle devait détourner l’attention du squelette et l’en éloigner. Si faibles fussent les chances, elle devait la saisir.
Elle poussa un long cri de guerre. Un mélange entre un cri bestial des arklins et celui plus féminin des amazones. Le squelette se tourna vers le cri de guerre. Ses orbites vides semblant fixer la nouvelle arrivante. Il ne fut pas impressionné par la petite taille de son adversaire ! Arckion fit tourner sa hache de guerre entre ses deux mains et l’empoigna rageusement.
Arckion est une amazark ! Que l’on peut résumer simplement comme étant une arklins amazone. Réunissant ainsi la puissance des humains et des arklins. Elle a une peau verte marécageuse comme les arklins et une féminité beaucoup plus à son avantage que celle des arklins. Plus proche d’un corps humain, même si on ne pouvait pas l’appeler ainsi.
Arckion portait une robe jaune partant des épaules et lui arrivant à mi-cuisse. Une ceinture noire à la taille. De petites bottines noires aux pieds. Des bracelets rouges aux poignets avec des inscriptions arklins. Un masque de boue verte, plaqué contre la figure. Ne laissant voir que ses yeux noirs et menaçants. De longs cheveux noirs descendant jusque dans le bas de son dos. Elle avait à la main sa hache sanglier. Une lame classique de hache fixée à un manche en dents de sanglier.
Il résidait une caractéristique spécifique à cette espèce, dont Arckion n’y faisait pas exception. Les amazarks sont un peu plus petites que la normale ! Elle mesurait à peine un mètre trente. Elle était plus proche de la taille d’une naine que des deux espèces dont elles étaient censées tirer ses origines. Mais sa taille ne laissait pas apparaître sa ténacité.
Arckion se précipita avec ses courtes jambes sur le squelette qui restait immobile à l’observer en penchant légèrement son crâne vers le sol. Elle accéléra le rythme de ses pas pour atteindre plus rapidement le squelette. Alors que celui-ci s’apprêtait à lever une jambe pour l’écraser comme une vulgaire créature. Elle se mit en boule et roula entre les jambes du squelette.
Le squelette reposa son pied osseux contre le sol. Tout son corps résonna du choc de ses différents os. L’amazark qui se trouvait dans son dos donna un coup de sa hache contre le tibia droit du squelette. La lame s’enfonça dans l’os du squelette, mais sans le briser !
Le squelette leva la jambe droite et projeta Arckion dans les airs. Elle s’accrocha fermement au manche de sa hache qui finit par se déloger du tibia du squelette géant. Elle retomba au sol en s’écrasant sur elle-même. Elle grimaça un peu, puis se redressa de sa courte stature pour faire face au squelette. Arckion remua la tête de gauche à droite en ce demandant comment elle allait faire pour se départir de ce squelette. Elle n’avait pas imaginé que sa constitution osseuse serait aussi résistante.
Elle se relança sur le squelette. Si sa première frappe n’avait pas donné de résultat, elle n’allait pas se décourager pour autant. Elle tenta une feinte pour passer une nouvelle fois dans le dos de son adversaire. Cette fois, le squelette ne s’y laissa pas prendre.
Il l’attrapa par un bras alors qu’elle allait se faufiler une fois encore entre ses jambes ! Il la souleva au-dessus de lui. Arckion poussa un cri d’énervement, mais elle ne put rien faire pour éviter d’être soulevée dans les airs. Le squelette comme pour Theranine ne prit pas de gant et il fit retomber lourdement Arckion sur le sol. Elle ne put amortir la chute aussi bien que la première fois. Toutefois, elle tenait encore sur ses jambes.
Le squelette ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits. Il lui asséna un grand coup de pied en pleine tête. La tête bascula en arrière, les os du cou de l’amazark craquèrent. Arckion perdit conscience, son corps désarticulé fut projeté en arrière. Elle était brisée et gisait inanimée sur le sol.
Le démon fut réconforté. Son squelette venait de réduire à néant deux des guerriers du capitaine de la garde. Même si ce dernier avait encore l’avantage du score, le vent était en train de tourner en sa faveur.
Un cri terrible retentit dans le dos du squelette. Une nouvelle amazone fit irruption sur la zone de combat. De toutes les espèces d’amazone qui foulaient le sol de Sulder, c’était la plus herculéenne d’entre elles qui dévoilait l’une de ses représentantes. Une amazone noire ! Terrifiante et robuste à la fois.
Oeorline était le nom de l’amazone noire présente parmi les élèves du grand maître. Un visage fin. Un sourire maléfique entre les lèvres. Une carrure athlétique. De nombreux tatouages sur le corps. Le plus important étant une lune noire tatouée sur son ventre.
Vêtu très légèrement d’une tunique courte, laissant les genoux et les jambes à découvert. Ses jambes sont chaussées de hautes bottines molles, une espèce d’endromide. Ajustées et fermées par des courroies, elles montent sur la cheville tout en laissant les doigts de pied visibles. Une imposante brassière complètement en bronze pour seul vêtement de la partie haute de son corps.
De larges épaulières maintenant l’ensemble en place avec une imposante rangée de piques saillante pour protéger ses épaules. Elle portait un casque arrondi recouvrant l’ensemble de son crâne. Il partait juste au-dessus de ses sourcils pour se conclure à l’arrière de sa tête. Une petite ouverture avait été ajoutée pour laisser passer sa longue tignasse noire. Celle-ci lui arrivait dans le bas du dos, elle était soigneusement coiffée en queue de cheval.
La fureur d’Oeorline fut terrible et c’est le squelette qui en fit les frais. Elle planta avec rage sa bipenne dans le sol et s’avança vers lui. Désarmée ! Le squelette chercha à repousser l’amazone, mais avant même d’avoir pu porter un premier mouvement, il reçut un coup de poing dans le thorax. Oeorline enchaîna une série de coups de poing dans la cage thoracique du squelette. Celle-ci s’effrita un peu plus à chaque coup. Le squelette ne pouvait rien faire sauf reculer un peu plus à chaque frappe.
Elle acheva le travail par un coup de pied dans la colonne vertébrale du squelette qui se brisa sous le choc. Coupé en deux, il se désossa de lui-même avant que l’ensemble ne retourne sous la forme d’une poussière blanche.
Oeorline recula pour reprendre d’une main sa bipenne. Elle se retourna vers le démon et le foudroya du regard. Sombre, elle attendait le prochain adversaire de ce challenge démoniaque. Ce fut une nouvelle créature des ténèbres qui fut désignée.
Un squelette de taille plus humaine s’avança. Une épée courte et un bouclier rond accroché à son avant bras gauche. Oeorline fit tournoyer son arme dans sa main droite et la rabattit d’un mouvement ample et rapide sur le squelette. Il para le coup en opposant son bouclier à la bipenne de l’amazone.
Ce geste était pourtant celui qu’Oeorline avait prévu. De sa main gauche, elle tira un long poignard qui était accroché contre sa cuisse à l’aide d’une lanière en cuir et le planta dans le crâne du squelette. Elle grimaça de satisfaction en regardant la poussière blanche du squelette s’évaporer sous l’effet du vent tout autour d’elle. Elle replaça le poignard sous sa tunique avant de replonger un regard de défiance à l’égard du démon.
En quelques minutes, la situation venait de rebasculer. Cette amazone noire était d’un calibre beaucoup plus coriace que les précédentes amazones proposées par le capitaine de la garde. Le démon commençait à la redouter. Il scrutait intérieurement les quatre guerriers qui lui restaient pour terminer l’Aticas. Il devait se résoudre à penser qu’il devrait peut-être affronter lui-même cette amazone noire. Aucun de ses guerriers ne lui semblait en mesure de relever le défi de cette amazone. Cela était mauvais signe. Pourtant, il ne pouvait pas se résoudre à entrer lui-même dans le conflit. C’était encore trop tôt. Il devait faire confiance à ses guerriers ou du moins ne pas laisser paraître sa crainte de leur inaptitude.
Oeorline se tourna, lentement vers le mercenaire qui s’avançait vers elle. Cette fois, pas de créature décharnée avec uniquement des os. C’était bien une créature de chair et de sang. Elle planta une nouvelle fois sa bipenne dans le sol en s’avançant vers le mercenaire. Elle dégagea les deux épées courtes accrochées le long de ses cuisses avec des lanières de cuir.
Elle empoigna une épée dans chaque main. Elle les fit tourbillonner autour d’elle et s’avança vers le mercenaire. Un large sourire animé son visage, son regard était fixé droit devant elle. Son adversaire avait également tiré une épée, mais il regardait les deux lames de l’amazone avec un peu plus d’inquiétude. Oeorline avait la maîtrise de ses deux mains. Les deux lames pouvaient être aussi mortelles, l’une que l’autre.
Le mercenaire se lança vers l’amazone noire l’épée en avant. De la main gauche, elle stoppa son épée d’un mouvement souple. Elle enchaîna directement avec son autre main pour taillader le ventre du mercenaire. La lame glissa sur sa peau comme du beurre. Une large ouverture s’ouvrit faisant dégouliner sang et entrailles.
Le mercenaire commença à pousser un cri de terreur en lâchant son arme. Geste qui mit fin à son existence. La première épée de l’amazone profita d’être débarrassé de l’épée de mercenaire pour couper sa carotide. Le mercenaire fut pris de nombreuses convulsions, ses gestes étaient désarticulés. Son sang se vida de son corps et il sombra dans la nuit éternelle.
Oeorline ne lui porta même pas un dernier regard. Elle était déjà concentrée pour affronter son prochain adversaire. Un sourire en coin, elle se tourna vers le démon pour qu’il prenne ses dispositions afin de faire avancer le prochain combattant.
Le démon ne souriait plus. Il était plus sombre que jamais. Il ne pipa pas un mot, mais son prochain guerrier commençait déjà à approcher lentement. Cette fois, c’était une nouvelle créature des ténèbres.
Une goule ! Une créature décharnée, une peau sanguinolente sur les os. Des gestes lents, mais une voracité terrifiante. Oeorline haussa un sourcil, elle ne voyait pas la difficulté d’affronter cette créature. Elle était bien trop lente pour lui opposer la moindre résistance. Qu’importe, le démon pouvait bien envoyer ce qu’il voulait.
Elle refit tourner ses deux épées dans chacune de ses mains. La goule n’avait pas d’arme. Seules ses dents étaient à redouter. Une morsure d’une telle créature et cela pouvait se terminer avec un membre en moins. C’était la seule chose dont elle devait se méfier. Pour le reste, la créature était beaucoup trop lente pour la surprendre.
Elle s’en approcha. La goule se mouvait lentement dans sa direction. La créature sans peau poussa un grognement guttural. Oeorline ne lui répondit pas. Elle se contenta de faire tourner ses deux épées et d’un mouvement ample, elle coupa net les deux restes de main de la goule. La créature poussa un cri rauque qui devait être sa façon d’exprimer sa douleur.
Oeorline ne lui laissa pas un seul instant de plus pour s’apitoyer sur son sort. D’un coup d’épée, elle décapita la créature. Et d’un coup de pied dans la poitrine du monstre, elle fit basculer sa carcasse en arrière. Elle regarda le monstre couché sur le sol, craignant que de lui avoir retiré la tête ne soit pas suffisant pour lui retirer définitivement sa deuxième vie de momie. Rien ne bougea, la goule était bel et bien morte.
Oeorline tourna la tête vers le démon. Une mèche de cheveux noirs vint se glisser entre ses yeux. D’un revers de la main, elle replaça la mèche rebelle sans relâcher son attention du démon. Ce dernier venait de perdre son huitième guerrier, plus que deux et le démon viendrait livrer le dernier combat. La victoire était pour eux, il ne pouvait plus en être autrement. Elle fit rouler ses épaules en lançant un petit clin d’œil taquin au démon.
Il poussa un cri de rage. Il aurait voulu faire ravaler le sourire à cette amazone. Elle avait trop confiance en elle. Bientôt, il pourrait lui régler son compte. Elle regretterait très vite ce petit regard en coin qu’elle venait de lui lancer. Il serra les poings, mais se retint d’intervenir.
Son neuvième guerrier était un autre squelette. Il portait un casque et un bouclier. Ainsi qu’une fine épée. Cette créature enchantée était douée pour esquiver et contre attaquer. Même si ce n’était qu’un squelette, ce corps avait du appartenir à un bon escrimeur avant que la magie noire ne vienne réveiller ses os. Le démon n’avait que peu d’espoir quant à sa capacité de défaire l’amazone noire.
Oeorline se rua contre le squelette. Sa première attaque fut parée avec le bouclier et l’épée fine. Oeorline recula d’un pas et attaqua de nouveau. Le squelette était expérimenté avec une arme, mais il était lent. Il contra une fois encore les deux lames de l’amazone. Cette fois, Oeorline enchaîna une nouvelle attaque sans prendre le temps d’assurer ses appuis.
La première lame rencontra le bouclier du squelette. Mais la deuxième passa sa défense et vint s’écraser contre le casque du squelette. Il recula sous le choc. Oeorline ramena ses deux lames et en tournoyant sur elle-même, les deux mains ensemble, elle faucha le squelette. Les deux tibias volèrent en éclat.
Le squelette du lâcher son épée pour se maintenir en équilibre précaire sur les os de ses genoux. Oeorline dans la continuité de son mouvement rotatif, trancha la main libre du squelette avec une épée. La deuxième se figea entre les deux orbites vides du crâne du squelette !
Les os du squelette se transformèrent en poussière blanche qui s’évapora rapidement dans l’atmosphère. Oeorline fit passer un examen rapide à ses deux lames. Elles n’étaient pas encore émoussées. Quelques marques, dues aux différents combats, étaient visibles. Mais elles gardaient encore tout leur tranchant. Elle n’aurait rien à redouter de leur mordant pour le dixième guerrier du démon.
Le capitaine de la garde jubilait. La bataille se déroulait encore mieux qu’il ne l’avait espéré. Les élèves du grand maître étaient parfaitement entraînés. Il n’y avait rien à leur reprocher. Comme le grand maître lui avait promis, il allait pouvoir se tourner les pouces. Le cinquième démon tomberait et l’armée des ténèbres que Lichn avait envoyée contre la cité de Haches ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Le capitaine commença enfin à se détendre. Il croisa les bras sur son torse et regarda le déroulement de la fin de l’Aticas avec assurance.
Le dernier des guerriers fut un nouveau mercenaire des ténèbres. Un barbare dont la musculature avait été arrangée par la magie noire. Sa peau était recouverte de tatouage démoniaque. Une hache à double tranchant entre les mains. Il avança d’un pas lourd vers l’amazone qui ne se laissa pas impressionner.
Un tas de muscle n’était pas toujours la clef de la réussite. Oeorline préférait d’avantages compter sur ses réflexes et sa souplesse que sur des muscles. Elle bougea la tête de gauche à droite en laissant le barbare s’avancer vers elle. Elle ne prendrait pas l’initiative dans ce combat. Elle voulait constater dans un premier temps la rapidité de son adversaire. S’il avait autant de muscle, il était fort à parier que sa dextérité serait fortement réduite.
Oeorline ne s’y trompait pas. Un beuglant des insanités dans sa direction, le barbare leva sa double hache au-dessus de lui pour la rabattre sur l’amazone. Un coup que cette dernière eut tout le temps de voir et d’en deviner la trajectoire. Elle fit un mouvement de côté au dernier moment pour éviter la lame. Et d’un geste quasiment chirurgical, elle sectionna le tendon droit du barbare. Encore pris dans son élan pour abattre sa hache, il ne put changer sa trajectoire. Sa jambe droite incapable d’utiliser son muscle, il perdit l’équilibre.
Oeorline afficha un nouveau large sourire. Il ne lui restait plus qu’à achever ce tas de muscle sans cervelle. Elle laissa le barbare s’écrouler de toute sa masse emportée par l’élan de sa hache. Oeorline termina son combat avec une pirouette qui n’était pas nécessaire. Elle effectua une vrille pour atterrir les deux pieds contre le dos du barbare. Elle lui planta ses deux épées dans le cou. La mort du barbare fut instantanée. Pas un dernier râle d’agonie entendu, il acheva sa vie dans le plus grand silence.
Oeorline, elle exprima toute sa joie en poussant un grand hululement guerrier. Ses deux épées largement tendues au-dessus d’elle pour accentuer toute son émotion. Le capitaine de la garde regarda l’amazone avec une grande fierté. Grâce à elle et à ses trois précédentes comparses, il ne restait plus que le démon dans cette bataille. Un dernier combat à livrer et tout serait terminé. Le capitaine partagea la joie de l’amazone, mais elle résonna dans sa bouche comme un long soupir de soulagement.
Le démon était tendu. Il allait devoir faire des miracles pour retirer l’amazone de la partie. Sa vie en dépendait. Il commença à faire un pas en avant dans la direction d’Oeorline. Lorsque celle-ci l’arrêta d’un mouvement de la main.
Le démon plissa les yeux qui devinrent d’un rouge flamboyant. Oeorline déclina le combat, elle passait la main au suivant ! Elle en avait le droit. Le démon ne pouvait pas lui refuser ce changement. Il ne comprenait pas pourquoi, elle refusait de terminer le travail. Enfin, il pensait comprendre que son adversaire serait finalement encore plus coriace… et que même s’il s’en sortait, l’amazone reviendrait pour l’achever.
Un long rire se fit soudainement entendre. Le démon eut la désagréable impression de ressentir ce rire tout contre lui. Le démon tourna la tête dans tous les sens n’arrivant pas à discerner la créature qui pouvait engendrer un rire si puissant. Le son était proche. Le démon s’énerva, son corps entra en fusion. Des flammes jaillirent de sa peau sombre et l’enveloppèrent. De longues flammes rougeâtres qui brillaient d’une intensité similaire à la prunelle de ses yeux.
Le démon poussa un cri de défiance. Des ongles longs et pointus sortirent de la jointure de ses doigts. Il était prêt à écorcher vif, la créature qui le provoquait de la sorte. Il n’avait pas le goût à rire. Nul ne pouvait s’amuser au cours d’un Aticas. Il n’y avait rien de plus sérieux pour une créature des ténèbres.
Oeorline marcha d’un pas cadencé vers le capitaine de la garde. Elle tourna un regard amusé vers le démon qui cherchait encore du regard son adversaire. « Démon ! C’est une créature nommée Gloupto qui va avoir le privilège de t’affronter. Son rire est l’une de ses armes favorites.
— Touches à ma bosse, cela te portera bonheur ! S’exclama Gloupto en s’adressant à Oeorline. »
L’amazone gronda intérieurement. Elle fronça les sourcils et releva les épaules. « Tu n’as pas mieux à faire que de sortir des insanités, hurla Oeorline. Tues-moi ce démon, je ne réagirais pas à ta remarque désobligeante.
— Tout de suite l’esprit placé sous la ceinture, commenta en riant Gloupto. Vous ne pensez qu’à cela, les filles.
— Et toi, encore plus, ajouta Oeorline en cherchant à contrôler sa rage intérieure.
— Juste ce qu’il faut, termina Gloupto. »
Une masse de terre se souleva juste devant le démon et commença à prendre forme humaine sous ses yeux flamboyants de colère. Le démon comprit enfin à quel genre de créature il allait être confronté. Il n’avait pas à faire à de la magie comme il l’avait redouté l’instant d’avant. C’était bien une créature vivante et visible qu’il combattrait !
Une créature de magie et de boue !
Une entité terreuse ! Une âme enfermée dans une masse de boue. C’est pour cette raison qu’il n’avait pas pu la détecter avec un simple coup d’œil. La créature avait dû se mouvoir à la surface du sol pour s’approcher de lui lentement. Son rire perturbateur avait terminé de mettre à mal ses sens et de le rendre totalement invisible à la vue du démon.
Le démon hurla de rage. Il se rua sur l’entité d’un bon. Son corps s’enflamma de plus belle. Il donna un coup de poing latéral sur l’entité. Ses longues griffes déchirèrent le corps de glaise de la créature. L’entité fut coupée en deux. Les deux masses de boue retombèrent sur le sol.
Les flammes qui léchaient le corps du démon commencèrent à s’éteindre d’elles-mêmes. Le rire retentit de plus belle. L’entité se reconstitua juste devant lui en un seul morceau. Sa première attaque n’avait eu aucun effet sur cet élémentaire.
Le démon commença à douter de lui-même. Il avait la force et la rapidité nécessaires pour détruire les plus redoutables des créatures de cette planète. Or là, il devait combattre un élémentaire de terre. Une créature magique dont il allait avoir le plus grand mal à renvoyer à l’état de poussière.
Les flammes qui entouraient le démon s’éteignirent. Seuls ses yeux étaient encore flamboyants. Le démon observait l’entité de terre qui lui faisait face. Il cherchait un moyen de l’anéantir. Ce n’était ni sa taille, ni sa force qui pourrait en venir à bout. Ses griffes et ses crocs ne feraient qu’arracher des morceaux de boue que l’entité aurait très vite fait de reconstituer. Lichn ne lui avait accordé que quelques lanceurs de sort pour cette bataille et ils s’étaient fait balayer lors de la bataille. Si le nécromant n’était pas aussi imbu de sa personne, il aurait pu avoir un soutien magique.
Là il était contraint à ne faire confiance qu’à lui-même.
Le sol se remit à trembler sous ses pieds. Le démon baissa la tête pour observer le phénomène. Un moment d’inattention tout de suite exploité par Gloupto. Une main de terre traversa sa poitrine. L’entité avait allongé sa main de manière démesurée. Le démon se projeta en arrière. Le mal était déjà fait. De sa poitrine coulait un sang rougeâtre et pâteux. Le démon sentait ses forces s’échapper de la plaie.
Il s’énerva de nouveau. Fonça tête baissée dans l’entité de terre. Lui asséna des coups de poings, de griffes et referma sa bouche dans ce qui formait son bras. La créature en fut déformée, morcelée, déchiquetée.
Mais dès que le démon prit un instant pour se calmer, l’entité reprit sa forme initiale comme si rien ne venait de se passer. Gloupto explosa d’un rire puissant qui acheva la volonté du démon.
Ses épaules s’affaissèrent. Le démon ne voyait plus de solution. Gloupto planta ses deux mains dans la poitrine du démon. De nouveaux flots de sang en jaillirent. Le démon vacilla. Il lutta quelques secondes pour maintenir son équilibre. Puis il fut pris de spasme violent. Son corps s’enflamma de manière sporadique. Ses yeux prirent une teinte rouge, puis dépérirent lentement pour devenir noirs comme la peau du démon. À ce moment-là sa tête bascula en avant entraînant tout son corps.
Il s’écrasa de toute sa stature sur le sol. Le cinquième démon n’était plus. Les élèves du grand maître l’avaient vaincu. Un monticule de terre se forma sous le corps sans vie du démon. Au milieu du monticule surgit une gigantesque bouche de plus de deux mètres de diamètres. Ronde, sans aucune dent. Juste une bouche immense. La bouche se referma sur le corps du démon. Un bruit horrible de dégluti résonna derrière l’immense bouche fermée. Le corps du démon venait d’être plongé plus loin dans le corps du lombric géant. Il sortit sa tête et sembla regarder autour de lui-même si aucun œil n’était apparent sur la tête du lombric.
« Et en plus, il n’y a que des salopes, ici, vomi de sa bouche baveuse le lombric. »
L’entité terreuse se déplaça pour se retrouver face à la tête du lombric. « Sulmur ! Dit d’une voix boueuse et puissante Guigui. Sale créature sans cervelle ! Retourne dans les profondeurs de la planète. Nom d’un chien, apprends surtout à parler autrement aux femmes. Je sais que tu as eu beaucoup de problèmes lorsque tu étais un petit lombric. Mais ce n’est pas une raison pour porter un jugement hâtif sur toutes les choses qui t’entourent. Elles ont leur charme nos amazones !
— Baisable, certainement ! Mastiqua le lombric. Mais elles ne m’intéressent pas. Je n’aime pas les salopes… »
Avant que Gloupto ne puisse ajouter la moindre phrase. Le lombric replongea sous terre, ne laissant comme souvenir de son passage qu’un gros monticule de terrain dépassant de plus d’un mètre au-dessus du sol.
« Laisse le Guigui, déclara Oeorline avec le plus grand calme. Il n’est pas méchant dans le fond. Nous avons encore beaucoup à faire. Nous avons gagné une bataille, toutefois on dénombre des blessés sérieux de notre bord. Consacrons nos forces à les ramener au plus vite dans la cité avant qu’il ne soit trop tard.
— Comptez sur moi pour vous aider, déclara d’une voix puissante le capitaine de la garde. La cité vous ait redevable pour l’exploit que vous avez réalisé aujourd’hui. Je me porte garant que personne n’oublie votre geste et que chacun d’entre vous en soit remercier à sa juste valeur.
— Merci capitaine Caradryan, minauda Oeorline avec un petit sourire enjôleur. Pour l’instant, nous aimerions profiter de vos bras vigoureux pour nous aider à transporter nos amis blessés. »
Le capitaine fut légèrement décontenancé devant l’attitude provocatrice de l’amazone. Mais il fit fi de ses émotions pour s’approcher de l’entité terreuse et l’aider à transporter l’une des blessées. Il chassa de sa mémoire la silhouette perturbante de l’amazone.
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