Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 26 : L'élève disparu

Balco passa la porte principale du palais en courant. La lumière du jour le força à plisser les yeux un instant, mais il ne ralentit pas. Il suivait toujours Hilld comme s’il était son ombre. Il faillit trébucher pour ne pas avoir remarqué la première marche de l’escalier menant jusqu’à la porte. Il se reprit de justesse et évita ainsi de dégringoler en bas des marches.
Il avait encore l’épée de la roche entre les mains. Il n’avait pas pris le temps de la remettre dans son fourreau. La puissance que lui conférait l’épée semblait moins imposante, à moins que ce ne fût lui qui commença à maîtriser intérieurement le contact avec l’épée magique. Quelles que soient les blessures de chacun, nul ne s’arrêta dans le quartier actif de la cité d’Englub. Ils continuèrent pendant plusieurs minutes à courir entre les ruines de l’ancienne cité, avant de décider de s’arrêter dans l’une des maisons qui avaient encore un semblant de toit en pierre noircie par les flammes. Le toit était recouvert en grande partie par une mousse verdâtre.
Balco laissa tomber son épée au sol et posa ses deux mains sur ses genoux pour retrouver sa respiration. Il leva un regard hagard en direction de Hilld qui ne semblait pas du tout émoustillé par cette folle course au travers des ruines.
« Aussi incroyable que cela puisse paraître, clama Hilld d’un calme contre nature. Nous avons réussi à défaire l’empereur de son trône ! Une nouvelle ère est en train de naître de ce premier acte. Nous avons encore fort à faire, car ce n’est qu’une étincelle au milieu d’une étoile que l’on souhaite faire briller ! »
Hilld laissa ses compagnons reprendre leur souffle et commença à regarder leurs blessures. Ils étaient suffisamment éloignés du palais d’après ce que Hilld put leur affirmer. Ce recoin perdu devrait leur laisser quelques minutes pour reprendre leur esprit et organiser leur fuite. Sans l’empereur, les décisions seraient plus longues à prendre. Tout du moins, jusqu’à que l’un des chevaliers, de la main de l’empereur, ne revienne assurer l’intendance et remettre de l’ordre. Malgré tout, ils ne pouvaient pas se permettre de s’attarder trop longuement dans la cité. Même sans chef, des groupes de gardes partiraient certainement à leur trousse rien que pour le plaisir de la vengeance.
Fatigués, meurtris et sur un terrain qu’ils ne connaissaient que trop peu, ils étaient des proies faciles à traquer. Ils devaient absolument regagner les passages souterrains qui leur avaient permis de passer sous la montagne. À partir de là, les troupes de l’Empire ne pourraient plus les suivre aussi facilement.
Tout danger ne serait pourtant pas écarté. Le voyage pour revenir jusqu’à la cité de Haches promettait d’être encore rempli de péripéties. Pour le moment, Balco ne souhaitait plus penser à l’Empire, ni à son sauveur, ni même aux araignées qui pourraient se dresser sur le chemin du retour.
Il profita du calme relatif pour ne plus penser.
Il rangea son épée dans son fourreau. Il avait trouvé une grande pierre plate dans les ruines de la demeure et elle lui servait de siège. La tête entre les mains, les yeux fermés. Il savourait ce court repos. Un instant de bonheur dans son esprit, il n’avait plus ressenti cela depuis quelques semaines. Depuis que Lichn avait croisé sa route. Sa vie était perpétuellement en mouvement subséquemment à cette rencontre maudite !
L’empereur était mort comme le souhaitait le grand maître. La hantise de tuer un homme dont il n’avait rien à reprocher avait eu une conclusion heureuse pour lui. Il n’était pas responsable. L’histoire retiendrait certainement son nom, mais il n’y était pour rien dans cet acte. Sa conscience était tranquille.
Le moment d’apaisement s’effaça petit à petit. Une nouvelle crainte commença à germer dans son esprit. « Que pouvait bien lui réserver l’avenir ? Qui était l’individu qui avait tué l’empereur ? Surtout que celui-ci semblait être connu par ses compagnons d’aventures. » Les questions fusèrent dans son esprit et aucune réponse ne venait le rassurer. Jamais il n’avait connu une telle angoisse lorsqu’il n’était qu’un gardien de cochon.
C’est Nathax qui brisa le silence. Le nain était encore en pleine forme. Il avait bien récolté quelques égratignures sans conséquence, c’est surtout un large sourire entre les moustaches tressées que Balco constatait sur son visage. Balco n’avait aucun doute que le nain avait particulièrement apprécié le déroulement de cette journée.
« Comment ça s’est passé là haut, questionna le nain avec une voix joviale ? En bas, ce fut une belle bataille avec ce magicien. J’ai même failli penser un court moment qu’il était doté de quelques pouvoirs. »
Hilld n’esquissa pas le moindre sourire à la plaisanterie du nain et il le regarda sévèrement. « Ce fut une catastrophe en haut ! Lâcha Hilld.
— L’empereur est mort ? Non ? Questionna Nathax avec surprise et ironie.
— Si c’était cela, ça irait, continua Hilld d’un ton glacial. L’empereur est bien mort, mais ce n’est pas moi, ni Balco qui l’avons mis à terre… C’est Géhun ! »
Un silence de mort se fit en réponse à la remarque de Hilld. « Gé…Gé…Hun ! Se répéta mentalement Balco. ». Nathax en perdu son sourire. « C’est la raison de notre fuite rapide du palais ? Questionna Alendomïën.
— Et comment ? Argumenta Hilld. Incessamment des détachements de soldat vont être envoyés pour fouiller une partie des ruines. Ensuite, si ce n’est pas déjà le cas, les grandes routes menant à Englub seront désormais avec une garde renforcée pour nous retrouver. Vivant ou mort, je ne crois pas que cela puisse faire une grande différence pour eux à cette heure. Mais ce n’est rien face à la menace que peut représenter Géhun.
— Est-ce vraiment une bonne idée de nous arrêter ? Ajouta Alendomïën. Nous devrions déjà nous remettre en route. Si nous pouvions mettre une distance importante entre nous et lui, je n’en serais que plus rassuré.
— Et tu n’es pas la seule, indiqua Mardeën en se redressant de sa position assise en oubliant ses blessures. »
Balco regarda le groupe se redresser, animé par la peur, chacun en oubliait ses blessures. Balco fronça les sourcils. La créature qu’ils redoutaient lui avait pourtant sauvé la vie. Il ne comprenait pas les craintes de ses compagnons. « Pourquoi est-ce que vous avez peur de lui ? Commenta Balco. »
Le nombre de regards noirs qui furent dirigés dans sa direction lui fit comprendre qu’il ne devait pas s’attendre à obtenir sa réponse immédiatement. Il se redressa de sa pierre plate sans ajouter un mot et en baissant légèrement les yeux vers le sol pour éviter les regards qui l’épiaient encore. Comme souvent c’est Hilld qui reprit la tête du groupe et qui les dirigea entre les ruines de la capitale.
Balco était totalement perdu dans cet amas de pierres usé par les intempéries. Tout se ressemblait tellement. Il distinguait à peine le tracé des anciennes ruelles de la cité. Il attacha son regard sur un bâtiment délabré.
Les murs blancs fissurés de toutes parts. Les pierres posées les unes sur les autres. Le mortier n’était presque plus présent. Les étages supérieurs s’étaient affaissés sur les plus bas. La toiture reposait au sol. D’énormes poutres de bois vermoulus se chevauchaient. Une mousse abondante avait pris vie ainsi que plusieurs animaux et quelques araignées. Ces dernières avaient également élu domicile dans l’encablure des anciennes fenêtres.
Des toiles blanches et fines, une géométrie parfaite que seules les intempéries pouvaient mettre en péril. Les yeux de Balco parcouraient chaque détail de la bâtisse à la recherche de celui qui pourrait lui indiquer quel pouvait être l’utilité de ce lieu. L’enseigne qui traînait au sol devant ce qui semblait être l’ancienne porte ne lui fournit pas plus d’indications. L’enseigne ronde était recouverte d’une mousse brunâtre qui avait recouvert tout le contenu.
Balco ne put continuer son investigation, Hilld ne ralentissait pas l’allure, bien au contraire. Tout le groupe donnant raison à Hilld en le suivant de très près. Balco était fatigué par cette journée éprouvante, même s’il pouvait être soulagé de ne pas avoir subi de blessure. C’était une amélioration dans son apprentissage de la vie de héros !
Il avait toujours beaucoup à apprendre pour accoter ses compagnons de route. Il y avait tout de même un peu de fierté en lui, il n’avait pas été le boulet qu’il pensait être. On pouvait commencer à le laisser dans un combat sans surveillance. Balco garda un léger sourire sur les lèvres en continuant de progresser entre les ruines.
Balco n’eut pas la notion du temps, mais ils avaient marché pendant trop longtemps. Balco estima à deux heures cette durée de marche forcée, mais cela pouvait être plus. Les ruines étaient désormais derrière eux. Ils s’étaient enfoncés dans une forêt de sapins.
La première clairière fut idéale pour la pause. Balco tomba à genoux et souffla fortement pendant plusieurs longues minutes pour reprendre son souffle. Pas un bruit. Seuls quelques piaillements d’oiseaux et des petits pas d’écureuils se déplaçant dans les branches de sapins se faisaient entendre. Pas un seul membre du groupe ne parlait !
Hilld se tenait au cœur de la petite clairière de quelques mètres carrés. Droit comme un piquet, il scrutait lentement tout l’environnement. Il cherchait une présence, mais ne sembla pas y parvenir.
Balco ne comprenait toujours pas la réaction de ses compagnons au sujet de la créature qui lui avait sauvé la vie et la conscience. Balco partagea le silence ambiant ne voulant pas être un perturbateur une fois encore avec des questions qui pouvaient sembler bien stupides. Il ignorait tant de choses et tous ses compagnons en savaient tant.
Il avait bien entendu des histoires, mais il découvrait petit à petit que chacune d’entre elles était véridique. Chaque espèce des légendes prenait vie à chaque rencontre qu’il faisait. La magie, une notion qui n’appartenait qu’à son imaginaire, il y a quelques semaines, c’était désormais une bien étrange réalité.
Il ne comprenait pas le fonctionnement de la magie, mais il avait vu de ses propres yeux bien assez d’événements sans explication rationnelle pour ne pas y croire. Le fantastique et le folklore qui avaient bercé son enfance se révélaient être une réalité de ce monde. Il devait maintenant apprendre à connaître ce monde magique qui l’avait accueilli par la grande porte.
Il ne pouvait plus reculer, plus refuser, son avenir était tracé par les choix du grand maître. Tout de même, il l’avait placé sur des rails d’un avenir incroyable. Il restait maintenant à faire les bons choix, pour que ce destin fantastique perdure le plus longtemps possible.
Balco s’était allongé sur le sol. Les épines de sapins recouvrant un sol terreux et sec. Balco trop fatigué pour trouver le sol inconfortable regarda alternativement chacun de ses compagnons de route avec le secret espoir que l’un d’entre eux accepte enfin de briser le silence. De nombreuses questions lui brûlaient les lèvres, mais il ne souhaitait pas engager la conversation sans y avoir été préalablement invité. Il prit son mal en patience et il fut récompensé. !
C’est Hilld qui engagea la discussion. Il venait de relâcher son attention. Son visage parfaitement impossible à déchiffrer. Pas le moindre signe de fatigue sur son visage. « Je ne vois rien de particulier, dit Hilld calmement. Aucun mouvement particulier détecté au cours de notre marche. On s’accorde quelques minutes de pause, puis on avancera jusqu’au passage des nains. Nous passerons la nuit dans le passage, il sera plus simple de veiller sur cet emplacement. Pas de relâchement, vous savez comme moi à qui nous avons à faire. Alors, ne pêchons pas par abus de confiance, cela pourrait nous coûter très cher.
— Moi j’ignore de quoi il retourne, signala Balco. » Il avala sa salive avant de prendre le courage de répliquer. « Arrêtez vos gros yeux, déclama Balco. J’ai conscience d’être un ignorant, mais j’aimerais bien comprendre et ne pas rester bête lorsque vous discutez. Je sais que le grand maître vous impose ma présence. Je n’aspire qu’à vous aider et à partager votre vie. Je ne peux pas deviner votre passé commun si vous ne m’y invitez pas à le partager ! »
Balco souffla un grand coup. Son cœur battait la chamade. Il se demandait encore comment il avait trouvé le courage de se plaindre de la sorte. Des sourires accompagnèrent quelques messes basses.
« Excuse-nous, intervient Alendomïën. On ne souhaite pas te mettre à l’écart. Notre volonté est de te protéger. Nous employons certainement une mauvaise méthode pour y parvenir. C’est la première fois que nous intégrons un individu qui ne baigne pas dans notre univers. Nous avons à apprendre de cette nouveauté tout comme tu as à apprendre de nous. Je ne prendrais pas le temps tout de suite d’éclairer ta méconnaissance du sujet. Mais je te promets de le faire dès que nous nous retrouverons dans l’ancien tunnel des nains. »
Balco lui adressa un sourire de remerciement. Les autres approuvèrent la décision avec des mouvements de tête. Ils se redressèrent tout aussitôt pour reprendre leur marche. Balco grimaça en se redressant, ses pieds le faisaient terriblement souffrir. Il se demanda s’il avait eu raison de parler. Il avait peut-être pu profiter de quelques minutes supplémentaires de repos sans son intervention.
Il rumina cette idée tout au long de l’heure suivante. Il suivit le groupe sans se plaindre, même si ses jambes étaient à chaque pas un peu plus douloureuses. Balco avait les yeux rivés sur le sol. Son regard fixé sur les bottes de la personne juste devant lui. Tout le reste était flou dans son esprit. Il marchait, marchait et plus une seule pensée ne venait occuper son esprit. Il était bien trop épuisé pour avoir même la force de réfléchir.
Il ne retrouva l’usage de sa pensée que lorsque la marche s’arrêta de nouveau. Il tomba à genoux et cette fois il semblait bien qu’il n’aurait même plus la force de se relever. Il se laissa choir sur le sol et chercha à reprendre son souffle. Ses compagnons le laissèrent à même le sol durant quelques minutes, le temps que Nathax se penche sur les symboles nains et trouve le moyen d’ouvrir le passage dans ce sens.
Ce ne fut pas très long. Nathax prit juste le temps de traduire chaque symbole, une fois réalisée l’ouverture fut facile à trouver. Dès que le passage fut ouvert, le groupe s’engouffra rapidement à l’intérieur. Hilld ferma la marche et il aida Balco à faire les derniers mètres en le soutenant. Les quelques minutes qui suivirent semblèrent durer des heures pour Balco.
Hilld le porta littéralement à bout de bras. Balco n’avait plus la force de se tenir sur ses jambes. Il entra dans le passage et lorsque Hilld fut lui aussi à l’intérieur, la porte naine se referma derrière eux. Il faisait complètement noir dans le boyau, mais Hilld guida Balco comme si de rien n’était. Le manque d’énergie total de Balco l’empêcha de poser la moindre question.
Ils avancèrent pendant une vingtaine de mètres avant de s’arrêter pour de bon dans la première grotte souterraine. Elle était d’une taille suffisante pour accueillir tout le monde. Un feu magique s’alluma au centre de la grotte. Balco ne savait pas lequel de ses compagnons venait de faire cela et ça ne l’importait pas vraiment. Il se laissa choir sur le sol lorsque Hilld arrêta de le guider.
Le groupe s’installa dans la grotte et nul ne fit de remarque que Balco ne venait pas aider. Il s’était endormi contre la pierre froide et humide la fatigue ayant eu raison de lui.
Lorsque Balco se réveilla, une bonne partie du groupe dormait également. Sauf Hilld, l’héritier de la nuit n’en fut pas surpris.
Il n’était pas seul cette fois-ci. Il était accompagné par Alendomïën et Rosental. Pour la première fois, la garde du camp ne dépendait pas uniquement de Hilld. Apercevant le réveil de Balco, Alendomïën vint le retrouver en lui apportant un bol de soupe de légume encore fumant. Balco la remercia avec un sourire.
Il se redressa et grimaça de plus belle. Tous ses muscles étaient meurtris par l’accumulation des efforts. « Tu demanderas à Mardeën ou Deënie de soulager tes muscles avant que nous repartions, dit d’une voix mélodieuse Alendomïën. D’ici quelques mois, tu auras accumulé suffisamment d’entraînement pour que les marches de plusieurs jours deviennent juste une routine.
— Je suis déjà impatient d’y être, commenta Balco. Actuellement, c’est loin d’être du plaisir. »
Alendomïën se mit à rire doucement. « On a tous connu cela, ajouta Alendomïën toujours riante. Même avec de l’expérience et de l’entraînement, à chaque fois que l’on souhaite progresser il faut passer par cette étape de souffrance. Le résultat vaut pourtant cette somme de sacrifice ! Je te laisse manger cette soupe, tu as besoin d’un peu d’énergie pour continuer la route. Si tu en as encore l’envie, nous aurons une discussion ensuite. »
Alendomïën s’éloigna pour rejoindre Hilld et Rosental. Balco s’installa en tailleur pour dévorer son bol de soupe. La grotte était dans la pénombre. Il y avait juste des flammes magiques qui éclairaient le lieu. Pas de fumée, rien qui n’alimentait les flammes.
Balco ne se posait pas de question sur le sujet. Il mangea sa soupe en regardant les ombres des flammes dansantes contre les parois de la grotte. Un tunnel, de petite taille, se trouvait derrière lui et un autre plus large et haut lui faisait face. Son regard ne pouvait pas aller très loin dans chaque passage. Il avait l’impression d’être au cœur d’un brouillard. Son champ de vision était obstrué et les rares choses qu’il pouvait détecter étaient éclairées par une lumière magique.
Quelle crédibilité pouvait-il accorder à ce que lui montrait ses yeux !
Il termina sa soupe et reposa le bol sur le sol. À peine avait-il éloigné sa main du bol que celui-ci disparut sans laisser aucune trace. Il ouvrit de grands yeux surpris. Il tourna la tête vers Alendomïën qui lui fit un petit sourire en coin.
Balco aspira profondément avant de se redresser sur ses jambes. Il s’approcha péniblement du petit groupe dont il voyait les visages déformés par la présence de lumière et d’ombre.
« Celui que je prends pour mon sauveur ne semble pas être dans vos cœurs, chuchota Balco pour ne pas réveiller le reste du groupe.
— Tu as parfaitement saisi la situation, répondit Alendomïën en chuchotant elle aussi. Même si ce n’est pas totalement vrai. On… Je doute pour tout dire.
— Vous le connaissez ? Questionna Balco.
— On le connait parfaitement, enchaîna Rosental. Ce fut durant des années un ami, il était comme nous tous un apprenti du grand maître. Et même si cela me fait mal de le dire, l’un des meilleurs d’entre nous. Si on le connait, lui aussi nous connait par cœur.
— C’est pour cela que nous avons cherché à nous éloigner, commenta Hilld. Je suis comme Alendomïën, je ne sais pas où se trouve la vérité. Alors pour éviter le moindre risque, car il peut représenter une menace très sérieuse pour nous tous. Mais je ne peux pas certifier qu’il est réellement une menace.
— Quel fut le problème ? Demanda Balco.
— Le problème ! Expliqua Rosental consciencieusement. C’est qu’une case a dû disjoncter dans sa cervelle. Il a basculé dans les ténèbres au cours d’un voyage et nous n’avons pu que constater les dégâts.
— Entendre parler de ses mauvaises actions, corrigea Alendomïën. Il y a une possibilité que ce ne soit pas lui le responsable. Nous ne savons définitivement que peu de chose, mais tout le monde s’est fait un avis sur le sujet.
— Avant d’arriver aux conclusions de chacun, répéta calmement Balco. Si on peut commencer par le début, que je puisse me faire une idée aussi.
— Géhun est arrivé en même temps que nous dans la maison du grand maître, débuta Alendomïën. Il ne connaissait pas plus son passé que chacun d’entre nous. Il a suivi la même formation que nous et c’est un élève du grand maitre. Même si certains l’ont banni, le grand maître ne l’a exclu du groupe.
— Ce sera la première chose que l’on fera s’il remet le bout de son nez à Haches, gromela Rosental.
— Il est un membre à part entière de notre groupe, continua Alendomïën sans tenir compte de l’intervention de Rosental. Il rivalisait avec moi, Nathax, Iändamine, MuTyrNoze et Hilld pour devenir le responsable principal de notre groupe. S’il avait terminé la formation, c’est bien possible que cela aurait été le cas. Il aurait pu être chargé de notre mission d’aujourd’hui. Il aime la saine compétition, peu importe ses chances, il se lance pour être meilleur que les autres. Toutefois, il ne s’en serait jamais vanté. C’est même possible qu’il aurait refusé de devenir notre responsable pour ne pas être trop sur le devant de la scène.
— C’est fort possible, affirma Hilld. Même s’il revenait aujourd’hui avec une bonne explication. MuTyrNoze ne le laissera jamais prendre les commandes.
— C’est certain, constata Alendomïën. En toute logique c’est elle qui devrait avoir ce rôle à la fin de notre formation. Ce n’est pas pour rien que le grand maître l’a envoyé en mission avec la moitié du groupe. Ce sont les prémices de ce qui nous attends.
— Passons la période où tout se déroulait pour le mieux. L’histoire prend tout son sens un peu après, alors que nous approchions de la fin de notre formation avec le grand maître. Pour valider ce passage, nous avions chacun une épreuve solitaire à passer. Suivant les capacités de chacun, l’épreuve fut différente. Si tout au long de notre formation nous étions toujours en petit groupe, cette épreuve devait se réaliser seule. Je ne sais même pas si tout le monde a réussi son épreuve en réalité. Il n’y a que le grand maître qui est au courant de tout cela. Vu la tournure des événements, le grand maître nous a conté l’épreuve qu’à subit Géhun. Certainement l’une des plus difficiles du groupe, même si je n’ai aucun moyen de le confirmer avec des preuves.
— Oui enfin, c’est tout de même le grand maître qui nous a confirmé que c’était la plus difficile de nos épreuves, coupa Alendomïën. Je pense qu’il ne se trompe pas trop lorsqu’il nous annonce ça.
— Admettons, dit Rosental avec une mou peu convaincu. Sa mission était de se rendre dans le très ancien château des mirages, une des propriétés du défunt sorcier de l’azur. Présenté de cette manière, cela ça peut apparaître comme simple. Après tout, il s’agit juste de visiter un château en ruines appartenant à un sorcier qui n’est plus de ce monde. Toutefois, le château des mirages baigne toujours dans la magie de son ancien propriétaire et de nombreuses créatures invoquées par la magie du sorcier grouillent encore dans ce lieu. Le danger est bien réel. On ne peut pas arriver sans aucune préparation dans un tel endroit. Des dires du grand maître, il devait pénétrer dans le château et mettre la main sur un artefact magique : une baguette de flammes.
— Une baguette de magie qui permet à son porteur de bénéficier de capacité magique supérieure en décuplant sa propre magie, expliqua Alendomïën. Le genre d’objet que je souhaiterais posséder. Cela pourrait certainement m’aider à intégrer enfin la tour de magie de Haches.
— Le grand maître ne nous l’a jamais avoué, commenta Hilld. Mais je suis certain qu’il avait envoyé Géhun chercher cette baguette dans le but de te la remettre. Et Géhun est le seul d’entre nous qui aurait accepté de prendre des risques pour cette cause.
— Je laisse la partie technique de l’artefact à Alendomïën, ajouta Rosental avec un sourire. Elle est plus compétente que moi dans ce domaine. De ma vision des choses, la baguette de flammes est un truc magique qui a certainement une grande valeur marchande. Mais qui ne sert strictement à rien pour le commun des mortels. »
Balco esquissa un sourire. Il partageait une vision similaire de la magie que le guerrier. Même si chacun des deux pouvait difficilement faire abstraction de la présence de la magie. L’épée de la roche était une arme magique elle aussi. Et l’armure bleutée que portait le guerrier l’était tout autant, même si elle était en ce moment ternie par de nombreuses taches de sang.
« Dès que sa mission fut énoncée, il ne tergiversa pas un instant et il quitta le groupe pour s’en acquitter, continua Hilld.
— Je ne serais pas le dire exactement, mais il s’écoula bien une soixantaine de jours avant que l’on commence à s’inquiéter de ne pas le voir revenir, enchaina Rosental. Même le grand maître semblait soucieux de ne pas avoir de nouvelles.
— Il se passa encore une dizaine de jours avant que des ragots ne remontent jusqu’à Haches, dit d’un ton plus grave Hilld.
— Un personnage qui ressemble à Géhun semblait sévir dans le Sud de Saol, dit avec une petite voix Alendomïën. Dans un coin très éloigné du château des mirages. MuTyrNoze et quelques-uns de nos compagnons sont partis enquêter sur le sujet.
— Même si MuTyrNoze n’a jamais pu trouver le personnage en question, ajouta Rosental. Elle le traqua. Elle suivit surtout une piste sanglante. La créature qu’elle suivait n’hésitait pas à piller et détruire tout ce qu’il croisait. Les descriptions qu’elle a pu recueillir, ne lui laissèrent que peu de doute que c’était Géhun. On a tous pensé pendant un moment que cela devait être un sosie. Mais comment tricher sur une identité comme celle de Géhun? Même la magie n’aurait pas pu réaliser un tel prodige.
— Celui que nous connaissions sous le nom de Géhun, indiqua Manu. Il n’aurait jamais quitté le château des mirages les mains vides. Rien n’aurait pu le détourner de la mission que le grand maître lui avait confiée. Aussi loin que je me souviens, je ne l’ai jamais vu abandonner, même lorsque la situation était perdue ! Le connaissant, il aurait préféré y passer des années plutôt que de se présenter devant le grand maître sans y parvenir. Alors qu’il soit loin de sa mission ne faisait aucun sens.
— A l’évidence c’est qu’il lui soit arrivé quelque chose dans ce château des mirages qui l’a changé, transformé… réadapté, déchanta Alendomïën. Cette nouvelle personnalité est plus agressive, moins proche de nous et surtout qui n’avait plus aucune aspiration à nous venir en aide. Jusqu’à son intervention devant l’empereur, il n’a plus jamais communiqué avec nous. Je sais que MuTyrNoze continuait de le suivre de loin pour avoir toujours dans un coin de la tête de quel côté de la planète il était susceptible de se trouver.
— Et s’il était redevenu normal ? Questionna Balco.
— Possible, mais comment en être certain, indiqua Hilld. Nous le redoutons à sa juste valeur, c’est un allié précieux, mais il est aussi un ennemi redoutable. Envisager de le prendre à la légère serait une très mauvaise idée de notre part. Je souhaite personnellement qu’il reprenne une autre direction que la nôtre. Mais je doute fort que ce sera le cas. Il n’est pas venu recroiser notre chemin par hasard. En tout cas, il ne peut pas y avoir venant de lui. Il y a obligatoirement une raison à cette rencontre.
— Nos fêtes doivent lui manquer, dit Rosental avec un ricanement.
— Les fêtes ! Soupira Alendomïën. Certainement le domaine de compétence où la majorité du groupe excelle. Il ne doit pas y avoir un groupe plus fêtard que le notre.
— Au moins, on ne fait pas les choses à moitié, nous sommes les meilleurs ! Déclara sèchement Rosental.
— J’ose espérer que l’histoire ne retiendra pas que cela de notre passage sur Sulder, soupira Alendomïën.
— Nous reviendrons sur ce sujet fort passionnant une prochaine fois, souligna calmement Hilld.
— Oui, restons sur notre discussion principale, indiqua Rosental. Nous pourrions déblatérer sur le sujet de la nécessité de décompresser via des soirées arrosées durant des heures sans faire évoluer d’un iota la façon de pensée de chacune des parties.
— La question est surtout qu’est ce que l’on fait maintenant, dit Alendomïën. Géhun est en vie, on vient d’avoir une confirmation visuelle. Et il est particulièrement proche de notre position. Est-ce qu’il vient en ami ou en ennemi ?
— Ce que l’on fait, c’est simple, on doit ramener Balco entre les murs de Haches, déclara Hilld froidement. Cela ne va pas être une partie de plaisir, il va falloir éviter des araignées, un ulder, une armée de l’Empire et peut-être Géhun.
— Il ne manquerait plus que cette crapule de Lichn et ce serait le pompom ! Ajouta Rosental.
— On va éviter de provoquer le malheur, soupira Alendomïën. On reste concentré sur Géhun. Si on doit le considérer comme un ennemi. On ne se le cachera pas, Hilld, tu es certain le seul qui va pouvoir rivaliser. Mais tu es aussi celui qui peut protéger l’héritier le plus efficacement.
— Tu as raison, soupira Hilld. Je ne pourrais pas faire les deux en même temps. Si Géhun décide de nous poursuivre et de nous nuire, la meilleur solution va être que je quitte le groupe pour le provoquer et l’éloigner de notre chemin. Si cela se présente, c’est toi Alendomïën qui va devoir protéger l’héritier. Les autres vont ouvrir le chemin, mais tu devras faire tout ce qui est possible pour que Balco repasse les murs de Haches.
— La méfiance est de mise, commenta Rosental. »
Pour la première fois depuis qu’il le connaissait, Balco eut l’impression que Hilld avait émis un léger doute dans sa voix. Cela ne rassura pas tellement l’héritier de la nuit, il avait des doutes, car après tout ce soi-disant cruel individu lui avait sauvé la vie.
« Le bon côté de l’histoire, c’est que la taverne nous attends, ajouta Rosental. Cela doit nous motiver à retourner en vie jusqu’à Haches.
— La taverne ! Soupira Alendomïën. On est dans une situation désastreuse et toi tu ne penses qu’à notre taverne. Je me pose la question à chaque jour, si je dois conserver ma part de la taverne.
— C’est le signe de notre appartenance à ce groupe, dit sérieusement Rosental. Elle nous appartient tous un peu, c’est notre symbole.
— Géhun possède encore sa part d’ailleurs, fit remarquer Alendomïën.
— On discutera de cette histoire une prochaine fois, indiqua Hilld.
— Entendu, souligna Alendomïën. Je me disais juste que nous n’avions toujours rien décidé des parts du Géhun, il pourrait être intéressant de les déléguer à Balco maintenant qu’il fait partie de notre groupe. Il est l’héritier de la nuit, ce n’est pas rien !
— C’est une idée, commenta Hilld en réfléchissant. Il faudra en discuter avec tout le monde.
— Pour le moment, il m’a sauvé, enchaîna Balco. Je n’aimerais pas que vous le transformiez en ennemi en m’accordant quelque chose qui lui appartient de droit.
— La remarque est judicieuse, souligna Rosental. Il n’a aucune raison d’en vouloir à Balco pour le moment, n’allons pas créer plus de problèmes que nécessaire pour notre héritier en apprentissage. »
Lif vint se joindre au groupe silencieusement. Balco tourna sa tête pour regarder la grotte pour constater que le petit groupe commençait à se réveiller. La discussion s’arrêta à cet instant. Chacun se dirigea vers son sac à dos pour le préparer. Balco était toujours ankylosé par les courbatures et il eut toutes les peines du monde à rouler la fine couverture que lui avait confiée Homelf.
Et encore plus lorsqu’il s’agit de forcer sur ses bras pour l’obliger à trouver une place dans son sac à dos. Hilld n’avait pas bougé du centre de la grotte et il observait alternativement les deux embouchures.
Le groupe fut rapidement prêt pour repartir. Suivant les conseils d’Alendomïën, Balco demanda à Mardeën un peu d’aide magique pour soulager ses muscles endoloris par l’accumulation d’effort. Balco s’émerveilla de la puissance de la magie. Mardeën marmonna à peine quelques mots entre ses lèvres qu’il ressentit toutes les douleurs de son corps s’évanouir. Comme si elle quittait son corps pour ne plus y revenir.
Il remercia chaleureusement Mardeën qui se contenta d’un sourire pour lui répondre. Pour Balco le sourire d’une elfe avait encore un côté magique. Sa première rencontre avec une elfe, un souvenir qui ne pourrait jamais le quitter. Cette rencontre resterait gravée dans sa mémoire. À chaque fois qu’il croiserait un elfe, le visage d’Anis ne serait jamais bien loin dans ses pensées.
Sous l’impulsion de Hilld, le groupe se mit en marche. La pause était terminée. En file indienne, ils parcoururent le tunnel des nains.
Nathax ouvrait la voie et Hilld la terminait. Balco comprenait désormais mieux l’inquiétude qu’il pouvait ressentir chez chacun de ses compagnons. Il avait pourtant de la difficulté à comprendre qu’une personne qui lui avait sauvé la vie pourrait soudainement vouloir intenter à celle-ci.
Comme à l’aller, le tunnel déboucha sur le passage de la falaise. Une pente dont le fond était invisible d’un côté et un mur abrupt de l’autre. Il y avait juste une corniche d’un peu moins d’un mètre de large pour se déplacer.
Le passage fut pratiqué avec un silence consciencieux de chacun. Les yeux rivés sur le sol pour assurer chacun de leur pas. Personne ne souhaitait tomber en bas de cette corniche. Les chances de survie semblaient bien trop faibles. Après quelques heures, la corniche s’élargit progressivement. Et rapidement, ils ne furent plus forcés de regarder leur pied et de se suivre les uns derrière les autres.
À peine rassuré d’être sortie sans encombre du passage qu’un nouveau danger apparut. Tapie sournoisement derrière un rocher, une araignée géante émergea de sa cachette à l’approche du groupe. Balco eut à peine le temps de voir le mouvement de celle-ci que la massive hache de Nathax vint sectionner la bête en deux. Son sang se déversa sur le sol pendant que Nathax nettoya sa lame avant de la replacer négligemment dans son dos.
« Voilà qui ne laisse rien présager de bon, évoqua Hilld dans le dos de Balco. Après la déroute que nous avions provoquée à l’aller, les araignées n’auraient jamais pris l’initiative de revenir à la charge. On les a poussées à le faire ! Je redoute que ce que nous étions en train de craindre soit bel et bien la réalité.
— Avec un temps d’avance sur nous, fit remarquer Rosental.
— Ça ressemble bien à sa marque de fabrique, ajouta un peu devant Alendomïën. À vouloir l’éviter, nous sommes rentrés dans son jeu.
— Il est trop tard pour reculer, conclut Hilld. De toute manière si c’est lui, il aura prévu ce cas particulier. Quoiqu’il puisse arriver, à partir de maintenant souvenez-vous tous que le plus important est de ramener Balco vivant jusqu’à Haches ! C’est lui la nouvelle icône de l’espoir souhaité par le grand maître, pas nous ! C’est un héritier, même jeune et sans expérience. Il a plus de valeur que nous tous réunis. »
Balco voulut protester, mais il n’en eut pas le temps. Une nouvelle menace se matérialisa !
Planté au milieu de la route les bras croisés, un humain leur faisait face. Le groupe s’arrêta instantanément. L’araignée était une mise en garde, désormais leur adversaire se trouvait bel et bien là. Balco reconnu l’humain qui l’avait sauvé, pourtant quelque chose dans son regard et son sourire lui donnait l’impression que ce n’était pas exactement la même personne. Pourtant, rien ne pouvait le distinguer, c’était exactement les mêmes traits du visage. La même coupe de cheveux. Tout était identique au détail près.
Un silence lourd s’installa dans le groupe. Chacun défiait du regard le nouveau personnage. Seul Balco et Lif qui n’avait rien à reprocher à leur interlocuteur continuèrent à observer tout autour d’eux.
Balco manquait de vigilance habituellement, mais ce n’était pas le cas cette fois. Ce dernier remarqua d’autres mouvements tout autour d’eux. Sur leur droite, il retrouvait la plaine où ils avaient combattu les araignées et sur la gauche une forêt clairsemée qui devait s’étendre jusqu’aux falaises abruptes des montagnes. Impossible de reculer. Partir sur leur droite s’était rentré un peu plus dans le territoire des araignées qui leur était encore plus hostile que la première fois.
Sur la gauche, Lif avait remarqué une dizaine de créatures diverses dont une qui semblait particulièrement grande et imposante. Mais elle se cachait pour le moment trop dans les ombres de la forêt pour qu’il parvienne à déterminer la nature exacte de cette créature.
Quant à avancer tout droit, Lif ne savait pas exactement à quoi il avait à faire. Mais pour que tout le groupe qui n’avait pas hésité à entrer dans le palais de l’empereur pour le défier décide spontanément de s’arrêter, c’est qu’il y avait quelque chose d’anormal.
Lif resta en position d’attente, mais il était prêt à décocher une flèche rapidement avec son arc si la situation venait à l’exiger !
Hilld souffla discrètement en direction d’Alendomïën : « C’est pas Géhun ! Pourtant c’était lui au Palacium. Je te confis Balco. Ne t’occupe pas de nous, ton seul objectif c’est de le ramener jusqu’à Haches. Auprès du grand maître, il sera en sécurité. Dès que l’embuscade qu’il nous prépare depuis la forêt aura débuté, tu devras fuir avec Balco dans cette forêt justement. »
Alendomïën se contenta d’un mouvement positif de la tête. Balco voulait rester, il n’avait pas l’intention de fuir. Il voulait aider ses amis, même s’il n’avait pas encore bien progressé. Il ne prit pas le temps de faire part de ses remarques que l’individu au milieu de la route se mit à parler d’une voix puissante et rude.
« Les petits commérages sont inutile Hilld, je parviens parfaitement à distinguer ta voix et celle de tes compagnons. Tu peux vouloir sauver qui tu souhaites, de mon côté je n’ai pas l’intention d’en laisser passer un seul. Pas un d’entre vous ne quittera ce lieu sans être mort. Votre route s’arrête ici ! »
Balco avala sa salive en commençant à transpirer un peu plus. Cette menace ne semblait pas avoir été lancée en l’air juste pour le plaisir. Il y avait dans cette voix une certitude qui lui glaçait le sang. Balco jeta de nouveau un coup d’œil autour de lui.
Cette fois l’embuscade était visible et elle n’en était plus une ! Une vingtaine de squelettes sortirent de la forêt. Ils furent suivis juste derrière par une gigantesque créature qui devait mesurer au moins trois mètres cinquante de haut !
La créature ressemblait à un énorme rat. Dresser sur ses deux pattes arrière un poil court brun et gris tout le long du corps. Une tête ronde avec un museau allongé. Des plaques de fer étaient placées sur chacune de ses articulations permettant d’y fixer de longues pointes acérées.
« Mutator ! Souffla Alendomïën avec une grimace.
— Il a su s’entourer d’ennemis, indiqua Nathax. Je m’occupe du Mutator, je vous laisse le reste. Faites gaffe à que personne ne vienne me taper dans le dos. Je pense que j’en aurais bien assez à faire avec ce rathom !
- Un rathom, se répéta Balco. »
Il en avait entendu parler dans les histoires, comme souvent. Il découvrait tellement de choses réellement désormais. Il était malgré tout surpris par la taille de cet homme-rat. Des légendes qu’il avait entendues, les rathoms étaient un peu plus petits que les humains. Certainement une exception ou une légende incomplète pour ne par faire trop peur aux enfants.
Tout le monde était immobile en cet instant. Chacun regardait le groupe qui lui faisait face. Attendant le moindre signal qui aurait indiqué le début des hostilités ! Balco ne savait pas comment fonctionner la magie, mais il se doutait que les trois lanceuses de sort devaient avoir puisé dans leur réserver pour combattre l’archiviste. La magie allait certainement être moins présente cette fois-ci. Il posa sa main sur la crosse de l’épée de la roche.
Un léger picotement fit bouger ses doigts par réflexe. L’arme était prête à lui accorder assistance. À lui de savoir utiliser ce pouvoir qu’elle lui conférait. Lentement il fit glisser la lame hors de son fourreau. Personne ne se souciait de lui et c’était un avantage, il pouvait se mettre en position à la vitesse qui lui semblait convenable. Plusieurs bruits de pierre bougeant légèrement firent tressaillir Balco.
Le bruit était proche ! Il tourna légèrement ses yeux sur la droite et il put constater que la prairie paisible de son premier coup d’œil ne l’était plus. Plusieurs dizaines d’araignées venaient de prendre position. C’était un piège et il était en plein dedans. Il n’avait plus aucun moyen de s’en sortir.
Des squelettes, des araignées, un rathom géant et un adversaire redouté du groupe ! La situation semblait bien plus compliquée que lors de l’affrontement contre l’empereur.
C’est Lif qui déclencha le début du combat. Les premières araignées se faisant de plus en plus proches du groupe, il décocha une première flèche qui se planta entre les mandibules de la plus proche.
Un premier mort !
Des cris rugirent d’un peu partout. Balco se sentit tirer par le bras. C’était Alendomïën qui l’entraînait avec elle. Balco avait désormais son épée de la roche complètement sortie et il sentait la tempête en lui !
Il souhaitait combattre au plus profond de lui-même.
Mais Alendomïën ne l’entendait pas ainsi. Elle avait reçu une consigne très claire de la part de Hilld. Elle continua de tirer de toutes ses forces malgré la résistance de Balco.
Alendomïën fonça directement sur trois squelettes qui tombèrent en état de poussière sous le seul regard de la magelsorf. Elle cherchait l’abri de la forêt et elle l’obtiendrait.
Balco ne put apercevoir rapidement que quelques images des autres compagnons. Hilld et son adversaire étaient face à face. Ils se toisaient d’un regard aussi vide que le néant. Lif et Rosental luttaient contre les araignées qui s’avançaient sur la gauche du groupe. Nathax sa grande hache déployée au-dessus de lui bougeait d’un pas déterminé vers le rathom géant.
Puis il n’y eut plus rien !
Les cris, les chocs, l’affrontement étaient toujours présents. Mais sa vision fut remplie par une déformation de son environnement. Il ne comprendrait que plus tard qu’ Alendomïën avait usé de sa magie pour se téléporter une centaine de mètres en avant. Assez loin pour ne pas puiser trop dans sa magie et surtout pour mettre une série d’arbres entre eux et leur assaillant. Une petite avance qui pourrait leur permettre de fuir.
Balco perdu de vue ses compagnons, il n’y avait plus que les arbres de la forêt dans son champ de vision.
Alendomïën ne parla pas, elle avança le plus vite possible. Balco finit par se résigner et il avança dans la même direction qu’Alendomïën. Il ne savait pas où elle souhaitait le conduire, mais il allait la suivre si c’était là le désir de ses amis…
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