Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 21 : Le tunnel des nains

Balco soupira de lassitude. Il avait été encore un boulet pour le groupe. Il avait pourtant fait son maximum. Tout du moins, son épée magique avait fait une grande part du travail en éliminant plusieurs araignées. Lui-même n’avait rien fait d’aussi exceptionnel. Il n’avait rien suivi du conflit. Incapable de voir ce qui se passait.
Il aurait pu protéger le feu, mais il n’avait rien compris. Entoilé, traîné. Encore une fois, ce n’était que grâce à son épée qu’il avait pu s’en sortir. Puis, avec l’aide de la magelsorf. Sans elle, il aurait été aveugle jusqu’à la fin. Cependant, même avec cette lumière magique, il n’avait rien fait.
C’est Lif qui avait réalisé tout le travail pour tuer la grande araignée. Ce n’était pas les quelques petits coups d’épée qui lui avaient asséné qui avait changé grand-chose. Enfin, pour terminer, il avait lamentablement reçu une piqûre de l’araignée. S’écroulant sans pouvoir réagir. S’il regardait bien le bilan, il n’avait servi à rien. Il avait brassé de l’air, tenté des folies… mais pour rien !
Heureusement, ses compagnons de route ne semblaient pas lui en vouloir. Au contraire même, il le félicitait pour son courage et pour les quelques araignées qu’il avait tuées. Pourtant, il aurait voulu en faire plus. La volonté, il l’avait. Mais, le talent ou la capacité, ça non. Il lui faudrait être patient, à moins qu’il ne soit mauvais pour le reste de sa vie.
Le destin l’avait placé sur la voie de l’aventure. Mais, il n’avait peut-être rien à faire là. Balco baissa les épaules. Il écouta à peine les discussions des autres qui commentaient les différents événements de la soirée. Leurs exploits ! Et il y en avait beaucoup. Balco soupira !
« Qu’est-ce que tu penses de la présence d’une reine ? Questionna Hilld en direction de Lif.
— Les araignées n’attaquent pas par plaisir, indiqua Lif en passant une main dans ses cheveux blonds et courts. Ce ne sont pas des humains ! Elles n’ont que deux idées en tête : protéger leur territoire ou faire des réserves de nourriture. Vu leur façon de nous attaquer, principalement en cherchant à nous entoiler, je pencherais pour la deuxième solution.
— C’est bien ce que je pensais également, indiqua Hilld. Je demandais l’avis d’un expert des araignées.
— Je ne le suis pas vraiment, commenta Lif avec modestie.
— Tu l’es certainement plus que la plupart d’entre nous, ajouta Hilld sans perdre le fil de ses idées. Je compléterais mes idées avec le fait que de tout ce que je connais des araignées, il n’y a aucun groupe qui soit connu de la région.
— Il est possible qu’une impératrice ait bougé de position, souligna Lif. Surprenant, car je pense que la nouvelle aurait circulé au sein de mon peuple. Le plus probable c’est qu’une nouvelle impératrice ait vu le jour ! Ce serait plus inquiétant.
— Une première sur Sulder, constata Hilld. Toutes les impératrices connues de notre planète sont des araignées qui sont nées sur la planète Midican.
— Comment savoir si une sale bestiole à huit pattes est apparue ? Demanda Nathax qui mastiquait un bout de viande séchée en même temps.
— C’est compliqué, expliqua Lif. Les araignées n’arborent pas les couleurs de leur impératrice comme nous pouvons le faire. Il faudrait enquêter longuement sur le sujet pour tenter de découvrir l’impératrice.
— Il va être de notre devoir de remonter au plus vite cette information, commenta Alendomïën. Nous ne devons pas garder cette information pour nous.
— C’est ce que je craignais moi aussi, déclara Hilld sèchement. Je préférais avoir l’avis d’un elfe. Nous préviendrons le grand maître, il saura quoi faire pour prévenir au plus vite le peuple elfe de cette nouvelle impératrice. »
Hilld se redressa de toute sa stature. Il baissa les yeux vers le sol. Le fond de ses yeux sembla se remplir d’une teinte sombre et inquiétante. Balco en eut quelques frissons dans le dos. Hilld gronda intérieurement.
« Terminé la pause, lâcha brutalement Hilld. Nous repartons, les araignées nous ont fait déjà perdre un temps trop précieux. Nous ne pouvons pas nous permettre d’en perdre encore plus. Nous avons une tâche c’est de détrôner l’empereur, nous ne devons pas perdre de vue ceci pour le moment. J’espère que chacun pourra prendre exemple sur notre héritier de la nuit ! Il a fait honneur à son titre au cours de la soirée. Vaillants, courageux et beaucoup d’audaces, nous devrons agir de même dans les heures et jours qui arrivent. Notre héritier n’a pas notre expérience, mais il a su nous montrer la voie à suivre. Que personne n’oublie cela ! Nathax est ce que tu as quelque chose pour nous ? »
Le nain était en train de se redresser en prenant appui sur sa hache. Elle était brillante ! Comme neuve. Le nain avait pris un grand soin à effacer toutes les traces de sang des araignées. Il avait également passé du temps à aiguiser sa lame pour qu’elle n’ait rien perdu de son tranchant habituel. Il était prêt à repartir au combat dès à présent.
Il se redressa complètement et tourna son regard vers Hilld. « Le grand maître avait raison, déclara Nathax un sourire. Comme si on arrivait à le mettre à défaut ! J’ai découvert des runes naines sur plusieurs roches. Il existe un ancien passage nain dans les environs. De ce que j’ai pu en lire, il peut nous amener jusqu’à la cité d’Englub.
— C’est exactement ce que nous voulions, commenta Hilld. Le passage est loin d’ici.
— Les indications ne sont pas très claires à ce sujet, spécifia Nathax. Je pense que nous en aurons pour plusieurs heures de marche dans la montagne. Je crois avoir compris que nous allons également devoir emprunter un passage étroit sur le flan de la montagne. Mais au bout du chemin, nous trouverons l’entrée du tunnel. Si les runes naines n’ont pas été effacées avec le temps, je pourrais vous ouvrir le passage.
— En avant, soupira Alendomïën. Allons mettre la montagne au-dessus de notre tête. »
Nathax sourit grandement dans sa barbe. Il imaginait déjà les elfes du groupe se plaindre à chaque pas dans le passage nain. Il se réjouissait d’avance de leur souffrance. Il allait se délecter de leur malheur. Profiter de ce moment pour reprendre des forces. Il arriverait plus motivé que jamais devant le palais de l’Empereur. Il pourrait alors prouver que d’avoir autant d’elfes dans le groupe était inutile. À lui seul, il aurait pu faire le travail. Il ne voulait pas se vanter, mais le prouver sur le terrain.
Les consignes du grand maître étaient claires pour les deux compagnons. Donirico n’avait pas été surpris. Cela ressemblait parfaitement à tout ce que le grand maître avait pu leur apprendre. Il fut honoré d’avoir été choisi pour apporter son soutien à cette quête importante. La présence de Lobyron lui convenait également parfaitement. Il aurait pu tomber sur une personne avec laquelle il n’aurait pas aimé faire le chemin. Là, tout aller pour le mieux.
Désormais, il ne leur restait plus qu’à rejoindre Englub à leur tour, mais sans rattraper le groupe de l’héritier de la nuit. Ils étaient là uniquement en cas de besoin. Ils devaient suivre le premier groupe avec une journée de retard en permanence. En cas de problématique, il aurait tout loisir d’intervenir. Ils étaient aussi là pour surveiller que le groupe n’était pas lui-même suivi.
Donirico avait le sourire. Il avait revêtu sa plus belle robe de magicien. Un mauve pale qui était un peu trop grand pour lui, mais il l’adorait. Elle lui avait été offerte personnellement par le grand maître il y a quelques années. Donirico ne connaissait pas exactement les origines de cette robe. Il n’y avait que les chiffres qui parlaient ! À chaque fois qu’il l’avait revêtu pour une des missions du grand maître, il s’en était sorti avec les honneurs.
Cette fois, il espérait n’avoir rien à faire. S’il parvenait à suivre le groupe de l’héritier sans avoir besoin d’intervenir c’est que tout se passait bien pour eux. La meilleure possibilité, c’était qu’il revienne à Haches sans que le premier groupe se rende compte de leur présence.
Donirico esquissa un large sourire. Il savait au fond de lui que même en faisant des efforts incroyables, Hilld allait repérer leur présence. Il ne dirait rien, mais il avait un œil trop attentif pour ne pas détecter ce genre de petits détails. Peut-être même que le grand maître l’avait déjà prévenu de cette possibilité. Bien que cela en fût surprenant. Cela faisait aussi partie du jeu du grand maître de continuer à exercer les talents de chacun.
Ils étaient partis un jour après le premier groupe. Ils avaient également des montures afin d’avancer à une cadence similaire. Ils n’avaient aucune raison de forcer l’allure, ce n’était pas à eux de rattraper le groupe. C’est le demi-tour qu’il allait effectuer à Englub qui devrait les rapprocher. Le chemin jusqu’à Englub devrait se dérouler sans anicroche particulière. Par contre, une fois que l’empereur serait tombé. C’est là que leur appui serait éventuellement nécessaire.
Soit pour rentrer dans le tas, soit pour jouer la carte de la protection du premier groupe, en créant volontairement des pistes pour diriger leurs poursuivants ailleurs. Les premiers jours du trajet seraient d’une facilité extrême, il devait s’assurer de ne pas avancer trop vite. Encore que Donirico faisait confiance à Hilld pour entraîner le groupe dans un rythme qui n’aurait rien à voir avec une petite balade de plaisance.
C’est ainsi qu’avec Lobyron, ils avaient également emprunté les chemins de traverse coupant le bois de la sorcière. Ils atteignirent Petit-Village sans encombre. Un voyage plaisant en compagnie de Lobyron avec qui il avait pu refaire le monde plusieurs fois. Leurs discussions étaient variées et constamment renouvelées. Donirico ne pouvait que se satisfaire du choix du grand maître. S’il devait un jour faire le même choix, il se demandait s’il ne prendrait pas la même décision. Avoir des capacités pour combattre est une chose, mais avoir du savoir-vivre et social n’était pas négligeable.
Bien que Lobyron ne soit pas le dernier pour combattre. Tout était parfait dans ce binôme. Lui était là pour apporter sa magie et Lobyron sa force brute.
Ils n’entrèrent pas dans Petit-Village. Ils ne firent qu’une brève halte de deux heures en restant à l’extérieur de la cité. Ils furent néanmoins repérés ! Donirico ni vit aucune défaillance de leur part. C’était Homelf qui vint à leur rencontre. Le semi-elfe avait eu pour consigne de prendre le commandement de la garde de la cité jusqu’à nouvel ordre. Homelf avait eu les détails de toute la mission du grand maître. Il était au courant que lui et Lobyron devaient passer par la cité.
Homelf attendait leur venue. Il avait surveillé personnellement leur approche. Il n’aurait pas pu déjouer la vigilance d’un elfe averti. Toutefois, Homelf était là pour leur apporter tout le soutien nécessaire. Il leur fournit des montures fraîches comme pour le premier groupe. Et il leur confirma qu’il était dans les temps, il avait un peu moins d’un jour de retard. Cela était dû à l’arrêt que le groupe avait réalisé à Petit-Village. Alors que, n’y ferait qu’une courte halte.
Donirico était malgré tout satisfait par ce rapport. Ils avaient avancé à une bonne allure, mais ils avaient eu raison. Hilld n’était pas en train de faire du tourisme. Il avait un objectif c’était rejoindre Englub dans les plus brefs délais. Rien ne viendrait se mettre en travers de cet objectif. Ce qui confirmait aussi qu’ils ne pouvaient pas se permettre de faire une longue halte à Petit-Village. Le passage difficile serait dans les montagnes. Le premier groupe avait l’avantage d’avoir Nathax pour éventuellement découvrir d’anciens passages nains. Pour eux, ils allaient devoir suivre les traces du premier groupe.
Ils quittèrent furtivement Petit-Village et continuèrent en direction d’Englub. Ils atteignirent les premières pentes des montagnes. Les empreintes laissées par les chevaux du groupe étaient faciles à suivre. Ils parvinrent jusqu’aux ruines de Dippli. Là, ils y trouvèrent de nombreux corps d’araignées mortes ! Éparpillées de tous les côtés. Donirico et Lobyron restèrent un long moment silencieux.
Ils firent lentement le tour du champ de bataille pour tenter de remettre les événements à leur place. Ils furent soulagés de ne trouver que des cadavres d’araignées.
« Ils ont dû passer une sacrée soirée, s’exclama Lobyron d’une voix monocorde. Ce n’était pas vraiment prévu au programme cette altercation avec des araignées. Enfin, je ne décèle aucun d’entre eux, c’est déjà une bonne nouvelle !
— Je ne sais pas qu’en penser, souligna Donirico. Il y a plusieurs traces de corps qui ont été traînés contre le sol. J’espère que personne n’a été séparé du groupe entraîné par les araignées.
— Je ne pense pas que le groupe se serait permis de repartir vers Englub sans être au complet, exprima Lobyron. Ils ont une contrainte temporelle, mais pas au prix de sacrifier certains d’entre nous. Hilld ne prendrait pas une telle décision. Ce ne serait pas dans sa nature.
— Tu dois avoir raison, répondit Donirico dont le regard était intrigué par un énorme tas de chair et de sang. »
Il s’en approcha rapidement. Il étouffa un petit cri de surprise. « Ce n’était pas une petite escarmouche d’araignée ça ! Regarde-moi ça Lobyron, c’est une reine ! »
L’ordre avait changé ! Hilld fermait la marche. Il s’assurait qu’aucune araignée n’ait l’idée de les suivre. La tête du groupe avait été confiée à Nathax. Le nain était le seul à savoir déchiffrer les runes naines.
Le groupe était désormais dépendant de lui pour découvrir le passage qui les conduirait jusqu’à Englub en passant dans la montagne. Le nain fut glorifié par cette soudaine promotion. Pourtant, il ne s’en venta pas. Il aurait pu profiter de cette situation avantageuse pour narguer le groupe d’elfes. Il ne le fit pas !
Cela aurait pu être une belle occasion. Toutefois, son rôle le tenait trop à cœur. C’est ainsi en suivant les indications de quelques ancestrales runes naines que le groupe arriva jusqu’à un passage inquiétant. Ils étaient au cœur de la montagne. Le chemin n’était plus qu’une corniche sur le flanc de la montagne. D’un côté la paroi abrupte de celle-ci s’élevant vers de plus hauts sommets. De l’autre côté, un précipice tout aussi abrupt qui plongeait sans fin. Une autre paroi similaire leur faisait face à une cinquantaine de mètres. Il n’avait plus qu’un seul chemin possible, suivre cette corniche jusqu’à son terme. En souhaitant que celle-ci puisse bien les mener quelque part.
Balco donna un seul petit coup d’œil vers le précipice. Ne parvenant pas à en distinguer le fond, il avala fortement sa salive. Il se cramponna de l’autre côté de la corniche qui lui était légèrement plus rassurante. La largeur du chemin à flan de montagne ne permettait que de faire passer une personne de front.
Toutefois, Balco plutôt frêle avait de l’espace pour bouger de gauche à droite. L’héritier suivait la cadence du groupe sans aucun problème. Cette fois, ils étaient lents !
Le passage étroit sur la corniche ne leur permettait pas d’avancer d’un pas rapide. Le groupe se suivait en file indienne. Juste devant Balco, il y avait Alendomïën et juste derrière Lif. Il était encadré par deux elfes. Cela le rassura, il avait pu apercevoir les capacités de Lif et de la magelsorf. Il était véritablement en sécurité.
Balco surveillait chacun de ses pas. Il ne souhaitait en aucun cas converser avec les autres. Pas en ce moment, en tout cas. Il écoutait d’une oreille les quelques phrases qui pouvaient circuler entre les membres du groupe. Bien souvent, c’était juste Nathax qui annonçait un passage difficile. Parfois, le passage était un peu plus étroit. D’autres fois, c’était un vent particulièrement violent dont il fallait se méfier. Rien ne fut pourtant insurmontable pour le groupe.
Une conversation retint toute l’attention de Balco. Mardeën située juste devant Alendomïën se retourna pour chuchoter à sa copine elfique. Bien que sa voix fût volontairement faible pour ne pas être entendu, Balco profita du fait que le souffle du vent lui soit favorable pour en saisir l’essentiel.
« Retourne-toi sans faire de geste brusque et dis-moi si tu vois la même chose que moi à une centaine de mètres en dessous de nous. »
Alendomïën se retourna vivement sans suivre les recommandations de Mardeën. Elle plongea son regard dans le fond du précipice. Balco s’arrêta juste à côté d’Alendomïën. Il regarda à son tour dans la même direction qu’Alendomïën. Mais il ne vit rien pour sa part !
Il se retourna vers Alendomïën. Cette dernière était livide. Il fut évident qu’elle avait aperçu une chose que lui n’avait pu.
« C’est incroyable ! Dit Alendomïën d’une voix étranglée par l’émotion.
— À ton avis, nous sommes en danger ou pas ? Questionna Mardeën.
— Je ne sais pas, déclara Alendomïën totalement désemparée. Je serais d’avis que nous cherchions à forcer un peu l’allure. Même si ce n’est pas trop conseillé sur cette corniche.
— Qu’est-ce qui se passe, demanda Balco en s’alarmant. »
Alendomïën tourna un regard rapide vers l’héritier comme surprise de sa présence. « Un danger potentiel exprima Alendomïën froidement. Nous ne parlons pas d’un groupe d’araignées cette fois. Si cette créature nous veut du mal… Je crois bien qu’aucun de nous n’y pourra rien. Je ne suis même pas persuadé que ton épée magique puis y changer grand-chose !
— Incroyable ! S’exclama Lif dans le dos de Balco. Il y a un Ulder juste en dessous de nous, il est agrippé à la paroi et qui semble lentement monter dans notre direction ! »
L’esprit de Balco se figea ! Son père lui avait déjà parlé de l’espèce des Ulders. La plus ancienne des espèces de la planète et surtout la première. L’espèce d’origine. Celle qui donna son nom à la planète.
Les autres espèces n’arrivèrent que plus tard. Sulder fut durant bien longtemps la planète des Ulders. Puis d’autres vinrent lentement la coloniser. Les Ulders font parties des très anciennes légendes, très peu sont encore en vie. Les rares se cachent au cœur des montagnes.
Balco plongea son regard vers le précipice. Il était justement au cœur de l’une d’entre elles. Sans le savoir, il venait de pénétrer dans un territoire Ulder !
Il regarda alternativement Alendomïën et Lif saisissant désormais l’inquiétude grandissante qui avait envahi les elfes du groupe.
Donirico resta plusieurs secondes en admiration devant la carcasse en décomposition. L’énorme araignée était couchée contre le sol, ses pattes recroquevillées maladroitement contre son corps. Elle s’était vidée entièrement de ses entrailles au cours de la nuit. Ses restes verdâtres formaient une gigantesque flaque tout autour d’elle. Elles avaient plusieurs flèches plantées dans le corps et la tête.
Leur nouvel allié ramené de la forêt du grand maître par Homelf ne semblait pas étranger à cette manœuvre. Ses flèches furent des plus cruelles. Elles ne ratèrent pas leur cible et surtout elles causèrent des dommages sévères à cette horrible araignée. La perte de la reine avait dû créer une panique monstrueuse. Les araignées sont des créatures des plus cruelles, elles n’auraient pas laissé le corps de leur congénère sur un champ de bataille. Tout est bon à manger, même les autres araignées !
Donirico se réjouissait que le groupe ait pu mettre en déroute cette armée d’araignée. Le grand maître les avait préparés à faire face à ce genre de rencontre. Mais même au cours des différents exercices qu’il avait réalisés, jamais il n’avait eu à faire face à une reine. Le plus inquiétant, c’est que cette reine ne pouvait pas se trouver ici sans raison. Et si une reine était ici, cela signifiait aussi qu’une impératrice le lui avait demandé de le faire ! Ce n’était peut-être pas une bonne idée de s’être mis une impératrice à dos. Il fallait croiser les doigts pour qu’elle n’en soit pas informée avant plusieurs jours. Les représailles de l’impératrice ne seraient pas agréables à subir.
Donirico craignait surtout qu’il ne fût obligé avec Lobyron de faire son travail de soutien du groupe contre une horde déchaînée d’araignées. Si le groupe arrivait à renverser l’empereur rapidement et à repartir sans attendre, il pourrait peut-être éviter le pire. S’il devait lors de leur fuite se retrouver entre une horde d’araignée vengeresse et une armée de garde de l’Empire tout aussi avide de vengeance. Leur soutien serait nécessaire mais insuffisant pour repousser toutes les menaces.
Pour le moment, la nouvelle rassurante, c’était que le groupe dans son ensemble semblait avoir survécu à l’attaque des araignées. Des traces de pas étaient visibles. Elles commençaient autour d’un vague reste de feu de camp et se dirigeaient droit dans les pentes abruptes des montagnes. Ils étaient encore tous là et Nathax avait dû trouver un ancien passage. Il leur faudrait les suivre afin de le trouver lui aussi.
« Cette rencontre avec les araignées leur a fait perdre beaucoup de temps, nota Lobyron en observant les différentes traces visibles. Nous les avons rattrapés bien plus vite que nous n’aurions du ! Je dirais que nous avons à peine deux heures de retard sur eux. Pour peu, nous aurions presque pu leur tomber dessus.
— J’imagine qu’ils ont dû prendre le temps de récupérer après ce combat, indiqua Donirico.
— Mardeën est toujours là, commenta Lobyron avec un sourire. Alendomïën aussi, elle a du user de sa magie. Il y a encore pas mal de résidu de sa magie dépensée un peu partout sur le champ de bataille. Je n’aurais qu’une seule source d’inquiétude… L’héritier lui-même. Il est encore novice. Affronter une telle armada d’araignées. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de particulier !
— Ça pourrait expliquer l’avance que l’on a réussi à reprendre sur le groupe, souligna Donirico. Hilld n’aurait pris aucun retard même pour un blessé dans l’équipe. Sauf si ce blessé est l’héritier ! »
C’est dans la précipitation qu’ils avaient parcouru la fin du chemin. La corniche se terminait face à un mur de roche. La montagne elle-même ! Il était dans un cul de sac. Il avait fui devant l’Ulder qui s’approchait d’eux. Il n’y avait peut-être pas de danger, mais ils avaient préféré ne pas s’exposer à un risque.
Désormais, leur sort était entre les mains du nain ! Soit, il parvenait à découvrir comment ouvrir l’ancien passage des nains. Soit, il allait devoir faire demi-tour pour trouver un autre passage. Cela n’était guère une idée qui plaisait au groupe. Il risquait cette fois de tomber nez à nez avec l’Ulder. Combattre sur un aussi petit espace que la corniche n’était pas une idée grandiose.
Il était tout en file indienne à attendre que Nathax déchiffre l’ancien langage des nains qui étaient gravés sur la roche. Hilld était en arrière tournant le dos au reste du groupe pour regarder derrière. Il s’assurait que rien n’approchait.
Nathax était en face de la paroi rocheuse qui terminait la corniche. Même si elle se fondait parfaitement au décor. Nathax avait déjà décelé qu’il s’agit d’une porte. Une roche fermait le passage dont il suivait les signes nains depuis le début de la journée. Il laissa ses doigts glisser le long de la roche à la recherche d’un quelconque signe. Nathax était un peu nerveux, ses longues moustaches tressées se soulevaient à intervalle régulier. Elles marquaient les mouvements de bouche du nain.
Soudainement, elles semblèrent se dresser. La main de Nathax s’arrêta sur une surface plus sableuse. Nathax observa très attentivement la roche. Et il sourit à pleines dents. C’était exactement ce qu’il cherchait. Des inscriptions naines !
Elles avaient été gravées dans la roche comme il s’y attendait. Les intempéries avaient pourtant usé les inscriptions, elles étaient désormais presque invisibles. Nathax sortit un couteau de son sac à dos. Méticuleusement, il retraça les différents symboles qu’il y avait sur la roche. Il risquait de donner des indications à leur poursuivant. Nathax en prit le risque. Il préféra estimer que l’Ulder ne serait pas en mesure d’interpréter le langage des nains.
L’opération ne dura que quelques minutes. C’était malgré tout angoissant pour tous les autres membres du groupe qui attendaient derrière le nain. Les runes étaient parfaitement visibles. La roche venait d’être rafraîchie. Nathax lissa sa barbe tout en interprétant le message qui était devant ses yeux.
Sans une once d’hésitation, il posa sa main fermement sur l’un des symboles. Il poussa de toutes ses forces, jusqu’à qu’un léger déclic se fasse entendre. Nathax recula d’un pas, marchant de ce fait sur les pieds de Rosental qui ne lui en tenu pas rigueur. Le guerrier avait les yeux rivés sur la roche.
Elle s’enfonça lentement dans la paroi avant de pivoter rapidement sur elle-même et disparaître sur la droite. La pierre venait de laisser sa place à un tunnel creusé par des nains. Nathax avait réussi ! Il avait ouvert un ancien passage nain. La voie vers Englub était ouverte.
Nathax sortit prudemment une torche de son sac. Alendomïën d’un petit claquement de doigts embrasa la torche du nain. Ce dernier put commencer à avancer dans le tunnel. Le nain garda la tête du groupe. Maintenant qu’il allait entrer dans le cœur de la planète en empruntant un passage nain. Il valait mieux que ce soit un membre de cette espèce qui leur serve de guide. Ils ignoraient si cette galerie n’était pas juste une porte sur un vaste complexe.
Nathax devait continuer à faire son travail. Le passage des nains devait uniquement leur permettre de traverser la montagne et arriver sur Englub sans avoir été remarqué par les patrouilles de l’Empire. Nathax tout sourire d’avoir découvert le passage, s’y engouffra la torche enflammée dans la main gauche. Sa hache de guerre dans la main droite, prêt à l’utiliser si une créature hostile venait montrer sa face.
« Nous n’avons que peu de retard sur le groupe, continua Donirico. Toutefois, il est compliqué d’aviser pour nous. Soit, on ralentit un peu le mouvement au risque de prendre cette fois trop de retard. Soit, on tente d’accélérer un peu le mouvement, cette fois au risque de revenir sur eux.
— Dans tous les cas, nous devons prendre une décision, indiqua Lobyron en continuant d’observer les traces laissées par le premier groupe. Nous n’avons toutefois aucun moyen de traverser les montagnes par nos propres moyens. Sauf si tu me dis que tu peux nous téléporter de l’autre côté de la montagne.
— Je possède des pouvoirs magiques c’est certain, commenta Donirico en riant de bon cœur. Cependant, ce que tu me demandes ! C’est d’un niveau qui dépasse de très loin mes compétences actuelles. Ce serait un plaisir de pouvoir y répondre favorablement, mais je ne peux pas !
— Alors, il faut que nous les suivions sans trop tarder, commenta Lobyron sérieusement. Eux, ils peuvent compter sur Nathax. Il va leur permettre d’avancer beaucoup plus vite que nous dans les montagnes. Je ne suis pas certain que nous allons pouvoir trouver nous aussi le même passage qu’eux. Nous serons peut-être amenés à improviser !
— Ça, c’est ton travail mon cher, clama Donirico avec un petit sourire. Moi j’apporte ma magie, toi tu apportes ton flair pour suivre le groupe. Tu te penses capable de suivre leur trace ?
— Aucun problème à l’horizon, s’exclama Lobyron. Les traces sont parfaitement visibles pour le moment. Je crains juste le moment où le groupe va plonger dans le cœur de la montagne. On prend une pause ou on force l’allure.
— On se dépêche, déclara Donirico. Nous prendrons une pause une fois rendue à Englub. D’ici là, on avance et on suit le groupe. Nous n’aurons pas à nous battre sur le chemin, les autres font le ménage pour nous.
— Il faut l’espérer Donirico, dit Lobyron sans conviction. Oui, il faut l’espérer réellement. Je n’aimerais pas avoir à affronter la moindre créature de ses montagnes. Nous serions dans une position trop délicate.
— C’est exact, soupira Donirico. Suivons-les et croisons les doigts afin d’éviter toute mauvaise rencontre. »
Les deux compagnons suivirent les traces laissées par les membres de la compagnie, jusqu’à atteindre un petit renfoncement dans la paroi abrupte de la montagne. Lobyron y découvrit quelques restes d’un repas rapidement consommé par les membres du groupe. Un feu magique les avait bien consumés, mais il restait quelques restes visibles. Donirico serait certainement passé à côté. Mais cela n’avait pas échappé à la vigilance de Lobyron. Il observa quelque instant les lieux.
Lobyron commença à grimacer. Les traces devenaient de moins en moins marquées. La piste de la montagne était sèche et peu poussiéreuse. Même si la difficulté de les suivre était accrue, Lobyron n’était pas encore prêt de les perdre. Il en faudrait un peu plus pour lui faire perdre la trace de la compagnie.
Lobyron se laissa guider par les différents indices qu’il décelait jusqu’à se retrouver sur une petite corniche qui surplombait une vaste crevasse. Donirico y risqua un coup d’œil, mais il ne put en voir le fond ! De l’autre côté de la corniche, il y avait une paroi verticale qui ne leur permettait pas d’espérer de la grimper.
Les autres avaient emprunté ce chemin, Lobyron n’en avait pas le moindre doute. Même peu présentes, les marques laissées par le groupe étaient perceptibles pour ses sens. Donirico fronça les sourcils en observant le chemin. Il aurait préféré une voie d’accès plus large, cependant ils n’avaient pas d’autres choix que de les suivre.
Cette fois, il y avait un risque pour eux. La corniche était étroite. Si jamais il n’y avait rien au bout, la compagnie allait revenir directement sur eux. Donirico fit un mouvement de tête en direction de Lobyron. Ils allaient prendre le risque. Tout se jouait sur Nathax, s’il ne s’était pas trompé de chemin, il n’y aurait aucun problème. Sinon, ils aviseraient le moment venu.
Ils suivirent la corniche pendant trois heures. Un vent tourbillonnant dans la crevasse les ralentit dans leur progression. Un souffle constant qui remontait des profondeurs de la crevasse, il était puissant et froid. Il les contraignit plus d’une fois à improviser une halte dès qu’ils trouvaient un petit renfoncement dans la roche pour s’en abriter. Ils attendaient à chaque fois que la tempête s’amenuise de manière significative.
Aucun des deux compagnons ne souhaitait encourir le risque d’être déstabilisé par un mauvais coup de vent. Un geste pas assuré et ils auraient pu tomber dans le précipice. Ils voulaient éviter une chute fatale.
Alors qu’ils s’approchaient d’un passage particulièrement dangereux, le vent devint plus calme. Ils en furent ravis. Ils arrivaient en vue d’un petit pont de bois suspendu au-dessus du gouffre. Le pont passait au-dessus de la corniche pour rejoindre l’autre côté du gouffre où débutait une autre corniche. Lobyron confirma que le groupe n’avait pas continuait de ce côté de la montagne, mais il avait bien emprunté le pont. Donirico soupira, il n’était pas particulièrement enchanté de passer par ce pont.
Donirico allait s’engager sur le pont lorsque Lobyron le retint par le bras. Lobyron posa un index contre sa bouche et il observa encore plus attentivement le sol ! Les traces de la compagnie étaient visibles. Ce n’était pourtant pas cela qui dérangeait le pisteur désigné du groupe. Il avait bien entendu remarqué que les traces de pas s’étaient allongées depuis quelques minutes, comme si le groupe avait accéléré volontairement le rythme. Parmi toutes les empreintes habituelles du groupe, une nouvelle s’était ajoutée. Elle était plus marquée, confirmant que la dernière série d’empreintes était en train de suivre le groupe.
Lobyron continua d’observer pendant que Donirico attendait sans rien dire les explications de son partenaire sur cet arrêt imprévu. Lobyron était en pleine réflexion. Ils étaient là pour protéger la compagnie de l’héritier de la nuit contre tout suiveur ! Ils avaient cru ne rien avoir à faire, finalement leur présence serait peut-être parfaitement justifiée. Lobyron s’adressa à Donirico en laissant sa tête penchée vers le sol pour analyser encore cette nouvelle série d’empreintes.
« Donirico ! Dit Lobyron très froidement. Nous avons un problème. Enfin pas nous, mais le groupe que l’on doit protéger ! Je me pensais expert dans le domaine des empreintes. Là, je rencontre une tuile. Je suis dans l’incapacité la plus complète pour mettre un nom ou une espèce sur une nouvelle série d’empreintes qui vient d’apparaître et qui semble suivre le groupe de près.
— Tu es en train de me faire comprendre qu’une chose inconnue a décidé de suivre la compagnie dont nous devons protéger les arrières.
— Exactement, commenta Lobyron. C’est notre rôle, mais ce qui m’inquiète c’est que je ne connais pas une seule créature qui ait cette forme d’empreinte. Je ne sais véritablement pas à quoi nous avons à faire. Cela m’inquiète grandement.
— Aucun indice pour nous mettre sur la voie ? Questionna Donirico.
— Ce que je peux certifier c’est que la créature doit être très pesante, ajouta Lobyron. Les traces de pas ont marqué le sol même si celui-ci est extrêmement dur. Nous allons nous mettre en chasse d’une créature qui doit peser deux ou trois tonnes. Enfin, c’est ce que je pense vu l’état de la corniche.
— Et elle a traversé le pont suspendu ? Demanda Donirico en levant un sourcil de surprise.
— Oui, elle l’a traversé ! Affirma Lobyron.
— C’est rassurant pour la capacité du pont à nous soutenir, souffla Donirico. Tu préconises quoi ?
— J’espère que ce n’est pas une créature qui aurait un intérêt à combattre Hilld, indiqua Lobyron. Sinon, il faut absolument que je rattrape le groupe pour lui venir en aide dans la mesure du possible. Si ce n’est pas cela, pourtant vu le poids de la bestiole cela pourrait être une explication possible, nous devrons rester attentifs. Je ne sais pas quelle étrange créature suit le groupe, si nous pouvions relever des indices supplémentaires nous pourrions les aider efficacement.
— Alors, attendons-nous au pire, déclara Donirico en tournant son regard vers le pont suspendu. Le danger arrive bien plus vite que le grand maître ne l’avait prévu. Dommage, j’aurais bien profité de quelques heures de plus de tranquillité.
— Vigilance, conclut Lobyron. Il n’y a peut-être rien à craindre. Nous ne savons pas ce que veut cette créature… Si c’est une alliée, une ennemie ou simplement une créature de la montagne qui a faim ! Le troisième étant potentiellement le pire tant que nous ne savons pas à quoi nous avons affaire. Tachons de le déterminer avant d’être confronté à elle. »
Nathax continuait à prendre la tête du groupe. Il était d’humeur joyeuse, il chantonnait, au point d’énerver tout le monde, revigoré par l’atmosphère du passage des nains. Il était heureux de déambuler dans un passage creusé par son peuple. Les elfes déjà pas spécialement ravis de se retrouver sous terre, l’était encore moins en écoutant le nain vantait les mérites de ce lieu.
L’humeur des elfes déclina au fil de leur avancée dans le tunnel. Si celui-ci était, au départ, éclairé avec parcimonie par la lumière du jour qui filtrait par des goulets ou des troués, la lumière déclinait de plus en plus. L’obscurité prenait une place de plus en plus imposante, assombrissant à chaque pas la joie des elfes. Seul Nathax avait un large sourire dissimulé entre ses moustaches. Il se retint de chantonner à haute voix. Il se contenta de marmonner dans sa barbe en se dandinant de gauche à droite.
Balco avait pris conscience que le passage sous la montagne serait long. Il était même possible qu’ils marchent plusieurs jours sans revoir la lumière du jour ! Pour lui le passage des nains était juste un court tunnel. Maintenant qu’il était à l’intérieur, il comprenait son erreur. Encore une fois, c’était l’expérience qui rentrait.
Chaque membre de la compagnie s’était vu remettre une torche que la magie de Mardeën avait éclairée d’un claquement de doigts. Alendomïën était restée à l’écart pour une fois. Balco qui avait été surpris que la puissante magicienne ne vienne pas y mettre son petit grain de magie, lui avait posé la question. La réponse fut d’une limpidité surprenante. Personne ne savait ce qu’ils allaient trouver dans ce passage ! Elle réservait sa magie pour résoudre tout problème majeur qui pourrait arriver.
Balco avança en suivant Rosental qui était juste devant lui. Il regarda le sol rocheux couleur de boue. Les murs étaient humides. Suintants de toutes parts et participant depuis des générations à la formation de stalagmites calcaires tombant du plafond, ainsi que des stalactites leur faisant face.
À plusieurs reprises, ils marchèrent dans l’eau. Le tunnel était traversé par plusieurs rivières souterraines. Peu profonds, ils n’eurent que les pieds mouillés, mais cela s’ajoutait à l’inconfort constant que représentait le tunnel. Les passages étroits où ils pouvaient passer qu’à un de front se succédaient en alternance avec de grandes salles immenses. Si imposantes que la seule lumière de leur torche ne leur permettait pas toujours d’en distinguer le plafond. Une seule constante, il s’enfonçait à chaque pas un peu plus dans le cœur des montagnes.
Le nain menait le groupe de tunnel en tunnel, de bifurcation en croisement de tunnel. Suivant les quelques runes tracées sur les murs par d’anciens nains comme des panneaux d’indications pour ne pas se perdre dans ce dédale sans fin. Nathax n’hésita à aucun moment. La rune naine représentant Englub était parfaitement identifiée à chaque embranchement. C’était un tunnel qui avait dû être très fréquenté par le passé.
Balco avait perdu la notion du temps depuis qu’il n’avait plus un soleil au-dessus de la tête. Depuis combien de temps marchaient-ils ? Dix minutes ? Trente ? Une heure ? Il était incapable d’y répondre.
C’est dans une des vastes salles que Hilld leur imposa une pause. Hilld avait choisi l’une des plus sèches ce qui permit à chacun de s’installer sur le sol pour se reposer. Hilld et Nathax discutèrent quelques minutes. Nathax donna les explications pour que Hilld puisse comprendre le chemin suivi. Afin de pouvoir le suivre plus d’une fois ! Balco regarda le nain et son compagnon d’auberge avec un regard inquiet.
Anis tenta de le rassurer avec sa douce voix elfique qui le faisait vibrer. Il n’en était pas moins inquiet pour Hilld. Ce dernier avait décidé de repartir vers l’entrée du tunnel pour s’assurer que le Ulder n’aurait pas réussi à ouvrir le passage des nains. Nathax devait les mener encore quelques heures avant de prendre une pause pour la nuit. Il les rejoindrait à ce moment-là. À son retour, ce serait la dernière ligne droite !
Demain, ils allaient entrer dans le Palacium et y défier l’empereur !
Ils traversèrent tranquillement le pont qui oscillait sous l’action du vent et de leur déhanchement. Toutefois, à aucun moment ils ne furent en danger lors de cette traversée. Donirico n’apprécia pas le pont. Ce n’était pas l’architecture faite de cordage qui le dérangea, mais le vent. Celui-ci sifflait avec intensité dans ses tympans, le rendant pratiquement sourd !
Ils avancèrent encore une demi-heure avant d’arriver eux aussi au bout du chemin de la corniche. Cette fois, ils y étaient. Le passage recherché par Nathax devait se trouver devant eux. Comme ils ne les avaient pas vus rebrousser chemin, c’était déjà bon signe ! Il y avait bien un passage dans cette paroi. Les deux compères s’approchèrent. Le vent s’était calmé. Un soulagement pour leurs oreilles qui n’étaient plus soumises aux horribles sifflements.
Donirico mit quelques minutes pour retrouver toute la sensibilité de ses oreilles. Il laissa son compagnon en profiter pour commencer à chercher quelques indices pour leur permettre de continuer de suivre la compagnie de l’héritier. Lobyron put voir de nombreuses empreintes, le groupe avait dû rester plusieurs minutes ici. Nathax n’avait pas trouvé l’ouverture du tunnel facilement.
Lobyron découvrit plusieurs traces suspectes de magie elfique. C’était vraiment étrange, il n’y avait aucune raison d’utiliser la magie elfique pour ouvrir une porte naine. Au contraire, si les nains avaient placé des pièges contre les elfes, c’était le meilleur moyen de les déclencher. Lobyron fit part de ses découvertes à Donirico pour avoir son avis.
« Tout ce que cela veut dire pour le moment, c’est qu’il leur reste au moins l’une des deux magiciennes elfes, commenta avec une voix grimaçante Donirico. J’espère qu’elles sont encore toutes deux vivantes. Le groupe va avoir besoin des deux pour parvenir jusqu’à l’empereur. Hilld et Nathax ne pourront pas tout faire.
— Je ne vois pas de trace de lutte, commenta Lobyron. Pour moi, le groupe est encore au complet. Ce qui m’inquiète plus, c’est que je ne suis pas certain que ce soit encore le cas dans les heures à venir. Ils ont besoin d’être tous là pour réussir à entrer dans le palais de l’empereur. Une absence pourrait faire pencher la balance du mauvais côté.
— Tu peux me dire ce qui te fait dire que l’une des elfes est encore ici ? Questionna Donirico.
— Tu vois ce sigle dessiné sur le sol, dit Lobyron en désignant un petit dessin fait dans la poussière de roche. C’est une rune elfique !
— Tout à fait vrai, ajouta Donirico surpris de voir ce symbole sur le sol. Je ne l’avais pas remarqué. Je connais cette rune. Elle est censée protéger celui qui la grave des esprits maléfiques. Elles ont voulu protéger l’entrée du tunnel de la grande créature qui les poursuivait.
— Ce qui n’est pas une bonne nouvelle, commenta Lobyron d’un ton glacial. Premièrement, cela veut dire que le groupe se savait suivi. C’est donc bien pour cette raison qu’ils ont forcé l’allure. Deuxièmement, cela confirme nos craintes, la créature n’est pas amicale ! »
Donirico soupira en relavant la tête vers le haut de la montagne. Le soleil commencerait à décliner dans moins de trente minutes, il allait disparaître derrière les montagnes. Il était encore tôt pour que ce soit le soir, mais l’absence de lumière allait se faire sentir très vite. Il devait faire le nécessaire pour trouver le tunnel à leur tour. Avec beaucoup de chance, la rune elfique avait chassé la créature. Pourtant, ils n’avaient rien croisé sur le chemin, la créature était peut-être entrée aussi dans le passage.
Hilld avait quitté le groupe. Il n’appréciait pas d’être forcé de les laisser seuls. Il voulait être là pour protéger l’héritier. Seulement ! Si c’était bien un Ulder qui était en train de les suivre, il ne pouvait pas y avoir d’autres solutions. Il était le seul à avoir une chance de survivre contre une telle créature. Il ne pouvait pas gagner le combat, non cela était certainement au-delà de ses possibilités. Il pouvait seulement résister et se sauver dans une direction qui éloignerait la créature du groupe.
C’était peut-être une mission sans retour dans laquelle il venait de s’engager. Il marchait d’un pas très rapide. Retraversant un par un tous les passages qu’il avait empruntés jusqu’à présent. Il surveillait tout. Sa torche n’éclairait pourtant qu’une faible zone, mais ses yeux furetaient dans chaque recoin pour y trouver le moindre signe de danger.
Un Ulder ne pourrait pas passer inaperçu. Une créature pouvant mesurer jusqu’à douze mètres de haut. Un corps fait de pierre. La première créature humanoïde vivant sur Sulder. L’une des quatre grandes espèces qui formèrent l’empire du Sumerlane. Un Ulder était aussi puissant et dangereux qu’un dragon. Il ne restait que très peu de dragons sur Sulder, il en était de même pour les Ulders.
Hilld n’était pas enthousiaste d’en voir surgir un devant son nez. Pourtant, ce serait une fierté de pouvoir annoncer qu’il en avait vu un. Les Ulders se terrent généralement, n’appréciant plus la présence des autres espèces. Comme pouvait-il en être autrement. Toutes les autres espèces avaient réduit le territoire des Ulders.
Hilld élabora dans sa tête les quelques possibilités qui allaient s’offrir à lui s’il devait faire face à ce danger. Encore là, ce n’était pas le fait de rencontrer la créature qui l’inquiétait le plus. L’Ulder était sur son territoire, il connaissait peut-être ce passage. Cette entrée. Il y en avait peut-être d’autres. Alors que lui tentait de faire face à la menace, l’Ulder était peut-être en train de le contourner par un autre chemin. Hilld grimaça, si c’était le cas… pourvu que les autres parviennent à sauver l’héritier.
Hilld s’arrêta devant l’entrée du tunnel. Il était revenu au point de départ. Le passage était encore fermé. Il devait le rouvrir pour vérifier à l’extérieur si la créature n’y était pas. Alors qu’il était de peser le pour et le contre de son idée, la perspective d’être responsable de l’entrée du Ulder ne lui convenant pas particulièrement, il n’eut pas besoin d’y réfléchir longuement !
Sans qu’il n’y n’ait fait la moindre action, le passage s’ouvrit devant lui. La pierre bloquant le passage commença à se rapprocher de lui. Elle pivota au dernier moment sur le côté pour laisser la voie libre. La nuit était tombée à l’extérieur. Aucune lumière ne vint éblouir les yeux de Hilld.
Il était tendu. Ses muscles s’étaient crispés d’une manière exagérée. Il y avait bien une présence de l’autre côté du passage !
Donirico fit quelques pas autour de la rune tout en méditant. Lobyron continua son exploration. Il était tant de prouver qu’il pouvait trouver lui aussi le passage des nains. Nathax avait bien dû trouver une explication écrite, il n’aurait pu deviner le fonctionnement sans une aide.
« Être dans l’ignorance c’est ce que je redoute le plus, gronda Donirico. J’aimerais comprendre. Qu’est-ce qui poursuit nos compagnons ?
— Plus tard Donirico, lâcha avec virulence Lobyron. Pour le moment, nous devons les suivre. Je ne peux pas inventer ce que je ne sais pas et toi non plus. Contentons-nous de trouver ce que nous sommes en mesure de résoudre. Je m’inquiète tout autant que toi du sort de nos compagnons.
— Je sais, soupira Donirico. Excuse-moi, je sais que tu es aussi impliquée si ce n’est pas dans cette histoire. Hum ! Cela m’énerve au plus haut point... »
Le visage de Donirico se décomposa. Une fluctuation magique ! Des images affluaient dans leur secteur. Ce n’était pas de la magie blanche, il aurait su déchiffrer les images. Ni de la magie grise, il côtoyer Alendomïën depuis des années, il avait appris à reconnaître la magie des elfes. Ce n’était pas de la magie noire non plus, mais cela s’en rapprocher.
« Couche-toi, hurla Donirico à destination de son compatriote. » Donirico plongea sur Lobyron et le fit basculer contre le sol. Un éclair bleuté passa juste au-dessus d’eux. Lobyron n’avait pas senti le danger arriver. Il se redressa d’un bon et scruta les environs d’un balayage rapide. Il n’y avait rien, ni personne.
Donirico se concentra pour ressentir les derniers flux de magies avant qu’ils ne se dissipent. Il pensait avoir une explication. Il ne comprenait pas pourquoi cette magie s’était déclenchée maintenant et pas sur la compagnie devant eux.
Lobyron crut que c’était la rune elfique qui était piégée et qu’ils l’avaient déclenché par une mauvaise action. Donirico lui fit un signe négatif de la tête et tendit un index vers un autre symbole présent sur la paroi de la montagne. Lobyron ouvrit de grands yeux. Il connaissait de nombreux langages de la planète et celui qu’il avait devant les yeux lui était connu.
« Une rune rathom ! S’exclama Lobyron. Pourquoi cette rune piégée s’est déclenchée sur nous et pas sur le groupe de l’héritier ?
— Ils n’ont pas de magicien humain dans leur groupe, déclara Donirico. C’est ma présence qui a excité ce piège.
— Comment ça ? Questionna Lobyron.
— Nous sommes ici aux portes de la capitale de l’Empire, expliqua Donirico. Ce sont les humains qui traversent régulièrement ses montagnes, pas les elfes. C’est pour cela que cette rune était destinée à frapper un magicien humain. Ta Mardeën n’avait rien à craindre de ce piège contrairement à moi.
— C’est rassurant pour elle, dit Lobyron. Mais pas pour nous. Tu es en train de me dire que nous sommes potentiellement devant un ancien tunnel nain qui a été envahi par des rathoms. Et qu’en plus il pourrait te tendre spécifiquement des pièges. La suite va être joyeuse.
— Merci de ta compassion mon cher, ça fait chaud au cœur, déclara Donirico avec un éclat de rire. Ne perdons pas de temps devant cette porte, nous devons entrer. Je m’occupe des pièges magiques qui me sont destinés, trouve-nous la route. »
Lobyron ne mit pas longtemps à découvrir la rune naine nouvellement gravée par Nathax. Les marques fraîches autour de la rune rassurèrent Lobyron. Elle était devenue parfaitement visible. Lobyron en comprit la signification en une fraction de seconde. Il réalisa le même geste que Nathax avait réalisé quelques heures avant lui. La porte encastrée dans le flanc de la montagne commença à s’ouvrir.
« Voilà une vieille inscription qui ne fera pas de mystère avec nous, déclara Lobyron. C’était dans un ancien dialecte nain, mais grâce à Nathax j’ai pu le traduire sans problème.
— C’est donc bien un passage nain, commenta Donirico regardant la porte s’ouvrir. Nathax va les conduire facilement dans ce labyrinthe sous la montagne jusqu’à Englub. J’espère que tu vas pouvoir faire pareil.
— Si Nathax trouve un chemin, je le trouverais aussi, signala Lobyron. Je suivrais ce groupe à leur odeur s’il le faut.
— D’accord tu vas suivre Mardeën à son effluve, ria Donirico.
— Je n’ai pas dit cela, rétorqua Lobyron avec un petit rictus à mi-chemin entre la colère et un sourire. »
Les deux compagnons entrèrent dans le tunnel. Le passage était dégagé. Ils laissèrent la porte se refermaient derrière eux. Se retrouvant dans le noir total, Donirico ouvrit la paume de sa main et y fit apparaître une petite boule de lumière qui crépita entre ses doigts. « C’est à ton flair de Don Juan de jouer, déclara Donirico en retenant un large sourire. »
Hilld partit, le groupe reprit sa route sous la direction de Nathax. Les uns derrière les autres, ils se suivaient sans dire un mot oppressé par l’ambiance pesante.
Soudainement, Balco sortit de sa léthargie en percutant le corps de Rosental qui s’était arrêté juste devant lui. Rosental se retourna et regarda en arrière, mais ne lui adressa aucun regard. Balco s’en inquiéta. Il s’attendait à des reproches de la part du guerrier. Ce dernier regarda en arrière en plissant des yeux comme pour voir plus loin.
Balco se retourna à son tour. Il était pratiquement en dernière position dans le groupe. Il n’y avait que Lif derrière lui. Balco et Lif tendirent leur torche en avant dans un mouvement similaire pour sonder les ténèbres. Balco s’attendait à ce que l’insondable galerie ouvre sa gueule à un monstre horrible. Les yeux elfiques de Lif se plissèrent.
« Tu as entendu ? Questionna Rosental en direction de Lif sans se préoccuper de l’héritier de la nuit. »
Balco tendit l’oreille, mais il ne percevait que le souffle court du guerrier et le crépitement de sa torche. Les murs laissaient couler également à intervalle régulier des petites gouttelettes qui s’écrasaient sur le sol. Lif et Rosental restèrent silencieux. Les pas des autres membres du groupe s’éloignèrent progressivement.
Balco faillit rompre le silence imposé par les deux autres, lorsqu’il entendit à son tour ! Ce n’était qu’un petit bourdonnement lointain à son oreille. Mais rapidement cela se transforma en des grognements sauvages se rapprochant d’eux.
« Des rathoms ! Souffla Lif avec conviction. »
Lif libéra son arc de son épaule. Fouilla d’une main habile le carquois qu’il avait dans le dos et en retira une flèche. Il l’encocha dans son arc et tendit légèrement la corde avec ses doigts. Rosental retira son glaive du fourreau qui frottait son armure bleutée. Il baissa la visière de son casque. Son visage venait de disparaître dans l’obscurité. Balco souffla doucement et il avala sa salive. Il n’avait pas besoin d’un dessin, un danger se diriger vers eux.
Il ne voulait pas être le boulet inutile cette fois. Il sortit à son tour l’épée magique et l’empoigna fermement à deux mains. Ses doigts picotèrent au contact de l’épée. « Laissez-moi faire ! Souffla Rosental avec une voix qu’il voulait silencieuse. »
Lif lui fit un mouvement de tête négatif. Il lui indiqua d’un mouvement de la main le chiffre trois. Ils étaient actuellement trois et ils devaient tous agir par conséquent. Balco était au milieu des deux autres. À eux trois, ils barraient la galerie souterraine où il se trouvait. Rosental coinça sa torche entre deux pierres afin d’avoir ses mains libres pour combattre. Balco fit de même en la posant derrière eux.
Il souffla un grand coup en se disant mentalement : « Et que Rouge soit avec nous ! » Il eut juste le temps de se retourner de nouveau pour se mettre entre ses deux compagnons. Son regard se perdit dans les ténèbres. Il se demanda s’il était le seul à voir aussi mal dans les ténèbres.
Ils distinguèrent une lumière grelottante se rapprochait d’eux. Puis des ombres glissaient sur les murs de la galerie. Difforme, gigantesque, inquiétantes. Les créatures s’élançaient vers eux en courant !
C’était un ramassis de silhouettes en armes. Des piques, des épées et des boucliers. Balco était effrayé par cette mise en scène, mais il le fut encore plus lorsqu’il put les distinguer.
Il recula brusquement d’un pas en les voyant.
Il serra fermement la poigne de son épée et la tête droite avança à nouveau d’un pas. Il ne devait plus reculer. Les rathoms étaient à peine six, surexcitaient par la présence d’étrangers dans les cavernes qu’ils avaient dû infester. Balco frémit de tous ses membres en les voyant.
Une peau grise et très velue. Des membres simiesques et une tête de rat. Un affreux mélange d’humains, de singe et de rat. Les créatures étaient complètement nues à l’exception d’un petit bouclier rond en bois qu’il portait au bras gauche. Leur main droite tenait une pique gigantesque ou une épée à la lame sombre.
Les rathoms poussèrent des cris de joie en découvrant le petit groupe qui leur faisait face. Ils se pensaient en supériorité numérique et comptaient sur leur capacité à imprimer la peur chez leur adversaire pour leur faire perdre tous les moyens. Lif ne l’entendait pas de cette manière. Sans attendre, il décocha sa première flèche.
Balco eut juste le temps d’entendre la corde de l’arc claquer. La flèche fila directement dans le crâne de l’un des rathoms tenant une pique. « Je m’occupe des porteurs de piques, déclara Lif. Je vous laisse les épéistes, ils seront largement à votre portée. »
Les rathoms poussèrent des cris de rage. Ils jetèrent leurs torches tout autour d’eux pour ne se concentrer que sur cette bataille. Ils se poussèrent du coude en grognant. Rosental leva son glaive au-dessus de sa tête et rugit à son tour répondant ainsi au défi lancé par les rathoms.
Les bêtes se ruèrent à l’assaut.
Lif décocha sa deuxième flèche qui foudroya un deuxième rathom. Rosental plongea dans la mêlée disparaissant dans l’ombre du champ de vision de Balco.
L’héritier de la nuit se rua droit devant lui avec une force et une souplesse qu’il n’avait jamais ressentie. L’épée de la roche lui avait insufflé juste ce qu’il fallait. Devant lui, un rathom les yeux jaune brillant avait levé son épée au-dessus de lui. La créature bavait comme si elle était contaminée par la rage, ce qui était probablement le cas. Tout se passa lentement, si lentement que Balco eût un large sourire sur les lèvres. Son épée de la roche s’élança en suivant le mouvement de ses bras et fracassa la mâchoire du monstre.
Une gerbe de sang rouge et chaud gifla le visage de Balco. Le rathom eut le visage défiguré et le coup d’épée lui déboîta la colonne. Le rathom s’affaissa de toute sa masse sur le sol dans un grand vacarme.
Balco vit que ses deux compagnons s’en étaient parfaitement tirés eux aussi. Il ne restait qu’un corps de rathom titubant devant Rosental. Le guerrier se gaussa des derniers instants de vie du monstre. Balco n’eut pas le cœur à ça. Il planta son épée de la roche dans le cœur du rathom. Les yeux de la créature se révulsèrent et elle tomba en arrière.
C’était terminé !
Rosental essuya sa lame contre les longs poils d’un des rathoms morts au sol. Puis il fit de même avec l’épée de la roche de Balco. Lif sortit un tissu vert de son paquetage pour essuyer le visage de Balco.
Rosental fit un petit clin d’œil à Balco. « Bravo l’héritier. Vous êtes en train de vous faire une place dans ce groupe. » Balco lui rendit un vague sourire. C’est vrai que pour une fois, il s’était senti utile. Tout s’était passé si vite, il n’était même pas certain d’avoir tout compris.
Lobyron et Donirico avançaient depuis quelques minutes dans le tunnel des nains. Lorsque Lobyron attrapa son collègue par la manche et l’entraîna de force dans un recoin sombre. Ils étaient actuellement dans une salle imposante. Le sol était recouvert par une fine couche d’eau qui semblait ruisseler dans toute la salle certainement pour rejoindre le lit d’une rivière.
Lobyron trouva un monticule de pierres et ils se cachèrent tous les deux derrières. Donirico n’avait qu’une envie c’était de poser des questions à son partenaire. Il se retint, imaginant bien que s’il avait ressenti le moindre danger, la meilleure chose à faire c’était encore de se la ferme.
Donirico ne fut pas déçu par la réponse visuelle qui lui fut apportée ! C’est Hilld qui apparut de l’autre côté de la salle. Il marchait à grands pas. Donirico se fit le plus petit possible. Même si ce n’était pas un drame si Hilld les repérait, ils avaient pour ordre de ne pas être détecté par le premier groupe. Ignorer leur présence était la meilleure façon pour eux d’agir. Hilld semblait seul. Pourquoi avait-il rebroussé chemin ? Et surtout, pourquoi avait-il quitté l’héritier ?
Ils le laissèrent traverser la pièce et s’éloigner. Une fois certains qu’il était assez loin, ils se mirent à chuchoter. « Ce n’est pas normal, commenta Lobyron d’une voix la plus douce possible. Il est au service de l’héritier de la nuit. Il n’aurait jamais dû le quitter des yeux. Il se passe quelque chose de grave.
— On peut toujours le suivre et lui poser la question ? Questionna Donirico.
— Ce n’est pas la règle, dit Lobyron. D’un autre côté, il est tout seul…
— Ce n’est pas plus la règle, ajouta Donirico. Sauf s’il s’est passé un événement majeur.
— Ou s’il se retrouve tout seul, souligna Lobyron. Cela voudrait dire que Mardeën est morte. »
La voix de Lobyron se fit plus faible. « D’accord, on improvise dans ce cas, déclara Donirico en se redressant. On oublie les prérogatives du grand maître. La situation exige que nous agissions en notre âme est conscience. Je propose que nous nous dévoilions à Hilld. Nous devons savoir ce qui se passe. C’est notre rôle de venir en aide au groupe en cas de pépin. C’est un cas d’urgence potentiel. »
Comme seule réponse, Lobyron se redressa et s’élança à la poursuite de Hilld. Donirico lui emboîta le pas tout aussi vite. Leur couverture allait tomber. Le grand maître leur en voudrait, mais peut-être encore plus s’ils ne prenaient pas cette décision maintenant.
Une fine silhouette se forma progressivement devant les yeux de Hilld. C’était une créature plutôt frêle. Ce n’était vraiment pas l’Ulder qu’il s’attendait à voir. Hilld resta impassible malgré la surprise qui l’attendait. Il n’aurait jamais imaginé qu’elle puisse être ici. Il la connaissait parfaitement et il continua à garder sa mine impassible, lorsque l’elfe qui se rapprochait de lui, lui adressa un large sourire et un geste de bienvenue amicale de la main »
« Deënie ! S’exclama Hilld avec une intonation plus forte qu’il ne l’aurait voulu. »
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