Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 16 : Soirée à la taverne

Le grand maître foudroya du regard le lutin. Il se retint de faire exploser le tonneau de bière qu’il portait maladroitement au-dessus de lui. Pourtant, ce n’était pas l’envie qui lui manquait.
Toutefois, il commençait à connaître un peu trop son groupe de disciples. Lorsqu’ils avaient en tête de vouloir faire la fête, rien ne pouvait plus les arrêter. Leur aboyer dessus n’aurait que renforcé leur conviction qu’une soirée arrosée s’imposait. Ce n’était plus le moment de faire des bêtises pourtant.
Il tenait enfin son héritier de la légende de l’aigle blanc. Tout ce qu’il avait concocté depuis des mois pouvait enfin débuter. Le grand maître poussa un nouveau léger soupir. Vu ce qui allait les attendre dans les jours prochains, il pouvait bien leur laisser une petite soirée de répit. À contrecœur, il donna sa bénédiction pour qu’ils fassent la fête. Il recommanda malgré tout à ce que les membres de l’expédition pour Englub profitent de cette soirée pour faire plus ample connaissance avec l’héritier.
Dès demain, ils seraient tous sur la route avec lui. Ils devaient apprendre à le connaître afin qu’il y ait une harmonie dans le groupe. Le grand maître se retira ensuite, il salua Balco et le rassura en expliquant qu’il serait présent pour son départ. D’ici là, il serait raisonnable pour lui de rester à l’auberge, de profiter de la soirée et de suivre les conseils de Hilld.
Le grand maître à peine parti, que les premières tournées de bières commencèrent à circuler entre les tables. Balco resta seul un moment sur sa table, surpris que le grand maître l’ait laissé seul. Il profita de ce petit moment pour penser mentalement à la lettre qu’il allait rédiger pour sa sœur.
Il ne prêta pas d’attention particulière à l’agitation ambiante au sein de la taverne. Si bien qu’il sursauta lorsque le nain Nathax vint se joindre à lui. Il venait de faire glisser sa chaise jusqu’à la table de Balco. Il s’installa joyeusement en n’oubliant pas d’être accompagné de sa pinte de bière.
« J’espère que je ne te dérange pas, lança le nain.
— Non pas vraiment, affirma Balco encore surpris par cette présence.
— Le grand maître souhaite que nous fassions connaissance, déclara le nain. Alors, profitons de cette soirée pour discuter. Nous aurons d’autres occasions de nous découvrir lorsque nous serons sur la route d’Englub. Dans quelques mois, on se connaîtra par cœur.
— Je serais ravi de discuter avec vous ! Indiqua Balco.
— Tu peux me tutoyer héritier de la nuit, expliqua le nain.
— Pardon, s’excusa Balco en baissant légèrement les yeux. Tu es Nathax, c’est bien ça ?
— Parfaitement, s’exclama Nathax d’une voix puissante. Je n’aurais pas cru que tu es retenu la plupart de nos noms si rapidement. Nous nous sommes à peine croisés quelques minutes lorsque Hilld t’a fait visiter la cité.
— Il n’y a pas beaucoup de nain dans les élèves du grand maître, expliqua Balco. Où du moins, je n’en ai croisé que deux ? Le premier fut Pys’ch’kim et je ne crois pas que l’on puisse l’oublier après l’avoir rencontré. Le second ce fut toi.
— C’est vrai qu’il y a un déficit de nain dans ce groupe, ronchonna Nathax. Alors que des elfes bons à rien, il y en a plein !
— Encore en train de moudre du grain sur le dos des elfes pendant qu’ils ont le dos tourné, s’exclama une voix douce derrière le nain. »
Balco leva les yeux au-dessus du nain pour reconnaître le visage de la magelsorf. Elle vint s’installer au côté du nain en lui dédiant un large sourire. « Est-ce que l’on est en train de dénigrer les elfes dans le coin ? Questionna Alendomïën avec un regard malicieux à destination du nain.
— Nullement, déclara Nathax. Je disais juste que ça manque un peu trop de nain.
— Tu voudrais peut-être mettre en place des quotas pour que chaque espèce soit représentée de la même manière ? Demanda Alendomïën.
— Ne poussons pas le bouchon trop loin, décréta Nathax. Quelques nains de plus suffiront à mon bonheur… »
Balco regarda tour à tour Nathax et Alendomïën. L’elfe et le nain ne semblaient pas animer d’une animosité particulière l’un envers l’autre. Il y avait au contraire du respect mutuel entre le guerrier nain et la magicienne elfique. Chacun connaissait sa force et celle de l’autre. Le grand maître ne s’était pas trompé en les choisissant pour l’accompagner jusqu’à Englub. Si différent soit-il, ils se complétaient parfaitement.
« Excusez-moi, déclina Balco. Je suis encore surpris de voir une elfe et un nain parlementer sans se taper dessus.
— On entend beaucoup de choses sur ce qui oppose nos deux peuples, conta Nathax. Il y a toujours matière à exception. Je ne suis pas adorateur des elfes et encore moins de la magie. Mais je dois bien reconnaître que cette magelsorf a plus d’un tour dans son sac qui peut s’avérer utile.
— Mais si cela ne tenait qu’à toi seul ta hache suffirait, commenta Alendomïën avec un large sourire.
— Et comment, gronda Nathax en souriant à travers ses épaisses moustaches colorées. Je peux me départir de n’importe quel problème avec une hache entre les mains.
— Je le sais, dit Alendomïën en levant les yeux au ciel. Tu le répètes chaque jour. J’espère que tu pourras t’en sortir même sans elle entre les mains.
— T’inquiètes pas pour moi Alendomïën, déclara Nathax. Je ne suis pas dépourvu de ressource.
— Si je peux me permettre de vous interrompre, plaça Balco. Comment le grand maître a pu vous former alors que vous êtes tous si différents ?
— Il a fait de son mieux avec chacun d’entre nous, répondit Nathax plus rapidement qu’Alendomïën. Il nous a aussi envoyés un peu partout sur Saol pour suivre des formations plus adéquates…
— Le grand maître se chargeait plutôt de suivre nos progrès, d’organiser ses épreuves et de nous faire découvrir nos forces et nos faiblesses, ajouta Alendomïën.
— Et surtout, comment faire confiance aux compétences des autres, conclut Nathax. Je ne sais pas si j’aurais autant confiance en Alendomïën si le grand maître ne nous avait pas placés dans les mêmes épreuves à quelques reprises.
— On était plutôt efficace lorsqu’on était dans le même groupe, souligna Alendomïën avec un large sourire. Ta hache et ma magie, ça faisait pas mal le ménage.
— Je ne te le fais pas dire, commenta Nathax.
— Des épreuves ? Questionna Balco. Je ne comprends pas trop.
— Nous avons subi au cours de notre formation avec le grand maître une longue série d’épreuves, expliqua Nathax. Nous étions toujours par groupe de deux, trois ou quatre. Rarement plus. Chaque groupe avait la même tache à accomplir. Le grand maître nous jauger pour savoir qui aller le mieux s’en sortir dans chaque situation. Chaque groupe devait faire au mieux en usant des compétences des membres du groupe. On a appris comme ça régulièrement à connaître les autres. Leurs forces et leurs faiblesses. Ça peut paraître futile cet apprentissage, mais grâce à cela on se connaît tous très bien. Nous savons tous comment réagir avec les autres.
— Je n’aurais donc pas la chance d’avoir un apprentissage comme celui-ci, soupira Balco.
— Tout porte à croire que vous allez plonger directement dans le grand bain, souligna Alendomïën avec une voix douce et rassurante. Nous sommes là, nous allons vous faire partager tout notre apprentissage au cours des prochaines semaines, voir mois. Peut-être que lorsque nous aurons trouvé plusieurs héritiers, le grand maître organisera de nouveau les épreuves pour voir comment vous pourriez vous en sortir.
— Ce serait intéressant même pour nous, ajouta Nathax. Imagine que l’on refasse les mêmes épreuves dans quelques années, juste pour s’apercevoir de notre niveau de progression.
— Je ne pense pas que ce soit dans les projets du grand maître, expliqua Alendomïën. De toute façon, ce n’est pas très difficile d’imaginer notre progression. Repense à notre première épreuve, la seule que nous avons faite seuls.
— Les cinq petites araignées que le grand maître animait par magie et que l’on devait éliminer sans se faire mordre ? Demanda Nathax.
— Exactement, souligna Alendomïën. Repense à ta réalisation, est-ce que tu serais capable de faire mieux aujourd’hui ?
— J’avais claqué les cinq petites araignées Alendomïën ! Gronda Nathax. Tu me prends pour qui ?
— Mince, tu faisais partie des quelques élèves du grand maître à avoir réussi à la perfection la première épreuve, déclara Alendomïën. Autant pour moi, je ne m’en souvenais plus.
— Ton score c’était quoi ? Questionna Nathax tout sourire.
— Les cinq aussi, déclara Alendomïën.
— Bien joué, clama Nathax. Je me souvenais plus de cette histoire. C’est comme même bon de se remémorer ces glorieux moments. »
Nathax se dressa de toute sa stature sur son siège et il interpella d’une voix puissante les autres présents dans la salle. « Hé ! Manu, c’était quoi ton score lors de la première épreuve du grand maître ! »
Hilld d’un regard placide observa le nain. Il se contenta de répondre en tendant une main ouverte. « Merde toi aussi les cinq, s’écria Nathax tout excité. Bien que cela ne m’étonne pas vraiment de ta part. Il aurait été plutôt surprenant que tu n’aies pas un score parfait sur un truc si simple. »
Nathax tourna son regard vers Rosental et Donirico qui discutaient de leur côté vers l’autre côté de la taverne. Les deux déclarèrent le chiffre quatre avec un sourire satisfait. Nathax fit un petit signe de tête approbateur. « Pas parfait, mais c’était notre première, quatre c’est déjà pas mal. »
Nathax répéta sa question en direction de Calaento. Mais ce dernier ne voulut pas répondre immédiatement. Nathax se fit insistant. Calaento annonça les dents serrées un score de deux !
« Ouh ! Ouh ! Ouh ! Calaento… t’es vraiment une grosse lopette, s’écria Donirico. Deux petites araignées. Je ne me souvenais pas de ce score minable. Déjà petit tu ne valais pas mieux que maintenant. Le pire dans cette histoire, c’est que je ne suis même pas certain qu’il pourrait améliorer son score aujourd’hui !
— Ferme-la, gronda Calaento en se redressant.
— C’est bon Calaento, lança Nathax joyeusement. Ce n’est pas de ta faute si tu es le plus mauvais elfe de la planète. Il fallait bien que cela tombe sur quelqu’un… c’est tombé sur toi, voilà tout. Au moins, tu es exceptionnel quelque part, tu es l’empereur elfique de l’incompétence.
— On se calme Nathax, indiqua Alendomïën en lui intimant de se rasseoir sur sa chaise.
— C’est bon maman, lança Nathax. Calaento c’est se défendre sans ta présence. Tu n’es pas obligé de le surprotéger.
— Nathax ! Gronda Alendomïën en fronçant les sourcils. J’aimerais discuter paisiblement avec l’héritier de la nuit. Si tu n’en es pas capable, tu vas décamper de cette taverne. Je n’ai nul besoin du grand maître pour te mettre à la porte.
— Le voyage jusqu’à Englub promet d’être long, souligna Nathax en reprenant sa place. »
Donirico et Rosental continuèrent à invectiver Calaento, l’accablant de tous les sobriquets possibles pour le rabaisser un peu plus à chaque fois. Alendomïën se retint d’intervenir. Nathax la surveillait avec un sourire en coin. Elle préféra ne pas envenimer plus que nécessaire cette situation. Tout allait se tasser avec une bonne nuit de sommeil pour chacun.
« Vous savez qui d’autres a remporté ce fameux score parfait à la première épreuve? Questionna Balco en cherchant à calmer les esprits.
— J’imagine MuTyrNoze, indiqua Nathax en regardant Alendomïën.
— Je l’imagine mal avoir échoué dans cette épreuve, confirma Alendomïën. Il me semble que Mardeën avait également réussi, mais pas sa sœur.
— Il n’y avait pas Iändamine également ? Fit remarquer Nathax.
— Je crois bien que oui, dit Alendomïën en passant sa main droite lentement dans ses longs cheveux blonds.
— Je ne suis pas convaincu qu’il y en a d’autres, ajouta Nathax. Mais ce serait à vérifier. Je trouve qu’il serait intéressant que Balco puisse passer les mêmes épreuves que nous. Ça nous donnerait une bonne vision de son niveau.
— Tu as raison Nathax, commenta Alendomïën. Après tout, nous le regardons en le comparant avec notre niveau actuel. Si nous pouvions le comparer avec nos propres débuts, ce serait plus équitable.
— Il faudra en parler au grand maître, clama Nathax satisfait.
— On lui en parlera, dit Alendomïën. Mais je crains fort qu’il ait déjà d’autres projets pour notre héritier.
— Ça, nous sommes déjà au courant, spécifia Nathax avec un sourire en coin. Si nous partons demain pour Englub, ce n’est pas pour faire les touristes. Le grand maître a déjà un grand projet pour notre héritier. »
Balco affaissa légèrement ses épaules en continuant d’observer le nain et l’elfe. Il était enchanté de partir pour la capitale. Mais ce que lui demandait de faire le grand maître était au-delà de ses capacités. Il n’aurait jamais le courage de tuer un homme contre qui il n’avait rien à reprocher. Il souhaitait que l’empereur accepte d’abdiquer sans devoir recourir à la force.
Alendomïën lui fit un sourire rassurant en remarquant son léger mouvement d’épaules. « Jeune héritier, lança d’une voix mélodieuse Alendomïën. Vous n’êtes pas seul dans cette histoire. Nous allons vous apporter tout le soutien que vous êtes en droit de revendiquer. Aucun des compagnons de route que le grand maître vous a assignés ne vous abandonnera. Quels que soient les dangers que nous rencontrerons, nous formerons une équipe et vous en faites désormais partie !
— Est-ce que l’on ne prendrait pas une petite tournée de bière pour fêter cette arrivée dans le groupe ? S’exclama joyeusement Nathax. »
Il n’eut pour réponse de la part d’Alendomïën qu’un regard sombre qui ne gâcha en rien sa bonne humeur. Balco déclina l’offre. Nathax quitta la table un court instant pour aller se chercher lui-même sa chope de bière.
— Oui, questionna le grand maître en fronçant un peu les sourcils.
— J’aimerais rester chez vous ! Répondit-elle en regardant le grand maître avec de grands yeux laissant transparaître son inquiétude !
— Oh ! Déclara le grand maître en riant soudainement. Je n’y vois aucun problème. Ma demeure est grande et je n’y ai jamais refusé personne. Je serais enchanté de vous avoir quelques jours avec moi ma chère Anis.
— Merci grand maître, dit Anis avant de quitter la pièce en sautillant de joie. »
« Nathax est très particulier, souffla Alendomïën en direction de Balco. On a toujours l’impression qu’il se moque de tout et qu’il est distant de tous les sujets. Ce n’est qu’une carapace. Si le grand maître lui a demandé de vous accompagner, il honorera cette tache avec la plus grande inflexibilité. Il vous accompagnera où que vous décidiez de l’amener avec la même rigueur que Hilld.
Agal et le grand maître laissèrent Anis quitter la pièce en la regardant. Ils avaient un sourire aux lèvres de voir cette jeune fille garder le sourire malgré tous les évènements. Puis lorsqu’ils furent de nouveaux seuls, ils se regardèrent un instant. Le grand maître soupira longuement : « Je sais ce que tu vas encore me dire, mon cher Agal. Nous avons passé des années ensemble et côtoyé plus d’individus que n’importe qui… L’avenir dépend encore une fois de nous !
— Et vous ? Demanda timidement Balco.
— J’en ai bien conscience grand maître, dit Agal. Je voulais juste vous poser la question ! Celle dont j’attends une vraie réponse de votre part. Car d’après moi, c’est ça qui doit nous sauver comme toujours.
— Je vous suivrais également, dit Alendomïën en lui faisant un léger clin d’œil. Mais vous pouvez compter sur moi pour vociférer contre les décisions que je trouverais absurdes. Je ne vous suivrais pas aveuglément. Moi, je me sers de ma tête… »
— Allez-y mon ami, dit le grand maître avec un léger sourire !
« Pas uniquement lorsqu’il faut se payer une bière, lança-t-elle plus fort en direction du nain qui revenait à la table les deux mains prisent par une chope de bière. Je pensais avoir dit que je ne voulais rien.
— Vous envisagez le retour de l’énergie ? Demanda Agal. Je ne me trompe pas ?
— T’inquiètes pas ma grande, lança Nathax. Les deux sont pour moi. Je suis prudent, c’est pour éviter d’avoir besoin de me relever d’ici dix minutes pour aller en chercher une autre. »
— Voilà plusieurs dizaines d’années que j’y travaille en secret, dit le grand maître. J’ai continué à former discrètement sans que l’Empire puisse s’en douter. Mon petit groupe de héros que j’ai laissé à Haches possède les clefs pour développer l’énergie dès que l’empereur aura été renversé. Tout est en place… Pour que tout soit parfait, il me faudrait en plus l’un de ses héritiers de la légende, mais je dois en demander un peu trop au destin, un peu trop.
— Que dois-je faire pour vous aider grand maître, questionna Agal soudainement très intéressé par cette manœuvre ! Former des nouveaux élèves à l’énergie c’est ce que je fais de mieux. Si vous avez besoin de moi, je peux rependre du service, personne ne se méfiera de moi. Je ne suis pas surveillé comme vous l’êtes.
Alendomïën secoua la tête en levant les yeux au ciel. Balco s’amusa des mimiques de la magelsorf. « Messieurs, je vais devoir vous quitter, déclara Alendomïën en se redressant. Je n’étais venu dans la taverne que pour un bref passage et surtout pour remettre un présent à notre nouveau compagnon de route. »
— Merci Agal, répondit le grand maître. Je savais que je pourrais compter sur vous lorsque j’en aurais le plus besoin. Si vous pouviez, mon ami, former quelques guerriers durant les prochains mois afin qu’ils soient prêts. J’aurais mon groupe, celui de dame Inima, le vôtre et je peux faire confiance à Tacalaninanenasx pour qu’il n’ait pas abandonné la formation non plus. Je suis certain qu’il a formé encore des elfes et des chevaliers dans l’ombre.
Balco ouvrit de grands yeux et commença à rougir en entendant la magelsorf. Elle ferma ses deux mains l’une contre l’autre. Une lumière blanche apparut soudainement entre les jointures de ses doigts, puis s’estompa progressivement. Elle ouvrit les mains et tendit sa paume droite en direction de Balco.
— Oui, Taca aura certainement agi comme vous, dit Agal avec un sourire. Je ne veux pas parler trop vite, mais il nous sera facile de rallier Aliens, Darinx, Tribalde, Aimorks, Brunx ou Gaarks. Tous les anciens maîtres qui n’attendent que ça.
Une plume blanche était posée dans sa main. « La tavernière m’a fait part de votre besoin d’écrire, expliqua Alendomïën. Ce n’est que bien peu de chose, mais je sais que vous allez en faire un bon usage. Cette plume vous permettra de rédiger votre lettre et bien plus.
— Merci, dit Balco d’une voix vibrante. »
Il prit délicatement la plume dans la main douce de la magelsorf. « Je vous conseille d’aller la ranger dans votre chambre. Elle sera un peu plus à l’abri qu’ici… une bière est si vite renversée !
— Sulder est resté sans énergie bien trop longtemps, il est maintenant l’heure que cette planète retrouve ses anciennes normes ! Déclara le grand maître en se levant de sa chaise. Encore un peu de patience, ne précipitons rien, cher Agal. Tout est en place… il ne reste plus qu’à trouver le détail qui va tout faire basculer… »
— Comment ! S’écria Nathax. Je ne laisserais jamais une goutte de ma bière échapper à son destin de finir au fond de mon estomac.
Une heure après que la conversation entre Agal et le grand maître fut terminé. Le grand maître regardé encore les cartes étalées sur sa table lorsque l’on frappa à la porte.
— Oui, c’est cela, rit Alendomïën d’une timbre cristallin. Je vous souhaite une bonne nuit à tous les deux. Nous nous revoyons demain pour le départ. Nathax tache que notre héritier ne veille pas trop tard, une longue route l’attend.
« Entrez, dit sèchement le grand maître »
— Je ne le ferais pas veiller plus que nécessaire, exprima Nathax. »
Le grand maître tourna la tête vers le groupe d’individu qui lui rendait visite. « Chevaliers de la main ! Votre ponctualité vous honore. Nous avons un avenir à préparer… »
Alendomïën ne rajouta rien, mais elle eut un regard insistant en direction du nain. Balco profita du départ de la magelsorf pour se lever à son tour et rapidement rejoindre sa chambre afin d’y ranger précieusement la plume qui venait de lui être offerte.
Balco arriva devant la porte de sa chambre qu’il ouvrit délicatement. Il avait peur de réveiller le chat venu dormir dans son lit. À sa grande surprise, il n’était plus là. Son lit était totalement désert d’une présence animale. Balco ramassa sa cotte de mailles qui gisait sur le sol pour la ranger dans son armoire. Il se pencha et en se redressant, il s’aperçut que le chat blanc avait trouvé un nouveau coin pour dormir beaucoup plus intéressant que le précédent.
Il avait trouvé une place dans l’armoire restée ouverte sur une pile de vêtements à l’allure moelleuse. Le chat regardait Balco avec des petits yeux endormis avec un air de dire : « J’ai trouvé cet endroit pour dormir. J’y reste quoique tu puisses en dire. »
Balco resta bouche bée. Le chat était allongé sur le ventre, les deux pattes avant recroquevillées sous lui. La tête droite qui observait en faisant mine de dominer tout l’environnement qui l’entourait. Balco s’approcha de l’armoire. Le chat ne bougea pas d’un pouce. Rien ne semblait pouvoir le décider à quitter sa place. « Monsieur le chat vous êtes bien coquin, dit Balco. Une chance que je sois quelqu’un de gentil. Je vous autorise à rester ici. »
Le chat ouvrit grand la bouche pour montrer toutes ses dents et surtout bâiller par la même occasion. Il resta dans la même position avec la ferme intention d’y rester. Il surveilla du coin de l’œil Balco rangeant sa cotte de mailles sur une des étagères de l’armoire, puis la plume qu’il posa juste à côté. Puis observa Balco quitter la chambre sans se retourner.
Balco reprit la direction de la grande pièce de la taverne le sourire aux lèvres. Il ne savait pas qui était ce petit chat, mais il avait des attitudes attendrissantes.
La taverne était pratiquement vide. Alendomïën était partie rejoindre sa propre demeure, elle devait terminer de préparer ses affaires pour l’aventure qui les attendait demain. Hilld avait quitté également la taverne pour raccompagner la magelsorf jusque chez elle, mais il allait obligatoirement revenir vers la taverne. Rosental et Donirico partaient à leur tour aussi. Ils attendaient devant la porte de l’auberge. Ils firent un petit signe de la main à Balco qui leur répondit par un signe identique de la main. Ils se retournèrent et quittèrent la taverne.
Il n’y avait plus que Nathax installé devant une belle chope de bière nouvellement remplie. Balco sourit en pensant au grand maître qui avait prédit que le nain ne pourrait pas se contenter de boire qu’une seule petite bière. Toutefois, il devait reconnaître que le nain ne semblait pas le moins du monde affecté par la quantité d’alcool ingurgitée jusqu’à présent.
Balco s’approcha de Nathax et il s’installa à nouveau en face de lui. « Je peux me permettre de vous poser une question ? Entama Balco.
— Je ne vous refuserais aucune question, déclara Nathax avec un sourire. Reste à savoir si je peux y répondre.
— Vous allez pouvoir, indiqua Balco. Nous avons évoqué mon plus grand rêve qui serait de croiser dame Inima… J’aimerais savoir de votre côté s’il y a un personnage ou un lieu que vous aimeriez rencontrer et qui pourrait être considéré comme un rêve.
— Un dragon ! Clama Nathax promptement sans même prendre le temps de réfléchir à la réponse. Et pas pour savoir si je peux terrasser un dragon à moi seul. Cela ne m’intéresse pas le moins du monde. Je pense malgré tout que croiser l’un de ses lézards ailés à la taille démesurée ce serait un moment particulier pour moi.
— Je n’avais même pas envisagé en croiser un jour dans ma vie, ajouta Balco. Mais j’imagine fort bien que ce soit impressionnant d’en rencontrer un.
— Encore plus pour un nain, croyez-moi, expliqua Nathax. Ces créatures sont encore plus grandes de mon point de vue. Cependant si grandes fussent-elles, les dragons sont pacifiques pour la majorité. Ils sont anciens et ils ont certainement un savoir qui pourrait nous être utile !
— Comment ? S’étonna Balco.
— C’est mon petit espoir secret, argumenta Nathax. Nous ne devrions pas croiser de dragon, car ils sont trop peu nombreux encore en vie. Et pourtant, cette légende d’héritier commence à prendre forme. Vous êtes l’héritier de la nuit ce qui donne enfin de la crédibilité à ce mythe surgi des millénaires. Maintenant si nous voulons en savoir plus sur l’aigle blanc, il faudrait entrer en contact avec des créatures qui étaient vivantes à cette époque. Même le grand maître si vieux soit-il, n’était pas encore né lorsque l’aigle blanc posa ses pieds sur le sol de Sulder.
— Les dragons étaient présents eux, pensa tout fort Balco.
— C’est exactement le fil de ma pensée, précisa le nain. Les dragons étaient là, peut être que l’un d’entre eux a croisé l’aigle blanc et pourrait nous indiquer des détails que la légende a déformés depuis des millénaires. Je suis certain que le grand maître y a déjà pensé, voir qu’il est peut-être allé déjà les interroger à ce sujet.
— Il semble logique que nous cherchions à en croiser un dans un avenir prochain, s’exclama Balco. Par Rouge ! Rencontrer un dragon. Mes rêves vont être extraordinaires cette nuit. Je tremble déjà rien qu’à l’idée de ressentir le souffle chaud d’un dragon en face de moi. Pourtant, il est certain que les créatures qui dépassent les quatre millénaires il ne doit pas y en avoir beaucoup, en dehors des dragons.
— J’ai déjà réfléchi à cette question, indiqua Nathax en lissant sa moustache. Je souhaitais avoir une idée des destinations probables où nous pourrions aller. Je suis certain que le grand maître est plus au courant que nous des créatures qui dépassent cet âge et qu’il a probablement déjà croisé la plupart d’entre elles. J’ai ajouté à la liste Orcea et le sorcier blanc. Orcea est le dernier dieu de Sulder, je ne sais pas quand il est né, mais il doit avoir un âge honorable également. Quant au sorcier blanc, il a fait parler de lui bien avant que l’aigle blanc ne vienne ici. D’après les légendes, il s’occupe de faire tourner les trois soleils autour de Sulder avec sa magie. Comme nous avons toujours les trois soleils, c’est qu’il doit bien encore être en vie quelque part.
— Et ça représente combien de dragons ? Questionna Balco.
— Sept ! Lâcha Nathax. Ils ne sont plus que sept. Leur population stagne depuis plusieurs centaines d’années. On est passé proche de l’extinction à un moment donné. Mais il y a fort heureusement encore des dragons qui foulent le sol de Sulder de leurs pattes griffues.
— Vous les connaissez tous ? S’étonna Balco.
— J’ai des connaissances sur leur sujet, expliqua Nathax. Tu souhaites que je te présente les derniers représentants des dragons ?
— J’en serais enchanté, clama Balco avec une lueur brillante dans les yeux.
— Alors, commençons, lança Nathax. Il y a dans un premier temps Vulnaire, le dragon blanc. Gardien de la cité légendaire des dragons. Responsable de la cité de Supremus. Le plus connu des dragons de Sulder. Impliqué régulièrement dans les histoires des autres espèces de la planète. Il apporte son aide, ses conseils, mais il n’intervient jamais directement dans les affaires des autres. Le grand maître et Vulnaire sont de très anciennes connaissances. Je ne serais pas surpris qu’il soit notre première destination si nous devions rencontrer un dragon. Surtout qu’il ne se cache pas, il vit paisiblement au cœur de la cité de Supremus.
— J’avais déjà entendu parler de Vulnaire, commenta Balco.
— Le deuxième est Eternel, un dragon blanc également. Gardien de la treizième porte. Connu pour avoir renvoyé Rouge parmi les vivants alors qu’il n’était encore rien à ce moment-là. Eternel a été renvoyé sur Sulder. Nul ne sait où il a élu domicile, mais nul doute que ce serait un dragon des plus intéressants à rencontrer. Il a croisé bon nombre de personnes. Il possède des connaissances difficilement égalables.
— Mais il ne sera pas facile à rencontrer, exprima Balco.
— C’est le problème majeur, souligna Nathax. Sans savoir où il se trouve, seule la chance pourra nous amener à le rencontrer. Le troisième est Noohoogohosh, le dragon d’or. Protecteur de l’empire des lézards. Fils de Noogoosh, le dragon qui fit construire la cité des dragons. Il vit parmi les lézards, très certainement dans la cité d’Adis, mais ce n’est pas certain. Les lézards protègent leurs lointains cousins dragons et en échangent les dragons assurent que l’empire lézard ne soit pas attaqué. Une protection réciproque où chacun y trouve son compte. Avoir un dragon de son côté, c’est toujours un paramètre qui fait réfléchir.
— C’est le genre de petit détail qu’il ne faut pas négliger, j’imagine bien, confirma Balco.
— Les quatrième et cinquième dragons sont Wyshtaur et Wyshtaol, les dragons jumeaux. Ce sont deux dragons verts. La légende au sujet de leur naissance conte qu’ils sont nés dans le même œuf de dragon, c’est pour cela qu’on les nomme les jumeaux. Ils sont frères ça c’est certain, mais c’est moins évident qu’il soit effectivement des jumeaux. Enfin, ça fait partie du folklore sur les dragons. Les deux dragons verts sont considérés comme les créateurs de la cité d’Adis et qu’ils l’ont offert par la suite au peuple lézard. De nombreuses statues à leur effigie sont dispersées au cœur de la cité. Ils sont tous les deux des protecteurs de l’empire lézards et ils vivent dans la cité d’Adis. Ils ne sont jamais bien loin l’un de l’autre. Ils savent entretenir le mythe des jumeaux. Organiser une rencontre avec ses deux là devrait être réalisable sans trop de problèmes.
— Deux dragons en une seule visite ! Exclama Balco avec surprise. Vive les émotions fortes dans ce cas.
— Je reconnais que ça doit être toute une rencontre d’en avoir deux en face de soi, indiqua Nathax. Le sixième est Sundareg, un dragon de bronze. Grand conseiller de l’empire de Sumerlane. Protecteur de la cité de Villeau. C’est également l’un des seuls dragons qui fut considéré comme un véritable maître en énergie. Il vit dans les montagnes proches de Villeau, mais il passerait régulièrement par la cité. Comme les autres, il est également un allier de l’empire des lézards. Même s’il est un peu plus loin d’eux, il y a un rapprochement naturel entre ses deux espèces.
— Il vaudrait mieux bien s’entendre avec l’empire des lézards si l’on souhaite avoir de l’aide des dragons, commenta Balco.
— Ça semble opportun, confirma Nathax. Le septième dragon encore vivant sur Sulder est Agone le dragon noir. Le seul et unique dragon corrompu par les forces des ténèbres. Fils de Saunetanaure, le premier dragon. Il est également considéré comme le plus grand tueur de dragons. S’il ne reste que si peu de dragon de nos jours, c’est principalement à cause de lui. Si le destin n’avait pas placé le père de Rouge sur son chemin, il serait certainement le dernier des dragons ! Agone n’est plus, de nos jours, le grand dragon noir qu’il fut. Je ne sais pas par quel sortilège, mais le père de Rouge est parvenu à enfermer la majorité de ses pouvoirs dans une boule de sumerlane. Agone a perdu en force et en taille. Il est devenu un dragon de taille humaine ! Une humiliation complète pour ce dragon. Il n’en reste pas moins dangereux. Il doit encore actuellement fomenter quelques vengeances. Des sept dragons, c’est le seul dont j’espère ne jamais croiser la route. Car une rencontre avec Agone impliquera obligatoirement un conflit. On ne discutera pas avec un tel dragon.
— Effectivement, je connaissais Agone, ajouta Balco. Si je comprends bien, il n’y a que des dragons males encore vivants ?
— Tu as parfaitement compris, confirma Nathax. C’est bien pour cela que l’espèce des dragons est en voie de disparition. Si longue soit leur vie, ils finiront par disparaître complètement. Aucune femelle dragon n’a plus été recensée depuis des centaines d’années. Il y a bien une vieille histoire de taverne qui raconte qu’une femelle dragon vivrait encore dans la cité des dragons. Et que c’est pour cette raison que Vulnaire protégerait cette cité en permanence. Mais j’ai un peu de doute à y croire. Le grand maître a déjà visité cette cité des dragons, tout comme Rouge ou quelques rares autres. Et aucun n’a mentionné la présence d’une femelle dragon.
— Depuis le temps, il y aurait forcément eu une nouvelle génération de dragon, indiqua Balco. À moins qu’ils ne cachent cela également.
— Ce serait vraiment un secret bien gardé dans ce cas, conclut Nathax. Si bien, que même Agone ne serait pas au courant ! Le dragon noir n’a jamais cherché à attaquer la cité des dragons. S’il avait su quelque chose de tangible, il aurait fait le nécessaire pour raser cette cité. Non, je crois que c’est bien malheureux, mais il n’y aura plus jamais de nouveau dragon.
— Espérons que ceux qui sont encore de ce monde vivent encore longtemps, indiqua Balco. Je ne sais pas si tu seras répondre à cette question. Mais je m’essaie. J’ai remarqué que tous les dragons étaient proches de l’empire des lézards. Je peux comprendre ce rapprochement entre deux espèces assez proches, même si leur taille diffère totalement. Mais les dragons n’ont jamais été associés avec d’autres espèces.
— Oh que si ! S’exclama Nathax. Je ne peux pas dire pour toutes les espèces, mais je sais au moins pour les nains. Le peuple nain était en association avec les dragons de Cuivre. Le plus connu d’entre eux était le dragon Dèsruhn. Il vivait dans une profonde caverne, les nains construisirent une forteresse au-dessus de la caverne. Un peu comme les lézards, il y avait une amitié et une protection commune entre les dragons de Cuivre et les nains. Dèsruhn est connu que la montagne qui abritait sa caverne porte encore son nom. Le pic des runes ! C’est une déformation du temps, ce pic s’appelait il y a très longtemps le Pic de Dèsruhn. Mais ces satanés humains, sans vouloir te vexer, ont déformé la prononciation et la compréhension du nom du pic. Cela ne rend pas hommage au dernier des dragons de Cuivre. Il n’y a que les nains pour honorer encore sa mémoire.
— Je ne connaissais pas du tout ce dragon Dèsruhn, déclara Balco.
— Cela ne m’étonne pas véritablement, ajouta Nathax. Ce dragon était connu des nains, mais peu des autres espèces. Il fut tué par Agone, ce satané dragon noir ! Je regrette que le père de Rouge ne soit intervenu que trop tard… »
Nathax tapa son poing sur la table en serrant les dents. « Seulement quelques jours un peu plus tôt et Dèsruhn auraient été toujours de ce monde. Il aurait pu être le huitième dragon encore en vie. Il le fut, mais il est aussi le dernier dragon à avoir trouvé la mort sur Sulder.
— Les nains n’ont pas pu protéger Dèsruhn du dragon noir ? Questionna Balco.
— Nous aurions aimé être en mesure de le faire, expliqua Nathax. Mais l’Agone de cette époque-là était en pleine possession de ses moyens. C’était un puissant dragon noir redouté par tous, même par les autres dragons. Si personne n’était venu se mettre en travers de son chemin, il est fort probable qu’il fut devenu le dernier des dragons ! Beaucoup de nains sont morts lors de l’affrontement entre Dèsruhn et Agone. Tellement que le pic des runes fut quelques semaines après pris d’assaut par une armée d’arklins et le pic sombra. Depuis des guerres fratricides se déroulent régulièrement entre les nains et les arklins pour revendiquer le contrôle du pic. Je crains que cette guerre n’ait jamais de fin. Les nains n’abandonneront jamais le pic et en est de même pour les arklins. Mais le pic ne ramènera jamais à la vie Dèsruhn, malheureusement.
— Tu as connu ce dragon ? Demanda naïvement Balco.
— Je suis bien trop jeune, s’exclama Nathax avec un grand éclat de rire. Et nous avons évoqué juste avant cette discussion que justement je n’avais jamais croisée de dragon.
— Oh oui ! Pardon ! S’alarma Balco en s’empourprant. Le fil de la discussion m’en a fait oublier son point de départ.
— Il n’y a aucun mal, répliqua gentiment Nathax.
— Tu sembles savoir tant de choses que je dois te vieillir involontairement, ajouta Balco toujours rempli de confusion.
— J’ai beaucoup étudié les légendes naines, expliqua Nathax. Le grand maître possède une bibliothèque très vaste, un véritable bonheur pour celui qui souhaite s’instruire. Je serais bien incapable de conter les légendes des autres espèces, mais par rapport aux nains… J’en connais un bon rayon, je pourrais en parler durant des heures sans me tarir en information. Il y a de nombreuses légendes que je pourrais te conter.
— Je serais ravi d’entendre quelques-uns d’entre elles au cours de notre voyage, commenta Balco avec un large sourire.
— C’est une excellente idée, exprima Nathax. Le voyage sera déjà bien assez monotone en soi, nous trouverons matière à discuter de cette manière au cours de notre voyage. Que ce soit lorsque nous chevaucherons, où bien au coin du feu le soir avant de passer une courte nuit. Avec Hilld pour s’occuper de nous, il ne faudra pas s’attendre à des nuits très longues. Il va nous faire regretter de l’avoir pris dans notre équipe.
— Le grand maître pense au contraire qu’il est un soutien primordial pour le groupe, indiqua Balco en haussant un sourcil.
— Je n’ai pas dit que Hilld ne serait pas utile, ria Nathax. Bien au contraire, avec lui à nos côtés on peut être certain qu’il va se charger de toutes les gardes de nuit. Et nous aurons un solide compagnon pour nous aider dans les conflits. Mais il est également très à cheval sur les horaires. Nous risquons de le maudire plus d’une fois au cours du voyage. Mais nous rirons de chaque situation quelques semaines plus tard en nous les remémorant autour d’une bonne bière. En parlant de ça, je pense en prendre une petite dernière avant de retourner chez moi. Est-ce que tu me suis dans cette tournée héritier de la nuit ?
— Je décline cette proposition, dit Balco en secouant la tête. Je n’ai pas votre capacité à résister à l’alcool. La soirée fut déjà longue pour moi. Il me faut penser à dormir. Les prochaines journées s’annoncent longues, éprouvantes… et pleines de nouveautés pour moi.
— Je comprends, indiqua Nathax. À notre retour d’Englub, tu n’auras pas le droit de refuser que je t’offre une bonne bière. Nous devrons fêter dignement notre réussite.
— Nous en reparlerons lorsque nous en serons là ! Commenta Balco en se levant. »
Nathax lui souhaita une bonne nuit, avant de se diriger une fois encore vers le comptoir de la taverne pour se faire resservir une nouvelle chope de bière. Balco lui fit un petit signe de la main avec un sourire aux lèvres. Il avait apprécié cette soirée, il se sentait un peu plus apprécié par le groupe. Même si son rôle était encore bien faible.
Les discussions de la soirée étant désormais terminées. Balco allait profiter d’une bonne nuit de sommeil avant de reprendre la route le lendemain. Il partait pour la grande capitale de Sulder, la cité d’Englub. Cela allait être une découverte pour lui. Il n’osait pas encore croire que tout ça a été réel.
Même si Englub n’était plus la cité magnifique qui faisait la renommée de la planète à elle seule. Elle restait tout de même la cité la plus importante et le cœur de l’Empire.
Balco poussa la porte de sa chambre.
Une chandelle à la main, il éclaira sa chambre. Balco regarda rapidement son lit. Puis dans l’armoire à la recherche du chat blanc. Il se trouvait toujours là dans l’armoire à dormir profondément. Quelqu’un tapa à la porte de la chambre non fermée. Le chat ouvrit de grands yeux et détala rapidement pour trouver refuge sous le lit.
Balco fut surpris par la réaction du chat, mais se retourna pour voir son visiteur nocturne. Il s’agissait de Hilld. Le visage impassible, il se tenait droit comme un piquet dans l’encablure de la porte.
« Je vois que vous avez découvert monsieur Flocon, indiqua Manu.
— Le chat tout blanc ? Questionna Balco.
— Tout à fait, s’exclama Hilld. Curieux, mais craintif dès qu’il y a trop de monde où s’il y a des personnes qu’il ne connaît pas. S’il vous dérange, vous n’aurez qu’à prévenir la tavernière. Elle s’occupera de le garder en bas.
— Il ne me dérange pas du tout, expliqua Balco.
— Dans ce cas, je venais juste vous prévenir que je viendrais vous réveiller demain un peu après l’aube pour vous préparer à notre aventure jusqu’à Englub.
— Merci, dit Balco.
— Et je devais également vous remettre ceci de la part de la tavernière, ajouta Hilld. Elle a indiqué que vous comprendriez de quoi il s’agit. »
Hilld lui tendit un petit flacon rempli d’un liquide noir. Ainsi que quelques feuilles de papiers légèrement jaunis par le temps. Balco sourit, le flacon contenait de l’encre pour écrire. Avec la plume offerte par la magelsorf, il avait tout l’attirail nécessaire pour rédiger enfin sa lettre pour répondre à sa sœur.
Hilld ne demanda rien de plus et il se retourna en fermant la porte derrière lui. Balco installa sa chandelle sur la petite table de chevet à côté de son lit. Il disposa les feuilles et le flacon d’encre dessus. Il reprit la plume dans son armoire et s’installa sur son lit pour écrire la lettre avant de s’endormir.
Balco tenait fébrilement la plume dans sa main droite. La première feuille qu’il destinait à noircir de sa plume juste trempée dans l’encre était face à lui. Il avait tellement de choses à raconter qu’il ne savait plus par où commencer. Il souhaitait ne rien omettre. Chaque détail avait son importance et participait à la compréhension globale de sa situation actuelle.
Le point de départ de toute cette histoire, c’était tout de même, sa propre sœur qui venait de lui envoyer une lettre. Sans elle, il n’aurait pas cherché à se rendre au village ce jour-là. Il n’aurait jamais croisé Anis et toute la suite qui en a découlé. Sans le savoir, c’est à sa sœur qu’il devait sa situation.
Il prit une grande inspiration et il commença :
« Cher Ann, la dernière fois que j’ai tenté de t’écrire ma vie en fut chamboulée. Les elfes, les nains et bien d’autres ne sont plus dans mes rêves ou dans les contes de maman. Mais bien une réalité que je vis chaque jour. Pourquoi tout cela est tombé sur moi, j’aurais bien du mal à l’expliquer. Le grand maître aurait certainement sa théorie à exposer. Oui, tu as bien lu, je connais personnellement le grand maître et à mon plus grand désarroi, il a de grands projets pour moi ! Je n’ai pourtant rien demandé de particulier. Je rêvais d’aventures, je suis servi. Me voilà plongé au cœur des intrigues du grand maître, je me retrouve à être l’un de ses apprentis. Je ne saisis pas tout ce qu’il fait et souhaite obtenir de moi. Mais je nage dans le bonheur. Je rencontre une multitude de personnes passionnante. Parler de chacune d’elle serait un défi de plusieurs pages et je ne souhaite pas m’attarder trop, je n’en aurais pas le temps. Demain, je pars pour Englub ! Il faut que je dorme un peu pour suivre la cadence que l’on m’impose… »
Balco continua à rédiger sa lettre jusqu’à tomber de fatigue. Ses paupières devinrent trop lourdes et il s’endormit. La nuit fut courte, mais il en profita pleinement.
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