Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 15 : L'épée de la roche

Balco observa longuement l’épée. C’était cette épée qui devait lui indiquer s’il était ou s’il n’était pas un héritier. Le test ! La réponse que souhaitait le grand maître. Il redouta cet instant, il avait peur de décevoir le grand maître. Mais d’un autre côté, il serait soulagé de ne plus avoir autant de poids sur les épaules. Le grand maître prit des mains du guerrier l’épée de la roche et vérifia chaque détail de la lame.
« C’est bien l’épée de la roche que j’avais découverte, dit-il faiblement. Si la légende ne ment pas, un héritier sera identifié à l’aide d’une des épées de la roche. Nous allons enfin savoir si la légende des héritiers est en passe de prendre vie ! »
Balco tremblota un peu en écoutant le grand maître. Il redouta encore un peu plus l’instant et le verdict de l’épée.
Le grand maître s’approcha de Balco en lui tendant la garde de l’arme. « Et que Rouge soit avec moi, se souffla-t-il intérieurement pour se redonner un peu de courage. »
Ses doigts touchèrent la garde l’épée. Un picotement étrange parcourut tout sa main. Sans qu’il ne fasse rien, la lame vint se loger solidement dans le creux de sa main. Une vague intense de chaleur lui parcourut tout le corps.
Il ne contrôlait plus rien… il voulait arrêter… Relâcher l’épée… mais son corps ne l’écoutait plus. Il était guidé par la volonté de l’épée. Il ouvrit les yeux en grand et regarda sa main droite tenant fermement la lame. Un pouvoir incroyable le parcourut de la tête aux pieds.
Il ne se reconnaissait plus de l’intérieur. Il avait l’impression d’avoir progressé en quelques secondes, comme si plusieurs années s’étaient écoulées pour son corps. Il ne comprenait plus rien, ses sens étaient perturbés.
Il jeta un regard vers le grand maître et ce fut encore un choc. Sa vision était plus rapide, plus précise. En une fraction de seconde, il était passé de la vision de sa main sur l’épée au visage du grand maître et aucun élément parasite n’indiquait le mouvement de sa tête à son cerveau.
Balco vacilla soudainement sur ses jambes, il lâcha l’épée de la roche et tomba en arrière…
Il reprit ses esprits en quelques secondes. Le grand maître l’avait fait allonger sur plusieurs chaises placées les unes à côté des autres. Balco n’avait pas compris ce qu’il lui était arrivé, ni même si le test avait été concluant. En revenant à lui, il demanda avec difficulté au grand maître :
« Quel est le résultat du test de l’épée ?
— Le résultat est que vous possédez un très grand pouvoir que vous êtes incapable de maîtriser, dit le grand maître en souriant. Nous allons avoir beaucoup de travail, mais c’est un nouveau défi qu’il me sera plaisant de relever.
— Dois-je comprendre que je suis bien un héritier ? Questionna Balco surprit.
— Vous en êtes un ! L’épée a été formelle. Elle a décuplé vos pouvoirs, mais vous n’avez pas su les contrôler. Et surtout, elle a révélé un tatouage caché sur votre peau qui ne laisse aucun doute sur votre appartenance à cette légende.
— Un tatouage ? S’affola Balco. Mais je n’en ai jamais eu !
— Et il restera invisible tant que vous ne toucherez pas à cette épée, ajouta le grand maître. Votre dos est marqué d’un symbole. Un soleil rouge sombre dont on ne voit que l’extrémité en haut et en bas avec trois rayons partant de chaque extrémité. Au centre du symbole, un énorme nuage noir. C’est un très ancien symbole qui représente la nuit. Jeune homme, vous êtes désormais officiellement Balco l’héritier de la nuit ! Héritier d’une légende plusieurs fois millénaire. Héritier d’un aigle blanc qui a foulé cette terre. Je vous ai cherché si longtemps… tant d’énergie consacrée qui prend forme là sous mes yeux. Pourtant, ce n’est pas un achèvement, ce n’est que le début d’une nouvelle ère pour notre planète. Le temps des héritiers ! Je fonde de très grands espoirs sur vous mon jeune Balco. Je sais que c’est trop imposant pour vous, j’ai pu ressentir l’effet de l’épée sur votre corps. Vous avez un potentiel impressionnant. Vous n’en avez pas encore la conscience, ni la maîtrise, mais lorsque vous l’aurez, vous verrez que rien ne sera impossible. Vous avez la capacité de changer le destin de cette planète. Vous êtes très important, et ce n’est pas le moment de vous perdre ! Vous devez être protégé plus que jamais ! Une erreur comme celle qui s’est produite au cours de la bataille d’il y a quelques jours ne doit plus se répéter. »
Le grand maître fronça légèrement les sourcils en continuant de réfléchir. « Je reviens, ne bougez pas ! Déclara le grand maître. » Balco vit s’estomper lentement l’image du grand maître. Devenant flou, puis disparaissant complètement. Balco était sans voix. Il aurait certainement dû être heureux d’être l’un des héritiers de la légende. Même si c’était cela qu’il redoutait le plus. Le grand maître fondait des espoirs sur lui avant, désormais c’était encore pire. Le grand maître allait l’accabler de nouvelles tâches. Ce n’était plus de l’espérance, mais une réalité.
Il avait trouvé un héritier, même si on avait décrié les démarches du grand maître. Il avait raison, il avait toujours raison ! Plus personne ne pourrait s’opposer aux idées du grand maître et la force de ses paroles et de ses actes serait représentée par lui !
Ses cochons lui semblaient bien loin. Il était encore avec eux quelques semaines plutôt. Là, tout laissait présager qu’il n’aurait plus jamais cette tranquillité. Des responsabilités énormes venaient de lui tomber dessus sans qu’il n’ait rien demandé. Il était bien trop tard pour tourner les talons désormais.
Il y avait pourtant de la lumière au cœur de cette situation. Il y avait sa sœur en premier lieu, qu’il souhaitait revoir et en aurait peut-être l’occasion si le grand maître l’envoyait vers San Angelos. Il y avait sa mère et son père. Même s’il les pensait morts, il n’avait aucune preuve de cela. Et enfin, son rêve le plus cher, croiser dame Inima… S’il devenait le nouveau héros du grand maître, il allait possiblement avoir l’opportunité de la rencontrer. Tous ses rêves s’accomplissaient… mais dans ses rêves, il n’y avait jamais la réalité des responsabilités que cela représentait. Il n’y avait que les bons côtés du rêve et le bonheur. La réalité était moins harmonieuse, chaque bon moment avait son tribut à payer pour l’obtenir.
Balco était perdu dans ses pensées et dans la découverte de sa nouvelle réalité. Il n’avait aucune idée de ce qui allait lui arriver par la suite. Mais en tout cas, plus rien ne serait comme avant. Sa maigre expérience ne lui servirait pas énormément pour gérer son avenir.
Balco rêvassa quelques minutes ne prêtant pas attention au guerrier et à Alendomïën qui discutaient entre eux. Il avait bien trop de choses en tête pour ne penser déjà qu’à sa propre condition. Ses repères s’écroulaient, ses rêves prenaient forme et les responsabilités s’accumulaient. C’était beaucoup trop pour lui d’un seul coup.
Ses yeux tombèrent sur l’épée de la roche posée sur la table juste à côté de lui. Encore allongé sur les chaises, il scruta la lame. Celle qui venait de sceller son destin pour toujours. Plus jamais il ne pourrait revendiquer un peu de calme. Quel contrôle avait-il encore sur sa vie ? Il n’en savait rien. Pour le moment tout lui échappait.
Il reposa sa tête sur son siège et ferma les yeux. L’image de l’épée de la roche resta gravée dans sa mémoire jusqu’à que la voix du grand maître ne vienne le réveiller. Il aurait souhaité profiter d’un moment d’accalmie pour refaire un peu le point. Même s’il n’y avait plus rien à changer. Il était l’un des héritiers d’une très ancienne prophétie, sa place était déjà déterminée. Il n’avait plus qu’à l’accepter. Le seul détail positif qu’il ressentait dans cette histoire c’était qu’il avait un lien avec un aigle !
« Une bonne nuit pour se reposer et demain vous partez pour Englub, déclara le grand maître. Vous avez la soirée pour préparer vos affaires. Voyagez léger, la route n’est pas très longue, mais plutôt escarpé. Vous allez devoir grimper pour atteindre Englub.
— Léger ? S’inquiéta Balco en rouvrant les yeux. Je n’ai de toute façon pas assez de stock pour voyager autrement.
— Tu pourras faire des emplettes à Petit Village, indiqua le grand maître. Vous allez y faire une halte pour observer la situation dans cette cité. Vous devriez y passer une nuit. En vous organisant comme il le faut, vous pourrez trouver quelques heures pour faire quelques boutiques pour chercher de nouvelles tenues.
— Excellente idée, souligna Alendomïën.
— Les emplettes sont pour Balco, car il n’a pas d’autres tenus à se mettre sur le dos actuellement, insista le grand maître.
— Bon, bon, ronchonna Alendomïën. Si on ne peut plus faire les magasins.
— Il reste un léger détail, déclara Balco faiblement. C’est que je n’ai pas d’argent pour me payer quoi que ce soit. J’aimerais m’acheter du nouveau linge, mais j’en suis incapable.
— Bonne remarque, dit le grand maître en passant sa main dans sa longue barbe blanche. Je vois que je m’occupe de trop de choses en ce moment, le plus important n’est pas résolu. Je vais te donner un peu d’argent avant ton départ. Cela devrait couvrir vos frais de voyage. Ce sera à toi Balco de veiller que ce soit le cas ! Ne te laisse pas manipuler par les autres pour des dépenses non justifiées. Il y aura assez pour vous payer un repas et une nuit dans une auberge de Petit Village, ainsi qu’à Englub si nécessaire. Le reste du temps et pour le chemin de retour, il n’y aura pas de halte dans la moindre cité, ni même un village. Il vous faudra établir des campements en pleine nature donc aucun besoin d’argent pour subvenir à vos besoins dans ce cas.
— Je vais faire attention, indique Balco. Merci pour ce don qui sera très apprécié.
— Ce n’est rien, ajouta le grand maître. Je ne vais pas vous laisser mourir de faim.
— Pour ça, signala Balco. Je ne crois pas avoir assez d’expérience pour survivre en pleine nature hostile.
— Vous non, mais vos compagnons de voyage eux ont cette expérience, souligna le grand maître. Faites leur confiance pour ne pas mourir de faim. Ils doivent vous amener vivant jusqu’à Englub et vous ramener dans le même état ensuite.
— Nous n’aurions pas l’idée de le laisser mourir de faim, coupa Alendomïën. Nous prendrons nos repas ensemble. Nous aussi nous avons besoin de manger.
— Évidemment Alendomïën, dit le grand maître. Je l’entendais bien comme cela. Vous êtes tous assez sages pour ne pas prendre de risque inconsidéré. Arriver dans un conflit mort de faim fait partie de ces risques que vous maîtrisez. Je n’ai pas d’inquiétude là dessus.
— Vous n’avez pas peur qu’un Nathax use de son influence sur Balco pour lui faire dépenser son argent en bière dans la première taverne venue ?
— C’est un risque en effet, dit le grand maître en riant. Bien que dans ce cas, je sois certain que Nathax aura prévu un petit budget spécialement pour ça. Je le connais trop pour savoir qu’il n’oserait pas se retrouver dépourvu de liquidité devant la porte d’une taverne. Pas très nain tout cela !
— C’est bien vrai, lança Alendomïën en éclatant de rire à son tour. Il ne faut pas être inquiet pour les moyens financiers à mettre en œuvre pour entrer dans une taverne. Il faut plutôt s’alarmer de l’état dans lequel certains pourraient en ressortir.
— Je ne pense pas qu’il y ait des folies de ce côté-là, indiqua le grand maître. Cette bande de joyeux lurons sait fixer les limites. Je ne vois pas Nathax prendre le risque d’être saoul juste avant d’entrer dans le palais de l’empereur. Il se priverait tout seul d’une bataille. Par contre, je le surveillerais au retour, car là plus rien ne sera garanti.
— On va faire de notre mieux, argumenta Balco d’une voix hésitante.
— Tu ne seras pas tout seul, indiqua le grand maître. Alendomïën, mais aussi Hilld va veiller au grain. Ils ne laisseront pas une situation dégénérer inutilement.
— Très intéressant toutes ses histoires, coupa le guerrier venu apporter l’épée de la roche. Cela veut-il dire que les membres du groupe non concerné par ce renversement d’empereur sont libres de faire la fête comme ils le désirent ?
— Certainement pas, s’esclaffa le grand maître. Vous allez tous rester aux aguets. Lichn vient de tenter un assaut contre Haches. Je ne pense pas qu’il va se contenter d’un échec. Il va revenir avec de nouvelles troupes jusqu’à faire tomber cette cité. Nous avons les moyens de tenir durant des mois, sauf s’il trouve des dizaines de milliers de créatures à nous opposer. Encore que, d’ici quelques semaines… nous pourrions tenir. Lichn va retenter pour tester nos limites et découvrir les forces qui protègent Haches. Je ne serais pas surpris de le voir nous proposer un petit assaut éclair prochainement avec quelques troupes aguerries. Puis une nouvelle confrontation, avec lui-même aux commandes de cette armée. Les créatures des ténèbres sont tellement prévisibles et d’une imagination tactique très limitée. Nous verrons bien, mais il y a de bonnes chances pour que cela se déroule ainsi. En conclusion, pas de fête excessive, vous devez être en mesure de protéger la cité, même si la prochaine fois la garde est officiellement mobilisée. »
Balco lançait des regards interrogatifs en direction d’Alendomïën. Cette dernière mit un peu de temps à comprendre que Balco voulait savoir à qui il avait à faire. Alendomïën se mit à sourire et fit les présentations. « Nous aurions dû commencer par là, dit Alendomïën coupant la parole au grand maître. Jeune Balco et héritier de la nuit, je vous présente Panda. Un guerrier de notre groupe pourtant très présent dans cette auberge. Il doit faire partie des plus grands consommateurs.
— Si je n’étais pas parti à la chasse à cette épée, j’aurais croisé messire Balco plus rapidement, ronchonna Panda. Mais je n’aurais rien contre rattraper mon retard. J’offre la tournée. »
Avant même que quiconque n’ait pu émettre un avis contraire, le guerrier hurla froidement sa commande de bière. Il tira une chaise où était gravé le prénom : « Imedan alias Panda ». Et s’installa dessus attendant joyeusement sa tournée. Alendomïën soupira doucement.
« Comment avez-vous réussi à reprendre l’épée de la roche des mains de Paclaus ? Questionna le grand maître avec un très grand sérieux. La tâche que je vous avais confiée à toi et Kirnou n’était pas aussi évidente que cela à mettre en application.
— Nous avons utilisé la ruse ! Affirma Panda entre deux éclats de rire.
— Qu’est-ce qui ne faut pas entendre, s’étonna Alendomïën. Panda et la ruse, ça doit au moins faire dix si on les additionne. Tu n’aurais pas quelque chose de plus crédible à nous raconter.
— Le pire c’est que l’on n’est pas loin de la vérité, continua de dire Panda en riant. La ruse nous est tombée un peu dessus. Mais à regarder de loin cette histoire, on pourrait prendre cela pour de la ruse.
— Je suis impatient d’écouter cette histoire, commenta le grand maître. Venant de Kirnou et de Panda, on peut s’attendre à des exploits incroyables ! »
La tavernière arriva avec trois chopes pleines de bière et un grand verre d’eau pour Alendomïën. « Je suppose que vous ne vouliez pas de bière, mademoiselle Alendomïën ? interrogea la tavernière.
— Vous avez parfaitement deviné. De l’eau me conviendra très bien. Même, si je n’avais pas spécialement soif pour le moment. »
La tavernière posa une bière devant chacun et le verre d’eau face à Alendomïën. « Vous pouvez commencer cette histoire Panda, relança le grand maître. Par quels exploits êtes-vous passé pour retrouver l’épée de la roche. »
Panda but une très longue gorgée de sa bière avant d’entamer son histoire. « Juste après vous avoir croisé. Nous nous sommes rendu moi et Kirnou jusqu’à la grande porte de Haches et nous avons pris vers le Sud. Traversant la prairie au sud de Haches jusqu’à atteindre les premiers abords de la forêt. Nous étions un peu insouciants et bavardions sans aucune discrétion. »
Alendomïën allait faire une remarque, mais le grand maître par un geste de la main lui indiqua de ne rien faire afin que l’histoire suive son cours.
« À peine deux cents mètres dans les bois et nous sommes tombés nez à nez avec un squelette. Sans attendre, je l’ai envoyé au sol en lui broyant son crâne blanc entre mes mains. Nous pensions que Paclaus avait tout intérêt à rejoindre l’armée de Lichn. Enfin, c’est ce que vous nous aviez conseillé de surveiller. Mais nous ne pensions pas que l’armée fut si près de Haches. Vous avez dû vous en rendre compte de toute manière. Nous avons opté pour une autre stratégie. Nous ne pouvions pas devenir discrets comme des elfes. Nous ne l’avons jamais été cela n’allait pas changer. Kirnou a donc usé de ses ailes pour se déplacer au-dessus de la forêt afin d’y détecter le moindre indice en mesure de nous aider.
— Des ailes, s’exclama Balco avec une surprise non dissimulée.
— Kirnou est un arknows, expliqua tranquillement le grand maître. Une créature mi-homme, mi-oiseau. Il est très rare d’en croiser sur Sulder, ils préfèrent normalement ne pas quitter leur cité dans les nuages.
— Pardon, je ne savais pas, s’excusa Balco honteux d’avoir dérangé la discussion.
— Il n’y a pas de mal jeune héritier, dit Panda avec un sourire. Je restais proche de l’orée de la forêt pendant que Kirnou patrouillait dans les airs. Il est fort probable que même les créatures des ténèbres pensent que les arknows ne sortent pas de leur cité. Kirnou n’a jamais été détecté à un seul moment. Pourtant, lui a pu suivre tous les mouvements de cette armée et principalement sa division en deux groupes distincts. L’un venant vers le Nord que vous avez dû affronter. Et l’autre restant un peu plus au Sud. Je dirais que les deux armées sont de même valeur.
— Il faudra que tu m’envoies Kirnou le plus rapidement possible, lâcha le grand maître très pensif. Je veux savoir ce qu’il a vu exactement. Pourquoi tu ne m’as pas parlé de ça plus rapidement ? C’est une information capitale et qui donne encore un peu plus de poids à mon argumentation que vous devez rester vigilant même si je m’absente dans les prochains jours. Le deuxième assaut aura certainement lieu plus vite que prévu. Je ne pensais pas que Lichn avait une autre armée mobilisée si près de nous. Bon reprend, je vais réfléchir à tout cela.
— Au bout de plusieurs heures de repérage aérien, reprit Panda. Kirnou finit par détecter un convoi de caravanes circulant lentement dans la forêt évitant méticuleusement tous les grands chemins. Après une heure de plus, il s’est avéré que Kirnou remarqua la présence de Paclaus à la tête de l’une des caravanes. Dès que je fus informé, Kirnou me guida dans la forêt pour rattraper le convoi. N’allant pas vite et s’arrêtant la nuit, en moins d’un jour nous fûmes sur eux. Le convoi se composait d’une dizaine de caravanes recouvertes par des toiles vert pâle. De loin cela ressemblait à un convoi de marchands transportant matériels ou victuailles de ville en ville. Mais à regarder de plus près, en dehors d’une dizaine d’humains qui conduisaient les caravanes les autres occupant ne semblaient pas animés des meilleures intentions. Des sorciers des ténèbres et quelques zombies pour les accompagner. Déjà que Paclaus à lui seul représentait une menace importante, il était hors de question de rentrer dans le tas de tout ce groupe bien étrange. Nous étions assez éloignés des deux armées de Lichn pour qu’elles ne puissent pas intervenir, mais c’était une maigre consolation. Lorsque je rejoignis les caravanes, la nuit n’était pas encore tombée. Cela me laissa une petite heure pour les observer et découvrir une faille. Nous cherchions également l’épée de la roche, alors nous avons mis notre énergie et notre temps à sa recherche. D’après moi, soit Paclaus l’avait gardé sur lui, soit elle traînait dans l’une des caravanes. Kirnou resta en arrière, sa face d’oiseau ne laissait aucun doute sur ses origines. Alors que moi dans l’obscurité, tout était possible. On aurait pu me confondre avec l’un des humains de la caravane. Je me glissais discrètement à l’intérieur de la caravane en bout de convoi. C’était la plus éloignée du feu de camp préparé et donc là plus à l’obscurité et la moins gardé. Enfin, je ne peux pas dire que le camp était gardé. Il était évident que ce convoi n’attendait aucun visiteur et encore moins d’êtres suivi. Pourtant, Paclaus aurait pu se douter que vous alliez lancer du monde à ses trousses.
— Ce n’était pas aussi évident que cela, conta le grand maître. Paclaus n’a jamais su qu’il avait l’épée de la roche chez lui. Je lui ai confié l’épée comme s’il s’agissait de n’importe quelle épée. Dans sa fuite, il est parti avec ne se doutant pas qu’il avait avec lui un objet que je voudrais récupérer à n’importe quel prix. S’il avait été au courant, je suis convaincu qu’il serait parti sans elle. Il n’aurait pas pris le risque que je me mette à le chasser moi-même.
— La première caravane était une sorte de dortoir, des paillasses posées sur le plancher et aucun équipement visible. Je fouillais un peu par principe, mais en dehors de quelques piécettes qui vinrent s’ajouter à ma bourse. Il n’y avait vraiment rien d’intéressant. J’allais sortir de la caravane, lorsque la situation se compliqua. Les chevaux s’agitèrent à ce moment-là, braquant tous les yeux vers ma position. J’étais certes toujours caché à l’intérieur de la caravane, mais je n’avais plus la possibilité de sortir sans être vu. Les premières voix commencèrent à se faire entendre autour de la caravane. Ils souhaitaient calmer les chevaux tout en cherchant la provenance de leur agitation. Je me plaquais contre le sol de la caravane dans l’espoir de ne pas être aperçu trop rapidement si quelqu’un regardait rapidement à l’intérieur. Je restais quelques minutes contre le plancher écoutant chaque voix, chaque son avec la conviction que je ne pouvais pas être remarqué. Kirnou, resté à l’arrière, soupçonnant dans quelle mauvaise posture je me trouvais décida de réagir. Il s’envola et se dirigea vers l’autre bout du convoi. Je ne sais pas trop comment il a fait son compte, mais il a réussi à mettre le feu à la première caravane. La situation dégénéra complètement. Je ne maîtrise pas du tout le langage chaotique, mais il était clair que les sorciers des ténèbres accusèrent les humains d’avoir alimenté le feu de la première caravane. Le ton s’est mis à monter et le conflit éclata. Les humains contre les créatures des ténèbres. Je risquais un coup d’œil entre les voilures de la caravane. Les sorciers des ténèbres affrontaient Paclaus. Une guerre de magie contre l’énergie. À moins que ce ne fût qu’énergie, je ne suis pas un expert pour faire une différence. Les autres humains affrontèrent les squelettes et les zombies. Je regardais le combat de Paclaus attendant le moment propice pour intervenir. Il parvint à tuer tous les sorciers et extermina les derniers zombies qui avaient survécu à l’autre conflit. Fatigué, Paclaus relâcha son attention. C’est à ce moment-là où je pus frapper. Un grand coup de hache vertical dans le dos qui sépara sa colonne vertébrale en deux. Paclaus eut juste le temps de tourner son visage pour m’apercevoir avant de sombrer à jamais.
— Tu nous as dit avoir utilisé la ruse tout à l’heure ? Questionna Alendomïën. Où est-elle ?
— C’est le fait d’avoir réussi à les monter les uns contre les autres, c’était notre ruse ! S’exclama Panda.
— Mytho, vous êtes des mythomanes, s’esclaffa Alendomïën âprement. Tu veux dire que vous n’avez rien fait. Un coup de bol monstrueux c’est tout ce que je vois dans cette histoire. Il n’y a pas un seul gramme de ruse. Et je n’en suis pas du tout surprise.
— Penses ce que tu veux Alendomïën, dit Panda remonté. Je n’ai pas ta magie pour me sortir de situation particulière. Je fais confiance à ma chance et à ma force. Cela me réussit plutôt bien. J’aurais bien voulu te voir récupérer cette épée toi qui es si maligne.
— On se calme, gronda le grand maître. La chance fait partie de la vie. Mais je reconnais que l’utilisation du mot ruse était un peu abusive au vu de l’histoire. C’est par contre dommage que tout ce groupe de caravanier soit mort, j’aurais bien voulu en savoir un peu plus. Il faisait route ensemble sans s’entendre, il devait pourtant bien y avoir une raison pour qu’il ait formé ce convoi. Au moins, découvrir leur destination. Continuaient-ils à aller vers le sud ?
— Au moment où nous les avons rencontrés, c’était le cas, indiqua Panda. Ils se dirigeaient de façon quasi parfaite vers le Sud en cherchant à être dissimulée dans la forêt. Mais il est possible que le convoi aurait bifurqué à un moment ou un autre. On ne le saura jamais.
— Étrange, souligna le grand maître. Il faudrait que j’étudie cette situation de plus près. C’est le premier rapport qui fait mention de troupes de Lichn avançant un peu plus au Sud. Il aurait été plus probable qu’il cherche à éviter Haches pour se diriger à l’Est ou contourner Haches pour aller plus au Nord. Cette donnée est nouvelle et ne doit pas être prise à la légère. Cela pourrait avoir des conséquences importantes sur la suite des événements. Je vais dépêcher des éclaireurs pour surveiller s’il n’y aurait pas d’autres mouvements de troupes vers le Sud.
— Quel pourrait être sa destination ? Questionna Balco intrigué.
— Difficile à dire, dit le grand maître. Remonter vers le Nord ne lui apporterait pas grand-chose. Des plaines, des forêts immenses avec des villages parsemés. Les prochaines grandes villes comme Un, Nouv ou Aiges sont à plusieurs dizaines de jours de marche. Aller vers l’Est soit il va tomber sur San Angelos, et je ne vois pas l’armée de Lichn aussi fourni soit-elle ébranler les murailles de cette cité, ou alors il va un peu plus au Sud Est et il va tomber sur l’empire des lézards. Là encore, ce serait de la folie ! L’empire des lézards possède une puissante armée et un allié de poids… les lézards noirs ! Ces derniers possèdent une armée encore plus imposante. Mais pire que tout, trois des derniers dragons existant sur notre planète sont des protecteurs de l’empire lézard. Je ne vois pas ce que Lichn voudrait faire dans ce secteur. Mais s’il a une idée en tête, il va tout tenter pour réaliser son projet.
— Et l’ancien temple des ténèbres ? Commenta Alendomïën très soucieuse. »
Le grand maître plissa les yeux et prit une attitude mécontente. Il resta quelques instants absents de la discussion à réfléchir à la dernière phrase d’Alendomïën. « Le très vieux temple des ténèbres, répéta le grand maître. Ce serait une excellente raison. Nul ne sait ce que renferment les ruines du temple. Lichn cherche peut-être un très ancien artefact dans ce lieu ce qui serait une explication somme toute plus logique que les autres.
— Où se trouve ce vieux temple ? Interrogea Balco.
— Au sud-est de San Angelos et à la frontière Nord de l’empire des lézards, indiqua le grand maître. C’est plein Ouest et légèrement au sud de Haches à environ cent cinquante kilomètres à vol d’oiseau. Donc en parfaite adéquation avec le mouvement du convoi de Paclaus.
— Je m’excuse d’apparaître ignare, souleva Balco. Il me semble avoir déjà entendu parler du temple des ténèbres, mais je ne sais plus dans quelle légende ?
— Ce n’est point une légende jeune Balco, affirma le grand maître. Le maître du temple de cette époque avait un peu le rôle du Lichn d’aujourd’hui. Le chevalier Sylvain accompagnait de plusieurs centaines d’autres chevaliers téméraires partirent affronter le maître des ténèbres dans son temple. Les affrontements furent sanglants, des centaines de pertes du côté des chevaliers et un nombre incalculable de créatures sombres dans l’autre camp. Le temple des ténèbres, très petit et banal à sa surface, se distingue par un réseau souterrain immense, des dizaines d’étages. Plus on s’enfonce au cœur de la planète et plus les créatures sont terrifiantes et dangereuses même pour les créatures des ténèbres. Nul ne sait combien le temple possède d’étages exactement. Sylvain lui-même ne les parcourra pas tous, c’est entre le douzième et le quinzième qu’il trouva le repère du maître des ténèbres. Et que le conflit entre les deux eut lieu. Le maître des ténèbres fut terrassé, la tête tranchée par la lame du chevalier Sylvain. Épuisé, il remonta le temple et lorsqu’il sortit de cet endroit de mort, il n’avait plus que lui et cinq autres chevaliers. Le temple fut laissé à l’abandon, mais bien des choses doivent encore vivre et grouiller dans les profondeurs les plus glauques. Après cette victoire sur le maître des ténèbres, Sylvain officialisa la constitution de l’Empire et fut déclaré empereur. Le premier empereur, Sylvain 1er, le seul empereur de toute l’histoire de l’Empire à avoir acquis son titre en maniant son glaive et en étant un digne représentant de la chevalerie. Les cinq chevaliers survivants furent appelés les doigts de la main de l’empereur. Depuis cette lointaine époque, il y a toujours cinq chevaliers accompagnant l’empereur. Les cinq chevaliers de la main représentant les meilleurs chevaliers de chaque génération. Dotés des meilleurs entraînements, des meilleures armures et armes. Ils sont toujours les doigts de la main de l’empereur et dirigent toutes les troupes de l’Empire. Au fil du temps, ils ont acquis plus de pouvoir que l’empereur lui-même. Ce sont les cinq chevaliers qui contrôlent l’Empire de nos jours. L’empereur n’est que le sommet, mais avec un pouvoir plus que superficiel.
— Maintenant que l’histoire est replacée dans son contexte, indiqua Balco. Bien entendu que je la connaissais. Ma mère me l’avait déjà lu avant d’aller dormir, il y a quelques mois. Peut être pas avec autant de vécu ressenti. Mais je suppose que vous ne deviez pas être très loin de toute cette histoire grand maître.
— J’étais présent lors de cette bataille contre le maître des ténèbres. Je ne suis jamais rentré dans le temple, j’assurais les arrières de Sylvain pour qu’aucune troupe des ténèbres ne vienne en renfort de l’extérieur. L’histoire ne l’a pas retenu, mais il y eut beaucoup de travail. J’étais là aussi lorsque Sylvain est ressorti victorieux. Je lui ai soufflé l’idée de la construction de l’Empire. Étant chevalier de formation, c’est lui qui a créé la structure pyramidale de l’Empire et surtout son code de chevalerie qui régisse encore l’Empire.
— Ce devait être une aventure passionnante à vivre, soupira Balco pensif.
— Celle d’aujourd’hui l’est tout autant, souligna le grand maître. J’ai insufflé la construction de l’Empire. Je vais également participer à son réveil. Si l’empereur ne sert à rien, c’est une tout autre histoire en ce qui concerne les chevaliers de l’Empire. Ce sont eux qu’il faut rallier. Nous allons tenter de constituer une nouvelle force majeure contre les ténèbres. Les chevaliers de l’Empire doivent être avec nous et pas contre nous.
— Toutefois, en renversant leur empereur vous n’avez pas peur qu’ils puissent avoir un peu de mal à nous rejoindre, coupa Alendomïën devançant Balco qui avait la même idée.
— Je connais les cinq chevaliers, certains même très bien. Ils ont une excellente éducation et ne sont pas stupides. Ils auront le recul nécessaire pour analyser notre geste et comprendre nos intentions. Si on devait se retrouver à être réellement opposé à eux… les ténèbres prendraient un avantage certain. Mais c’est un risque suffisamment bien calculé pour qu’on puisse se le permettre.
— Nous allons vous faire confiance grand maître, indiqua Alendomïën. Vous avez bien plus d’expérience que nous dans ce domaine.
— Merci Alendomïën, exclama le grand maître. Votre sollicitude me touche. Je ne vous envoie pas vers l’empereur sans savoir ce que je fais. Si l’empereur Truiki acceptait de déposer sa couronne sans avoir besoin de faire usage de la force, j’en serais le premier satisfait. J’ai opté pour cette voie sans succès par le passé. Désormais, il nous faudra peut-être envisager un chemin plus radical. Je suis navré que cela tombe sur vous, Balco. Le destin prend parfois des directions étranges et cruelles. »
Le grand maître regarda tour à tour, Alendomïën et Balco. Il ne leur avouait pas tout, mais c’était pour leur bien. S’ils avaient été au courant que les chevaliers de la main de l’empereur étaient déjà au courant du complot qui attendait l’empereur, ils auraient pris la direction d’Englub avec plus de légèreté. Même si le grand maître avait tout préparé dans l’ombre pour que cet assaut ne soit qu’une formalité, personne ne devait être au courant dans le petit groupe qu’il allait envoyer avec l’héritier de la nuit.
Des imprévues pouvaient survenir et ils devraient y faire face sans compter sur son aide. Le grand maître n’aurait pas envoyé ce jeune héritier dans une première aventure sans s’assurer de sa survie. Il recherchait celui-ci depuis bien trop longtemps.
« Nous partons à pied ? Questionna Balco inquiet de repartir pour plusieurs jours de marche.
— Non ! Indiqua le grand maître avec un sourire. Vous aurez des chevaux qui vous mèneront jusqu’à Petit-Village. Une fois là-bas, vous les échangerez contre des chevaux reposés qui vont vous acheminer jusqu’aux anciennes routes naines. La fin du parcours se fera sans les chevaux, mais si tout va pour le mieux vous devriez les récupérer lors du chemin de retour. Il n’y aura donc qu’une petite partie de votre voyage qui sera à faire à pied. Ménagez avec soin vos montures. Vous n’êtes pas à l’abri d’une attaque de brigand ou d’une meute de loups. Les montagnes entourant la capitale pourraient également vous réserver de bien désagréable surprise. De nombreuses créatures sauvages y pullulent.
— Nous arriverons à nous défendre, signala Alendomïën. Le groupe a de bons éléments. Hilld et Nathax ne sont pas des enfants de choeur.
— Et tu ne l’es pas plus, ajouta le grand maître. Avec l’aide de Mardeën, vous êtes en mesure de vous défaire de bon nombreux de mésaventure. Et c’est bien sur cela que je compte. Ce groupe est constitué pour réussir la tâche qui lui est confiée. Mais ce n’est pas que l’aller que je vous demande. Vous devez également parvenir à faire le chemin de retour. J’aurais besoin de vous tous dans la cité de Haches dès que l’empereur sera tombé. Et plus vite que je ne l’aurais imaginé si cette deuxième armée de Lichn est encore présente dans les environs de la cité. Tant que notre groupe parti dans le Sud ne sera pas revenu ici, la cité de Haches ne sera pas protégée aussi efficacement que je le souhaiterais.
— Vous êtes là, signala Balco. C’est déjà une protection que les autres cités n’ont pas.
— Ce n’est pas mon rôle, annonça le grand maître avec un petit rire. Je le pourrais, mais c’est à vous de le faire. Ma place n’est plus sur le terrain, ce temps-là est révolu pour moi.
— Pourtant, votre présence doit faire réfléchir Lichn, commenta Alendomïën.
— Et c’est exactement le but recherché, expliqua le grand maître. Me montrer dans cette cité lui assure une protection, même si mon intention est d’éviter d’intervenir par moi-même… »
Le grand maître termina sa phrase et commença à fulminer intérieurement. Des voix chantantes commencèrent à se faire entendre non loin et se rapprochèrent de la taverne inévitablement. Balco avait un sourire sur les lèvres, il ignorait l’identité de chaque chanteur, mais il reconnaissait la voix de Pys’ch’kim le sorcier nain…
 
« Oh le la la 
eh le la la la
Oh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la
 
Quand nous commençons la fiesta
Par la règle du qui commande boit
Quand nous commençons la fiesta
Les autres se demandent pourquoi
Pouvez-vous les entendre se lamenter
Écoute ceux qui sont fêtards
C’est un appel de la destinée
Écoute ceux qui sont fêtards
 
Pourquoi ne pas te laisser entraîner
Oh le la la
eh le la la la
Oh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la
 
Ce qui est rouge et ce qui est blanc
Dites-moi ce qui est erroné et ce qui est exact
Y a-t-il une bouteille qui te résiste
Écoute ceux qui sont fêtards
Pousse des cris et passe commande
Le responsable de la tournée est un génie
Le message ne peut être plus clair
Écoute ceux qui sont fêtards
 
Pourquoi ne pas te laisser entraîner
Oh le la la
eh le la la la
Oh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la
 
Cul sec !
Si le défi est de mise pour toi
Voici le mien et ce sont les portes ouvertes
Sur les réserves de la taverne
Et chacun y apporte sa culture
Toi, lève donc le coude
Écoute ceux qui sont fêtards
L’alcool coule à flot
Mélangé dans nos verres
Ainsi, tu t’es laissé entraîner
Terminez vos chopes
Et allez vous resservir
Que ce soit en blanc
Que ce soit en bière
Et laissez-le tout vous enivrer
Je ne suis pas un buveur d’eau
Nous sommes tous égaux
De la même chair et de sang
Des personnes identiques
Tellement que nous allons de pair avec l’écoulement de la bière
La taverne est ici
Et nous allons le faire savoir
Écoute ceux qui sont fêtards
 
Pourquoi ne pas te laisser entraîner
Oh le la la
eh le la la la
Oh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la
Oeh le la la
eh le la la la »
 
Pys’ch’kim, Gloupto, Nathax et Rosental entrèrent dans la taverne en continuant de chantonner. Pys’ch’kim fut le premier à s’arrêter de chanter, lorsqu’il vit le grand maître se dresser devant eux. Il leur coupait l’accès qui aurait pu les mener jusqu’au comptoir de la taverne.
Le grand maître les fixa dans les yeux les uns après les autres en attendant leur réaction. Nathax fronça les sourcils en répondant au regard du grand maître.
« Sans vouloir vous vexer grand maître, lança Nathax. Ici c’est notre taverne. Si vous avez prévu d’y tenir une réunion, je vous conseillerais vivement de trouver un autre lieu.
— Et moi je vous conseille vivement de rebrousser chemin, gronda le grand maître. Vous devriez être en train de préparer vos affaires pour partir demain.
— Elles sont prêtes, indiqua Nathax. Je venais juste boire un petit verre avant d’aller me coucher.
— Je ne vous connais que trop bien jeune Nathax, indiqua le grand maître. Vous comme tous vos compatriotes nains. Un petit verre a tendance à se transformer très rapidement en plusieurs dizaines et pourtant les nains n’aiment pas la magie.
— J’ai trouvé un tonneau de bière dans les réserves, s’écria Broz dans le dos du grand maître. »
Tous se mirent à lever les bras en l’air et hurler leur joie. Le grand maître soupira de découragement. Le lutin avait dû se faufiler sous l’une des tables sans qu’il le remarque pour aller chercher un tonneau de bière. Il le tenait à bout de bras au-dessus de lui. Ses bras tremblotaient sous le poids du contenu alcoolisé du tonneau.
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