Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 7 : La taverne

Finalement après une dizaine de minutes, ils arrivèrent en face d’une massive porte en bois encastrée dans un vieux mur. Juste au-dessus de la porte, un vieil écriteau rouillé indiquait en lettre verte : taverne. Balco fut surpris, sans son compagnon, il n’aurait jamais trouvé l’entrée. Cette taverne n’avait rien à voir avec celle de son village. Les murs extérieurs étaient délabrés, presque en ruine. Il y avait quelques fenêtres qui semblaient être en bons états, elles avaient dû être changées récemment.
Calaento poussa la porte et entra dans la bâtisse. Balco s’engagea à son tour en suivant comme son ombre l’elfe. Il y avait trois marches à descendre afin de se retrouver sur le plancher de la taverne. Les murs à l’intérieur étaient peints en blanc, comme le plafond. Plusieurs rideaux rouges étaient suspendus sur des tringles au-dessus des fenêtres. Une dizaine de tables rectangulaires étaient disposées au centre de la pièce. Sur la droite, il y avait une grosse cheminée qui ne fonctionnait pas. Devant lui, et donc dans le fond de la taverne, un large comptoir rempli de verres vides.
Calaento
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Derrière le comptoir, une femme d’un âge déjà avancé regardait les nouveaux arrivants avec un regard interrogatif. À gauche du comptoir, il y avait une porte qui semblait mener à des cuisines. Sur la droite de la taverne, il y avait un petit podium où chantaient trois individus. L’un d’entre eux était Pys’ch’kim le sorcier nain qu’il avait croisé juste avant de venir. La taverne était actuellement déserte en dehors de la tavernière et des trois chanteurs.
Calaento avança vers l’une des tables centrales de la taverne. Il tira un siège et s’installa dessus. Il invita Balco à en prendre un siège juste en face lui. Balco qui tournait la tête de droite à gauche pour admirer tout l’intérieur de l’auberge en détail, aperçut tardivement le geste de l’elfe. Il s’exécuta promptement dès qu’il en eut connaissance en tirant le siège qui venait de lui être indiqué. Balco découvrit en prenant la chaise qu’il y avait une inscription sur le dos de celle-ci. Un nom y avait été gravé avec un objet très chaud qui avait brûlé et creusé dans le bois du siège.
Balco
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Balco observa l’inscription pour en déchiffrer le contenu avant de s’installer dessus. Le mot n’avait rien de mystérieux et il était écrit dans le langage commun, il y était gravé le nom de Nac’ab’eiis. Balco fut intrigué par cette dénomination de la chaise. Il se redressa un peu et il jeta un coup d’œil aux autres sièges alentour. Chaque siège de la taverne était estampé d’un nom différent.
Balco voulut interroger l’elfe du regard à ce sujet. Ce dernier ne le regardait pas à ce moment-là. Balco se résigna à s’installer, puis posa sa question directement :
« Pourquoi les sièges de cette taverne arborent sur leur dossier un nom ? Questionna Balco vraiment intrigué par cette étrange affaire.
— Ah oui ! S’exclama Calaento habitué à cette particularité. C’est vrai que ce n’est pas une chose courante. Chaque apprenti du grand maître faisant partie de notre petite communauté possède son propre siège dans l’auberge. La première idée est que cela évite quelques chamailleries inutiles. Nous sommes ainsi libres de la gestion de notre chaise dans l’auberge et nul autre que nous même ne peut s’installer dessus. La deuxième c’est un bon moyen pour se souvenir de chacun. Si l’un d’entre nous venait à trépasser, sa chaise serait toujours là pour que personne n’oublie son passage dans le groupe.
— Cela ne va pas déranger Nac’ab’eiis ? Demanda Balco un peu gêné.
— Vous pouvez rester assis sereinement, indiqua Calaento. Le siège que vous venez d’emprunter appartient à un autre elfe. Ce dernier n’est pas présent dans la cité de Haches en ce moment et il ne devrait pas revenir avant quelques jours, voir semaines. Et même là, il n’est pas du genre à vous en tenir rigueur.
— Que fait-il à la table des elfes ! S’écria brusquement la tavernière qui s’était approchée de la table.
— C’est un invité, répondit calmement Calaento. C’est le grand maître qui nous l’envoie. Il va certainement rejoindre nos rangs.
— hm ! Fit la tavernière peu convaincue. Encore un de plus ! Comme si vous n’étiez pas assez nombreux… »
Balco tourna la tête vers la tavernière et l’observa. Elle portait un tablier blanc rempli de symboles numériques. Des cheveux blonds bouclés. Des yeux marrons. Une voix agressive et stridente. Elle aussi dévisagea Balco. Elle plissa les yeux, puis n’arrivant pas à déterminer ce qu’elle voulait dire. Elle enchaîna : « Qu’est que je vous sers ?
— Mettez-nous deux bières, répondit Calaento. Cela suffira pour le moment.
— Très bien, répondit la tavernière en tournant les talons. »
Balco la regarda partir sans rien dire, il avait un peu de mal à comprendre toutes les coutumes de la cité. Et encore plus, celle de ce groupe que le grand maître lui proposait de rejoindre. La vie d’aventurier était tout de même bien plus étrange qu’il le pensait.
« Quelle est cette histoire de table des elfes ? Demanda cette fois Balco en fixant Calaento.
— C’est un peu comme pour les chaises, expliqua Calaento. Enfin presque. Disons que les elfes se sont réservé une table spécifique avec l’accord de la tavernière. Les autres tables n’ont pas de propriétaire réellement attitré. Il faut nous comprendre, nous les elfes. Nous aimons régulièrement un peu de calme pour discuter en toute quiétude. Les autres membres du groupe ne sont pas toujours très propices à nous offrir un tel calme. Nous ne l’aurons certainement jamais, alors au lieu de déserter notre taverne nous avons instauré une règle pour nous. C’est pour cette raison que tous les elfes du groupe ont décidé de limiter l’usage de cette table, que l’on nomme table des elfes, pour être plus au calme. Elle n’est pas réservée exclusivement aux elfes, mais elle veut principalement dire que ceux qui se trouvent dessus sont là pour discuter et non pour faire la fête.
Vada
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— Un bout de calme au milieu d’une taverne, commenta Balco dubitatif.
— On peut le voir ainsi, dit Calaento en riant. C’est vrai que cette taverne n’est pas réellement le lieu rêvé pour chercher le calme. Je conçois que vous pouvez vous sentir un peu perdu. Vous arrivez en plein milieu d’une taverne qui a son propre fonctionnement et je ne pense pas que l’on en trouve une autre comme cela sur notre planète. Ne vous affolez pas, vous arriverez à vous intégrer sans complication. Nos règles sont peu nombreuses, contrairement à notre effectif. Si vous me le permettez, je vais justement profiter de cet instant un peu calme pour vous présenter deux autres membres de notre groupe. Les deux personnes que vous pouvez voir chanter au fond de la taverne avec Pys’ch’kim le sorcier nain que vous connaissez déjà.
— Oh oui ! J’ai eu le loisir de le connaître, indiqua Balco en poussant un petit soupire exaspéré. Toutefois, je serais curieux de découvrir les deux autres personnes »
Balco tourna la tête de nouveau vers le podium au fond de la taverne. Le sorcier nain se tenait à droite. Au milieu, un humanoïde au teint légèrement bronzé, Balco eut une sensation étrange en le regardant. Il n’avait pas l’impression de ressentir le visage d’un humain. Balco resta un peu incrédule. Il ignorait tant de chose qu’il ne savait pas à quelle créature magique il avait encore une fois à faire. Enfin à gauche un humain qui devait être un magicien au vu de sa tenue.
Gloupto
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« La créature humanoïde que tu vois au milieu, c’est Gloupto, indiqua Calaento. Alias Guigui pour tout le monde.
— Ce n’est donc pas un humain, demanda Balco intrigué.
— Nullement, déclara l’elfe. Il prend la forme d’un humain pour se déplacer sans gêne dans la cité. Derrière cette apparence, il y a en réalité une entité de terre. Une créature consciente et intelligente entièrement constituée de terre. Ceci lui donne la capacité de prendre diverses formes qui semble solide, mais il n’en reste pas moins une entité. »
Balco s’attarda un peu plus sur la créature maintenant qu’il savait de quoi il s’agissait. Il avait déjà entendu parler des entités, des créatures issues de la magie elfique. Il savait que plusieurs types d’entités existaient, mais il ne savait pas qu’elles pouvaient choisir de prendre une forme humaine. Un sourire se dessina sur le visage de Balco, heureux de croiser une entité de terre. Il se rendait compte qu’il en avait déjà entendu parler dans quelques contes que lui avait déclamés sa maman. Il s’était fait une fausse image de ce genre de créature. Il était impatient de pouvoir converser avec cette étrange créature. Il allait apprendre encore beaucoup en peu de temps.
Rien que de penser qu’il s’agissait d’une énorme masse de terre qui pouvait se mouvoir librement, c’était encore une fois plongé dans le rêve qui animait sa vie en ce moment. La définition que lui avait faite son père d’une entité de terre revint à son esprit.
« De la boue avec une âme ! »
Son corps pouvait se modeler à volonté, capable de prendre n’importe quelle forme ! Il n’avait jamais envisagé que ce fût pour une apparence humaine. Il y avait vu bien des créatures, après tout être humain n’était pas plus fou qu’autre chose. En définitive, même en se modelant ainsi, une entité reste toujours de la terre. Même si elle pouvait teindre sa surface un peu comme les caméléons pour donner encore un peu plus de crédibilité à leur forme.
Balco était fasciné par cette entité. Il repensa doucement qu’il y a quelques jours encore, il ne connaissait rien d’autre que les humains. Il avait eu son cœur rempli de joie en voyant le visage d’une elfe et maintenant… il croisait à chaque nouvelle heure qui passait une nouvelle espèce qu’il n’avait pu connaître que par les livres jusqu’à présent. Il ne regrettait aucune de ces rencontres, même s’il était impressionné par certaines d’entre elles.
À côté de cette créature terreuse, se tenait un humain qui devait être magicien ou quelque chose d’approchant. Il portait une chemise rouge et un pantalon de la même couleur. Un rouge sang légèrement plus foncé. Une ceinture noire maintenait le bas de sa chemise au même niveau que la ceinture du pantalon. Des gants blanc très clair et lumineux à ses mains. Au niveau du col de sa chemise, deux agrafes rondes tenaient une cape jaune flottant dans son dos. Elle aussi d’une couleur très voyante. La cape descendait dans son dos jusqu’au niveau de ses pieds. Il avait des cheveux très noirs qui descendaient jusqu’au niveau du cou. Un ruban de cuivre serré sur son front maintenait ses cheveux et en les obligeant à se maintenir vers l’arrière. Juste au-dessus de ses yeux, sur le ruban de cuivre, un cristal y était placé. Il avait des yeux de couleur noire. Mais le plus visible et étonnant dans ses yeux s’était le blanc de ses yeux, un blanc étrangement brillant qui attirait l’œil de celui qui l’observait et en faisait oublier le reste de son visage…
Donirico
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« Eh ! Calaento ! Blaireau d’elfe ! Qu’est-ce que tu nous as ramené là ? s’écria soudainement l’entité terreuse d’une voix puissante en glissant lentement vers la table où se trouvait Balco sans soulever à un seul moment ses jambes.
— Je viens de t’amener un héritier de la légende, dit Calaento sans broncher. C’est le grand maître qui l’a trouvé. Nous devrions enfin pouvoir passer aux choses sérieuses. Un peu d’action ne va pas nous faire de mal ?
— Et comment il se nomme cet héritier ? dit celui qui devait être un magicien d’une voix dure et d’un regard toujours étincelant.
— Je m’appelle Balco, s’exclama-t-il en se redressant prestement de son siège et répondant au regard du magicien avec crainte.
— Je pensais lui faire découvrir les elfes du groupe, expliqua ironiquement Calaento. Ce sont les seules personnes dignes d’intérêt dans ce groupe et certainement les plus civilisées.
— Et c’est toi qui dis cela, déclara Gloupto. Balco ! »
L’entité terreuse venait de se tourner vers Balco et elle posa sa main sur son épaule. Balco fut très surpris par ce geste et encore plus par la familiarité que prit immédiatement l’entité à son sujet. La main n’avait pas la consistance de la boue. Balco ne ressentit aucune différence avec une vraie main humaine. Bien qu’il se sentit un peu plus à son aise, qu’on le considère comme un ami, plutôt que sur un piédestal, car c’était le grand maître qui l’avait amené.
Pys'ch'kim
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« Tu peux discuter avec les elfes, indiqua l’entité terreuse en parlant naturellement à Balco comme s’ils se connaissaient depuis longtemps. Ils sont certes étranges, pourtant il est de notoriété publique que leurs pouvoirs et leurs connaissances sont très élevés. Je ne remettrais nullement cette affirmation en question et encore moins que tout cela est très utile à tout notre groupe. Malgré tout, je tiens à te signaler que l’elfe, qui est à tes côtés, est d’après moi et bien d’autres dans le groupe, le plus stupide de tous les elfes de la planète !
— Je ne me considère même pas touché par tes offenses, répondit Calaento avec un petit grincement de dents.
— Il faudrait que tu aies un cerveau pour être offensé, enchérit Pys’ch’kim en se rapprochant de la table.
— Venant d’un nain, je tolère moins ce genre d’insulte, s’écria Calaento. »
L’elfe des collines se leva et se mit face au sorcier nain. Il baissa les yeux pour le regarder. Le nain releva un peu la tête pour répondre au regard de l’elfe en gardant un léger sourire sur le visage. Pendant que l’elfe et le nain jouaient du regard pour s’intimider, l’entité terreuse vint à côté de Balco. L’entité se déplaça sous la forme d’une flaque de boue plaquée au sol. Puis se remodela en un individu à quelque chose prêt ressemblant à un humain assis en face de Balco en posant ses deux coudes sur la table.
« Alors comme ça vous seriez un héritier, dit l’entité d’un ton calme.
— Cela reste à vérifier, dit Balco sagement. Le grand maître et Taruis semblent vouloir s’accorder à dire que c’est la vérité. Rien ne le prouve pour le moment. Je suis juste un ancien paysan qui se retrouve sans village et qui rêve de devenir aventurier pour découvrir toutes les merveilles de cette planète.
— Un rêve qui mérite d’être évoqué et vécu, commenta avec gaieté l’entité. Soit, déjà, le bienvenu parmi nous. Je suis Gloupto, mais appelle-moi Guigui comme tout le monde. Tu fais bien de rejoindre le groupe, on est toujours très amical envers tout le monde. Je ne pense pas que tu seras rejeté par quelqu’un et ne te fis pas à nos petites querelles passagères. Dans le fond, on s’apprécie tous. En passant, si tu cherches à voir les merveilles de Sulder, nous avons plusieurs filles plutôt sympathiques dans le groupe. Je te les présenterai si tu veux. Avec mon aide, je pourrais certainement parvenir à en faire tomber quelques-unes dans tes bras !
— Quel hypocrite ! À part boire et raconter des conneries Guigui, tu ne sais pas faire grand-chose, dit celui qui devait être un magicien.
— Laisse en Balco le seul juge Donirico, dit Guigui avec un léger rire.
— Donirico ? Questionna doucement Balco en regardant le magicien.
— Nous aurions dû commencer par cela, s’exclama Guigui en continuant de rire. C’est vrai que tu ne connais pas encore tout le monde. Eh bien ! Voici notre grand Donirico l’étincelle de l’aube, un très bon lanceur de sort, voir même l’un de nos plus puissants...
— Un expert en magie blanche… tssss…, siffla Calaento. Peut être doué pour un humain, mais il n’en reste pas moins qu’un simple humain. »
L’humain resta impassible aux remarques de l’elfe et s’installa en prenant son siège non loin de Balco. Il lui tendit la main pour lui dire bonjour avec un petit sourire bienveillant. « Vous pouvez m’appeler aussi Tonio, indiqua Donirico avec son regard éclatant. Je suis ce que l’on appelle dans le monde de la magie un tourcien. Un magicien humain pour faire simple sans entrer dans tous les détails. Je suis toujours présent lorsqu’on a besoin de moi.
— C’est pour cela que tu n’es jamais là, répliqua Calaento content d’avoir pu placer une vanne. On n’a jamais besoin de toi ! »
Le tourcien tourna son regard vers l’elfe et se redressa lentement de sa chaise en le fixant. Il ne sembla pas vraiment avoir apprécié cette plaisanterie. « Nos magiciennes elfes sont plus puissantes que moi, c’est un fait, dit Donirico d’un ton très sérieux. Mais toi… tu es une grosse merde ! Tu as énormément de chance que Balco soit avec toi aujourd’hui… Sinon je t’aurais fait valser hors de cette taverne et tu serais allé pleurer dans les jupes de tes sorcières elfes. Quoique je ne pense pas qu’elles se déplaceraient pour toi. »
Donirico se reposa sur son siège en croisant les bras contre son torse. Balco avait regardé l’altercation sans rien ajouter. Il ne voulait pas, pour le moment, prendre le parti de personne. Il n’avait pas assez de recul pour se permettre cela. La taverne redevint plus calme, une certaine friction traîna encore dans l’air.
Balco regarda tour à tour toutes les personnes présentes dans l’auberge. Il sentait bien que ce groupe était soudé, il y avait malgré tout des différents entre certains individus, mais quoi de plus normal après tout ! C’est le lot commun de n’importe quel groupe d’avoir des petits conflits internes, tant que ceci ne gêne pas la progression générale du groupe…
La porte de la taverne s’ouvrit brusquement et tapa fortement contre le mur de l’auberge. La tavernière commença à taper du pied et s’apprêta à pousser un coup de gueulante sur l’imbécile qui venait de faire ça, mais elle se ravisa immédiatement en voyant le personnage qui passait à travers l’encablure de la porte.
Balco tourna la tête vers la porte de la taverne et il eut un petit sourire de soulagement en reconnaissant le grand maître ! Vêtu de sa tenue blanche éclatante, il s’avança l’air pensif en passant sa main droite dans sa longue barbe blanche. Il balaya du regard l’intérieur de la taverne et il resta sur le seuil de l’auberge pour parler :
« Messieurs, vous entreprendrez de continuer les présentations plus tard. Nous avons des problèmes plus urgents à régler. Je ne pensais pas que ce nécromant noir oserait le faire, mais il est bien assez fou.
— C’est à dire ? Questionna Donirico en se redressant de son siège pour s’avancer tranquillement du grand maître en gardant un air légèrement inquiet aux dires du grand maître.
Grand maître
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— Lichn a décidé de s’attaquer à Haches, commenta le grand maître. Tout du moins, une partie de son armée se dirige actuellement vers ici. Ce n’est pas encore une certitude qu’il ose s’attaquer à Haches, mais tout me laisse penser que ce sera le cas. Je soupçonne très fortement qu’il y a un traître dans cette cité !
— Un traître ! S’étonna Calaento. On se chamaille au sein du groupe, mais pas de là à vouloir vraiment nuire aux autres.
— Aucun d’entre vous n’est en cause, indiqua le grand maître. Il s’agit de maître Paclaus, j’aurais dû le surveiller d’un peu plus près pour me rendre compte qu’il était aussi corruptible. Je reviens juste à l’instant de chez lui. Je lui avais confié l’épée de la roche que je possédais afin qu’elle soit directement présente dans la cité de Haches. Je n’ai trouvé chez lui ni lui ni cette épée.
— Nous venons de perdre notre seul moyen de trouver les héritiers ? Questionna Donirico.
— Oui, soupira le grand maître très déçu. Le seul point positif de cette situation, c’est que Paclaus ignore la véritable fonction de cette épée. Il sait que sa lame est particulière c’est pour ça qu’il a du partir avec. J’ai définitivement bien agi en ne lui accordant que peu de détail sur nos intentions. »
Le grand maître avança de quelques pas pour se tenir face au tourcien. « J’ai fouillé un peu plus sa demeure pour trouver quelques documents forts intéressants, ajouta le grand maître. D’après ce que j’ai pu rapidement traduire de ses écrits en langage des ténèbres, il compte vendre l’épée à Lichn. Je pense que c’est pour cela qu’une petite partie de l’armée de Lichn s’approche d’ici. Il doit vouloir croiser Paclaus non loin de Haches. Je viens d’envoyer Panda et Kirnou à la poursuite de Paclaus pour qu’ils récupèrent l’épée de la roche. Lichn va certainement envoyer son armée contre Haches dès qu’il aura constaté que l’épée qu’il désire n’est plus en possession de Paclaus. Haches ne sera peut être pas attaqué, mais nous devons nous préparer en vue de cela. Calaento, Donirico et Pys’ch’kim, je vous confie la tâche de prévenir tout le groupe pour cette éventualité. Quant à toi Gloupto, va me trouver le capitaine de la garde et dis-lui de venir me voir au plus vite. Je l’attendrais ici dans la taverne… Allez dépêchez-vous, le temps presse. Balco, restez avec moi pour le moment. Nous avons à parler »
Le grand maître claqua dans ses mains rapidement pour activer tout le monde. Les quelques présents ne se firent pas prier et ils ne dirent pas un mot en faveur ou défaveur du grand maître. Ils sortirent rapidement de la taverne en ayant parfaitement compris leur rôle.
Le grand maître s’écarta du pas de la porte pour les laisser sortir, puis il ferma la porte derrière eux. Il secoua sa cape blanche légèrement pour qu’elle ne fasse pas un mauvais pli. Il s’approcha de Balco en se posant sur le premier siège venu en face de Balco. La tavernière revint à ce moment-là avec les deux bières. Le grand maître en fut agréablement surpris.
« Voilà une bonne initiative madame, dit d’une voix joyeuse le grand maître. Rien de tel qu’une bonne bière avant d’aller livrer un combat. En souhaitant que ce ne soit pas la dernière ! »
Balco était un peu choqué par la déclaration du grand maître et il le regarda attentivement. Le visage du grand maître n’exprimait aucune crainte, ses gros sourcils blancs n’étaient même pas en train de se froncer. Le grand maître avait vraiment l’air serein quant aux événements qui allaient prochainement se dérouler. Balco était un peu tremblant, il faisait confiance au grand maître, mais il avait déjà eu à faire au nécromant noir. Lichn l’avait laissé pour mort et il pensait bien lui aussi avoir laissé sa vie à ce moment-là. Il ne lui tardait absolument pas de revoir le nécromant, même si au fond de lui il voulait venger la mort de ses parents. Balco regarda en continuant de trembler le grand maître et lui demanda timidement :
« Comment pouvez-vous parler du nécromant noir avec autant de calme ? Je l’ai vu brûler mon village, il pourrait bien faire de même ici ? »
Le grand maître lui fit un sourire rassurant. Il leva sa chope de bière et but une grande gorgée avant de la reposer sur la table et de répondre à Balco :
« Je vous comprends jeune homme. J’aurais certainement réagi comme vous à votre âge. C’est déjà une preuve de sagesse que d’avoir peur, il ne faut jamais se jeter contre un adversaire sans bien y réfléchir. Ayez confiance en moi, jeune homme. Je ne vous laisserais pas retomber entre les griffes de ce nécromant… j’ai eu l’occasion de voir et combattre de multiples créatures des ténèbres, je serais me défaire de celui-ci. Lichn n’est qu’une créature des ténèbres de plus. J’ajouterais que jusqu’à présent il n’a même rien d’exceptionnel. Il est animé de la même envie de destruction que tous ses congénères. Il reste une menace dont il faut se méfier, car il ose là où beaucoup de créatures des ténèbres n’osent plus en ce moment. Toutefois, j’ai connu des créatures qui paraissaient bien plus terrifiantes que lui et dont les projets étaient plus vastes.
— Oui je comprends, dit Balco gêné en baissant un peu la tête. Je n’ai pas votre recul pour pouvoir comparer.
— Vous apprendrez au fil du temps vous aussi, dit le grand maître en souriant. Je ne suis pas meilleur qu’un autre. J’ai juste profité de la longue vie qui m’a été offerte pour mettre à bien tout ce que je pensais favorable à cette planète. Nous avons maintenant une nouvelle menace qui se nomme Lichn. Il est l’unique créature des ténèbres qui bouge actuellement. C’est pour cela qu’on parle de lui et qu’on le craint. Je n’ai aucune inquiétude, Lichn ne prendra jamais cette ville tant que je serais vivant ! »
Le grand maître termina sa bière d’une seule traite et il se leva de son siège. Il refit un petit sourire à Balco pour le rassurer et lui souffla : « Ne bougez pas de cette table Balco. Je reviens de suite »
Le grand maître se dirigea vers les cuisines à grands pas. Balco le suivit du regard et le vit passer par la porte à gauche du comptoir. Il se retrouva seul dans la taverne, il jeta un œil tout autour de lui encore abasourdi par tous les événements qui lui arrivaient en quelques jours. N’ayant plus personne avec qui parler, il but sa bière tranquillement. Il la termina et reposa la chope vide doucement sur la table pour ne pas faire de bruit. Il croisa ses bras contre son torse en fermant les yeux pour avoir une petite pensée triste pour sa mère et son père.
Ses yeux s’embrumèrent rapidement. Ses yeux étaient tout proches de verser de longues larmes qui auraient marqué leur passage sur ses joues. Balco les essuya d’un revers de la main en entendant les pas puissants du grand maître revenant dans la grande salle de la taverne. Balco tourna de nouveau la tête vers la porte des cuisines et il vit surgir le grand maître se dirigeant vers la table tout aussi précipitamment qu’il l’avait quitté. Il tenait dans sa main droite une épée longue qui semblait neuve, il la posa sur la table juste devant Balco avant de reprendre place sur un siège. « C’est tout ce que j’ai pu trouver, expliqua le grand maître avec un léger ton de déception. »
Balco regarda l’épée avec beaucoup de surprise et d’admiration. Il se remémorait aussi les quelques tentatives de Homelf pour lui apprendre les rudiments de l’usage d’une épée. Il en esquissa un petit sourire avant que son visage ne s’assombrisse en voyant l’image d’Homelf gisant au sol. Il regarda le grand maître en n’osant pas prendre l’épée entre ses mains et avec un petit air de curiosité : « Où est-ce que vous êtes allé pour trouver cette épée ? Demanda Balco intrigué.
— Je ne l’ai pas pris dans les cuisines, dit le grand maître avec un petit rire. Je suis tout simplement rendu dans l’étage supérieur de la taverne. Ses occupants font le charme du lieu, mais elle reste une auberge. On peut y trouver à boire, à manger et où loger pour une nuit. Le sous-sol est lui moins habituel, cette auberge était encore le repaire d’une confrérie de voleur il y a encore très peu de temps. Un grand réseau de salle court sous nos pieds. Je suis certain que vous en entendrez des histoires à ce sujet dans les jours à venir. Cette taverne appartenant intégralement au groupe que vous avez commencé à découvrir, les chambres leur sont réservées… Ainsi qu’à leur invité… enfin invitée le plus souvent ! Lorsque je les ai envoyés à Haches pour leur première fois, ils n’eurent pas tous les moyens d’acheter ou de louer une demeure en ville. Beaucoup d’entre eux vinrent habiter quelque temps dans la taverne. Le temps faisant son office et le groupe s’aidant mutuellement, ils ont maintenant quasiment tous une demeure que ce soit seul ou à plusieurs. Les chambres de la taverne sont désormais rarement utilisées, seulement quand ils n’ont plus la lucidité nécessaire pour rentrer chez eux et encore. J’ai demandé à la tavernière de vous préparer une chambre pour ce soir. Pour commencer ! Vous pourrez y vivre autant de temps que vous le désirerez. Vous faites désormais partie de ce groupe jeune homme. Et cela, quel que soit le verdict de l’une des épées de la roche. Si nous venions à découvrir que vous n’êtes pas un héritier, vous avez eu le courage de venir jusqu’à moi alors je vous garderais. Il n’y a aucune raison qui s’oppose à que vous deveniez un aventurier. La renommée ne fait pas tout. »
Le grand maître se leva de son siège à nouveau. Balco leva les yeux pour le regarder se diriger vers la porte de l’auberge.
« Je vous laisse ici un moment, expliqua le grand maître. Je repasserais dans la journée si j’ai un peu de temps pour vous faire visiter la cité. Ne sortez pas de la taverne si vous n’êtes pas accompagné vous risqueriez de vous perdre. Profitez un peu de votre temps pour préparer votre chambre et faire la connaissance de votre seul voisin dans la taverne. Je dois aussi surveiller l’approche des troupes de Lichn. Je ne pense pas que vous aurez besoin de participer à la protection de Haches, mais préparez-vous malgré tout on n’est jamais assez prudent. »
Le grand maître s’apprêta à ouvrir la porte de l’auberge, lorsqu’elle tourna sur ses gonds avant qu’il n’en touche la poignée. Un humain à la peau sombre, très musclée et d’allure imposante se mit au milieu de la porte. Il portait un plastron en métal. Le blason de Haches, deux haches qui se croisent, largement visible au niveau du cœur y était peint. Le grand maître s’arrêta et regarda un instant l’individu.
Caradryan
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Présent dans les chapitres : 7 -
« Capitaine ! Enfin ! S’exclama le grand maître. J’allais à votre rencontre justement.
— Veuillez m’excuser grand maître, indiqua poliment le capitaine de la garde de Haches d’une voix rugueuse. Je suis venu le plus rapidement qu’il m’était permis de faire dès que l’on m’a rapporté que vous souhaitiez me voir.
— Je souhaite vous parler d’une, probable, invasion de Haches par les troupes de Lichn, ajouta le grand maître.
— Oh ! S’étonna le capitaine. Je ne m’attendais pas à une confrontation aussi directe de la part de cette créature. N’ayez crainte grand maître, voilà déjà quelque temps que tous mes hommes sont sur le qui-vive. Nulle attaque, même surprise, ne sera lancée contre cette cité sans que je fusse prévenu plusieurs heures à l’avance. La garde veille jour et nuit sur la cité de Haches et répondra avec l’efficacité nécessaire à toute forme d’agression.
— C’est exactement à cela que je m’attendais de votre part, dit le grand maître. Et c’est aussi pour cette raison que je voulais vous voir… Il me faut encore une confirmation de l’estimation des troupes du nécromant. J’ai le sentiment que ce ne sera qu’une petite escarmouche. Si c’est le cas, je souhaiterais que vous n’interveniez pas dans le conflit. Ni vous, ni aucun membre de la garde de la cité.
— Comment ? S’étonna le capitaine en sursautant. Vous me demandez volontairement de laisser cette cité sans aucune protection. Et pourquoi ne pas laisser la grande porte Sud ouverte pendant que vous y êtes ? Grand maître, avec tout le respect que j’ai pour vous, ma raison de vivre est que cette cité prospère sans crainte d’une invasion. Tant que je serais vivant, je ne laisserais pas cette cité sombrer dans le chaos… Même sur votre demande.
— Je ne vous demande pas de livrer la cité de Haches à notre ennemi, ajouta le grand maître calmement. J’ai confiance en vous et en vos hommes. Capitaine ! J’ai mes propres raisons pour vous imposer une requête de ce genre. En premier lieu, je pense moi aussi à la sécurité de la cité. Malgré le peu d’estime que je porte à ce nécromant, je ne le crois pas assez demeuré pour nous envoyer toute son armée. Pas sans avoir testé nos défenses. Ne lui offrons pas ce qu’il recherche. Si nous le repoussons s’en faire intervenir la garde de la cité, il sera contraint de détourner son chemin de celui de Haches.
— Je comprends votre idée, indiqua le capitaine. Je ne peux pas y répondre favorablement. Mon rôle est de protéger cette cité en y employant tous les moyens que je jugerais nécessaires. Ne pas prendre part à la défense de la cité n’en fait pas partie.
— Laissez vos hommes en alerte, dit le grand maître. Je ne veux pas ébranler vos convictions. Aussi longtemps que ce sera possible, ne les faites pas intervenir.
— Vous me demandez l’impossible grand maître, souligna le capitaine. Je vais faire de mon mieux pour respecter vos exigences. Mais je ne vous apporte aucune garantie quant à leurs respects. Permettez-moi de vous demander qui va assurer la protection des hachiens, si ce n’est pas la garde qui s’y emploie.
— Je vais l’assurer moi-même, affirma le grand maître. »
Le capitaine paru surpris par cette déclaration. Le grand maître esquissa un léger sourire. « Je ne souhaite pas voir cette cité tomber, ajouta-t-il. Que cette idée ne quitte à aucun moment votre esprit capitaine. Je vais envoyer mes apprentis défendre cette cité, mais je serais là pour remédier à leur défaillance… Même si je ne pense pas qu’ils pourront me décevoir. Cet affrontement sera leur dernier test de leur période d’apprenti. Ils auront à cœur d’y parvenir et cela sera largement suffisant pour rebouter nos ennemis loin des murs de la cité. Je souhaite tout de même attendre la confirmation que l’armée qui est en marche n’est qu’une escarmouche. Sinon votre présence sera requise, capitaine.
— Je serais présent, clama le capitaine. Sans vouloir vous décevoir, j’ai uniquement confiance en moi-même pour la défense de cette cité. Laissez-moi commander à vos apprentis au cours de cette bataille.
— Nous ne sommes pas ici pour négocier, capitaine, gronda le grand maître. Ma proposition est à prendre comme elle fut proposée. Aucun arrangement ne pourra la dénaturer. Mes apprentis seront libres de leur décision. C’est justement leur choix qui sera jugé. Si vous les aidez avec votre expérience, le test sera caduc.
— Vous jouez avec la vie de nos concitoyens s’estomaqua le capitaine. Je ne peux raisonnablement laisser cela se produire. Je reste persuadé que vous avez parfaitement formé vos apprentis, là n’est pas le problème. Je ne pourrais pas être serein de les laisser agir seul.
— Vous avez une mission au sein de cette cité et je le comprends bien, déclara le grand maître. Je ne vous demande pas de vous retirer du conflit, mais juste de ne pas y participer dans la mesure du possible. Je souhaite également qu’il n’y ait aucune perte parmi les citadins. Je vais affecter quelques-uns de mes apprentis pour vous aider dans votre tâche et vous rassurer sur leur capacité.
— J’attendrais vos apprentis, dit le capitaine. Je vais malgré tous mes hommes du risque qui nous attend dans les jours à venir.
— Vous faites bien capitaine, indiqua le grand maître. »
Le grand maître sortit de la taverne en continuant de discuter avec le capitaine de la garde. Balco ne put entendre la suite de la discussion. La porte de la taverne se referma quelques instants après leur départ. Balco était encore plus surpris que ne put l’être le capitaine par la demande particulière du grand maître…
Il était curieux, presque impatient, de suivre le déroulement de ce conflit. Non pas qu’il avait particulièrement envie de revoir les armées de Lichn. Mais pour voir le grand maître se battre ! Il avait un peu de mal à croire qu’une telle situation pourrait se produire. Il se laissa choir sur sa chaise en imaginant déjà des combats glorieux où il aiderait le grand maître en difficulté au cours du combat. Toutefois, il lui sembla que l’apprentissage de Homelf serait peut-être insuffisant pour un tel exploit précoce.
Balco se ressaisit, car c’était bien un rêve ! Il était, encore pour le moment, d’aucunes utilités pour le grand maître. Un exemple parmi d’autres, il n’avait même pas l’autorisation de quitter cette taverne. Il comprenait les raisons du grand maître, il avait plus de chance de se perdre qu’autre chose à vouloir explorer la ville tout seul. Balco n’en avait vu qu’un petit bout pour venir jusqu’à la taverne et pourtant rien qu’avec cela il était perdu dans une immensité de ruelle.
Balco se leva de son siège et comme lui avait conseillé le grand maître il alla visiter sa chambre. S’il devait rester quelque temps ici autant déjà apprendre à ne pas se perdre dans la taverne. Il se dirigea vers la porte qui menait aux cuisines et juste avant qu’il n’en passe le seuil la tavernière l’interpella : « Vous cherchez votre chambre jeune homme ? »
La tavernière apparue juste devant lui avec un sourire bienveillant. « Oui madame, dit Balco très timidement. » La tavernière se mit à rire doucement que Balco l’appelle ainsi, mais elle n’insista pas. Elle passa devant lui et lui ouvrit le chemin. Balco resta juste derrière la tavernière pour la suivre sans dire un mot.
Un petit couloir sombre menait jusqu’aux cuisines. Juste avant de les atteindre, il y avait un escalier sur la droite du couloir bien dissimulé dans un petit renfoncement. L’escalier montait vers les étages supérieurs de la taverne. L’escalier était en bois. Un bois assez ancien, car à chacun des pas de Balco, les planches émettaient de petits craquements sous son poids ou celui de la tavernière. Après avoir monté une trentaine de marches, ils arrivèrent dans un couloir carrelé de blanc. Avec des murs peints en jaune, une série de portes sur les deux côtés du couloir. La tavernière poussa la première porte sur la droite et resta dans le couloir.
« Voici votre chambre, expliqua la tavernière. Le grand maître m’a dit que vous risquiez de rester ici pour un moment, alors vous pouvez vous installer comme bon vous semble. Je veillerais que personne ne vienne utiliser cette chambre à part vous. Je vous souhaite un agréable séjour dans notre cité et dans ma taverne. Et que votre séjour soit le plus long possible ! »
Balco entra dans la chambre. Il remercia chaleureusement la tavernière qui referma la porte derrière lui. Il prit le temps de regarder la chambre qui venait de lui être généreusement accordé. C’était la première fois depuis son départ de son village qu’il retrouvait un lieu qu’il pouvait appeler chez lui. Il s’agissait d’une petite pièce, un sol en brique rouge et des murs peints en jaune très clair. Il y avait un lit assez large, une grande armoire en bois, un petit lavabo et une fenêtre donnant sur la rue passante devant la taverne.
Balco s’avança vers la fenêtre pour regarder à l’extérieur. Il resta, quelques minutes, planté là à regarder les passants. Balco était fasciné de voir autant de monde, ça le changeait de son village natal. Il scruta les toits des demeures en face de la taverne pour contempler l’architecture. Il finit par se lasser un peu et il refit un tour avec les yeux de sa chambre. En posant son regard sur le lit, il se sentit un peu fatigué. L’accumulation de la fatigue des jours passés et des événements qui chamboulaient sa vie. Il décida de s’allonger un peu sur le lit pour se reposer. Il posa soigneusement l’épée que le grand maître venait de lui confier à côté du lit. Il ferma les yeux et ne mit pas longtemps à trouver le sommeil.
Balco resta allongé durant deux bonnes heures qui lui redonnèrent du tonus. Il attrapa l’épée qui était toujours posée au sol et il se redressa. Il fit tournoyer un peu l’épée dans sa chambre en rêvant de ce qu’il allait bientôt pouvoir faire avec. Quelques minutes après, il écouta son ventre qui commençait à crier famine et il descendit dans la grande salle de la taverne. Il avait espéré y croiser un peu de monde, mais il n’y avait absolument personne, la taverne était complètement déserte.
Il s’installa sur la chaise qu’on lui avait confiée la première fois et s’accouda doucement sur la table devant lui. Il n’eut même pas le temps de rêvasser que la tavernière était juste derrière lui. « Je suppose que vous voulez manger quelque chose ? Questionna-t-elle .
— Ce ne serait pas de refus, dit Balco timidement. Malheureusement, je suis confus, je ne possède pas la moindre pièce d’or pour payer le repas que vous pourriez me proposer.
— Nul besoin jeune homme, indiqua la tavernière. Vous appartenez au groupe qui finance cette taverne, tout est gratuit si je puis dire. Les frais de la taverne sont partagés entre tous. Lorsque vous aurez un peu d’argent à vous, vous participerez vous aussi au financement de cette taverne en y apportant une contribution. Vous aurez l’occasion de discuter de cela avec les autres. Je peux vous nourrir sans avoir besoin de voir votre or. Et puis, je serais bien sotte de ne pas nourrir une personne que le grand maître vient de placer sous son aile.
— Je vous promets de payer tout ce que je dois dès que je le pourrais, dit Balco toujours timidement, mais avec un sourire.
— Une ardoise ! Commenta la tavernière. Il y en a d’autres qui font ainsi, je veux bien jeune homme. Vous pouvez compter sur moi pour prendre note de toutes vos dépenses. Puis-je vous proposer une soupe de légumes du jour comme repas de milieu d’après-midi ?
— Oui cela me conviendra très bien, merci, dit Balco. Je… Je pourrais vous poser une question ?
— Ne soyez pas si timide jeune homme, je ne vous mangerais pas, dit la tavernière souriante. Posez vos questions, j’y répondrais si je peux.
— Merci, répéta Balco. Et bien voilà, le grand maître m’a indiqué qu’il y avait un autre résident dans l’auberge. J’aurais aimé faire sa connaissance si cela était possible.
— Vous voulez voir la tête de Manu, dit la tavernière. Il réside dans la chambre juste en face de la vôtre et il doit y être en ce moment. Je vais aller lui dire de descendre et je vous apporte votre soupe ensuite. »
La tavernière se dirigea vers ses cuisines rapidement. Balco était un peu soulagé de cette situation, le fait de ne pas avoir d’argent sur lui le pesait énormément. Il ne voulait pas vivre aux dépens des autres même s’il n’avait pas vraiment d’autre choix pour le moment. Il resta quelques instants, tout seul. Puis il se mit à regarder la porte menant à la cuisine d’un regard inquiet, des bruits de pas très lourds se firent entendre. Une créature ressemblant à un humain fit irruption dans la taverne.
Balco l’observa avec encore plus de surprises, il n’en revenait pas que quelqu’un puisse faire autant de bruit en marchant. Les bruits de pas étaient maintenant plus doux, Balco se douta que cela venait des escaliers. Puis il se dit qu’il ne s’était pas entendu descendre les escaliers. Pourtant, la tavernière avait tout de suite su lorsqu’il se trouvait en bas. Il ne se préoccupa plus de tout ça et analysa la tenue vestimentaire du nouvel arrivant. Il était vêtu d’un gros blouson en cuir et d’un jean bleu. Des yeux noirs et des cheveux noirs. Un nez fin. Une bouche tout à fait classique. De petites oreilles. Sa figure n’avait rien de particulier, aucun trait caractéristique. Il était juste froid et sans émotion. Une casquette noire, posée sur la tête avec à l’avant de celle-ci le nom « Damon » marqué en lettres rouges.
Hilld
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L’individu esquissa un léger sourire sur ses lèvres en regardant Balco et il s’approcha pour s’installer en face de lui. Balco engagea la conversation bien qu’il soit très intimidé par le personnage : « Bonjour, je me nomme Balco. Vous êtes bien la personne qui vit encore dans cette auberge ? »
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