Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 6 : La cité de Haches

Balco avait les yeux brillants de bonheur, il découvrait la cité de Haches. Il en avait entendu parler comme la plupart des autres grandes cités de Sulder. Mais la voir se dresser devant lui était à peine croyable.
Il en trembla, son regard s’arrêta à chaque détail des grands murs qui protégeaient la cité. Il repensa à son pauvre petit village qui n’avait absolument pas cela, peut être à peine une petite barrière en bois. C’était plus pour que les animaux de pâturages ne rentrent pas dans le village plutôt qu’une véritable protection. Là, c’était une muraille faite pour empêcher une armée de rentrer.
Le grand maître avança tranquillement en direction de la grande porte du Sud de la cité. Le groupe de garde se mit en position serrée pour fermer l’accès à la porte. Le grand maître ne sembla nullement inquiet et il continua de s’approcher avec un rythme lent. Balco, les yeux perdus à observer la muraille de la cité, resta estomaqué et sursauta de surprise lorsque le sergent du détachement de garde leur ordonna vivement de stopper leur approche pour s’identifier. Le grand maître n’écouta pas et continua d’avancer jusqu’à se mettre à quelques centimètres du sergent. Il le regarda dans les yeux en les plissant légèrement : « Vous plaisantez sergent, clama le grand maître d’une voix puissante. Seriez-vous en train de me dire que vous ignorez qui je suis pour ne pas accepter de me laisser entrer. »
Balco
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Grand maître
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Le groupe de garde resta immobile, certains avaient déjà bien compris qu’il s’agissait du grand maître. Ils baissèrent leurs arbalètes et hallebardes. Le sergent resta impassible devant le regard du grand maître, mais sa voix se fit un peu plus douce. « Veuillez m’excuser grand maître, lança calmement le sergent. Ce sont mes ordres, je dois arrêter toute personne souhaitant entrer dans la cité pour vérifier son identité et les raisons de sa visite.
— Je le sais, clama le grand maître. C’est moi qui ai imposé cette règle à votre capitaine ! Malgré tout, vous savez parfaitement qui je suis et quant aux raisons de ma visite… si vous estimez un seul instant que je puisse être ici pour de mauvaise raison…, je vous conseillerais fortement de vous trouver un nouveau poste.
— Je renouvelle mes excuses grand maître, dit le sergent. J’ignorais qu’il y avait des passe-droits. J’aurais dû me douter que vous en aviez un malgré tout. Puis-je faire mon métier en contrôlant la personne qui vous accompagne, cher grand maître ?
— Je vais insister pour que vous le laissiez passer également, dit fermement le grand maître. Ce jeune garçon m’accompagne. Si vous voulez tout savoir, il s’appelle Balco et il va rejoindre mon petit groupe de guerriers dans leur auberge.
— Merci grand maître, dit le sergent en s’inclinant légèrement. C’est tout ce que j’ai besoin de savoir. Permettez-moi de vous souhaitez un bon séjour à Haches ainsi qu’à vous messire Balco. »
Le grand maître fit un signe de tête au sergent et le groupe de garde s’écarta pour laisser une voie libre pour qu’ils rentrent dans la cité. Le grand maître fit un petit signe à Balco pour lui indiquer de continuer à le suivre. Balco regarda, impressionné, chacun des gardes présents qui réalisaient une sorte de haie d’honneur pour son entrée dans la cité. Le groupe à peine passé, Balco se retrouva sous la grande porte de Haches. Les deux battants des énormes portes en bois étaient ouverts. Il passa sous le porche de pierre en levant les yeux au ciel pour admirer l’architecture. Puis il baissa les yeux devant lui pour découvrir la cité qui se dévoilait sous ses yeux. Juste devant lui une sorte de place remplie de badauds et de petits commerçants ambulants. Plusieurs groupes de gardes patrouillaient en surveillant les arrivées de la porte. Beaucoup de monde, Balco n’en avait jamais vu autant réuni dans un seul lieu.
La place de la porte Sud était aussi grande que son petit village et il avait bien du mal à imaginer la taille réelle de toute la cité. Juste après la place, les premières demeures de la cité étaient visibles. Une grande rue partait de la place et semblait se perdre au loin. D’autres routes, enclavées entre les demeures et commerces, étaient visibles un peu partout. Balco était complètement perdu et il ne savait plus où donner de la tête. Le grand maître sentant cela posa sa main sur l’épaule de Balco pour le rassurer. Il le guida à travers la foule. Balco ne connaissait pas cette cité, le grand maître comprenait son angoisse, mais il escompta que Balco deviendrait rapidement familier de son nouveau lieu de vie.
Balco commença à avancer sur la place et rapidement un zozo lui sauta sur l’épaule en mendiant quelques nourritures. Les zozos sont des petits singes de nature amicale et joueuse lorsqu’ils évoluent dans les cités, ils deviennent agressifs lorsqu’ils sont laissés en liberté. Les premières années de l’Empire furent principalement consacrées à massacrer les zozos qui pullulaient dans les grottes. Ils sont maintenant une espèce en voie d’extinction et considérée comme des animaux domestiques. Les zozos se vendent sur les marchés à un bon prix, même si la créature n’a absolument rien d’utile… elle ne pense qu’à manger et à s’amuser. Provoquant souvent des désastres dans ses jeux.
Balco était surpris de voir ce petit singe à poil grisâtre qui entourait gentiment son cou avec sa queue. Il n’avait jamais vu de zozo, même s’il en avait déjà aperçu par des dessins dans quelques ouvrages. Balco fut amusé de cette présence. Il ria, doucement, au contact de cet animal. Même s’il n’avait rien à donner à manger au zozo, ce dernier resta pour s’amuser un peu avec Balco. Il monta sur sa tête et sauta d’une épaule à une autre. Le grand maître regarda la scène avec un petit rire, mais il n’aimait pas du tout les zozos. Il en avait tué plusieurs milliers par le passé, car les zozos étaient venus en bande dans sa forêt et avaient commencé à tout saccager. C’est un véritable fléau si on les laisse se développer. Même s’ils étaient moins nombreux et plus dociles, le grand maître avait trop de souvenirs pour se satisfaire de la présence d’une telle créature. Il continua à avancer en direction d’une petite ruelle en traversant la place.
Personne ne prêta particulièrement attention à la présence du grand maître. Chacun vaquait à ses occupations. Le grand maître regarda tout autour de lui en scrutant attentivement la place. Il sembla chercher quelqu’un ou quelque chose. Pourtant, rien ne le détourna du chemin qu’il avait choisi de prendre. Balco toujours riant avec le zozo sur son épaule suivit le grand maître sans s’en rendre vraiment compte.
Le grand maître bifurqua légèrement sa direction initiale pour se diriger droit vers une bâtisse à allure d’auberge. C’était un caravansérail en réalité, mais le lieu semblait assez vide pour ce genre de commerce. Une esplanade juste devant la demeure de pierre donnait directement accès à la place. Au centre de l’esplanade, un petit parterre de fleurs se dressait fièrement. Des tulipes de plusieurs teintes étaient présentes.
Le grand maître donna une petite tape sur l’épaule de Balco pour lui indiquer un groupe de trois personnes qui se tenait juste devant l’entrée du caravansérail. Ce petit geste de la main fit fuir le zozo qui à quatre pattes repartit sur la place en quête d’une nouvelle âme charitable qui voudrait bien de sa compagnie et lui donner un peu de nourriture. Balco regretta un petit instant ce départ et il suivit le zozo des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse dans la foule. Le grand maître insista amicalement auprès de Balco pour qu’il regarde dans la direction qu’il lui avait indiquée. Balco lui fit un signe approbatif de la tête tout en s’excusant d’avoir été distrait par le zozo.
Balco observa le caravansérail avec un œil attentif, puis se concentra sur le petit groupe de trois personnes qui discutaient juste devant. Le grand maître lui souffla quelques mots en continuant d’avancer dans leur direction : « Voilà trois personnes que tu vas devoir apprendre à connaître. Ils font partie des apprentis que j’entraîne depuis quelques temps. Je compte beaucoup sur eux… enfin sur tout le groupe en général. »
Balco s’avança d’un pas lent et hésitant à l’approche des trois inconnus. Il les distingua tout en parcourant les derniers mètres qui le séparaient d’eux. Poussé par le grand maître qui ne voulait pas trop perdre de temps. Le groupe était formé de trois individus… de trois espèces différentes. Et pas de celles qui s’apprécient le plus généralement ! Que de nouvelles espèces aux yeux de Balco, il n’en revenait pas !
Il y avait là un arklins, un elfe et un nain ! On parle souvent de querelles entre chacune de ses espèces et le passé pouvait donner matière à ce genre de rancœur. Chacun pouvait y puiser de bonnes raisons de détester les deux autres. Nonobstant ces trois-là n’étaient pas animés d’animosité envers les autres. Pour Balco, c’était étonnant, dans son petit village les ragots de l’auberge étaient remplis de guerre entre les différentes espèces. Mais là dans une grande cité, de nombreuses espèces semblaient être représentées et vivaient en harmonie.
On lui avait toujours conté que les elfes et les arklins se battaient dans les forêts. Car les elfes protègent et aiment la nature, alors que les arklins se servent et saccagent les arbres sans penser au lendemain. Tandis que les nains eux coupent les forêts pour soutenir les mines qu’ils creusent dans les montagnes. Une fois ces mines terminées, les complexes creusés sont si vastes qu’on les nomme forteresses. Les arklins se battent contre les nains pour récupérer ces forteresses. Des milliers de guerres ! Des milliards de morts !… Pourtant, tout ce qu’on lui avait toujours appris sur le comportement de ces différentes espèces ne concordait plus !
Balco continua de s’approcher à petits pas prenant conscience qu’il était ignorant dans de nombreux domaines. Le monde en dehors de son village natal n’était certainement pas comme sa famille avait pu lui présenter. Il devrait réaliser son propre apprentissage du monde. Cela ne lui faisait pas peur. Au contraire, l’ampleur de la tâche était équivalente à la curiosité que cela suscitait chez lui. Les trois individus se retournèrent soudainement pour dévisager le grand maître et Balco. Ils reconnurent le grand maître sans aucune hésitation et s’inclinèrent légèrement pour le saluer. Puis les trois paires d’yeux épièrent le visage de Balco avec méfiance.
Balco eut l’impression qu’ils étaient prêts à l’égorger si jamais il montrait le moindre signe d’hostilité. Le grand maître les rassura rapidement sentant bien que Balco était trop impressionné pour faire le premier pas de lui-même. Le grand maître présenta Balco qui leur fit un petit signe de la main pour les saluer. Les visages se décrispèrent instantanément. La glace était brisée, il ne leur en fallait pas plus. Ils invitèrent Balco d’un petit signe de la main à venir se joindre à eux sans attendre. Balco accepta avec un sourire détendu. Le grand maître fut également invité à rejoindre le cercle de discussion.
Le grand maître déclina l’invitation et s’excusa, car il ne pouvait pas rester ici pour bavarder pour le moment. Il devait passer par la salle de combat de Haches pour y rencontrer maître Paclaus. Il spécifia avec conviction aux trois personnes de prendre en charge Balco et de le conduire jusqu’à la taverne à l’instant où ils auraient terminé les présentations. Le grand maître conclu en précisant à Balco qu’il trouverait dans cette taverne une chambre pour la nuit. Le grand maître tourna les talons. Il ajouta à l’attention de Balco que les nuits suivantes pourront également être à la taverne, ce sera à sa convenance. Puis il s’éloigna. Balco eut un petit sursaut d’inquiétude. Il ne s’attendait pas à se retrouver tout seul…
Il aurait espéré que le grand maître l’accompagnerait partout. Cependant, il comprenait bien que le grand maître avait de multiples occupations et qu’il ne pouvait pas s’occuper de lui en permanence. Il regarda le grand maître s’éloigner avant de faire un sourire tout intimidé aux trois créatures qui se tenaient à quelques mètres devant lui. Il fit les derniers petits pas pour les rejoindre en baissant un peu la tête et ne sachant que dire.
Le premier à lancer la conversation fut le nain. Certainement le plus expansif des trois ! De taille petite, ce qui jusque-là était normal puisque s’agissait d’un nain ! Il portait un petit chapeau d’étudiant rouge sur la tête. Une longue robe noire, recouvrant son corps jusqu’aux pieds. On pouvait tout de même apercevoir le bout de ses souliers rouges qui dépassaient de la robe. Il portait une longue barbe marron lui arrivant jusqu’au bas du ventre.
« Ainsi, c’est le grand maître qui vous envoie à nous, déclara le nain. Voilà bien longtemps que nous n’avions plus de ces nouvelles. J’ai failli croire qu’il nous avait oubliés. Le grand maître nous a demandé de garder cette ville et de la protéger de toute attaque. Cela peut sembler fort passionnant dans un premier temps, mais il ne se passe absolument rien dans la région. Heureusement que nous avons nos petites fêtes à la taverne, sinon je dois avouer que le coin manque cruellement d’action. Ma hache et ma magie trancheraient bien quelques têtes !
Pys'ch'kim
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— De la magie ! S’exclama Balco en laissant tomber ses bras le long de son corps ouvrant de grands yeux en observant le nain.
— Eh oui ! Mon petit gars, clama joyeusement le nain d’une voix sévère. Je constate que tu n’as pas beaucoup de connaissance de la culture naine. On conte toujours que les nains n’aiment pas la magie. Ce qui, je dois l’avouer, est bien le cas pour la majorité d’entre nous. Mais il y a quelques exceptions. Et j’en suis une ! »
Le nain afficha un large sourire en laissant le temps à Balco de le regarder. Balco médusé ne fut pas sensible aux dires du nain. Ce qui déçut le nain, mais il enchaîna rapidement : « Je suis un sorcier nain. C’est le nom qui fut inventé pour désigner les nains avec des capacités magiques. Je suis un nain quoi qu’il en soit ! Un nain rare et très utile. Tout du moins utile pour les nains et rare pour tout le monde. Si les nains sont encore de ce monde, c’est grâce à leur ténacité et leurs haches. Mais principalement aussi à cause des sorciers nains. Sans nous, et sans moi, cela va s’en dire, nous n’aurions pu survivre aux multiples agressions de peuplades ennemies. On ne peut pas imaginer un individu mieux préparé que les sorciers nains. L’alliance de la magie et de la force en une seule et même personne. Qu’en pensez-vous jeune homme ? »
Le nain laissa quelques secondes de temps mort pour observer la réaction de Balco. Ce dernier était un peu perplexe devant les explications du nain. Il ne savait pas s’il cherchait à se moquer de son ignorance et de sa naïveté ou s’il lui racontait quelque chose de vrai. Les deux autres personnes n’intervenant pas dans la causerie du nain, il resta incrédule et ne préféra pas répondre. Le nain remarqua que Balco ne semblait pas être passionné par son beau discours. Il se décida à changer de sujet, mais il n’était pas prompt à arrêter de parler pour le moment. Le nain reprit : « On m’appelle Pys’ch’kim ! Pys’ch’kim, le sorcier nain. Et vous, qu’elle est votre nom ?
— On me nomme Balco, répondit-il surpris par ce brusque changement de discours. Balco, l’héritier de l’aigle blanc ! »
Balco ajouta cette distinction pour impressionner un peu ce nain trop imbu de sa personne. « Un héritier ! S’écria Pys’ch’kim avec une certaine admiration. Voilà pourquoi le grand maître vous envoie à nous. Depuis le temps qu’il en cherche un ! »
Le nain fit le tour de Balco pour l’observer un peu mieux. Il chercha quelque chose de particulier qui pourrait montrer qu’il est bien un héritier.
« Il a fini par trouver, dit tranquillement le nain ne trouvant pas de détail particulier. Alors, je ne vois qu’une chose à vous dire. Bienvenu parmi nous, Balco, l’héritier de l’aigle blanc. Je crois que vos prochains jours vont être bien chargés afin de rencontrer de nombreuses personnes. Il faut que les autres du groupe vous découvrent eux aussi. Après tout ce que le grand maître nous a raconté sur les héritiers… Vous avez une sacrée pression sur les épaules, vous ne pouvez pas savoir. Personnellement, je n’attends rien d’un héritier de l’aigle blanc. Ma magie et ma force sont amplement suffisantes pour mes besoins. Pour les autres cela sera certainement différent. Le grand maître nous a parlé de vos pouvoirs hors du commun. Je suis certain qu’il parlait dans le domaine de l’énergie et non de la magie. Tu ne sais même pas faire de magie pas vraie ? Ne réponds pas, j’en suis certain. Rien qu’à ta trogne, je le devine. Tu n’as pas une tête d’un pratiquant de la magie. Est-on réellement vivant lorsqu’on ne fait pas de magie ? … pour ma part, je ne pense pas. Non. Enfin, je m’éloigne un peu du sujet. Revenons à nos moutons, enfin héritiers. Pas que je pense que les héritiers sont des moutons. Bien au contraire, au vu de la présentation du grand maître. Il ne fut pas à court d’éloges sur vos capacités alors qu’il n’en a jamais croisé un seul. Le grand maître a beau avoir de l’expérience et une longue vie. D’ailleurs bien… bien longue cette vie. Enfin, il connaît les héritiers uniquement par la lecture de vieux livres. Sans dénigrer le grand maître et tout le bien que je pense de lui. Je préfère juger les faits sur le terrain plutôt que par des livres. C’est comme comparer un sorcier vivant dans la nature et usant de sa magie quotidiennement et l’abruti d’apprenti magicien plongé dans une ancienne bibliothèque à éplucher de vieux grimoires. On ne peut pas être doué en magie juste par le fait de lire. C’est absurde ! Moi, je préfère le terrain, mais je suppose que vous l’auriez deviné. Je ne sais pas si tu suis un peu le cheminement de mes idées. Je voulais, bien évidemment, évoquer ton acceptation dans le groupe. Je ne suis pas convaincu que la seule description du grand maître est suffisante à votre intégration pour tous. Je pense que si vous pouviez nous démontrer l’étendue de vos pouvoirs et que cela correspond aux dires du grand maître… alors là, moi le premier, je serais bien obligé de m’incliner. Même moi ! Oui, moi qui suis un sorcier nain. Je vous promets de vous accueillir à bras ouvert. J’ai des petits bras, mais le cœur y sera. Bon, je parle, je parle, je sais que je suis passionnant dans mes récits. Je dois me freiner légèrement pour vous faire une petite présentation des deux personnes qui sont juste là avec nous. Ce serait la moindre des courtoisies avant de continuer notre causerie. Ce ne sont pas des nains, il faut les excuser, toutefois on peut parler avec eux, ils sont en mesure de répondre. Vous apprendrez à les connaître et les apprécier. Ne poussons pas trop loin, je vous l’accorde ! Je dois bien avouer que ce n’est pas toujours simple d’apprécier des espèces qui ne sont pas des nains. Mais j’y suis parvenu. Des années de travail, c’est certain. Ça demande un grand travail sur soi. D’autres doivent pouvoir y arriver aussi, même si je suis unique ! Vous remarquerez héritier de légende que je parle de groupe depuis le début de notre rencontre, vous ne voyez que deux autres personnes devant vous actuellement. Le groupe est bien plus grand ! Nous ne sommes pas que trois. Je sais que la valeur de ce groupe ne serait rien sans ma présence. Nonobstant, vous pourrez découvrir les autres progressivement. Le groupe est dispersé un peu partout dans la cité. Vous n’aurez pas besoin de courir partout pour les rencontrer, nous avons un lieu de regroupement. Une taverne ! Celle justement où le grand maître souhaite que je vous amène. Vous croiserez progressivement de nouvelles têtes en sirotant quelques bières. Avec tout cela, j’en oublie les présentations ! Commençons, voulez-vous ? Tout d’abord, voilà Gatrac-goharic. Un arklins noir ! »
Gatrac-goharic
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Pys’ch’kim tourna sa tête légèrement sur la gauche. Balco était impressionné par ce nain, il n’arrêtait pas un instant de parler. Il commença à comprendre pourquoi le grand maître n’avait pas voulu rester bien longtemps et qu’il avait rapidement trouvé une idée pour s’éclipser ! Balco ne fut pas mécontent que le nain cesse même deux secondes son monologue afin de présenter les autres présents. Il regarda l’arklins noir avec curiosité. Les arklins noirs sont considérés comme une espèce continuellement agressive et avide. Gatrac-goharic lui apparut pourtant très calme !
Il avait un visage en entonnoir. Une mâchoire très grande et puissante. Les deux canines de la mâchoire inférieure sortaient légèrement de sa bouche. Un nez assez petit ressemblant au groin d’un cochon. Des yeux plissés. Des pupilles noires et inquiétantes. Tout son visage avait accentué les plis que ses yeux serrés formaient. Il était vêtu d’une cotte de mailles rouillée à plusieurs endroits. Il la portait comme une longue robe laissant ses bras et ses mollets toujours à nu. Une paire de bottes noire à ses pieds. Il était un peu plus grand que Balco, ce qui représentait facilement deux bons mètres. Balco profita du moment calme que lui accorda le nain pour dévisager Gatrac-goharic. Mais cet instant fut bien trop court. À l’instant où Pys’ch’kim perçut que Balco détourna la tête de l’arklins noir, ce fut le signal pour qu’il redémarre. La langue de ce nain était infatigable.
« Si vous me permettez, je vais continuer la présentation de Gatrac-goharic ! Vous avez là jeune homme un grand guerrier arklins, puissant et intelligent. Vous êtes un peu surpris ! Je le conçois parfaitement. Vous devez même vous dire, ce nain est un fou ! Un arklins ne peut pas être intelligent. Et je vous l’accorderais volontiers. Si je suis plutôt unique, Gatrac-goharic l’est aussi un peu. Enfin moins que moi, cela va s’en dire. Un nain unique, c’est plus rare qu’un arklins. Je reconnais que moi-même est un peu de mal à le reconnaître, mais Gatrac-goharic est doté d’un cerveau et il apparaît qu’il sait en faire usage. Mais… car je vais énoncer un mais ! Ce n’est pas qu’un simple guerrier arklins. Il est également un chef de clan. On peut certifier que notre cher Gatrac-goharic n’a pas chaumé au cours des mois qu’il a passés ici. Il a parcouru les forêts et les villages avoisinants pour regrouper un grand nombre d’arklins à sa cause. Je ne tiens pas les comptes, mais je dirais qu’il possède désormais facilement une troupe de cinq cents guerriers. Un savoureux mélange d’arklins et d’arklins noir qui est fin prêt. Le grand maître n’a jamais besoin d’exprimer la reconnaissance qu’il me doit. Je la ressens tout seul. Les autres en ont besoin, ils sont plus fragiles. C’est ainsi que le grand maître a fait part de sa satisfaction à Gatrac-goharic. Il était ravi de sa prestation pour former son propre clan, même si la tâche n’apparaissait pas aisée. Tout ce cirage ! C’est juste pour s’accaparer l’armée de Gatrac-goharic. Le grand maître est malin, je dois le reconnaître. Il compte sur cette horde d’arklins pour déferler sur la cité des neiges dans peu de temps. J’ai même bien l’impression que ce sera pour dans quelques jours. Je ne devrais peut-être pas en parler… Je vais le faire tout de même. Gatrac-goharic est encore ici à Haches, mais ses troupes sont positionnées dans les sous-bois proches de la cité des neiges. Notre arklins noir n’attend plus que l’autorisation du grand maître pour les rejoindre et lancer l’assaut. C’est que le grand maître a de grands projets. De ce que j’ai pu comprendre, il souhaite ébranler l’Empire. Conquérir la Cité des Neiges est un premier pas vers cet objectif. C’est l’une des grandes villes de l’Empire et surtout c’est là que l’on retrouve les meilleurs éleveurs d’oiseaux géants. Sans ce moyen de locomotion rapide, l’Empire sera mis à mal. Le conflit, plutôt le bras de fer que le grand maître a engagé contre l’empereur a débuté le jour où la cité de Haches a décidé pacifiquement de quitter l’Empire. Un événement important, sans cela nous ne serions pas ici, mais certainement encore dans la demeure du grand maître. Je suis impatient de découvrir en totalité la stratégie du grand maître. Il faudra un peu de temps pour que tout se mette en place. Mais cela fait si longtemps que le grand maître élabore ce scénario qu’en découvrir chaque rouage va être un pur bonheur. Il élabore depuis plusieurs semaines son plan. Une attaque multiple de toutes les zones sensibles de l’Empire. Vivement le grand jour où le grand maître donnera le signal de cet assaut. L’empire sera mis à feu et à sang ! Une grande claque qui fera sombrer l’Empire dans l’oubli ou le réveillera. Comme le grand maître est tout de même l’instigateur principal de la fondation de l’Empire, je miserais sur le deuxième effet. Je ne pense pas qu’il souhaite voir l’Empire s’éteindre. Je crois très fortement qu’il souhaite redorer le blason de l’Empire. Il ne pourra le faire avec l’empereur actuel, alors autant prendre sa place. C’est la dernière pièce manquante de la stratégie du grand maître ! Découvrir un être hors du commun qu’il pourra placer à la tête de l’Empire à la place de l’empereur Truiki. Le rêve ce serait de retomber sur un chevalier de la même envergure que le chevalier Sylvain, premier empereur de l’Empire. Avec un peu de chance et si le destin veut bien te sourire, tu seras cet être ! Si tu es bien un héritier de la légende conté par le grand maître, tu dois bien avoir quelques dispositions pour revendiquer le trône de l’empereur. De mon point de vue, peu importe qui joue ce rôle tant que cela nous offre de l’action ! J’attends ce jour depuis longtemps, pas que je n’aime pas cette cité, mais taper sur quelques crânes ne me fera pas de mal. Et je ne pense pas être tout seul à penser comme cela. Combattre pour aller chercher amusement et gloire, voilà une belle doctrine naine ! »
Balco croisa les bras. Il écrasa vaguement un bâillement à cause de la longueur du discours du nain. Il n’arrivait pas à glisser le moindre mot. Le nain débitait ses phrases plus vites qu’il ne les pensait. Cela donnait un monologue confus et décousu. La ligne directrice du nain n’était pas claire. Balco, après quelques efforts au départ, avait fini par abandonner et il ne suivait plus que d’une oreille. Le nain remarqua le désintérêt pour sa plaidoirie. Il tapa du pied en grognant un peu. Puis se reprit, ne sachant pas très bien le rôle que tenait Balco pour le grand maître. Il ne souhaita pas provoquer la colère de ce dernier. Il continua à grommeler un peu, toutefois il reprit son activité favorite : parler !
« Bien, comme vous n’en avez rien à secouer de mes histoires de nain. Je vais continuer les présentations… j’en ai fini avec Gatrac-goharic. Vous avez pu remarquer qu’il y a une troisième personne avec nous qui se trouve juste en face de moi. Je gage que vous aurez remarqué à ses oreilles pointues que c’est un elfe ! Je vais préciser un peu plus, car pour la suite ça ne saute pas immédiatement aux yeux. Il est du genre… elfe des collines. Comme je vous le signalais, ça ne saute pas particulièrement aux yeux. Je dois bien avouer que je me demande encore aujourd’hui si tout ça n’est pas un tissu de mensonges elfique. Car d’ordinaire les elfes des collines sont physiquement bien plus imposants, pour le nôtre c’est loin d’être le cas. Il a dû oublier de manger de la viande lorsqu’il était petit. À moins que ce soit dans sa morphologie d’être aussi peu musclé. Enfin, chacun est doté comme il peut à la naissance, on ne peut pas tous avoir ma chance ! Pour l’excuser et redorer sa faible notoriété, il a la bonne habitude de se battre avec une hache. Foi de nain, il n’y a pas de meilleure arme. Et que les elfes le reconnaissent c’est un bon début. Ah ! Oui ! J’allais oublier un petit détail… Il s’appelle Calaento ! »
Calaento
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Balco soupira en se cachant légèrement du nain. Plusieurs minutes pour enfin apprendre le nom de ses trois interlocuteurs. Et juste le nom pour le moment, il n’avait entendu la voix que d’un seul ! Il savait les nains têtus, mais on ne lui avait jamais raconté qu’il y en avait des bavards. Il venait de tomber sur un sacré spécimen. Balco tourna la tête vers l’elfe pour l’observer un peu plus et pour lui demander d’un petit regard d’intervenir également dans la discussion. Il ne souhaitait pas être le seul à tenir la grappe face au nain. Balco avait l’étrange impression que Gatrac-goharic et Calaento furent bien heureux qu’il soit arrivé afin de s’occuper du nain à leur place. Il ne pouvait pas leur reprocher, avec juste quelques minutes de recul il en aurait fait autant.
Balco avait pour le moment croisé deux elfes : Anis et Homelf. Calaento était le troisième elfe dont il croisait la route et le regard. Malgré les préjugés du nain envers son compagnon, il y avait des différences entre Calaento et les deux autres elfes. Il n’avait que peu de points de comparaison possible, mais c’était déjà une base.
Homelf était fluet, même si sa formation de garde l’avait fortifié. Calaento lui n’avait rien à voir bien plus carré et massif. Un visage plus marqué, une impression plus sauvage ou guerrière se dégageait de sa personne. Homelf même s’il n’était qu’à moitié elfe son origine était flagrant. Pour Calaento, déceler son côté elfique était moins évident dès le premier coup d’œil. Même si ces oreilles pointues ne pouvaient laisser douter sur ses origines.
Une autre différence importante, la tenue vestimentaire. Homelf, mais également Anis, optait pour des tenues légères leur permettant de se mouvoir sans encombre dans toutes les situations. Calaento était bien plus lourdement vêtu. Principalement une imposante cotte de mailles dorée avec de légers reflets verts recouvrant tout son poitrail jusqu’à mi-cuisse. Ses bras étaient également protégés par cette protection. Il portait une chemise vert pâle juste sous sa cotte de mailles dont on ne pouvait distinguer que l’encolure. Il portait à ses pieds des sandales en cuir brun très bien entretenu. Calaento n’avait pas besoin de se déplacer silencieusement, même un elfe ne le pouvait avec une cotte de mailles sur le dos. Si le cuir était encore neuf, les semelles elles paraissaient avoir un long vécu. Calaento devait les utiliser régulièrement.
Une longue cape accrochée à son cou par une cordelette verte et dorée flottait légèrement contre le sol. Elle était de couleur vert pomme ce qui le rapprochait un peu plus des elfes. Ajusté fièrement sur sa tête, un casque ornementé y était posé. Une longue pointe se dressait sur le devant du casque représentant une tour. Deux ailes déployées entouraient la tour comme la faire s’envoler. Balco ignorait la signification de la symbolique. Il estima pour ne pas trop se poser de question que cela devait être le signe d’une tour de magie elfique. Ce dont il était certain, c’est que les ailes n’avaient aucun rapport avec les aigles.
Il tenait un casque qui devait lui recouvrir quasiment l’intégralité du visage entre ses mains. Une fois placé sur sa tête, on pouvait à peine distinguer sa bouche et son nez. Ses yeux étaient eux aussi à peine visibles derrière une fine grille de protection placée comme une visière.
Comme il ne le portait pas, Balco put distinguer les yeux bleus foncés de l’elfe et une épaisse chevelure dorée coupé court. Alors qu’il dévisagé l’elfe ; il fut coupé dans son entreprise par la voix du nain repartant sur un nouveau discours.
« Il est de notoriété elfique que les elfes des collines sont de robustes combattants. En mesure d’affronter ours, loups et autres animaux sauvages dès leur plus tendre enfance. Ceci est la règle générale, là nous avons devant nous un cas particulièrement risible d’elfe des collines. Il a appris à se battre contre les autres et il est devenu un guerrier elfique capable de se défendre presque honorablement dans une mêlée. Je dirais qu’il peut se mettre en travers de quelques guerriers et résister sans trop invoquer sa maman à quelques blessures… Si cela ne tient qu’à moi, je n’aurais pas confiance. Je peux que vous conseiller la prudence ! Si vous deviez vous retrouver à côté de lui au cours d’un combat, vous ne devriez faire confiance qu’à vous-même pour vous en tirer à bon compte…
— Wliglif, rétorqua l’elfe en coupant la parole au nain. »
Balco sursauta légèrement, c’était la première fois qu’il entendait parler en elfique. Il fut ravi et encore plus que cela soit pour couper la parole au nain.
« Cesse donc de conter tes bêtises, continua Calaento en langue commune. Tu as une bien grande bouche pour déblatérer des ignominies sur les autres. Commence un peu par parler de toi. J’ai décelé quelques manquements dans ton argumentation lorsqu’il fut question de ta présentation. Je vais à l’instant rattraper ces omissions. »
Calaento se plaça entre Pys’ch’kim et Balco pour attirer toute l’attention de ce dernier. « Sachez monsieur Balco, que ce nain n’est unique que par ses actions, présenta Calaento. Il participe ni à creuser des mines, ni à travailler pour l’élaboration de forteresse ou leur réhabilitation. Les nains l’utilisent, à cela prêt que c’est plutôt sa magie que lui, afin de condamner des issus. Il ne creuse pas, il bouche ! C’est pour cette raison que nous le surnommons bouche-bouche !
— Stop ! Hurla Pys’ch’kim très remonté. Nous allons mettre tout de suite les pendules à l’heure. Personne n’a le droit de me nommer comme ça à tort et à travers. Je ne déteste pas ce surnom, mais moins il y aura de monde qui en a la connaissance mieux je me porterais. Merci de ne pas en faire usage. J’espère que vous comprenez bien ça vous tous. Hmm ? »
Balco fut amusé par ce petit jeu entre l’elfe et le nain. Il y retrouvait l’ambiance qu’on lui avait décrite entre les deux espèces. Le nain et l’elfe se lancèrent des regards noirs. Balco soupçonna le nain d’avoir l’intention de sauter sur l’elfe ! Mais hésitait, car l’elfe était vraiment bien plus grand que lui.
« Je vous promets bouch... Pys’ch’kim ! Commenta Balco avec un grand sourire. Je vous jure de ne pas utiliser ce surnom.
— Bien qu’il soit parfaitement adéquat pour le représenter, ironisa Calaento.
- Songrack kourgrangr unk bonk soglriquek ukilisé kar l’équike, dit d’une voix rude et animale l’arklins noir qui n’était pas encore intervenu dans la discussion. »
Balco regarda d’un air effrayé l’arklins noir. Cette créature sauvage baragouinait le langage universel de façon si déformée. Il savait que certaines peuplades avaient un accent plus ou moins marqué. Le patois arklins lui sembla incompréhensible. Il lui tarda que l’elfe ou le nain reprenne le fil de la discussion, car là il n’avait absolument rien compris. Il aurait été bien incapable de répondre si Gatrac-goharic venait de lui adresser la parole.
« Silence ! Hurla un peu plus fort Pys’ch’kim »
Le nain tapa du pied contre le sol et fixa l’arklins noir dans les yeux pour appuyer son interjection : « Je ne peux pas tolérer ce genre d’insulte ! Expliqua férocement le nain ». Pys’ch’kim tira une baguette en bois d’une vingtaine de centimètres d’une poche intérieure à sa robe. Il continua de trépigner à l’attention de l’arklins. Il dirigea une extrémité de la baguette en direction de Gatrac-goharic. Balco observa la scène avec surprise, il n’avait pas vu arriver la colère du nain. En tout cas, pas au point de réagir ainsi. Il ne savait pas comment il devait répondre. Ni même s’il devait. Entraîné dans cette situation incongrue, Balco laissa son bon sens agir au lieu d’écouter la prudence. Il se mit entre le nain énervé et l’arklins noir qui regardait ce denier d’un air moqueur. Le nain s’agita encore un peu plus. Balco tendit une main vers le nain et l’autre vers l’arklins noir. Il tourna la tête rapidement vers Gatrac-goharic pour observer sa réaction. Il ne sembla absolument pas préoccupé par la frénésie du nain. Rassuré, il tourna la tête vers Pys’ch’kim. Il lui déclara d’un ton calme et rassurant :
« Ne vous énervez pas messire Pys’ch’kim. Je vous fais confiance. Je ne vous connais pas suffisamment pour me permettre de vous juger. Le grand maître m’a conté que du bien de votre groupe et de chaque membre qui le compose… J’aimerais faire plus ample connaissance avec chacun, n’allez pas commettre l’irréparable qui m’empêcherait de réaliser cela. Rangez votre baguette que je suppose magique, un geste inopportun est si vite arrivé. Nous le regretterions tous et vous le premier. Vous n’allez pas vous disputer pour une affaire puérile de surnom. J’ai besoin de vous messire Pys’ch’kim et en vie, pour que vous me présentiez aux restes des élèves du grand maître. »
Le nain plissa les yeux un peu plus. Il resta fixé sur l’arklins noir. Il avait bien entendu les commentaires de Balco, mais il ne sembla pas vouloir atténuer sa colère pour le moment. Calaento qui avait le sourire aux lèvres interpella Balco sur son commentaire.
« Vous allez au-devant de quelques difficultés. Je ne parle pas de calmer Pys’ch’kim. Mais de parvenir à découvrir chaque élève formé par le grand maître. Il a recruté un nombre très important de disciples.
— Je ne suis pas spécialement pressé, souligna Balco. Je n’ai même aucun projet pour les semaines à venir.
— Je le conçois, argumenta Calaento. Votre rencontre avec le grand maître a dû modifier outrageusement vos velléités pour l’avenir. Toutefois, vous ne pourrez pas rencontrer tout le monde. Pour la bonne raison que nous ne sommes pas au complet actuellement !
— Vu sous cet angle, soupira Balco.
— Un peu près la moitié d’entre nous a pris la direction de la cité de Néolezan, ajouta Calaento. Le grand maître souhaite ranimer le soutien d’un de ses puissants et anciens alliés. Si cela fonctionne, nous aurons l’aide précieuse de quelques centaines de guerriers lézards noirs. Une armée supplémentaire pour protéger la cité de Haches.
— Je pourrais dans un premier temps croiser les personnes qui sont présentes, signala Balco. Nous aviserons ultérieurement pour les autres.
— Vous avez parfaitement raison, confirma Calaento. Nous vous présenterons tous nos compagnons résidants présentement dans la cité de Haches. Enfin, si je peux me permettre un petit conseil ! Prenez garde à ne pas éveiller la colère de bouche-bouche. Il pourrait vous faire mourir de rire en lançant l’un de ses sorts bidon.
— Cette fois ça va trop loin, s’écria Pys’ch’kim noir de colère. »
Balco n’était pas particulièrement téméraire fit un bond arrière pour ne pas être exposé. Se retrouver entre l’elfe et le nain n’était pas la plus confortable des positions. Il venait de faire de son mieux pour éviter un conflit. Il n’y pouvait plus rien désormais. Il tourna son regard vers le nain. Ce dernier leva son bras droit en l’air. Il faisait de grands gestes en remuant sa baguette. Il accompagna sa gestuelle par quelques mots incompréhensibles. Balco regarda les mouvements du nain avec une grande curiosité, car il ignorait tout du fonctionnement de la magie.
Alors que le nain sembla sur le point d’achever son incantation. Une main énorme et visqueuse se referma sur sa baguette. La main souleva le nain de quelques centimètres au-dessus du sol. Balco écarquilla de grands yeux. Il avait imaginé plusieurs scénarios, mais aucun ne prévoyait que le nain fut soulevé de la sorte par une créature gigantesque. Balco leva les yeux pour distinguer la créature qui s’était approchée du groupe sans qu’il le remarque. Pourtant vu le gabarit de la bête, cela aurait dû être difficile de la manquer.
Naneshhlimsh
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Balco cambra sa tête en arrière. La créature mesurait, pas moins de deux mètres cinquante ! Elle avait une peau noire écailleuse. Une tête posée sur un large cou qui rappelait la forme caractéristique des têtes de dragons. La partie avant de sa tête était légèrement plus allongée, rappelant une origine lézard également. Son visage n’était perceptible que par la présence d’une mâchoire énorme dont de la bave coulait en permanence entre ses dents acérées.
Les doigts de la créature ressemblaient aux griffes d’oiseaux. Une longue queue terminait son étrange colonne vertébrale parsemée de pique dépassant de sa peau le long de son dos. Sa queue dorsale battait le sol à une vitesse prodigieuse. Des jambes similaires à celles des lézards, légèrement courbées pour rebondir et avancer plus rapidement.
Balco chercha dans sa mémoire. Bien qu’il n’eut pas réellement de doute quant à l’origine de la créature. Il s’agissait, de toute évidence d’un lézard noir ! Il en avait entendu parler par son père. Il lui avait dressé un portrait peu glorieux de ces créatures et il en avait cauchemardé plusieurs nuits de suite. Pourtant, les lézards noirs ne sont pas comme pourrait le laisser supposer l’apparence de leur corps des tueurs sanguinaires. Ils sont au contraire végétariens !
Sa maman lui avait conté quelques histoires sur les lézards noirs et principalement celles qui concernaient Rouge. Il était toujours friand des histoires de son héros. Les histoires avaient stoppé ses cauchemars à l’instant où il apprit que les lézards noirs étaient des alliés de Rouge.
Balco observa le lézard noir de haut en bas plusieurs fois. Il n’imaginait pas qu’il puisse être aussi grand. On lui avait dépeint les lézards noirs comme étant l’espèce la plus redoutée de l’univers, car la mieux préparée à y survivre dans toutes les conditions. Leur force et leur malice faisaient également d’eux de redoutables guerriers. Les lézards noirs étaient immunisés à tous les virus et maladies connus. Cela avait beaucoup contrarié les humains qui avaient financé des recherches bactériologiques pour les exterminer.
Mais ça ne s’arrête pas là. Aucune sensation de températures. Ni le froid, ni la chaleur. Ils peuvent se mouvoir aussi aisément par -40 que par +60. Aucune nécessité de respirer régulièrement. Ils sont en mesure de se renfermer dans une hibernation apnéique durant des semaines. Le plus effroyable et c’est pour cela que les lézards noirs passent pour des créatures créées pour tuer. Le sang qui coule dans les veines des lézards noirs est similaire à de la lave. Capable de brûler tout ce qu’il touche.
Le corps d’un lézard noir recouvert par une épaisse couche d’écaille sombre et la seule structure qui ne réagit pas à la chaleur de son sang de lave.
Balco n’en tenait pas large devant une telle créature. Il chercha à focaliser son esprit sur l’idée que les lézards noirs étaient des herbivores. Il en avait tout de même peur. Balco frémit de tremblement qui fit bouger nerveusement ses épaules. Il n’envia pas la situation du nain, ne voyant pas comment il pourrait s’en sortir. Même en imaginant que Calaento et Gatrac-goharic se portent à son secours. Il n’était pas certain que cela soit suffisant pour repousser une aussi effroyable créature.
Balco retint son souffle. Il commença à pâlir un peu plus lorsque la créature ouvrit sa mâchoire. Le lézard noir laissa apparaître une langue verdâtre recouverte d’une bave blanche qui se générait constamment. À la plus grande stupéfaction de Balco, le lézard noir prit la parole :
« Allonshe, allonshe Pys’ch’kim, reshete tranquille. Ou je sherai forshé de te shorriger.
— Tu as de la chance Naneshhlimsh, dit le sorcier nain déçu et toujours suspendu par un bras au-dessus du sol. Si nous n’avions pas un invité de marque avec nous. Je t'aurais donné une bonne décharge électrique cela t'aurait fait passer le goût de me prendre pour un pantin.
— Un invité ! S’étonna le lézard noir en tournant sa tête allongée dans la direction de Balco. Shhii esht-il donshe pour Shhee tu le trouveshe shhii important ?
— Songrack l’hérigrier dek l’aigkle blanck. Songrack lek granka maîgre quik nousgre lak amenégri, déclara promptement Gatrac-goharic coupant la parole à Pys’ch’kim qui voulait répondre.
— Un deshe héritiershe de la légende. Sh’ esht une joie de te Shhroisher. Je shuish Naneshhlimsh le lésshard noir. Je shersh le grand maître pour sha tasshe de reshonsshuête, maishe le sheul qui eshet le droit de me donner deshe ordreshe ssh' eshet Aliens. Notre puisshant sshef pour noushe leshe lézshardshe noirshe. »
Balco souffla de dépit. Il laissa doucement ses épaules retombées comprenant que le lézard noir qui l’impressionnait n’était pas une personne inconnue pour Pys’ch’kim et les autres. Personne ne fit véritablement attention au geste de Balco exprimant son soulagement. Balco était perturbé par cette situation nouvelle pour lui. Il avait du mal à s’intégrer et s’approprier de l’ambiance de la cité. Et plus particulièrement de ce groupe. Il formait une communauté hétéroclite dont le grand maître pouvait être fier d’avoir réunis.
« Votre puissant chef, rectifia Calaento. Dans vos rêves. Il a fait son temps. Il n’a plus rien d’une grande puissance, même s’il reste un grand guerrier de l’énergie.
— Ssh'eshet mon sshef et ssh’eshet le plushe puissshant, dit Naneshhlimsh en lâchant le nain ».
Il avança sa mâchoire baveuse vers l’elfe en faisant vibrer sa langue entre ses dents. « Il a shervit shoush leshe ordreshe de Rouge. Et she dernier lui a apprishe deshe tesshniqueshe qui ont été déshormaishe oubliéeshe. Maishe sh'eshet le dernier grand guerrier possshédant la grande puissshanshe de l’énergie.
— Ce serait oublier dame Inima mon cher Naneshhlimsh, dit Pys’ch’kim ». Il put enfin placer une phrase tout en profitant d’avoir de nouveau les deux pieds au sol !
« Inima, psssshe… Shette femme ! Siffla Naneshhlimsh. Non pssh ! Elle ne peut plushe rien faire. Elle n'a plushe la volonté de she battre. Elle a perdu le goût de la vie. Shi ShhuelShhu'un lui redonner shon sshourage peut-être. Maishe sh'eshet peine perdue.
— Tu as perdu la tête, mon pauvre Naneshhlimsh, enchaîna Pys’ch’kim d’un ton plus calme. Inima est en pleine possession de ses moyens. De plus, elle a un moral d’acier repu à toutes les épreuves. Sans vouloir le ramener, je pense que tu as également oublié Rauge sa fille ! Et par-dessus tout c’est la fille de Rouge. Dame Inima se charge de sa formation depuis des années. C’est une aigle cette Rauge. Une aigle ! Tu crois que ton pauvre Aliens peut être comparé à une aigle ?
— Psssh, siffla Naneshhlimsh entre ses dents. »
Le lézard noir fit demi-tour sur lui-même. Il se retira du groupe sans même se retourner. Balco redressa sa posture. Il regarda le lézard noir partir toujours surpris par la crainte que lui inspirait Naneshhlimsh. Il n’aimerait vraiment pas avoir à se retrouver en face à face avec lui.
« Je préférerais te certifier que c’est un nain qui est le plus fort dans la période actuelle, cria Pys’ch’kim au lézard noir. Il ne faut pas se voiler la face, les aigles sont encore là, même si Rouge n’est plus. »
Le sorcier nain sembla satisfait d’avoir eu le dernier mot de cette discussion. Ce nain était une pipelette qui avait peu d’équivalents dans les connaissances de Balco. Il fut même surpris que le nain puisse conclure de lui-même une discussion.
Balco avait été enchanté par cette discussion, car elle s’était détournée pour évoquer Rouge. Pourtant, il n’était pas complètement d’accord avec l’analyse que Naneshhlimsh et Pys’ch’kim avaient faite. Il voulait lui aussi croire en Rauge, certainement la plus amène de provoquer un changement. C’était la fille de Rouge, elle possédait des capacités non négligeables. Mais cela ne faisait pas d’elle la plus puissante. Une créature faisait régner la terreur depuis la disparition de Rouge. L’élu du mal en personne ! Qui pouvait contester que ce fût lui la créature la plus puissante?
Il était loin de Sulder et c’était certainement son absence qui favorisait le fait que l’on ne pense plus à lui. Pourtant, il était bien difficile d’ignorer son existence. L’interdiction de pratiquer l’énergie était de son fait. Sulder en pâtissait depuis lors. Beaucoup, Balco, compris, rêvait de la mort de l’élu du mal. La réalisation de ce rêve était des plus improbables.
L’arklins noir commença à faire mine de partir. « Jeck suisgri dek gr’avoigrk kroisék, dit l’arklins noir en s’adressant à Balco. Onk sek vegra unk klus grard. ». L’arklins noir dédia à Balco un signe de la main droite. Puis il s’éloigna du caravansérail lentement en empruntant une petite ruelle.
Balco le regarda partir en ayant un air bête sur le visage. Il chercha à traduire les dires que l’arklins noir lui avait formulés. Contrairement à la première intervention de Gatrac-goharic, il avait saisi quelques mots. Insuffisant pour reformer une phrase entière et même pas assez pour envisager de comprendre le sens général de la phrase. Il y avait tout de même une légère amélioration. Balco pensif se remémora le nom de l’arklins noir dans sa tête. Gatrac-goharic. Puis celui du lézard noir. Naneshhlimsh. Il se força à faire une petite gymnastique intellectuelle avec les noms des personnes qu’il venait de croiser. Pour le moment, il y parvint sans encombre chaque personne rencontrée étant atypique. Il aurait été plus difficile de les confondre.
Balco admirait l’efficacité du grand maître. Il avait formé un groupe des plus étranges. Balco n’avait jamais entendu parler d’un groupe aussi hétéroclite dans l’histoire de Sulder. C’était la force du grand maître. Toujours là pour innover. Possédant un don inné pour deviner ce qui serait le mieux pour le bien commun. De plus, les sulduriens pouvaient lui faire confiance pour mener à bien ses projets.
Balco se répéta une nouvelle fois chacun des noms en les associant mentalement à leur visage. Il termina avec Pys’ch’kim quand une question vint se loger dans son esprit :
« Si vous m’autorisez à poser une question, je voudrais savoir une chose, demanda Balco en réfléchissant.
— Nous ne vous refuserons pas cela, déclara Pys’ch’kim avec un sourire.
— N’importe qui peut me répondre, indiqua Balco. Je souhaiterais entrevoir combien de personnes constituent le groupe d’élève du grand maître.
— Réfléchissons un peu, indiqua Pys’ch’kim en s’empressant de reprendre la parole. Nous sommes... soixante-treize au total si je ne me trompe pas.
— Soixante-treize ! S’exclama Balco. »
Ses yeux s’écarquillèrent exagérément. Il était de plus en plus surpris par ce groupe. « Je ne m’attendais pas à un tel chiffre, commenta Balco. Je voulais retenir chaque nom. Cela va être une véritable épreuve pour mon cerveau de tout retenir, sans me tromper.
— Nous sommes trente-cinq dans la cité de Haches à ce jour, fit remarquer Calaento. Les autres sont en mission.
— Même, trente-cinq est un chiffre important, soupira Balco encore estomaqué par cette nouvelle. J’imaginais naïvement que votre groupe ne comptait que dix à quinze personnes, grand maximum. Un équivalent des groupes que le grand maître avait mis sur pied dans le passé. Je suis abasourdi par cette surprise…
— À peine une douzaine ! Coupa Pys’ch’kim pour reprendre la discussion à son compte. Cela ne serait pas aussi amusant si nous étions aussi peu. Grâce à notre grand nombre, nous jouissons d’une confortable liberté. Le grand maître malgré toutes ses compétences n’est pas en mesure de tous nous surveiller. Il le fait régulièrement, mais pas en permanence. Je signalerais même que le grand maître a tendance à porter son attention que sur une petite poignée d’entre nous. C’est dans cette poignée que vous devez retrouver vos dix à quinze. Vu que je n’appartiens pas à ce comité restreint, c’est bien la preuve qu’il ne représente rien. Le grand maître est de toute manière que peu de temps avec nous. La majorité de son temps est accaparée par ses archives, la visite de bibliothèque et sa quête des héritiers.
— Le grand maître ne m’a pas présenté la situation sous cet angle, commenta Balco.
— c’est évident, enchaîna promptement Pys’ch’kim. Vous ne seriez pas avec nous si le grand maître avait présenté la situation différemment. Imaginez qu’il vous indique notre important effectif. Vous ne connaissez personne, dans une cité qui vous est inconnue. Et pour achever le tout, vous êtes attendu comme le loup blanc par soixante-treize personnes.
— Le loup blanc ? Questionna Balco.
— C’est notre sobriquet pour la recherche des héritiers, expliqua Pys’ch’kim. Le blanc parce que l’aigle blanc. Et le loup à cause du grand maître qui en parle tout le temps, mais on n’avait jamais aperçu l’ombre d’un héritier. On a surnommé cette quête des héritiers, la recherche du loup blanc. Si vous êtes ce loup blanc, nous aurons fini par le trouver. Ça va ouvrir de nouvelles perspectives pour bon nombre d’entre nous. Principalement l’autorisation de quitter la cité de Haches.
— Un loup blanc ! Répéta Balco. J’espère pour vous que je le suis. Même si je doute fortement d’avoir autant de qualité que vous le pensez.
— Laissons faire le grand maître dans ce domaine, indiqua Calaento. Nous pouvons avoir confiance en lui. On n’est pas le premier groupe qu’il forme et ni le premier personnage d’exception qu’il découvre.
— J’ai entendu parler par quelques histoires du passé des groupes que le grand maître avait formés, déclara Balco. Sauf qu’il était plutôt reconnu pour les petits groupes. Il n’a pas fait dans le petit groupe cette fois-ci.
— C’est le moins que l’on puisse dire, expliqua Calaento. Le grand maître a en ce moment de bien plus grands projets et il a besoin d’un grand nombre d’élèves par conséquent. Nous formons la première pièce de son grand plan. Nous sommes là pour retrouver et aider les multiples héritiers de sa légende d’aigle. Je ne me souviens plus de leur nombre exact. Je dois bien avouer avoir décroché lorsqu’il nous a conté son histoire.
— Je ne sais pas pour les autres, continua Pys’ch’kim en coupant Calaento. Mais moi rien que la quantité des soi-disant héros créés par un aigle fut une donnée si peu crédible que j’ai lâché le reste des explications. Sans vouloir remettre en cause vos chances d’être l’un de ses fameux héritiers. Pour moi, cette légende est sans consistance. Il n’y a aucune histoire de taverne ou de conteur public qui en fait référence. Cette histoire n’apparaît que dans de rares et obscurs documents. Une série de texte étrange fait pour créditer cette légende. Des subterfuges pour donner une consistance à une histoire sans fondement. Le grand maître y croit, alors nous y croyons nous également pour ne pas nous fâcher. Je suppose fortement que dans toute cette histoire, ce n’est ni nous, ni les héritiers qui l’intéressent, mais l’aigle blanc lui-même. Selon toute vraisemblance, c’est le remplaçant de Rouge dans l’esprit du grand maître.
— J’imagine qu’il y a une grande part de vérité dans cette recherche de l’aigle blanc, commenta Balco. Est-ce vraiment un mal d’y placer ces espoirs ? Ce serait une belle histoire si un aigle ramenait définitivement la paix sur Sulder.
— Nous n’en sommes qu’au début de l’histoire, enchaîna Pys’ch’kim sur sa lancée. d’après moi, cette histoire n’évoluera pas plus. Cet aigle blanc est une légende nébuleuse. Un mythe extirpé du néant. Aucune créature n’y a jamais fait allusion au cours des temps, sauf depuis que des aigles sont revenus sur Sulder. c’est trop facile d’inventer de vieilles histoires pour répondre à une peur.
— Je suppose que le grand maître sait parfaitement ce qu’il fait, dit simplement Balco.
— Vu l’âge avancé du bonhomme, nous sommes en droit de le supposer, répliqua Pys’ch’kim. Sa grande réputation et sa longévité exceptionnelle lui accordent une crédibilité aux yeux de tous. Pour moi, ce n’est qu’un vieillard illuminé ! Qui ne cherche qu’à redorer son nom comme si cela lui était nécessaire? Qu’il profite de notre époque qui n’est pas propice à l’espoir! Ses légendes ne feront qu’accroître un peu plus sa notoriété. Je ne me fais aucune illusion à propos de ce sujet. J’ai l’intime conviction que ce sera son dernier coup d’éclat. Et surtout son échec le plus retentissant. Cette légende de l’aigle blanc n’est que du flan et elle causera sa perte ! C’est navrant pour ce pauvre vieux, on risque de ne retenir que cette ultime histoire dans l’avenir. Heureusement, je suis là ! Cela amortira son malheur, mais je ne peux pas tout faire. Si brillant nain que je sois, Sulder ne repose pas sur mes épaules.
— La gestion d’un groupe aussi conséquent ne doit pas être simple tous les jours, avança Balco peu enclin à rentrer dans le jeu du sorcier nain. Principalement si vous avez tous un ego aussi prononcé et des remarques acides à son égard.
— Il n’y en a pas deux comme moi, clama Pys’ch’kim avec un grand sourire.
— Heureusement ! Soupira Calaento.
— Hop ! Hop ! Hop ! Qu’est qui veut avec ses oreilles pointues ? s’écria Pys’ch’kim. »
l’elfe et le nain se lancèrent un petit regard de défi. Mais ils n’allèrent pas plus loin. Un sourire se dessina au coin de la bouche des deux protagonistes. Même si les querelles restaient palpables, il y avait une certaine forme d’harmonie dans le groupe. Le sorcier nain oublia la remarque et son esprit passa à autre chose.
« Le grand maître a dû passer d’agréable moment lors de votre formation ? Questionna Balco.
— Il faudrait lui poser la question, commenta Calaento. Mais c’est vrai que nous lui en avons fait voir de toutes les couleurs.
— Le grand maître doit avoir de bonnes raisons pour vous avoir sélectionné personnellement, commença Balco…
— On ne peut pas passer à côté du meilleur, coupa Pys’ch’kim. C’est l’évidence.
— Sans doute, spécifia Balco pour ne pas se fâcher. Je souhaite malgré tout ça trouver ma place au sein de votre groupe. Je n’ai rien de particulier à apporter contrairement à messire Pys’ch’kim !
— Allons, allons ! S’exclama Calaento pour rassurer Balco. Quels que soient notre nombre, nos capacités ou notre arrogance… Chacun à sa place parmi nous. Le grand maître a besoin de chacun de nous. Ces projets sont gigantesques et longs. Affaiblir l’Empire ne se fera pas en un jour, ni avec que quelque personne. Nous avons tous une pierre à ajouter à l’ensemble. Une de moins et c’est l’ensemble qui s’écroule ! Même si j’ai des doutes sur certains, chaque contribution sera importante.
— J’ai également des doutes à ton sujet, renchérit Pys’ch’kim.
— Venant de toi, je n’en doute pas une seconde ! Répondit Calaento. Ton hypocrisie n’a pas d’égal. Tu as juste de la veine de ne pas avoir un ou deux elfes rancuniers dans le groupe.
— Je suis au courant, ria Pys’ch’kim. Dans ce groupe, il n’y a que des lopettes d’elfes.
— Ne pousse pas le bouchon trop loin Pys’ch’kim, tonna Calaento.
— Sinon quoi ? Questionna Pys’ch’kim.
— Sinon tu vas le regretter, souffla Calaento.
— Je regrette déjà de te parler, signala Pys’ch’kim. Je ne vois pas ce que je pourrais regretter d’autre.
— Tu ne peux pas la fermer deux secondes, soupira Calaento.
— Certainement pas devant un elfe, s’exclama Pys’ch’kim. Plutôt crever que de se laisser marcher sur la tête par un elfe.
— Comment pouvez-vous vous quereller de la sorte ? s’étonna Balco. Des milliers d’elfes ou de nains rêveraient d’être à votre place au côté du grand maître. Je fais partie de ses rêveurs qui ont la chance de le réaliser. Même si c’est depuis peu.
— Ne vous fiez pas à nos petites querelles qui ont pu vous dérouter, indiqua Calaento. Nous savons nous taquiner, mais nous sommes très solidaires face à l’adversité. Nous avons également bien conscience de notre chance !
— C’est bien vrai, répliqua Pys’ch’kim. Nous nous provoquons toujours un peu. Cela peut apparaître cru, un puissant esprit de camaraderie nous anime. Nous connaissons parfaitement notre chance. Peu peuvent se vanter d’avoir été récupérés et formés personnellement par le grand maître ! Nous lui devons chacun d’entre nous beaucoup.
— Si nous parvenons à laisser une petite trace de nous dans l’histoire, ce ne sera que grâce au grand maître, ajouta Calaento. Même si l’idée déplaît à ce cher Pys’ch’kim.
— Le grand maître est véritablement un être hors du commun, souligna Balco. Rien que sa rencontre, ce fut un évènement que je ne pourrais pas oublier, aussi longue que soit ma vie.
— Nous avons tendance à négliger cette réalité, nous avons une chance unique ! Signala Calaento. Nous côtoyons le grand maître depuis plusieurs années. À certaines périodes nous le rencontrions tous les jours, vois plusieurs fois par jour. Pour nous, c’est naturel. Nous nous rendons même plus compte que pour beaucoup d’autres le grand maître est une légende vivante quasiment inaccessible. Nous avons tous réagi comme toi dans les premières semaines. Puis la magie de cette rencontre s’est effilochée au fil des semaines suivantes. L’exceptionnelle s’est lentement transformée en quotidien. Le grand maître reste une personne unique même si nous l’oublions parfois. »
L’elfe et le nain se firent un peu plus silencieux en repensant aux dernières phrases de l’elfe. Balco leur avait fait prendre conscience d’un point important qu’ils ne remarquaient plus. Balco regarda tour à tour l’elfe et le nain. Il se sentit gêné d’avoir provoqué la fin de la discussion. Elle commençait à prendre forme et pas uniquement unilatéralement.
Une petite voix fluette brisa le silence qui pesait de plus en plus dans l’esprit de Balco. « Pys’ch’kim, Pys’ch’kim, on k’attend, ouk es-tu, cria cette petite voix au loin. »
Le son de la voix s’approcha graduellement de leur position. Elle continua à appeler le sorcier nain. Balco chercha du regard la créature qui s’époumonait de la sorte. Alors qu’il tourna la tête de droite à gauche en tentant d’apercevoir une créature de taille normale. Il eut la surprise de constater qu’il s’agissait d’un lutin. Il eut un petit sourire en dévisageant la petite créature.
Ce lutin devait mesurer une cinquantaine de centimètres de haut. Une peau vert marécage. De longues oreilles pointues aussi grandes que son crâne. Un crâne chauve et lisse. De petits bras, de petites jambes, mais elles lui permettaient de gambader à une bonne allure. Il avait des yeux noirs perçants. Il portait de petites bottines noires aux semelles fines. Un pantalon et une chemise toutes deux d’une couleur jaune pâle. Nul besoin de préciser que c’était une petite chemise et un petit pantalon, car ils étaient taillés pour son gabarit. Une ceinture en peau de sanglier au niveau de sa taille pour maintenir son pantalon un peu au-dessus de son bassin. Un poignard et une petite bourse y étaient accrochés.
Broz
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Le lutin s’approcha prestement du groupe à l’aide de petites foulées très dynamiques. Balco ne cacha pas son sourire et parvint à peine à étouffer des petits rires lorsqu’il regarda le lutin. Balco ne souhaitait pas se moquer de la créature, mais il la trouvait particulièrement drôle. Avec difficulté, il parvint à se calmer pour ne garder qu’un large sourire sur le visage. Le lutin avança vers le groupe sans se soucier de Balco. Il approcha le cou tordu vers le ciel pour chercher du regard celui qu’il était venu chercher. Balco se remit à pouffer doucement. Il n’en revenait pas de croiser une créature vivante qui était forcée de se tordre le cou pour regarder un nain par en dessous. Les lutins étaient réellement de minuscules créatures.
Le lutin s’arrêta brusquement devant le groupe. Il eut un regard de stupéfaction. S’apercevant qu’il y avait un étranger entre Calaento et Pys’ch’kim. Le lutin scruta Balco de ses yeux noirs perçants. Il chercha à déterminer les intentions de cette nouvelle grande créature qui s’imposait devant lui. Balco retrouva son sérieux. Il afficha un sourire rassurant à l’intention du lutin tout en observant ses réactions.
« Approches ! S’écria Pys’ch’kim en s’adressant au lutin. c’est un ami ! C’est le grand maître qui nous l’envoie pour qu’il se joigne à l’équipe. Balco, je vous présente Broz le lutin. Et réciproquement. Broz est lui aussi un élève du grand maître. Il n’est pas très fort et trop petit pour porter des objets. À quoi peut-il bien servir allez-vous me demander ? Hé bien ! Son point fort et qu’il peut atteindre une bonne pointe de vitesse… lorsqu’il s’agit de se sauver ! À part ça peu de chose à son actif. Toutefois, il a une tâche importante au sein de notre groupe. Il a la responsabilité de remonter le moral de chacun. Broz est responsable de l’organisation des soirées festives du groupe. Et des soirées de la taverne ! J’espère que vous aurez l’occasion de voir ça mon cher Balco. Ça vaut tout de même le coup d’œil et ça mérite d’être vécu au moins une fois dans sa vie. Tout cela restant toujours dans un esprit festif et joyeux. Nous ne sommes pas en manque d’idées lorsqu’il faut trouver une raison d’organiser une fête. Je suppose que ta venue dans la cité de Haches pour nous rendre visite sera un excellent motif. Tu en penses quoi Broz ? »
Le lutin sautilla un peu sur place, dansant d’un pied sur l’autre, comme impatient de prendre la parole. Mais face à la question du nain, il s’arrêta instantanément. Il observa de nouveau Balco en écrasant sa nuque pour l’observer. « kossible kossible, souffla le lutin. K’est un bon mokif. Je vais m’okkuper de tout ka.
— À la bonne heure, s’exclama Pys’ch’kim avec un petit sourire malicieux. Toutes les raisons sont bonnes pour organiser une fête. Ce ne sont pas les idées qui nous manquent. À la rigueur, un peu plus les tonneaux de bière, même si l’on prend un soin méticuleux à toujours avoir des réserves dignes de nous ! Cette fête me réjouit d’avance. Vivement que nous y soyons. Je pourrais discuter un peu avec d’autres personnes et puis tu pourras certainement admirer notre Broz jouant avec les plateaux de service de la taverne ! Broz apporte sa contribution en aidant notre tavernière en transportant quelques plateaux. Il le fait directement sur les tables ! Il serait bien trop petit sinon. C’est extrêmement pratique, la tavernière n’a pas besoin de se chercher un chemin entre nous et les chaises. C’est Broz qui se débrouille pour trouver un parcours entre les tables et les verres de bière. Très utile d’être petit dans certains cas. Parfois, on se joue de lui en le plaçant sur l’un des plateaux, puis nous le faisons tourner un peu. Il n’apprécie pas ce traitement. Ce qui nous force à le sortir de son pétrin, mais seulement après quelques tours.
— Ek ka vous amuse ! Dis le lutin d’un ton agacé tout en épiant le nain d’un regard grognon.
— Il faudrait que tu sois un peu plus grand que les plateaux pour devenir un … grand… serveur, exprima Pys’ch’kim d’un ton moqueur.
— Ke n’est pas kroyable, dit le lutin. Kes sales grandes kréatures s’amusent d’un rien. Si ku as fini les présentations, on t’aktend pour khanter Pys’ch’kim. Gloupto et Donirico sont à la taverne et ils vont kanter votre grand sukkès : "les sucettes à l’anis" interprété par le prestigieux groupe k’on a nommé "la bande des tarins". »
Le nain se mit à bondir sur place en hurlant de colère. Il était remonté après le lutin qui se tenait fièrement devant lui avec un large sourire narquois. Le nain se retint de frapper le lutin en continuant de trépigner sur place. Il commença à tirer sur ses cheveux à l’aide de ses deux mains en s’écriant :
« Vous cherchez à me ridiculiser depuis l’arrivée de Balco. Vous devriez avoir honte de vos intentions remplies de malhonnêteté. Bande de crapauds elfique. Ce groupe de musique n’était qu’une fantaisie d’un jour, nous avions conclu de ne plus chanter. Qu’est-ce qui m’a encore inventé ce Guigui ? Ne le faisons pas attendre, sinon je vais m’énerver encore plus. Allez Broz, direction la taverne ! »
Le lutin n’attendait pas mieux. Il fit rapidement demi-tour sur lui-même et fila à toute vitesse dans les ruelles de la cité. Le sorcier nain le suivit avec une vigueur bien moins prononcée. Toutefois, ils disparurent tous les deux en tournant dans une rue perpendiculaire. Balco tourna un peu la tête pour les apercevoir partir sans avoir l’opportunité de leur dire le moindre mot. Ce n’était peut-être pas plus mal, relancer le nain sur une nouvelle discussion aurait pu retarder son départ de plusieurs longues minutes.
Balco se tourna face à l’elfe qui était son dernier interlocuteur présent. Si Calaento venait à le quitter à son tour, il allait se retrouver tout seul. Il serait perdu dans la grande cité de Haches. Balco souhaita à tout prix éviter ce scénario. Le départ du nain ne l’avait pas dérangé. Ce nain était un impressionnant moulin à parole. Mais l’ennui était rapidement présent, car seul le monologue semblait intéresser Pys’ch’kim. Balco commença à transpirer en se demandant comment aborder le sujet de ne pas se retrouver tout seul.
« Cher Balco, entonna Calaento. Permettez-moi de vous proposer une petite balade au sein de la cité pour y découvrir notre taverne. C’est notre haut lieu de rencontre, le point central de notre groupe. Et bientôt le vôtre aussi !
— Pourquoi pas, affirma Balco profondément soulagé de cette proposition. »
Balco poussa, un léger soupire. Il n’avait plus besoin de se torturer l’esprit. L’elfe allait l’amener à cette taverne, il y avait des chances pour qu’il puisse y retrouver le grand maître.
« Je dois avouer que j’étais inquiet, conta Balco. Nous ne sommes plus que deux et je ne connais pas cette cité. Je me fie donc totalement à vous pour me guider. Rendons-nous à cette taverne. Le grand maître voulait que je m’y rende. Vu le rôle que vous lui accordez, autant que j’arrive à situer le plus rapidement possible l’attraction principale de la cité.
— Il s’agit surtout du lieu principal de notre groupe, commenta Calaento avec sourire. Ce n’est pas un établissement ouvert à tous. C’est notre taverne !
— Votre taverne ? Répéta Balco avec surprise.
— Oui, oui la nôtre, affirma Calaento. C’est une histoire un peu longue. Je vais tâcher de faire une version courte. Cette taverne fut un repaire de voleurs durant quelques années. Le grand maître nous a demandé d’y faire un peu le ménage. Une fois que ce fut accompli, l’administration de la cité de Haches nous a proposé d’acheter la taverne en nous offrant une petite ristourne pour le service rendu à la cité. Chaque membre du groupe a fourni un peu d’argent suivant ses moyens. L’ensemble des cotisations nous a permis d’acheter cette taverne. Nous avons tous une part de cette dernière qui nous appartient. On peut parler d’action. Suivant notre montant de départ, nous avons acquis une part plus ou moins importante. Le partage de la taverne renforce encore un peu plus les liens qui unissent les élèves du grand maître. Sans parler que cela nous fournit un point de rencontre efficace. C’est également le meilleur moyen pour boire et manger sans craindre d’être importuné. Cela facilite énormément l’organisation de nos soirées. Nous pouvons agir comme nous le désirons. Si vous souhaitez rencontrer les autres propriétaires et donc élèves du grand maître, c’est en attendant dans notre taverne que vous aurez le plus de chance d’y parvenir.
— Eh bien ! Acheter une taverne pour organiser des fêtes, commenta Balco. Vous formez vraiment un groupe très particulier. Je n’ai pas entendu le moindre conte dans mon enfance qui parle d’un groupe agissant de la sorte. Je plains vraiment le grand maître qui vous a pris en main. Vous avez dû le rendre fou plus d’une fois. Je suppose que je ne suis pas au bout de mes surprises. Allons voir cette taverne. Nous pourrons continuer mon apprentissage autour d’une bière.
— Excellente idée, exprima Calaento. »
L’elfe donna une petite tape amicale dans le dos de Balco. Puis il le guida à travers une série de ruelles. Balco suivit. Il observa l’immense cité en déambulant derrière l’elfe. Il fut impressionné par toutes les maisons serrées les unes contre les autres. Également par la foule présente, il y avait des dizaines de personnes dans chaque ruelle. Dans son village s’il croisait dix personnes c’était déjà exceptionnel. Balco fut assez surpris par la froideur que lui renvoyait la ville. Les habitants marchaient tous d’un pas vif sans s’occuper de la vie des autres. Il était plus habitué à la chaleur de son petit village. Pas un villageois n’aurait omis de lui dire bonjour ou au minimum un petit hochement de tête. Là rien, absolument rien ! Les hachiens étaient plongés dans leur pensée et ils ne remarquaient rien. Balco trouva cela étrange. Il tenta bien de donner quelques petits signes de la main à destination de quelques passants en guide de salut. Il n’obtint aucune réponse en retour. Incompris, il préféra ne pas prolonger l’expérience. Il préféra observer l’architecture de la cité en suivant le pas de l’elfe.
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