Mortemobire CODEX SULDER
   

Chapitre 4 : L'espoir ?

Deux jours plus tard !…
Une troupe de gardes en tenue de l’Empire s'approcha du village en cendre, l'odeur de corps brûlés envahissait tout le village. La dignité humaine leur fit prendre une halte à cet endroit pour donner au moins une sépulture même modeste à chacun de ces villageois. Les gardes ramassèrent les corps consumés avec le plus grand dégoût. La charrette qu’ils avaient récupérée pour entasser les corps fut rapidement pleine et tout aussi vite déversée dans un large trou creusé pour y accueillir tous les morts. Un spectacle atroce, les gardes n’émirent pas le moindre son durant leur tâche. Dans ce silence de mort, un cri vint troubler la sérénité de ce lieu de désolation. La voix d'un garde s'éleva et réchauffa le cœur des autres ! Il éveilla leur curiosité malgré la morosité ambiante :
« Il y en a un en vie, s'écria le garde. Il est vivant ! »
Les gardes commencèrent à discuter entre eux redonnant un semblant de vie à ce village dévasté. Les gardes s’approchèrent à grands pas de celui qui venait de les interpeller et se mirent autour du corps inanimé qui gisait encore au sol. Un jeune garçon était étendu, ventre contre le sol, il semblait respirer faiblement. Il n'avait pas été carbonisé comme les autres corps, pourtant il avait dû l’être. Son corps semblait avoir effacé les traces de brûlure. Un homme âgé arriva vers l’attroupement de gardes. Il n’eut qu’un signe de la main à faire pour que les gardes s’écartent pour lui laisser un passage. Il voulait voir par lui-même ce garçon.
Le vieil homme s'approcha du corps, l'observa quelque temps et en tomba presque en arrière en constatant la réalité. Il grimaça un instant. Il n’en croyait pas ses yeux. Ce garçon avait été brûlé, lui aussi, mais… son corps avait régénéré. Sa peau ne gardait plus aucune trace des brûlures qui avait dû le consumer. Seuls les lambeaux de vêtements encore collés à son corps gardaient la marque des flammes qui s’était abattue sur lui.
« Magicien Taruis ? interrogea l’un des gardes. Que se passe-t-il ici ?
— Il se passe… il se passe que c’est peut-être maintenant que je vais devoir avouer que le grand maître avait raison ! souffla tout haut Taruis se retenant à un garde pour ne pas perdre l'équilibre. »
Taruis resta les yeux fixés sur le jeune garçon. Il n’arrivait pas à croire ce qu’il venait de voir juste devant lui. D’après les marques de combustion sur les vêtements, le jeune garçon avait dû être touché de plein fouet. Pourtant sa peau n'en laisse rien apparaître. Taruis ferma les yeux un instant pour réfléchir. Il repensa à sa dernière discussion avec le grand maître. Ce dernier avait-il une nouvelle fois raison? Le grand maître se trompait rarement si on lui laissait le temps de prouver la véracité de ses dires. Taruis s’en voulait un peu d’avoir rejeté si promptement le grand maître.
Taruis
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Les gardes firent silence autour du magicien en attendant d’avoir des explications issues de sa longue expérience. « Je ne sais pas ce qui se passe ici, dit calmement Taruis en rouvrant les yeux. J’ai peut-être une idée, mais… ce serait une découverte incroyable. Nous sommes peut-être à un tournant de l’histoire de ce monde… et nous en sommes les précurseurs. J’aurais dû croire un peu plus en notre cher grand maître, sa patience sans limites est une fois de plus justifiée. M'aurait-il envoyé ici en sentant que j'allais trouver ce garçon ? Le grand maître est si mystérieux que rien n’est impossible venant de sa part… Ce garçon est potentiellement un héritier de la légende ! Et même si ce n’était pas le cas, il a des facultés bien rares pour un suldurien… Ce n'est pas possible, je sais que le grand maître est malin et rusé, mais il n'a pas pu prévoir cela !… Il ne peut pas deviner l’avenir… »
Le magicien n'en revenait toujours pas. Il continua de regarder le jeune garçon complètement abasourdi. Un être vivant venait de résister à un assaut de Lichn. À la vue des blessures qu'il avait subies, il devrait être mort…
Le corps de ce jeune homme était en train de récupérer lentement. Il était encore dans un piteux état, mais il semblait en bonne voie pour guérir. Taruis, reprenant un peu ses esprits, s'écria : « Portez-le jusque sous ma tente. Il est encore vivant, mais faible. Je vous conseille de ne pas le perdre. Il représente peut-être le nouvel espoir que l’Empire, et toutes les autres espèces vivantes qui luttent face aux ténèbres attendaient. Enfin, c'est ce que pense le grand maître!... Moi qui lui affirmais le contraire. Me voilà face à un étrange phénomène qui semble lui donner raison. Allez me chercher Manulitocarios au plus vite. Et prévenez-moi lorsque ce garçon aura émergé de sa convalescence et qu'il sera en mesure de parler.
— Vous serez le premier à le voir, répondit l'un des gardes.
— J'y compte bien… J'y compte bien, enchaîna le vieux magicien en plissant légèrement les yeux. »
Quatre jours et quatre nuits s’écoulèrent. Les gardes avaient restauré rapidement deux bâtisses du village pour pouvoir y dormir au sec. Ils attendaient impatiemment de quitter cet horrible lieu, pour des contrées plus joyeuses. Bien que suivre les traces de Lichn ne puisse certainement jamais leur apporter la moindre vision attirante.
Finalement, le jeune homme qu’ils avaient découvert sous les cendres retrouva toute sa santé. Les gardes purent enfin espérer qu’une fois sur pied, ils pourraient maintenant reprendre la route et laisser ce village loin derrière eux.
L’homme plutôt âgé, qui paraissait être le chef du petit groupe de gardes, rendit visite au jeune miraculé comme il l’avait prévu. Taruis était vêtu d’un vieux chapeau vert pointu surmonté de deux plumes d’aigles. Il possédait une longue barbe blanche qui lui cachait une bonne partie de son visage. Des yeux noirs à peine visibles, cachés entre sa barbe et son chapeau. Un petit nez dépassait légèrement de sa barbe blanche. Ses cheveux grisâtres dépassaient de son chapeau par l’arrière. Il était habillé d’une robe blanche flottant sur ses pieds. Ces derniers chaussés de petites bottines noires. Une cape rouge flottait sur son dos. Il n’y avait aucun symbole, ni sur la cape ni sur la robe. Dans sa main droite, il tenait un grand bâton, aussi grand que lui, terminé en haut par la croix de l’Empire, surmonté par une paire d’ailes.
Balco
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Il tira la porte en toile de la tente et se faufila délicatement dessous. L’intérieur de la tente était obscur. La toile vert foncé pratique pour se camoufler, elle l’était bien moins pour laisser passer la lumière. Il parvint difficilement à s’habituer à la pénombre. Lorsqu’il s’y accoutuma, il aperçut, dans le fond de l’espace clôt, un lit avec une énorme couverture brun pâle recouvrant une masse compacte. Taruis posa sa main contre sa bouche et toussa deux… trois fois. La couverture se rabattit sur elle-même et deux yeux noirs fixèrent le vieil homme avec un brin de curiosité et de peur.
Taruis prit tranquillement la parole : « N’ayez pas peur, je ne vous veux aucun mal. Vous pouvez au contraire me remercier ! Bien que cela soit sans importance si vous ne le faites pas… Sans mon passage dans ce secteur, les insectes et les oiseaux t’auraient dévoré vivant avant que tu n’aies pu récupérer…
— Qui êtes-vous ? Coupa d’une voix timide le jeune homme dans la couverture.
— Oh ! … vous ne me connaissez pas, dit le vieil homme d’un ton surpris. J’en suis bien désolé. Je pensais que les habitants de l’Empire me connaissaient mieux que cela. Excusez-moi pour mon impolitesse… Je suis Taruis, un magicien de l’Empire… que dis-je? L’un des plus grands magiciens de l’Empire circulant librement dans les campagnes. Voilà pour moi, mais je peux te retourner la question. Qui êtes-vous donc jeune homme ?
— Je suis… Balco… l’aventurier, répondit-il avec un courage bien timide et presque perceptible dans le timbre de sa voix qui retomba encore un peu plus ensuite. Bien que… mes aventures ne m’aient jamais amené bien loin.
— Balco ! s’exclama avec surprise Taruis. Vous avez le même nom qu’un jeune intrépide dont nous a parlé Anis !
— Vous connaissez cette elfe ? Questionna Balco de nouveau très timide et avec de grands yeux pleins d’espoir.
— Oui… Je la connais, dit Taruis lui faisant un petit sourire rassurant. Elle m’a rapidement parlé de vous. Je peux vous assurer qu’elle vous remercie de votre geste. Elle sera la première ravie d’apprendre que Lichn n’est pas parvenu à vous ôter la vie… pour des raisons qui m’échappent encore. Même si je connais beaucoup de choses en magie, ce que vous venez de faire… est au-dessus de mes compétences… Eh bien ! Jeune aventurier, vous voulez de l’aventure ? Vous allez être servi. Je serais bref et certainement trop direct, mais je n’ai pas le temps pour de longs discours. Vous m’excuserez, mais je dois encore traquer ce nécromant de Lichn…
— Vous…, dit Balco en palissant un peu.
— Silence, jeune homme, sermonna Taruis d’une voix plus puissante. Laissez-moi terminer, sinon cette discussion ne va que trop se prolonger. Voilà votre situation ! Votre village a été détruit. Sauf si vous souhaitez lui redonner vie à vous tout seul… Vous allez devoir le quitter dès aujourd’hui. Si vous décidez de rester, je ne pourrais rien pour vous. Si au contraire… vous êtes fin prêt à vous lancer dans l’aventure qui s’ouvre devant vous, je vous apporterais toute mon assistance. Si j’en crois mes sources et ma connaissance… Il m’est bien difficile de l’admettre… mais il serait possible… oui, possible… que vous soyez un héritier !…
— Un héritier ! Répéta Balco doucement pour lui-même en fronçant légèrement les sourcils. Qu’est que cela signifie ?
— Ce que ça signifie… dit Taruis en riant légèrement. Ça signifie que vous êtes dans une position bien particulière. Mais je ne peux pas vous en dire énormément. Mes connaissances du sujet se révèlent insuffisantes maintenant que j’y suis confronté. Toutefois, il y a une personne qui pourra vous confirmer tout cela ! Il s’agit du grand maître. Je dois bien reconnaître que si vous avez survécu à une attaque de Lichn… Il n’y a que peu de possibilités à envisager, soit vous êtes un surhomme, soit vous êtes un héritier, ou encore un être issu d’une très ancienne lignée comme les aigles ! Le grand maître vous en dira davantage dès que vous le rencontrerez.
— Le grand maître est ici ? Interrogea Balco avec des yeux émerveillés par cette annonce.
— Non ! Bien sûr que non ! Répondit amusé Taruis. Il ne sort que rarement de sa chaumière ces derniers temps. C’est vous, jeune homme, qui allait vous frayer un chemin pour le rencontrer chez lui.
— Mais c’est impossible ! S’exclama Balco effrayé. Je ne suis jamais sorti de mon village. Je ne pourrais pas trouver le chemin menant chez le grand maître tout seul. Cela serait trop périlleux. Je ne suis qu’un gardien de cochon, pas un héros.
— Bien sûr… bien sûr, continua Taruis avec un sourire dans sa barbe blanche. Je suis au courant de cela. Mais vous devrez y aller quoiqu’il advienne. Votre destin vous y appelle.
— Mon destin, dit Balco avec inquiétude. Ce n’est pas la chance ni la destinée qui pourront me conduire dans la forêt jusqu’à la demeure du grand maître.
— Je le sais mon petit Balco, dit d’une voix douce Taruis. Je le sais. Mais ne vous inquiétez pas. Je vais vous affecter l’un, de mes meilleurs gardes, qui vous mènera jusqu’au grand maître. Je ne puis, malheureusement, discuter plus longuement avec vous. J’aurais souhaité en avoir la capacité, mais le temps est précieux même pour un magicien. Lichn continue d’avancer sur nos terres. Je pourrais certainement le ralentir, mais pas le détruire ! Un maigre gain, mais ce sera toujours ça… Je veillerais sur vous, malgré tout. On sera amené à se retrouver jeune aventurier… Et que Rouge soit avec vous ! »
Taruis s’inclina légèrement pour saluer Balco, puis il ressortit de la tente. Balco resta sur son lit un peu perdu devant l’accumulation de nouvelle qui venait de lui être transmise. Il laissa couler de longues larmes le long de ses joues sans les retenir. Pensant à tous les amis qu’il avait perdus, à sa famille et à sa mère… « Quel aventurier fais-je ? Se dit-il . J’ai tenté de sauver mon village… et j’en récolte quoi ? J’ai tout perdu sauf ma vie… »
Balco se remémora les dernières heures que sa mémoire parvenait à reconstituer. L’attaque de son village, puis sa rencontre avec la dame elfe. Son sourire s’esquissa en repensant au doux visage de l’elfe, puis il grimaça en se souvenant des squelettes. Il tapa d’un poing fermé et nerveux sur le lit en laissant couler de nouvelles larmes. Ce nécromant noir de malheur était la cause de tout. … il ressentit le ricanement de Lichn. Cela le fit frissonner le dos en imaginant le visage de sa mère face à cette odieuse créature des ténèbres. Il tenta de se reprendre en pensant à ce qui lui restait… sa sœur. Il n’avait pas réussi à protéger sa mère du nécromant, mais il se jura en lui-même de tout faire pour retrouver sa sœur et l’éloigner de tout danger.
Un grand vide s’empara de son esprit… avant de revoir son réveil, suivit de la discussion avec le magicien Taruis. C’était pourtant une telle situation dont il rêvait en permanence. Le magicien de l’Empire sans le savoir venait de lui offrir un rêve éveillé : de l’aventure, des rencontres avec d’autres espèces et croiser le grand maître.
Et qui sait ? Il pourrait même rencontrer dame Inima ! Un large sourire se dessina sur son visage à cette idée, le plus grand de tous ses rêves pourrait se réaliser. Il en était encore bien loin, mais plus probable désormais que lorsqu’il gardait ses cochons.
En toute logique, il pouvait difficilement refuser l’offre de Taruis. Car seul dans son village, avec les troupes de Lichn en mesure de repasser un jour ou l’autre. La situation n’était pas enviable. Il préférait tenter sa chance dans l’aventure qui se présentait à lui. Voir le grand maître, c’était le rêve de bien des sulduriens. Il avait l’opportunité, il devait la saisir plutôt que de mourir bêtement. Il était mort et par un phénomène qu’il ne comprenait pas, il était revenu. C’était un ressuscité. Un esprit supérieur venait de lui offrir une nouvelle chance. Un nouveau départ l’attendait, ce n’était plus le moment de le refuser. Les regrets du passé n’ont jamais de réponses satisfaisantes dans le futur. « Et que Rouge soit avec moi !, exprima Balco pour lui-même. » C’était les derniers mots de Taruis à son égard… Et si c’était Rouge qui lui avait accordé cette chance !
Il sauta du lit emballé par cette idée et se dressa sur ses jambes. Il vacilla un peu, engourdi par plusieurs jours en position horizontale. Il remua rapidement ses membres supérieurs pour constater qu’il était en forme. Il ne ressentait aucune douleur. Il observa son corps à la recherche de quelques marques ou cicatrices, mais sans succès. Son corps avait effacé complètement tous les stigmates qu’aurait dû laisser l’attaque des créatures enflammées de Lichn… Il sourit, un peu stupidement en imaginant la colère du nécromant s’il le revoyait sur ses deux pieds.
Reprenant le cours de ses pensées, il tourna son regard de gauche à droite scrutant l’intérieur de la tente pour rechercher quelques vêtements afin de ne pas sortir nu comme un ver. Sans réelle surprise, il en trouva posé au sol juste aux pieds de son lit de convalescence. Il s’en approcha pour voir ce que le magicien lui avait laissé…
Il secoua un pantalon verdâtre qui ne lui plaisait guère. Mais il n’avait pas d’autre choix que de le mettre. Il n’allait pas faire le difficile. Une chemise de la même teinte complétait sa tenue, il était totalement revêtu de vert. Ce n’était pas vraiment sa couleur préférée, le noir lui allait bien mieux d’après lui. Par chance, la paire de bottes que Taruis avait déposée à son intention était noire.
Les bottes étaient déjà un peu usées par quelques longues marches, toutefois Balco n’avait aucun doute de leur capacité de tenir encore plusieurs milliers de kilomètres. Il les enfila rapidement. Puis à l’aide de quelques gestes souples, il étira tous ses membres. Il soupira un grand coup en regardant la porte de la tente. Il était apeuré de sortir. Passer cette porte représentait une étape importante de sa vie. C’était le symbole qu’il abandonnait son ancienne existence pour une nouvelle dont il ignorait tout. Présenté comme un rêve éveillé, ce nouveau départ n’en restait pas moins qu’un grand brouillard dans son esprit.
Son cœur s’emballa. Il commença à transpirer plus que nécessaire. La gorge nouée. Les muscles tendus. Son corps réagit à son appréhension, pourtant sa décision était prise.
Il se décida à sortir en déplaçant de devant lui la porte en toile. Le soleil diffusa sa puissante lumière dans ses yeux. Il plissa les yeux instantanément éblouis par une telle clarté. Il plaça ses mains devant ces derniers pour se cacher momentanément des rayons. Il finit par s’accommoder, peu à peu, à la luminosité produite par les rayons solaires. Il put observer les désastres causés par l’armée de Lichn sur son pauvre village. Des maisons pillées, détruites ou brûlées. Il ne restait plus rien ou presque... Une odeur de chair brûlée imprégnait l’atmosphère qui fit lever le cœur de Balco. Il se décomposa à cette vision, il voulait repartir en arrière pour se réfugier sous la tente. Il ne s’attendait pas à une telle désolation…
Déçu par ce triste spectacle qui s’offrait à sa vue. Il ferma les yeux en espérant que lorsqu’il les rouvrirait, l’horreur serait partie, que son petit village retrouverait sa paisible tranquillité quotidienne. Doux rêve, qui ne dura qu’un court instant dans son esprit… Une voix vint le tirer de ce rêve. Il ouvrit des petits yeux timides et encore humides. Devant lui se dressait un homme vêtu d’une chemise blanche assez fine. Un pantalon bleu foncé tirant sur le vert. Des gants noirs et des bottes noires. Une ceinture en cuir noir sur la taille. Une épée fine accrochée à la ceinture. Il possédait de longs cheveux blonds, des yeux bleu très clair et un long nez pointu. Sa paire de bottes noires était déjà usée et pleine de boue. Il portait le blason de l’Empire cousu sur sa chemise blanche à l’emplacement du cœur, ce qui laissa penser à Balco qu’il s’agissait d’un garde de l’Empire. Son épée fine était glissée dans un fourreau de cuir noir.
L’homme était plutôt petit, pour être l’un des gardes d’élite de l’Empire. Malgré tout, Balco fut impressionné par le personnage. Il sentit que la personne qui lui faisait face n’était pas née de la dernière pluie. Il avait déjà dû voir plus d’une créature et les avait certainement combattues avec bravoure. L’individu prit une voix sévère et rude pour s’adresser à Balco : « Vous devez être le jeune Balco que je dois escorter jusqu’à l’humble demeure du grand maître.
— Euh… Oui ! C’est bien ça, répondit timidement Balco en baissant les yeux vers le sol.
— Très bien… alors, je suppose que Taruis vous a donné des renseignements importants sur notre voyage, commenta l’homme.
— Je ne crois pas ! Dit toujours doucement Balco en grimaçant légèrement. Sauf si vous entendez par là que nous devons traverser la forêt du grand maître pour l’y trouver.
— Ceci est bien la mission, dit-il. Il a abrégé les recommandations… C’est sans importance, j’aurais le temps de vous les expliquer au cours de notre trajet. Notre route sera longue et vous devrez m’écouter jeune homme. C’est votre premier voyage à ce que j’ai entendu dire ! J’ai un peu plus d’expérience à mon actif. Avant de continuer, la bienséance veut que je me présente à mon tour. Je suis Manulitocarios garde de l’empire descendant d’une longue lignée de garde de l’empire et d’elfes des bois de la forêt défendue. On me surnomme plus singulièrement Homelf.
— Vous êtes un elfe ! Clama Balco d’une voix timide avec des yeux émerveillés !
Homelf
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— À moitié oui, répondit Homelf attendri par le regard du jeune aventurier.
— Vous connaissez donc la route qui nous mènera au grand maître au cœur de sa forêt, affirma Balco avec un léger point d’inquiétude dans la voix.
— Bien sûr que je connais la route, s’exclama Homelf avec fierté. Je pourrais déclarer que c’est grâce à mes instincts d’elfes qui me permettent de me diriger sans aucune difficulté dans toutes les forêts ! Mais c’est surtout qu’il y a encore quelques jours, je me trouvais déjà dans la demeure du grand maître. »
Homelf éclata d’un rire explosif qui permit de remplir l’atmosphère d’une légère gaîté durant un court instant. « Jeune homme, j’espère vraiment que vous ne croyez pas à tous ses vieux clichés sur les elfes se déplaçant en forêt. Je connais la route, mais uniquement parce que je l’ai emprunté plusieurs dizaines de fois. Personne ne trouve le grand maître facilement sans en connaître les sentiers. Même si notre voyage devait être facile, je resterais méfiant. L’Empire protège le grand maître de toute visite depuis quelques années ! Si cette action se révèle bénéfique pour le bien de tous. C’est le destin de Sulder qui pourrait être amené à changer ! Cette rébellion élaborée par le grand maître est notre meilleur espoir, même si cela est contraire à tous mes enseignements.
— Moi ! S’exclama Balco vraiment surpris que ces choix influencent quelque chose.
— Je suis un garde de l’Empire, je ne devrais pas me soulever contre mon empereur. Pourtant, j’ai la conviction que c’est ce que je dois faire. Je rêve que ce soit la bonne décision. La plus importante de toute ma vie. Je souhaite sauver notre chère planète Sulder. Chasser les ténèbres pour que la paix soit enfin de retour. C’est le rêve de chacun, je suppose, j’ose croire que mes décisions permettront de rendre cette planète meilleure. Mais vous aussi, vous aurez un rôle à jouer et des décisions à prendre.
— Je ne vois pas comment une décision de ma part changerait la face du monde, indiqua Balco. Et je ne me vois pas affronter seul des créatures des ténèbres. Je ne suis qu’un gardien de cochon.
— L’origine n’a pas d’importance, répliqua Homelf. L’histoire de cette planète regorge de héros qui n’étaient pas destinés à l’être au début de leur vie. Regardez l’empereur Sylvain 1er qui aurait dû être forgeron dans la cité de Haches. Ou encore Rougue qui avait commencé sa vie comme voleur à l’étalage.
— Et Rouge également ? Questionna Balco avec curiosité.
— Là ce n’est pas le bon exemple, bougonna Homelf. Rouge avait été adopté par l’empereur Jiduis dont l’empire devait bien s’étendre sur vingt-cinq pour cent de tout l’univers. Rouge n’était pas spécialement à plaindre dans son enfance.
— Je m’en souviens, ma maman m’avait conté, ça, mais cela ne m’avait pas marqué, indiqua Balco.
— Quoiqu’il en soit gardien de cochon ou pas, personne ne vous demandera de sauver le monde aujourd’hui même. Si Taruis ne se trompe pas, vous pourriez être le nouveau porteur d’espoir. Le premier héritier de l’aigle blanc. Un titre pompeux, mais avec du temps et de l’entraînement, nul doute que vous ferez honneur à ce sobriquet honorifique.
— L’aigle blanc ? Répéta étonné Balco.
— Eh bien, cela nous donnera matière à discussion au cours des prochains jours, commenta Homelf. Je ne connais pas tout de l’histoire, mais je vous indiquerais ce que j’en sais. Je m’excuse de devoir abréger cette discussion, mais nous avons une longue route qui nous attend. Nous devons rejoindre la demeure du grand maître. Pour le moment, direction le Nord. Jusqu’à tomber sur la forêt du même nom. Sans vouloir vous vexer, nous allons mettre une semaine pour y arriver. J’aurais tablé sur deux fois moins avec un compagnon expérimenté. Vous n’y êtes pour rien. Vous êtes un jeune garçon. Je vous conseille d’en profiter pendant qu’il en est encore temps. D’ici quelques années, c’est vous qui me trouverez mollasson. Pas besoin de tenter de me prouver le contraire, nous allons forcer l’allure et elle sera déjà trop élevée pour vous. Nous allons devoir jongler entre les patrouilles de l’Empire et les groupes d’éclaireurs de Lichn. L’important est de ne pas se faire remarquer. Nous allons devoir nous conduire comme des hors-la-loi aux yeux de l’empereur. Et le pire c’est que je m’en moque. Que vaut l’avis de l’empereur en comparaison de celui du grand maître ! Que vaut une tête couronnée, née sous une bonne étoile en comparaison à un être plusieurs fois millénaire. Assez discuté, en route jeune homme. »
Homelf plaça un sac bien rempli sur son dos et d’une poignée ferme tendit un autre sac en direction de Balco. Homelf n’ajouta pas un mot de plus. Il se contenta de faire un petit signe de la main pour lui signifier qu’il ne devait pas le quitter d’une semelle. Balco ne commenta pas, il n’en eut pas le temps. Homelf commença sa marche en prenant la direction du Nord. Balco soupira doucement. Sa vie venait de basculer en quelques minutes. Il ne se sentait pas prêt à crapahuter dans la campagne durant des jours. Il aurait souhaité avoir le temps d’y réfléchir. Homelf ne parut pas de cet avis, il voulait quitter ce village rapidement. Balco observa quelques instants le dos de Homelf s’éloignant.
Le suivre c’était plonger vers un destin dont il redoutait tout. C’était pourtant à cela qu’il rêvait depuis tout petit. La chance avait frappé à sa porte. Il pouvait fuir en courant et le regretter toute sa vie. Ou emboîter le pas de cet elfe et vivre une vie d’aventurier. Des aventures, la compagnie d’un elfe, il aurait été trop fou de refuser. Sa conviction de prendre la bonne décision fut renouvelée !
Balco regarda une dernière fois les ruines de son village. Il ajusta son sac sur son dos et s’élança à la poursuite de Homelf qui avait déjà pris une belle avance.
Il démarrait une nouvelle vie ! Il versa quelques larmes en se demandant si ses parents avaient pu malgré tout survivre au massacre. Il espéra au fond de lui que la réponse était oui. Et qu’au hasard des routes qu’il emprunterait, il serait en mesure de les recroiser. Il laissa couler quelques larmes le long de ses joues. Il suivit Homelf sans vraiment le distinguer à cause de ses yeux brouillés. Son avenir était tout aussi trouble, il ne pouvait imaginer ce qui allait l’attendre. Taruis l’avait pratiquement présenté comme le prochain héros de Sulder. L’idée était loin d’être déplaisante, qui refuserait une telle chance. Pourtant, il avait du mal à y croire. Passer du statut de gardien de cochon à héros était trop brusque. Même dans ses rêves cela n’allait pas si vite. Quelque chose avait toutefois changé; il venait de croiser deux elfes et un magicien en très peu de temps. C’était bien la preuve que le changement s’amorçait.
« Suis-je capable de posséder un courage et une force semblable à Rouge, se disait-il au fond de lui-même »
Il quitta définitivement son village natal en cherchant une réponse à sa question…
Quelques heures plus tard, Homelf marchait d’un pas vif sur un petit sentier tracé entre les hautes herbes. Balco lui emboîtait le pas du mieux qu’il pouvait. Il n’avait jamais eu l’occasion de faire une sortie aussi longue. Ses jambes étaient déjà douloureuses. Il lui était à chaque pas un peu plus pénible de poser le prochain. Homelf n’accorda aucun répit. Balco serra les dents et continua à le suivre.
De vastes champs non cultivés s’offrirent à leur vue sur plusieurs kilomètres. Le sentier qu’ils empruntaient ondulait sans logique entre les champs. C’était un ancien sentier qui, il y a encore une trentaine d’années en arrière, était un axe de circulation majeure. L’affluence diminua progressivement. Les intempéries et la nature s’occupèrent de retrouver leur droit. Il était devenu sinueux et peu praticable. C’est à peine si on pouvait encore en distinguer le tracé à certains passages, les hautes herbes empiétant de plus en plus sur le sentier n’arrangeaient rien à la situation. Balco se serait perdu plus d’une fois en cherchant à le suivre. Homelf n’avait pas de doute ou tout du moins il ne laissait pas apparaître une once d’hésitation sur la direction à prendre. Balco éprouvait une difficulté croissante à avancer d’un pas forcé entre les herbes. Il cachait sa souffrance le plus possible de peur d’être réprimandé par l’elfe.
Homelf les yeux rivés vers l’horizon continuait inlassablement de poser un pied devant l’autre avec une cadence soutenue. Il sentait la fatigue qui accaparé de plus en plus le jeune garçon. Il ne baissa pas le rythme pour autant. Il n’y avait aucune malveillance dans son geste. Il souhaitait obtenir deux effets à cette marche rapide. La première, c’est que ce jeune garçon n’ait pas le temps de cogiter sur son sort. Son esprit occupait par sa propre fatigue et les douleurs de ses jambes, il n’aurait pas le temps de penser au changement de vie qui l’attendait. La deuxième, c’est quand mettant une distance suffisante entre le lieu de campement pour la nuit et les restes fumant de son village, il n’aurait pas la tentation de rebrousser chemin au cours de la nuit. Il y avait une autre raison plus personnelle. Plus vite, il aurait livré ce gamin au grand maître, plus vite il pourrait retourner auprès de Taruis pour pourchasser Lichn et ses troupes.
Homelf écarta les hautes herbes qui gênaient leur progression. Traçant un chemin praticable pour Balco, afin de réduire sa fatigue. Il se passa encore quelques heures avant que l’espoir d’une longue pause naquit dans l’esprit de Balco. Le soleil commença à descendre de son zénith pour se cacher derrière les montagnes à l’ouest de l’Enfé. Sa couleur rouge-orange commença à décliner complètement. Homelf fit un rapide tour sur lui-même en projetant son regard loin au-dessus des herbes comme pour observer les alentours. Balco se laissa tomber sur les genoux et posa ses mains à plat contre le sol. Il respira de manière haletante, heureux que son calvaire cesse enfin. Mais il n’avait pas la moindre idée s’il était en mesure de se relever. Ses muscles le faisaient atrocement souffrir, il n’avait jamais ressenti cela jusqu’à présent. Homelf sans le regarder lui indiqua d’un ton rude :
« Nous allons camper ici ce soir ! Demain, nous reprendrons la route dès l’aube. »
Balco écouta d’une oreille l’annonce de Homelf. Il s’était finalement allongé sur le sol en continuant de respirer fortement. Il n’avait même plus la force de retirer son sac de ses épaules. Homelf continua à observer l’horizon. Il finit par détourner son regard vers Balco et se retint de rire !
Il était dur avec ce pauvre garçon, il en prenait conscience. Ce même traitement était infligé aux nouvelles recrues, à la différence que Balco lui n’avait rien demandé. On venait de l’affubler du titre de héros d’une vieille légende. Mais il ne l’était pas encore. Homelf se promit d’être plus clément dans les prochains jours. Ils avaient pris une avance suffisante pour ne plus avoir besoin de forcer la marche. Le grand maître serait très mécontent s’il ne ramenait pas ce jeune garçon en pleine forme.
Homelf se mit à sourire. Il imaginait le futur avec ce garçon devenu ce grand héros. Il pourrait se venter d’avoir un jour réussi à le fatiguer et à lui apprendre deux trois choses. Qui sait, dans quelques années, c’est peut-être lui qui apprendrait de l’expérience de ce jeune homme. Pour le moment, cela lui faisait cruellement défaut. Homelf s’adoucit en pensant que c’était à lui de forger les premiers enseignements de ce garçon. Même s’il ne faisait que peu de choses, il pouvait participer à l’émergence d’un héros. Même s’il doutait que Balco puisse réellement en devenir un.
Homelf replaça quelques mèches blondes en passant sa main vers l’arrière de son crâne. Il décida de laisser Balco le temps de récupérer pendant qu’il installerait un campement de fortune pour la nuit. Balco se proposa pour l’aider, mais il conseilla vivement à Balco de garder des forces pour le lendemain, car il en aurait bien besoin. Balco n’insista pas sur le sujet agréablement surpris d’avoir l’autorisation de se reposer.
Homelf commença à aplatir les hautes herbes autour de lui. Il forma un petit cercle qu’il agrandit méthodiquement. Balco se reposa plusieurs minutes. Puis sentant des forces lui revenir et ne souhaitant pas rester inactif alors que Homelf faisait tout, il vint aider Homelf dans sa tâche. Bien qu’épuisé et à l’encontre des recommandations de Homelf, il s’amusa follement à écraser les hautes herbes afin de créer un espace pour la nuit. Homelf le laissa même terminer de délimiter leur zone pour dormir et il s’éloigna pour trouver des brindilles et quelques branchages.
Il trouva rapidement de quoi démarrer un feu de camp au milieu de cette nature sauvage. Au centre des herbes tassées, il disposa le petit bois et les brindilles pour en faire un tas. Balco fut surpris par ce système anarchique, mais il ne dit rien. Son père lui avait appris à faire un feu, mais avec une autre technique. Il laissa faire Homelf qui semblait savoir ce qu’il faisait.
Balco et Homelf continuèrent à accumuler branchages et pierres pour délimiter le feu durant une dizaine de minutes. Il avait accumulé du combustible pour tenir toute la nuit sans crainte. Tout était prêt, il ne restait plus qu’à faire prendre ce feu. Balco était impatient de voir comment Homelf allait s’employer pour l’amorcer.
Homelf prit son temps ! Il s’assura à deux fois que la rangée de pierre posée autour du feu était assez solide pour ne pas bouger. Il voulait principalement éviter de mettre le feu à toute la région par inadvertance. Rassuré, il entreprit alors d’allumer le feu. Balco resta attentif au moindre geste de l’elfe. Homelf se contenta d’un claquement de doigts !
Les brindilles prirent feu d’un seul coup. Balco écarquilla les yeux ! La surprise était totale. Il s’attendait à plusieurs événements possibles, mais il n’avait rien envisagé de tel. Ses yeux restèrent fixés sur les flammes qui crépitaient. Elles étaient apparues soudainement et sans effort elles avaient pris de l’ampleur. Les yeux de Balco étaient lumineux par l’effet des flammes qui se reflétaient, mais également du fait de son étonnement. Les flammes avaient pris consistance comme par magie ! Et c’était bien là le phénomène responsable… la magie !
Balco détourna ses yeux du feu pour dévisager Homelf. Son air surpris amusa Homelf qui afficha un large sourire. Homelf n’eut pas besoin que Balco pose de questions, son visage transpirait de toutes les interrogations qui envahissaient son esprit. Un sourire amical sur le visage et employant un ton doux à l’opposé de ses discours de la journée, il répondit à Balco :
« Mon métier est d’être un garde de l’Empire, souffla Homelf avec honnêteté. Mais je ne peux renier mes origines. Mon côté elfique m’a accordé la connaissance de la magie. Ma mère est une lanceuse de sort elfique. Une genat si on utilise le bon terme. J’aurais pu passer à côté de mes capacités, mais Taruis me les a fait découvrir. C’est le déclic qui m’a incité à le rejoindre. Je ne le regrette pas. Nourri et payé par l’Empire. Et un peu de magie pour accommoder le reste de mon existence. Une vie bien tranquille et des plus heureuses.
— Tous les elfes sont magiciens ? Questionna Balco.
— Pas du tout, affirma Homelf. Les elfes ont une probabilité plus importante que les humaines de posséder la magie. Mais cela reste rare même chez les elfes.
— Vous ne pourriez pas espérer un peu mieux qu’un poste de garde pour l’Empire avec votre magie ? Ajouta Balco.
— En théorie, je le devrais, soupira Homelf. Vu mes capacités magiques, je serais en droit de passer les tests pour devenir un garde spécial ou un garde d’élite. Mais mon origine à moitié humaine et elfique me ferme beaucoup de portes avec l’Empire. J’ai tenté, mais devant ce mur supplémentaire par rapport aux autres candidats, j’ai préféré renoncer. Je n’ai aucun remords, sur mon choix aujourd’hui, je suis bien mieux au service de Taruis, plutôt que de servir l’Empire à faire des tours de garde dans une cité. J’ai même un temps espéré devenir chevalier de l’Empire. Mais quelle hérésie aux oreilles de l’Empire . Comment un elfe serait en droit de revendiquer ce statut ? Les choses ont bien changé, à l’époque de l’empereur Sylvain 1er la situation aurait été tout autre. Il n’y aurait pas eu un tel rejet de ma nature elfique.
— C’est regrettable, souligna Balco.
— Oui, mais nous n’y pouvons rien, exprima Homelf. Je me suis résigné. Après tout garde pour le magicien Taruis est un très bon poste. Taruis n’a que faire de mes origines elfes ou humaines, il ne s’intéresse qu’à mes capacités.
— Je ne l’ai croisé que rapidement, dit Balco doucement. Il semble avoir un grand cœur.
— Taruis ? S’exclama Homelf. Il n’a pas la même mentalité que l’Empire. Son esprit est libre de toute marque de considération… »
Homelf et Balco le regard rivé sur le feu crépitant juste devant eux continuèrent de discuter du magicien pendant quelques minutes. Cette discussion permit à Balco de découvrir un peu mieux Taruis. Il ne l’avait croisé qu’une fois lors de son réveil. C’était bien insuffisant pour se forger une idée de la personne. Le portrait que lui dressa Homelf l’impressionna au plus haut point. Il avait rencontré un homme bien. Il tardait à Balco de pouvoir le croiser de nouveau.
Le fil de la discussion se poursuivit revenant au premier sujet : l’Empire. Homelf avait un avis très tranché à ce sujet. Balco était plus partagé, l’Empire était un modèle de son enfance, il n’arrivait pas à le remettre en question. Homelf en avait une piètre opinion, mais Balco comprenait d’où provenait cette rancœur. Leurs ventres affamés vinrent leur rappeler qu’ils devaient manger s’ils voulaient poursuivre leur marche le lendemain.
Ils s’installèrent un peu plus confortablement autour du feu généré par magie. Homelf indiqua à Balco qu’il avait dans son sac une pile de biscuits qui ferait son bonheur pour le repas du soir. Balco sourit naïvement. Cela lui semblait risible que quelques biscuits puissent assouvir la faim qui le tiraillait. Il avait dépensé plus que d’habitude au cours de cette journée, il se sentait prêt à manger un poulet entier à lui seul.
Ils sortirent les petits biscuits présents dans leur sac à dos. Balco croqua dans l’un d’entre eux. La saveur du biscuit était inimaginable. Le biscuit fondit dès qu’il entra en contact avec sa langue, pourtant le goût resta un long moment dans sa bouche avant de s’évanouir peu à peu. Balco mangea trois biscuits, puis il se sentit rassasié !
Il était pourtant persuadé qu’il aurait dévoré tout le paquet de biscuits dès ce premier repas. Il plaça la situation sous le signe de la fatigue. Il avait tellement marché que même son estomac n’avait plus la force de travailler. Pourtant, il ne pouvait s’agir que de ça. Il avait bel et bien l’impression d’être plein et d’avoir réalisé un repas complet. Sans questionner Homelf à ce sujet, il imagina que les biscuits devaient contenir une parcelle de magie. Ce n’est pas la peur de poser la question, mais la fatigue qui le freina. Il s’allongea sur le sol pour observer le ciel totalement noir présent au-dessus d’eux.
Ses paupières frémirent. Il résista encore quelques secondes, avant d’abandonner. Ses yeux se refermèrent et il sombra en quelques secondes dans un profond sommeil. La journée avait été particulièrement éprouvante, son corps avait besoin de repos.
Homelf esquissa un léger sourire attendri. Il s’occupa de rabattre une couverture au-dessus de Balco pour qu’il ne prenne pas froid au cours de la nuit. Homelf resta assis à observer le feu rougeoyant pendant plusieurs minutes. Il mâchouilla des brins d’herbe en patientant. Lui aussi était fatigué par cette longue journée. Mais pas autant que Balco, quelques heures de sommeil lui feraient le plus grand bien. Mais il veilla sur le campement encore plusieurs minutes.
Ses paupières commencèrent à se faire lourdes lorsque l’événement qu’il attendait se produisit enfin. Taruis apparut face à lui. Son corps était juste au-dessus du brasier brûlant. Homelf se retint de rire. Il savait que ce n’était pas Taruis, mais uniquement une image projetée afin de pouvoir communiquer. Mais tout de même, le magicien avait matérialisé son image magique à une place insolite. Taruis baissa les yeux et comprit l’amusement de Homelf lorsqu’il vit ses pieds se fondre dans la couche de braise.
« Heureusement que ce n’est pas ma personne qui est ici, s’amusa Taruis. J’aurais pris des couleurs plus vite que voulu. Tâchons de faire court Homelf. Il est tard et nous avons tous les deux biens à faire.
— Le garçon est surprenant, commença Homelf. Avec la marche d’aujourd’hui, il aurait dû tomber à genoux au bout d’une heure et supplier que nous prenions des pauses régulières. Il a serré les dents. Son courage et sa détermination ont fait le reste.
— Intéressant, souligna Taruis. Tâche de le ménager, tout de même. Il est potentiellement trop précieux pour que l’on se joue de lui impunément.
— C’est ce que je pensais faire, dit Homelf. Une marche plus lente et peut-être quelques pauses pour discuter, ainsi que lui enseigner quelques rudiments du maniement d’une épée.
— Ça ne peut pas être inutile, approuva Taruis. Je vais te laisser. Je surveillerais votre progression régulièrement. Tâche de faire attention dans la forêt du grand maître. Plusieurs rapports me font mention d’escarmouches entre des patrouilles de l’Empire et une bande de voleurs. Certainement que ses voleurs ont décidé de traverser la forêt ou de s’y réfugier pour un temps.
— Je vais faire mon possible pour les éviter, commenta Homelf. Le garçon n’est pas prêt pour un affrontement. Déjà, le dissimuler silencieusement devrait être un défi qui lui demandera toute sa concentration. Je vais avoir du mal à me battre et à le protéger en même temps.
— Tu devras le protéger quoiqu’il t’en coute, gronda Taruis. Ce gamin est plus important que tout. Plus que ta propre vie ! Je sais que cela semble cruel à tes oreilles, mais nous devons l’emmener chez le grand maître et en vie.
— Je l’ai bien compris, mon cher Taruis, dit Homelf. Et je vais m’y employer. Fais une bonne chasse au nécromant pendant ce temps.
— Lichn n’est pas une proie que l’on peut capturer aisément, grimaça Taruis. J’ai la sensation qu’il m’échappe encore. »
L’image de Taruis devint floue puis disparut complètement. Homelf resta, encore quelques minutes, pensif. Il marcha tout autour du campement pour observer un horizon noir, à la recherche d’un signe de mouvement. Rassuré, il revint près du feu et s’endormit à son tour. Il garda son épée proche de lui au cas où il en aurait besoin au cours de la nuit.
Les deux jours suivants furent beaucoup plus calmes comme l’avait prémédité Homelf. La marche fut moins intense, les pauses plus nombreuses et longues. Balco apprécia le geste, car il ne voyait pas comment il aurait pu tenir une telle cadence sur plusieurs jours. Balco était toujours fatigué, assez pour ne pas bavarder durant des heures. De toute manière, il préférait écouter les histoires que lui contait Homelf. Il lui tardait que son compagnon de route évoque l’histoire des héritiers, car il souhaitait comprendre ce que l’on attendait de lui. L’obscurité venait de prendre le pas sur la lumière lorsqu’ils terminèrent d’installer leur campement pour une troisième nuit.
Homelf resta un long moment les yeux rivés dans les contrées lointaines que la nuit dissimulait. Soudainement, il baissa les yeux vers le feu en poussant un léger soupir de soulagement. Balco se redressa un peu. Intrigué par les gestes de méfiance et d’inquiétude de Homelf. Il l’observa quelques secondes et sentant que Homelf ne l’avait pas remarqué il lui adressa la parole : « Que se passe-t-il ? Nous allons au-devant de graves problèmes ?
— Je ne sais pas exactement, indiqua Homelf en grommelant légèrement. Je ressens une présence non loin de nous. J’ai bien tenté de l’identifier à plusieurs reprises. Je parviens à peine à sentir ses déplacements. Impossible de déterminer plus que cela. Il n’y a rien d’inquiétant pour l’instant, mais croiser une créature douée pour la dissimulation, c’est étrange. Je vais continuer à l’épier et à souhaiter qu’elle ne nous suive pas. Ma seule certitude c’est que cette créature est solitaire. Elle se déplace rapidement et se camoufle d’une manière efficace. Le fait qu’elle soit solitaire est déjà rassurant. À la vue de ses déplacements, je ne peux pas imaginer que ce soit une créature de Lichn ou d’une autre entité des ténèbres. Ces immondices de la création laissent des marques et des indices bien plus flagrants de leur passage. Et puis ce n’est pas spécialement dans leur habitude d’avoir des éclaireurs solitaires.
— Vous… Coupa Balco pour le questionner. Vous pensez que cela pourrait être une patrouille de l’Empire ?
— Non ! Répondit sèchement Homelf après s’être accordé un instant de réflexion. Il ne peut pas s’agir de l’Empire. Je connais leur façon de procéder. Ils ne se déplacent pas seuls, même pour un éclaireur. Il y en aurait un deuxième non loin. La seule exception serait la fuite, dans aucun autre cas un garde ne peut se retrouver seul.
— Le cas d’une fuite ne peut pas être envisagé ? Questionna Balco.
— Je n’y crois pas, clama Homelf. La présence que j’ai décelée ne semble pas fuir. Je dirais qu’elle est plutôt curieuse de savoir ce que nous sommes. Et elle nous suit. Elle a dû nous détecter au cours de la journée et nous aura suivis depuis. Maintenant, chacun cherche à savoir qui est l’autre.
— Je peux dormir sur mes deux oreilles ? Demanda Balco.
— Change rien à tes habitudes, dit avec une pointe d’ironie Homelf. Dors tranquillement. Je n’ai pas la sensation que cette créature cherche à nous nuire. Si elle l’avait voulue réellement elle aurait pu nous tendre une embuscade depuis longtemps. Nous n’avons pas été des plus discrets dans la journée, même en passant par des chemins peu pratiqués. Nous sommes juste observés, reste à savoir pour combien de temps encore.
— Cette présence n’est pas une menace ! Répéta Balco doucement pour se convaincre lui-même. Vous pouvez alors… enfin… peut-être… me parler de moi-même. Du moins ce que je suis censé représenter selon le grand maître.
— Bien sûr… bien sûr ! Déclara Homelf en riant doucement. Je l’ai promis. Je n’ai aucune raison de ne pas tenir parole. Surtout que cette promesse est des plus faciles à respecter. Nous avons déjà fait une longue route depuis que nous avons quitté ton village. Vous avez le droit de savoir ce qui vous a fait prendre ce chemin.
— Parfait, je vous écoute, dit Balco avec un large sourire. »
Balco s’installa de manière plus confortable en restant à proximité du feu crépitant. « Je ne suis pas un grand conteur et je ne pourrais te raconter que ce que je connais de cette légende. Autant le dire tout de suite, c’est bien peu de chose, je ne le crains, commença Homelf. Le grand maître pourra vous en dire plus que moi. Quoi qu’il en soit, voilà ce que je connais de l’histoire. Ce que j’ai pu en retenir… »
Homelf s’installa en tailleur face à Balco. « Cette légende remonte quelques milliers d’années en arrière. Nous sommes juste après l’apparition de la première créature des ténèbres sur Sulder. Ainsi dans les premières années de notre calendrier actuel, bien avant que les deux puissants empires de l’époque ne se lancent dans un conflit fratricide. À savoir : l’empire des mores et l’empire suprême. Des temps anciens et reculés pourtant tout aussi dangereux que la période que nous connaissons aujourd’hui. À cette époque donc, un être vivait sur Sulder ! »
Homelf se mit à rire nerveusement. Il lui fallut quelques dizaines de secondes pour reprendre ses esprits. Balco incrédule avait tout de même un visage lumineux de bonheur à partager un moment joyeux avec Homelf.
« Pardon, mais je trouvais mon introduction fort ridicule, expliqua Homelf avec quelques larmes brillantes au coin des yeux. Le pauvre gars tout seul sur Sulder et pas une autre âme à qui parler. Non vraiment, c’est pitoyable comme présentation. Reprenons, comme je voulais le préciser avant de rire de l’image du gars solitaire. Sulder était une planète bien peuplée et il vivait à ce moment-là un être extraordinaire. Il était doté de pouvoir incroyable et de capacité surhumaine. Je rajouterais même le superlatif surelfique ! »
Balco s’amusa de la comparaison. « La légende ne dit pas d’où il venait, comme s’il avait toujours été là. Les exploits qui lui sont accordés feraient de lui un être plus puissant que Rouge. Peut-être même supérieur à tous les aigles réunis. Ni accordons pas trop d’importance, il est habituel que les légendes aient tendance à enjoliver plus que nécessaire la réalité. Et cette accentuation perdure, voir s’amplifie, au fil des générations et des conteurs.
— Je suis d’accord, fit remarquer Balco quelque peu dubitatif. Je m’imagine mal qu’il est possible de surpasser Rouge !
— Possible ! Signala Homelf. Cela dit, cet être particulier se faisait appeler l’aigle blanc ! La coïncidence semble tirer par les cheveux, mais n’oublions pas qu’à cette époque les aigles de feu n’étaient pas réapparus sur Sulder. Il serait étrange que ce nom ne soit que le fruit du hasard. L’aigle blanc se fit remarquer en ce temps-là, car il combattit les créatures des ténèbres et il en laissa bien peu en vie. Dans ces premières années d’apparition des forces des ténèbres, Sulder eut la chance d’avoir un protecteur efficace. La planète fut épargnée du terrible fléau qui s’éveillait. L’aigle blanc protégea Sulder sans que ses habitants en prennent véritablement conscience. Il avait atteint un tel niveau de savoir et d’expérience qu’il était invulnérable à toutes les créatures qui foulaient le sol suldurien. Cette situation ne dura pas malheureusement, sinon nous vivrions dans un monde en paix. Pour une raison que seul l’aigle blanc connaît, il a dû quitter Sulder pour une destination lointaine. Curiosité, recherche de connaissance ou de puissance, nous pouvons que le supposer. S’il était de la même veine que Rouge, cela semble des plus logiques. Ne sachant la raison, nous retiendrons surtout que l’aigle blanc quitta Sulder. Juste avant de partir, la légende laisse entendre qu’il voulut laisser à Sulder une chance de continuer à survivre aux ténèbres durant son absence. Je ne sais pas par quel procédé ou miracle, mais on lui attribue la création d’une trentaine de nouvelles espèces. Pour chacune d’elle, il façonna un être considéré comme supérieur. Ce dernier supposément devait détenir une des capacités de l’aigle blanc. Les trente élus ainsi engendrés furent nommés : les héritiers de l’aigle blanc !
— Et moi ! Je serais l’un d’entre eux, s’exclama Balco avec surprise.
— Taruis semble le croire en tout cas, indiqua Homelf. Seul le grand maître pourra le confirmer.
— Sans vouloir vous vexer, ça me semble improbable, ajouta Balco avec un doute dans le timbre de la voix. Déjà je ne suis pas né à cette époque. Si c’était le cas, je serais encore plus ancien que le grand maître ! Or je suis bien né en 4215 et non quatre mille ans plus tôt. Ensuite, je ne suis pas une nouvelle espèce ! Je suis un simple humain pour une nouveauté c’est tout de même limité ! »
Homelf toussota en se grattant la tête. Il passa longuement sa main droite dans ses cheveux blonds en réfléchissant. Il revint fixer Balco du regard avec un sourire sur les lèvres. Balco ne vit que les yeux bleus de Homelf, brillant d’un éclat particulier sous l’influence des flammes dansantes du feu de camp.
« J’ai l’impression de me revoir, complimenta Homelf. J’ai eu la même réaction que toi lorsque le grand maître m’a fait part de cette légende la première fois. Bien que je n’avais pas l’argument humain à lui opposer à ce moment-là. Pour moi aussi, il y a de nombreuses lacunes et incohérences dans cette légende. Pour être totalement honnête, j’ai encore aujourd’hui du mal à croire que c’est réel. Je la considère plus comme un conte pour les enfants. Je vais revêtir le rôle de celui qui doit te convaincre de sa véracité malgré tout. Déjà je pense que nous allons nous mettre d’accord sur un point. Cette légende à plus de quatre mille ans. On peut très fortement supposer que les décennies ont lentement déformé les contours de cette histoire. Voir même dénaturer totalement certaines parties.
— Je suis d’accord sur ce point, indiqua Balco en hochant doucement la tête de bas en haut. Il y a obligatoirement une idéalisation de cette histoire qui fut faite par les conteurs. Et cela, sans malice de leur part.
— Nous sommes déjà d’accord sur ce point, souligna Homelf. Cette légende est donc à prendre avec du recul et de la retenue. Surtout ne pas la prendre au pied de la lettre, ce ne serait qu’une aberration. Comme j’ai eu les mêmes interrogations que toi quand le grand maître m’a conté cette légende, je vais tenter de me souvenir de l’explication farfelue qu’il m’avait fournie.
— Farfelue ! S’étonna Balco.
— Oui, farfelue, commenta Homelf. Car plus je cherche à défendre cette légende et moins j’y crois moi-même ! Désolé de projeter mon scepticisme sur cette légende, cela ne doit pas aider. Plus je cherche à comprendre et moins la crédibilité de cette légende me semble plausible. Rien que cette histoire, selon laquelle l’aigle blanc a créé de nouvelles espèces. J’y accordais une véracité modérée jusqu’à présent. Bien que dans ton cas, j’ai encore plus de doute. Si c’était l’aigle blanc qui avait créé les humains, je pense que c’est le genre de chose que l’on aurait découvert depuis longtemps.
— Et si on enlevait cette partie de la légende, remarqua Balco. On considère que c’est un ajout du temps. On repart avec une nouvelle hypothèse : l’aigle blanc n’a pas créé de nouvelles espèces, mais il a juste utilisé les espèces vivant sur Sulder à cette époque-là pour donner naissance à ses élus !
— Pas mal, remarqua Homelf en claquant des doigts. Nous divaguons peut-être, mais au moins on avance. Ça me semble judicieux de repenser l’histoire de cette manière. L’aigle blanc avait selon la légende des connaissances supérieures à ceux de son temps. Il aurait donc pu altérer des espèces existantes. On ne parle plus de création, mais uniquement de modification. Ce qui est soudainement bien plus probable. Continuons sur cette voie, ta clairvoyance va peut-être dissiper les zones d’ombres de cette légende.
— Pourquoi pas ? indiqua Balco incrédule. Je ne sais pas si cette méthode nous mènera quelque part. Mais au moins, nous comprendrons quelque chose.
— Tout à fait ! Clama Homelf. Si j’ai de bons souvenirs des indications du grand maître, les héritiers de l’aigle blanc auraient la faculté de revenir à chaque génération. Je vais certainement m’aventurer sur une fantaisie, mais ce sera pour illustrer mon propos. Supposons qu’il existe un héritier elfe. Même si les elfes ont une durée de vie supérieure à celle des humains, nous finissons par mourir nous aussi. Le premier héritier elfe à sa mort va transmettre son héritage ! Pas de liens de famille ou autre, l’un des futurs bébés elfes à naître dans les semaines ou mois à venir va obtenir cet héritage. Rien n’est encore prouvé à ton sujet, mais s’il s’avère que tu es bel et bien un héritier. Il est fort probable que tu sois le centième, ou même plus, héritier humain ayant foulé le sol de Sulder. Tes prédécesseurs n’ont simplement pas eu la chance d’être détectés. Ils ont vécu une vie normale sans même prendre conscience des facultés exceptionnelles dont il aurait pu disposer.
— C’est peut-être mieux pour eux, souffla Balco. Je ne suis pas spécialement préparé à devenir un héritier. Le vivre dans l’ignorance aurait été plus facile. Mais je comprends mieux pourquoi il y aurait une chance pour que je sois un héritier même en étant jeune. Même si je ne comprends pas le mécanisme de transmission de cet héritage.
— Je ne la maîtrise pas plus que toi, dit Homelf. Je ne suis pas certain que cela nous intéresse réellement de toute manière. Le plus étrange dans tout ça, c’est que depuis quatre mille ans que ces héritiers sont censés exister parmi nous, pas un seul n’a été découvert.
— Sauf moi, bougonna Balco. Il faut qu’il y ait un pauvre gars pour se faire remarquer et forcément ça tombe sur ma pomme ! »
Homelf se mit à rire de la remarque de Balco ce qui entraîna l’hilarité de ce dernier également. Ils rirent gaiement pendant une bonne minute avant de reprendre avec difficulté leur sérieux.
« Nous en sommes tous deux au même point, enchaîna Homelf. Nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend. Cette légende nous tombe dessus. On ne sait qu’en faire ni qu’en penser. Et nous allons très vite nous retrouver limités dans nos théories fumeuses. Je vous laisserais questionner le grand maître pour plus de détails. De mon point de vue, j’ai encore besoin d’avoir la certitude que vous êtes l’un des héritiers de cette légende, car j’ai du mal à y croire. Une légende qui parcourt les millénaires sans jamais prouver sa validité au cours des temps… C’est difficile de lui accorder le moindre crédit.
— Vu que cette légende vient de la bouche du grand maître, cela lui accorde un crédit non négligeable, fit remarquer Balco.
— J’ai beaucoup de respect pour le grand maître, expliqua Homelf. Et même une grande admiration pour tout ce qu’il a pu apporter à notre planète par le passé. Mais sur cette légende, j’ai la sensation que son grand âge finit par lui jouer des tours. Il commence peut-être à devenir sénile.
— Le grand maître sénile ! S’écria Balco estomaqué. Il trembla rien qu’à l’évocation de cette idée.
— Il ne l’est pas du tout, confia Homelf avec un ton d’apaisement. C’était une façon de parler, si vieux soit-il, il a encore bien toute sa tête. Mais il a beau être ce qu’il est et ce qu’il fut, cette histoire d’héritier me semble trop étrange et irréelle. Je vais continuer d’aduler le grand maître. Il peut bien faire ce qu’il veut aujourd’hui, cela ne remettra jamais en question tout ce qu’il a déjà fait. J’attendrais patiemment qu’une preuve tangible prouvant l’existence de cette légende arrive sous mes yeux. Ce sera peut-être vous Balco ! Vous qui par votre existence prouverez qu’il y a une parcelle de vrai. Reprenons le cours de la légende, je n’ai pas terminé !
— Elle n’est pas finie ? S’étonna Balco.
— Pas du tout, s’esclaffa Homelf. Je pensais faire l’impasse sur cette partie de la légende. Mais vu que nous sommes partis pour divaguer autant y aller jusqu’au bout. Attention, accrochez-vous bien ! Nous allons tomber sur la partie la plus déjantée de la légende. Cela nous donnera certainement l’occasion de rire un bon coup.
— Je vous écoute, dit Balco. Je ne peux croire que cela soit aussi extravagant.
— Je me contenterais de vous conter, indiqua Homelf. Je vous laisserais juger. L’aigle blanc a donc créé les héritiers pour assurer le destin de Sulder durant son absence. Mais il a également préparé une prophétie afin de le ramener sur Sulder en cas de nécessité. L’aigle blanc aurait laissé ces propos : " Tout mon savoir et mes techniques sont enfermés sur Sulder. J’ai lié mon destin avec celui de la planète. Tant que je vivrai, Sulder vivra, et réciproquement. Mon savoir ne doit pas être mis entre les mains de n’importe qui. C’est pour cela que celui qui trouvera le passage du temps devra y amener les vingt-trois aigletols. Chacun porté par l’un des vingt-trois héritiers à qui j’ai accordé la vie. Les boules sacrées seront positionnées en cercle entouré par les treize anneaux du mal. Alors seulement vous utiliserez les sept épées de la roche afin de briser les menhirs du temps qui ouvriront leur gueule. Les sept pommes de la lumière lancées dans les menhirs au même instant. Alors, le temps s’arrêtera ! Dans un grondement apocalyptique, le savoir déferlera sur la planète la plongeant dans un bonheur illimité et me ramènera de mon voyage pour le bien de tous. La légende s’achève ici.
— Ben, voyons ! S’exclama Balco avec surprise. Il voulait vraiment revenir sur Sulder ou simplement se moquer du monde ? »
Homelf éclata de rire une fois de plus en écoutant Balco et se laissa tomber en arrière pour rire à gorge déployée. Balco se mit à rire à son tour. « Je suis heureux de constater que je ne suis pas tout seul à trouver cette légende farfelue, dit Homelf en se calmant. Je crois bien qu’il n’est pas astucieux de prendre cette légende aux pieds de la lettre.
— Ce serait une pure folie de réunir tous les éléments de cette prophétie, signala Balco. Personne ne peut vivre assez longtemps pour y parvenir. Pas même le grand maître.
— Exact, commenta Homelf. Et pire encore, nous ne savons pas s’il ne manquerait pas des éléments. On peut facilement imaginer que cette légende transmise de génération en génération fut embellie au fil du temps, mais on peut aussi supposer que certains détails furent éludés.
— Les fondations de cette légende ne sont pas stables, dit Balco. Je commence à comprendre que de me donner le titre d’héritier d’une vieille légende ne signifie peut-être rien !
— Possible… Possible, constata Homelf. Pour cette partie-là, je laisse le grand maître agir. Il en sait plus sur cette histoire et il posséderait quelques écrits de cette époque. À défaut de devenir un héritier de légende, vous pourrez toujours être un apprenti du grand maître.
— Apprenti du grand maître ! S’étonna Balco. Je n’avais pas vu ça comme cela… Mais cela me plaît bien.
— Ce n’est pas donné à tout le monde, indiqua Homelf. Mais ce sera là moindre des choses pour vous avoir fait miroiter une vie fantastique.
— Rencontrer le grand maître est déjà en soi fantastique pour un ancien gardien de cochon que je suis, déclara Balco.
— Je dois le reconnaître, c’est une belle rencontre qui vous attend, commenta Homelf.
— Il y a un détail qui m’échappe tout de même ! Déclara Balco. Au début de l’histoire, il est fait mention que l’aigle blanc a créé trente héritiers. Or par la suite dans l’énoncé ubuesque de sa prophétie, il n’y en a plus que vingt-trois qui sont évoqués.
— Oui ! Parfaitement exact ! Répondit Homelf avec un sourire en coin. J’ai formulé la même remarque au grand maître lorsqu’il m’a raconté la prophétie pour la première fois.
— Nous avons tous deux identifié l’incohérence des chiffres, commenta Balco. Que vous a répondu le grand maître ?
— Une théorie un peu trop simpliste, mais qui donne une explication de ce décalage, indiqua Homelf. D’après le grand maître, l’aigle blanc ne pouvait pas être un être parfait. Il ne pouvait pas représenter le bien. Même Rouge ne l’était pas. N’étant pas le bien incarné, il devait être soumis à une certaine forme d’équilibre. Ainsi, il ne pouvait pas créer des héritiers destinés à servir la cause du bien, sans devoir également engendrer des serviteurs du mal. L’équilibre des deux forces devant être respecté.
— C’est une théorie, dit Balco. Mais cela n’explique pas encore l’écart de chiffre.
— J’y viens, indiqua Homelf. Suivant cette voie d’équilibre, l’aigle blanc aurait créé trente héritiers, mais il y en a uniquement vingt-trois qui sont de bons héritiers ! Les autres sont de mauvais héritiers. Dans la prophétie, il ne ferait référence qu’aux bons héritiers qu’il avait créés.
— Ça tient la route, dit Balco. Pourquoi n’a-t-il pas tué immédiatement les mauvais héritiers après leur avoir donné la vie ?
— Qui dit qu’il ne l’a pas fait, indiqua Homelf. Nous ne savons pas grand-chose sur les héritiers. Nous ne sommes même pas encore certains de leur existence.
— Comme tout le reste, c’est assez flou, commenta Balco.
— C’est bien ma conclusion aussi, dit Homelf. Cette histoire est bien jolie, mais sa véracité reste à prouver. Il est tentant de trouver le moyen de ramener un aigle sur Sulder. Ce rêve ne doit pas nous masquer la réalité. Pour le moment cette légende est trop ancienne et nous n’avons pas toutes les réponses à nos questionnements. Même les plus simples.
— Si nous avions déjà les réponses, nous ne serions pas ici aujourd’hui, déclara Balco. Nous ne pouvons qu’espérer que l’avenir nous les apporterait et que nous ne serions pas toujours dans le même doute.
— C’est tellement vrai, signifia Homelf. C’est même pour cela que j’ai douté du grand maître. Cette histoire tarde à apporter les preuves tangibles de son existence. Vous pourrez certainement en discuter avec le grand maître, il aura plus de réponses que moi à vous offrir.
— Si j’ose lui poser la moindre question lors de notre rencontre, dit Balco tout intimidé.
— Oh! … je comprends, dit Homelf en souriant grandement. Je fus moi aussi très impressionné lors de ma première rencontre avec cet être millénaire. Je suis passé pour un idiot. Je pense que j’ai dû rester plus d’une heure devant lui sans arriver à articuler le moindre mot. C’est ridicule avec le recul et l’accumulation des rencontres. Malgré tout, le grand maître est une telle icône sur Sulder, qu’il est bien normal d’être impressionné. Il ne vous en tiendra pas rigueur, il est habitué à ce genre de réaction. Vous ne serez pas le premier à rester sans voix et certainement pas le dernier. Le grand maître est une personne extraordinaire et le connaître en personne est un privilège.
— J’en ai bien conscience, dit Balco avec un timbre de voix toujours intimidé. Je n’aurais jamais cru que je pourrai le croiser… Il y a encore quelques jours, je vous aurais pris pour un fou de m’annoncer un tel événement. Aujourd’hui ça semble toujours être une folie, d’autant plus que je n’y vais pas que pour le rencontrer, mais surtout pour lui apporter une contribution dont je ne saisis pas encore toutes les implications.
— Ne redoutez pas cette rencontre, tu as du temps pour y être, dit Homelf se voulant rassurant. Vous parviendrez à adapter vos réactions en sa présence. Il a beau être ce qu’il ait. Il faut que vous gardiez à l’esprit que c’est un homme très ouvert et qui aime connaître et côtoyer le plus de gens possible. Il a l’habitude de ce genre de rencontre. Je ne doute pas une seconde qu’il fera le nécessaire pour vous mettre à l’aise.
— Souhaitons qu’il y parvienne ! Exprima Balco.
— Nous continuerons cette discussion demain si vous voulez bien. Nous avons eu une longue journée. Un peu de repos va nous être bénéfique. Demain une nouvelle journée de marche nous attend. Nous devrions atteindre l’orée de la forêt du grand maître si nous ne prenons pas de retard
— Bonne nuit Homelf, glissa gentiment Balco en prenant la légère couverture vert feuille de son sac à dos. Merci d’avoir pris un peu de temps pour m’expliquer cette légende et prophétie. »
Balco trouva le sommeil rapidement en tenant serrée la couverture contre lui. Ce n’était pas la première nuit où il dormait à même le sol. Mais ce fut la première où il eut le temps de penser. Les nuits précédentes, sa fatigue était trop importante. Sa nuit fut agitée et perturbée par le visage de ses parents qu’il ne reverrait plus… avant de revoir les crânes des squelettes de Lichn attaquant son village natal. Ce qui le fit sursauter plusieurs fois au cours de la nuit.
Homelf passa la nuit dans un semi-repos. Observant et écoutant à la recherche d’une présence. Il surveilla également Balco dans son sommeil. Il était un peu attristé de le voir bouger autant dans son sommeil. Toutefois, il comprenait bien que cette nouvelle vie qui lui arriver sans prévenir le perturbe. Il lui faudrait, certainement, plusieurs semaines, ou peut-être des mois, pour s’y habituer. Si l’on peut s’habituer à être un héritier d’une vieille légende. Homelf resta à côté du feu dans une chaude couverture vert pâle et fit en sorte que le feu reste à l’état de faible braise durant toute la nuit. Malgré toute son attention, il ne parvint pas à découvrir la présence de la créature qui les avait suivis pendant la journée. Elle s’était éloignée ou avait décidé de changer de proie.
La nuit laissa sa place à une nouvelle journée. Balco était plongé dans un profond sommeil, lorsqu’il sentit la main d’Homelf le secouant légèrement pour le réveiller.
Le soleil du jour venait de montrer ses premiers rayons au-dessus des hautes herbes des prairies. Une forme rouge orange monta lentement pour éclairer toute la région. Les ténèbres s’évaporèrent petit à petit laissant place à la lumière. La verdure environnante rayonna de beauté. Des centaines de couleurs étincelèrent de tout côté. La rosée du matin fournit au soleil une amplification de sa splendeur.
Homelf ne se laissa pas éblouir par la beauté de la nature. C’était une atmosphère devenue la routine de sa vie. Il avait déjà rangé toutes ses affaires et faisait signe à Balco d’accélérer un peu son réveil. Balco était émerveillé. C’était le bon côté de dormir dans la nature, les réveils devenaient magiques. Il profita de l’environnement tout en préparant son paquetage. Homelf fit en sorte d’éteindre le feu qu’il avait créé en le piétinant. Puis il éparpilla les cendres dans les feuillages au alentour, en prenant grand soin de surveiller qu’il n’était pas en train de déclencher un incendie.
Balco termina de plier sa couverture et de la ranger dans son sac. Il eut à peine le temps de mettre son sac à dos sur ses épaules que Homelf commença déjà à suivre le sentier. Homelf avança d’un pas vif, Balco grimaça. Il avait l’impression d’être retourné à sa première journée avec Homelf. Il n’en était rien, c’était juste le réveil brusque. Ses muscles n’étaient pas encore éveillés. Après quelques centaines de mètres, tout rentra dans l’ordre et la sensation de vitesse s’estompa.
Balco avança sereinement derrière Homelf et en profita pour grignoter quelques biscuits. Les muscles chauds, ainsi que le ventre plein. La journée s’annonça sous de bons auspices. Homelf accompagna Balco dans son petit déjeuner en croquant lui aussi dans quelques biscuits. Malgré l’impression laissée par le début de cette journée, elle fut particulièrement pénible !
Des petits marécages leur firent faire de nombreux détours. Le tracé du sentier était quasiment inexistant. Homelf ne se laissa pas impressionner par ce secteur marécageux. Il indiqua un chemin praticable à Balco. Ils finirent par atteindre ce qu’ils cherchaient : la forêt du grand maître. Une majestueuse forêt se dressa devant eux. Des milliers de sapins fermant leurs branches sur un monde plus sombre, où la lumière du soleil y était diffuse.
Homelf s’enthousiasma d’atteindre la forêt du grand maître. Ils avaient encore du chemin à parcourir au cœur de cette forêt pour rejoindre le perron de la demeure du grand maître. Néanmoins, Homelf comptait sur la forêt pour les aider. Elle allait leur permettre de se déplacer avec un risque amoindri de se faire remarquer. Et ils auraient plus de facilité à détecter un éventuel suiveur dans un environnement qu’il maîtrisait mieux. Balco fut subjugué par cette grande forêt qui se dressait devant lui. Il n’eut pas le temps de réfléchir et pénétra à l’intérieur pour ne pas perdre de vue Homelf qui commençait à s’engager entre les sapins.
Homelf ne souhaitait pas perdre de temps. Plus vite ils s’éloigneraient de l’orée de la forêt, plus vite ils pourraient disparaître de la vue des curieux. Il connaissait bien les grands sentiers menant jusqu’à la demeure du grand maître, mais il préféra opter pour les chemins plus discrets. Il devait amener Balco jusqu’à la demeure du grand maître et il le ferait.
Ensuite, il pourrait rejoindre Taruis pour continuer la chasse au nécromant. Au départ de cette mission, il souhaitait se débarrasser au plus vite de ce gamin. Mais les quelques jours de marche et leur longue discussion au coin du feu l’avait attendri. Balco était plongé dans une histoire incroyable sans le vouloir. Il était gentil et intelligent. Il ne méritait pas qu’on ne s’occupe pas de lui. Il n’avait pas demandé qu’une légende lui tombe dessus.
Homelf n’était plus aussi pressé de se départir de Balco. Et puis en y réfléchissant, il devenait chaque jour un peu plus improbable qu’il fut en mesure de ralentir Lichn. Le nécromant avait une armée de plus en plus importante. Ils auraient besoin des élèves du grand maître pour obtenir un résultat. Mais pour revendiquer ses élèves, il fallait découvrir un héritier de cette légende ! Bien, des événements à venir commençaient, à dépendre de la présence de ce jeune Balco. Fort heureusement pour lui, il n’en avait pas conscience !
Quelques grands hêtres apparurent au fil de leur avancée dans la forêt. Disparate et perdu au milieu des sapins, leur nombre se fit plus grand au fur et à mesure, mais sans jamais faire disparaître la prédominance des sapins dans cette forêt. Le cœur de la forêt était plus lumineux et dégagé que les abords. Homelf observa la forêt d’un air soucieux en continuant d’avancer jusqu’à une petite clairière. Il s’arrêta à l’intérieur de celle-ci. La clairière était toute petite, à peine une dizaine de mètres de long pour un peu près autant de larges. Homelf indiqua à Balco qu’il allait faire une pause ici en déposant son sac au sol. Balco fit de même et se laissa tomber au sol trop heureux de prendre une courte pause. Homelf scruta les environs de ses grands yeux bleus en faisant disparaître son visage inquiet pour des expressions plus sereines.
« Pour le moment, je ne crois pas que nous soyons suivis, dit calmement Homelf en restant debout. Je ne pourrais le garantir complètement. Toutefois, je n’ai rien décelé d’anormal depuis que nous sommes entrés dans la forêt.
— C’est rassurant, indiqua Balco en s’allongeant sur l’herbe fraîche.
— Nous pourrons avancer plus en confiance pour les prochaines heures. Les troupes de l’Empire qui arpentent la forêt sont trop bruyantes. Ils ne sont pas suffisamment en alerte pour nous repérer. Je pense au contraire les remarquer avant eux et ainsi les éviter. En ce qui concerne notre suiveur inconnu, ne parvenant plus à repérer les rares bruits qu’il pouvait faire, j’en conclus qu’il n’a pas osé nous suivre dans la forêt. Nous allons en profiter pour faire une longue pause.
— Une longue pause ! S’étonna Balco.
— Je compte consacrer un peu de temps à votre initiation au maniement d’une épée, indiqua Homelf. Je souhaite éviter les problèmes. Mais le cas échéant, il serait préférable que tu saches quelques petites astuces. Cela pourra toujours te servir à l’avenir. Surtout sur notre planète Sulder, connaître la pratique d’une arme est loin d’être superflue.
— Il serait intéressant que je sois en mesure de me défendre, souligna Balco.
— Pour vous, comme pour moi, fit remarquer Homelf. Je n’ai jamais eu à protéger quelqu’un sans entraînement au cours d’un affrontement. Je crains de ne pas réagir comme il le faudrait au moment voulu. Est-ce que vous avez déjà eu l’occasion de manier une épée ?
— Oui, expliqua timidement Balco. Enfin si on peut appeler cela une épée… Je simulais des combats avec des bouts de bois que j’avais longuement taillé en forme d’épée... Je n’ai jamais eu l’occasion de faire de véritables combats.
— Hum ! … J’entrevois un peu la situation, dit Homelf en réfléchissant. Vous pensez connaître quelques bases du maniement d’une épée. Néanmoins, j’imagine votre niveau. Or, je ne souhaite pas faire d’erreur… C’est seulement les véritables combats qui font progresser. Je vous propose un petit combat contre moi pour estimer au mieux vos capacités dans ce domaine. À partir de là, je pourrais préparer une formation adéquate pour vous faire progresser »,
Balco acquiesça d’un mouvement de tête. Homelf tira son épée de son fourreau et la fit tournoyer un peu dans sa main en regardant Balco. Homelf attendit que son élève d’un jour empoigne son épée encore dissimulée dans son sac à dos. Homelf s’amusa de la situation. En cas d’attaque, Balco aurait été pris au dépourvu. Il lui fallut une bonne minute pour parvenir à extirper son épée de son sac. La moindre attaque surprise, Balco serait mort bien avant d’avoir eu le temps de mettre la main dessus. Homelf lui pardonna son imprudence. C’était une première leçon qu’il devait retenir. Il sermonna Balco pour qu’il fasse plus attention dorénavant. Ce manque de prudence pourrait lui jouer de mauvais tours. Sa faible expérience se comprenait… Mais il devait rapidement acquérir de bons réflexes.
Homelf avait parfaitement en tête que ce jeune garçon n’avait côtoyé que ses cochons durant son enfance et qu’il n’avait aucune conscience des dangers qui l’attendaient. Même s’il avait écouté de nombreuses histoires. Balco finit par empoigner son épée. Il la tint maladroitement entre ses deux mains. Il regarda Homelf avec un œil un peu craintif. Il s’approcha lentement de Homelf qui lui faisait signe d’attaquer le premier. Balco tenta une première attaque avec un mouvement de bras si aléatoire qu’il faillit se blesser lui-même. Homelf se mit à rire en effectuant une parade. Il envoya Balco valser au sol avec un léger coup de pied dans le ventre.
Balco se redressa, rapidement. Très vexé de se faire malmener aussi facilement. Il repartit à la charge de plus belle en cherchant à faire une feinte. Homelf ne fut pas surpris et il évita le coup d’un mouvement de corps. Balco chercha à enchaîner. Chacune de ses tentatives manquait de précision et de vitesse. Homelf se contenta de parer les nombreux assauts de Balco sans jamais attaquer une seule fois. Sauf pour le pousser au sol de temps en temps avec le pied ou une main. Balco tenta tout ce qu’il connaissait et tout ce qui lui passa par la tête pendant ce court combat.
Balco s’arrêta au bout de quelques minutes, il était transpirant et essoufflé. Alors que Homelf sautillait de droite à gauche le sourire aux lèvres sans pour autant chercher à se moquer de Balco. Il chercha au contraire à l’encourager. Ce combat était humiliant pour Balco, mais c’était un premier véritable affrontement pour lui. Il retiendrait bien plus avec ses multiples échecs qu’à combattre le vent. Son orgueil allait en prendre un coup. Mais lorsqu’il pourrait constater ses progrès au fil des jours, il aurait oublié tout cela.
Balco tenta de nouveau quelques coups d’épée. Le succès n’était toujours pas au rendez-vous. Finalement, Balco mit fin au combat en plantant le bout de sa lame dans le tronc d’un arbre. Il s’appuya sur le tronc de l’arbre pour souffler un peu. Homelf rangea son épée dans son fourreau et retira l’épée de Balco en riant doucement.
« Vous ne deviez pas être un élève très assidu, commenta Homelf. Vous avez encore beaucoup de choses à apprendre. Vous maniez votre épée comme un gamin de dix ans. N’y voyez pas un reproche. Je suis aussi passé par là à mes débuts. Je vois mieux la tâche qui m’attend si je veux faire de vous quelqu’un en mesure de se défendre. J’aurais plus de temps de vous initier quelque peu cet art lorsque nous aurons rejoint la demeure du grand maître. Si le temps nous en laisse l’occasion, je pourrais aussi vous apprendre à tirer à l’arc. Nous allons prendre une pause puis je t’enseignerais quelques petites choses pour que ta poigne soit plus solide sur la crosse de ton épée. »
Homelf soupesa une dernière fois l’épée de Balco avant de lui redonner. Il brassa les cheveux de Balco avec un sourire. Il se voulait rassurant. Balco avait des choses à apprendre, mais il était encore bien assez jeune pour avoir le temps de tout assimiler. Homelf remua doucement les bras en réalisant d’amples mouvements de rotation. Ce petit jeu avec Balco lui avait donné des fourmis dans les bras. Mais son jeune apprenti manquait trop cruellement de connaissance pour qu’il continue de se jouer de lui. Il devait le préserver pour lui apprendre les techniques rudimentaires. Sinon il se découragerait avant l’heure.
Balco était profondément déçu de n’avoir offert qu’une faible prestation. Il avait pourtant donné le meilleur de lui-même et toute sa pratique de combat contre des ennemis invisibles avait été mise en pratique. Les feintes qui terrassaient ses ennemis dans son imaginaire n’eurent aucun effet sur Homelf. Il n’était pourtant pas abattu !
Il avait fait de son mieux… et Homelf lui avait promis de l’aider pour progresser. Il débutait si bas qu’il ne pouvait que s’améliorer. Balco s’installa au centre de la clairière, farfouilla dans son sac pour en tirer un biscuit elfique. Il commença à le dévorer. Homelf s’installa en face de lui et mangea lui aussi. Ils restèrent tous les deux dans la clairière plusieurs minutes pour profiter d’une météo clémente et de l’herbe pour se reposer.
Ils s’accordèrent deux heures supplémentaires dans ce cadre naturel au cœur de la forêt. Homelf donna son premier cours d’épée à Balco. Bien peu de chose. Comment tenir son arme et la bouger avec dextérité. Homelf se concentra sur la défense estimant qu’il était plus important dans un premier temps que Balco sache survivre. Plutôt que de savoir attaquer et aller au-devant de danger trop important.
Balco fut enchanté par les deux heures. Il ne sentait plus ses bras à la fin de la séance, mais il avait appris de multiples choses. Homelf laissa quelques minutes à son jeune élève pour récupérer, puis ils profitèrent des dernières heures de lumière pour continuer à progresser. Balco ne vit pas le temps passer. Il n’avait en tête que les gestes que Homelf venait de lui apprendre. Il se les remémora durant toute la marche et sursauta lorsque Homelf indiqua qu’il devait trouver un lieu pour passer la nuit.
Comme chaque soir, ils entreprirent l’élaboration d’un rapide campement autour d’un petit foyer engendré par la magie d’Homelf. La soirée s’annonçait calme, surtout pour Balco qui était épuisé par son premier cours. Toutefois, la vigilance de Homelf les força à rester attentifs !
Homelf était debout devant le feu rougeoyant. Son regard cherchant au loin. Il tournait la tête tout autour de lui. Balco inquiet chercha lui aussi ce qui perturbait Homelf. Mais sans succès. Ne trouvant aucune réponse à l’aide de ses yeux, Balco brisa le silence ambiant pour questionner son professeur : « Quelque chose ne va pas ? Souffla discrètement Balco.
— Nous sommes toujours suivis ! Commenta Homelf en plissant les sourcils. »
Le silence revint. Homelf continua son observation silencieuse. Balco n’osa en rajouter de peur de déranger le semi-elfe dans son investigation. Homelf sortit son épée de son fourreau, ce qui n’eut pas pour effet de rassurer Balco. Il la fit vibrer dans l’air en plissant les yeux d’un air menaçant. « Restez là jeune homme, ordonna Homelf. Je vais faire un tour rapide pour trouver cette présence. Je ne serais pas long. »
Balco se mit à pâlir. Homelf s’enfonça dans l’obscurité s’éloignant de la maigre lumière que procurait le foyer du campement. Balco avala sa salive nerveusement. C’était la première nuit dans la forêt du grand maître. Sans la présence de Homelf, il sursautait à chaque son qu’il entendait et qu’il ne parvenait pas à reconnaître. Un cri d’oiseau lui glaça le sang.
Pour se rassurer, il empoigna fermement son épée comme le lui avait enseigné Homelf dans la journée. Il tremblota. Avala à plusieurs reprises sa salive. Sa gorge fut de plus en plus sèche. Son anxiété était palpable. Heureusement comme le lui avait indiqué Homelf, cette séparation fut que de courte durée ! À peine cinq minutes après être parti, il revint d’un pas tranquille.
« C’est assez incroyable, commenta Homelf d’un ton involontairement sévère. Cette présence qui me dérangeait dans la plaine est parvenue à nous suivre dans la forêt du grand maître. Je sais que nous sommes restés immobiles très longtemps au cours de la journée, mais je ne pensais pas que cette créature continuerait à nous filer le train.
— Vous savez à quoi nous avons à faire? Questionna Balco à peine rassuré.
— Difficile de le certifier, indiqua Homelf. Si je m’arrête à ma première impression, je dirais que c’est un elfe ! Je n’aurais rien dit de tel lorsque nous étions dans la plaine, mais là j’ai la sensation que cette créature est encore plus douée dans une forêt. Ce qui me laisse penser à un elfe.
— Pourquoi un elfe souhaiterait nous suivre ? Interrogea Balco.
— Il n’y a aucune raison, répondit Homelf. Je n’ai aucun ennemi chez les elfes et je suppose fortement qu’il en est de même pour vous.
— Oui, je n’ai pas d’ennemi ! S’étonna Balco.
— Vu qu’il se contente de nous suivre, sans chercher à nous stopper ou ralentir, ajouta Homelf. Je suppose que nous avons affaire à un jeune elfe qui est certainement envoyé seul dans la nature pour parfaire son apprentissage. Il nous aura choisis pour cible afin de pratiquer l’art de traquer un groupe. Il n’y a pas de malveillance de sa part, c’est juste un jeu pour lui.
— Et si ce n’est pas un elfe ? Demanda Balco.
— Je n’ai pas éliminé cette possibilité, indiqua Homelf. Dans ce cas, notre nuit va être courte, car nous allons devoir surveiller le campement.
— Nous deux ? S’inquiéta Balco.
— Oui, tous les deux, affirma Homelf. Nous allons dormir à tour de rôle afin qu’il y en ait toujours un d’éveillé. Je prendrais la première partie de la nuit et je te laisserais terminer. Je passerais une nuit courte pour que vous puissiez en profiter plus que moi.
— Je… Je n’ai jamais monté la garde, souligna timidement Balco.
— Je n’en suis pas étonné, commenta Homelf avec un sourire. Je ne m’attendais pas qu’un ancien gardien de cochon ait passé des nuits blanches à les surveiller.
— Pas vraiment, dit Balco avec un petit rire contenu. C’est plutôt un travail de jour.
— C’est bien ce que je pensais ! Dit Homelf en riant de bon cœur. Tu n’auras rien à faire de particulier. Juste surveiller que personne n’approche du camp. Si tu soupçonnes une présence, tu hurles ! Cela devrait me réveiller.
— Ça doit être dans mes cordes, dit Balco. »
Homelf était un peu inquiet de laisser Balco assurer une garde. Mais il ne pouvait pas faire des nuits blanches jusqu’à arriver chez le grand maître. Et il était hors de question de dormir pendant la journée. Il devait profiter de la lumière pour progresser. Si le sixième sens de Homelf ne le trompait pas, il aurait affaire à un elfe et ils n’auraient rien à craindre. S’il se trompait…, un simple arc pourrait de toute manière les éliminer rapidement au cours de la nuit. Même en étant vigilant. Il avait argumenté auprès de Taruis qu’une seule personne allait être suffisante pour accompagner le garçon. Il avait peut-être eu tort !
Balco était anxieux, mais il se força à s’allonger pour dormir. La fatigue de la journée eut raison de lui malgré des efforts pour rester éveillée. Homelf assura la garde pendant une très longue partie de la nuit. Vigilant et attentif, il fut déçu de ne rien pouvoir, déceler. Leur suiveur devait profiter de la nuit pour dormir. Il réveilla énergiquement Balco à peine trois heures avant que le soleil ne revienne. La nuit de Homelf serait courte, mais il l’estimait suffisante pour progresser sans gène dès les premiers rayons visibles.
Balco était encore vaseux. Son esprit endormi. Ne souhaitant pas décevoir son compagnon de route, il empoigna son épée et resta debout immobile. Il se contenta de tourner la tête pour surveiller les environs. Cette situation ne dura qu’une dizaine de minutes. Le froid commença à lui donner la chair de poule. Ne pouvant pas délibérément rester insensible au froid qui lui mordait la peau, il se mit à marcher lentement autour du campement. Peu rassuré, il jetait son regard partout autour de lui. Ses mains tremblotaient en tenant son épée. C’était pourtant le seul objet qui lui sembla rassurant dans cette situation.
Les minutes s’égrenèrent très lentement.
Balco ne fut pas plus confiant au fil du temps. Ce fut seulement lorsque les premières lueurs du jour commencèrent à apparaître qu’il put souffler. Son tour de garde s’était déroulé sans accrocs. Il n’avait rien eu à faire, mais il préférait que ce fût comme cela. Il n’aurait pas su comment réagir dans un autre cas.
Homelf fut rapidement debout. Sa nuit avait été très courte, mais il avait pleinement profité du temps qu’il s’était accordé. Il fit un tour d’inspection du campement. « Rien à signaler, commenta Homelf. Notre suiveur ne semble pas décidé à nous importuner. Je me demande bien combien de temps il va chercher à nous suivre. Nous allons continuer notre route, en forçant un peu le pas et en empruntant la route principale, nous devrions atteindre la demeure du grand maître avant la fin de la journée. »
Balco accepta avec joie de forcer le pas. Il préférait de loin souffrir d’une marche rapide au cours d’une journée plutôt que de revivre une telle nuit. Même s’il ne s’était rien passé, il ne souhaitait pas renouveler l’expérience de ci tôt.
Homelf marcha d’un pas encore plus vif que lors de leur première journée. Balco faisait de son mieux pour suivre la cadence. Ils rejoignirent un beau sentier qui facilitait leur déplacement. Homelf avait indiqué à Balco que ce sentier menait jusque chez le grand maître. Ils allaient pouvoir le suivre jusqu’à arriver à destination. Pourtant dans l’esprit de Homelf ce n’était pas une bonne idée de suivre le sentier principal. Il aurait voulu poursuivre dans les bois pour éviter toutes les rencontres éventuelles.
À peine eut-il pensé à cette éventualité qu’une grosse voix leur intimât de s’arrêter. Homelf grimaça en ralentissant le pas. Un petit groupe hétéroclite bloquait le sentier. Quatre gobelins armés d’épée rouillée, deux autres avec un arc accroché dans le dos et un arklins avec une épée dans chaque main dirigeait ce groupe. Rien de bien inquiétant en soi, mais leur nombre était amplement suffisant inquiéter Homelf. Balco n’était qu’un jeune paysan, il ne pouvait pas s’appuyer sur son aide.
Homelf resta calme et serein. Il continua d’approcher du petit groupe en fixant du regard l’arklins. Il avait les yeux noirs, un petit nez rond, une mâchoire avancée et massive. Une peau verte pale rugueuse. « Nous devons nous rendre à Petit-Village au plus vite, tonna Homelf. J’appartiens à l’Empire, laissez-nous passer et vous éviterez les problèmes.
— Ma loi est la même pour tous, répondit sèchement l’arklins. Empire ou pas, personne ne passera par ce sentier sans en avoir payé la taxe.
— Vous m’insultez ! Gronda Homelf. Une taxe pour circuler sur un sentier de l’Empire. Je renouvelle que je dois passer par ce sentier au plus vite et sans détour.
— Donne-moi tout le contenu de ta bourse, répéta l’arklins. Et tu pourras continuer ton chemin rapidement. »
Homelf fronça les sourcils en durcissant son regard en direction de l’arklins. Il cherchait déjà comment désamorcer cette situation en portant un coup fatal à l’arklins. Avec un peu de chance, s’il pouvait tuer rapidement l’arklins, les gobelins fuiraient comme des lâches. Il devait juste s’assurer que quoiqu’il arrive Balco ne soit pas impliqué dans l’affrontement. Les deux archers représentaient un danger non négligeable.
Homelf pensait avoir une dizaine de secondes pour agir avant que les archers gobelins soient en mesure de tirer. Dix secondes pour éliminer l’arklins et les deux archers. Pour les quatre derniers, il pourrait les affronter à l’épée tranquillement ensuite, en s’assurant que Balco ne vienne pas se battre. Dix secondes, il ne devait pas se rater.
« Ta décision elfe ! Grogna l’arklins. Ta bourse ou la mort ? »
Homelf eut un rictus mauvais. D’un geste ample, il détacha sa cape et l’envoya au visage de l’arklins. Ce dernier ragea en recevant la cape sur lui. Il hurla ses ordres à son équipe. Homelf s’accroupit sur lui-même, d’un seul mouvement, il tira deux poignards dissimulés dans ses bottes. L’arklins relançait la cape de Homelf au loin, lorsque les deux poignards jaillirent des mains de Homelf.
L’arklins eut juste le temps de voir les lames filer, mais elles ne lui étaient pas destinées. Homelf se redressa en tirant cette fois son épée de son fourreau et plongea directement la pointe de sa lame en direction du cœur de l’arklins. Encore en train d’analyser le mouvement des dagues, et malgré les deux épées dans ses mains, son cœur fut transpercé par l’épée d’Homelf. Dans le même instant, ses deux poignards vinrent se planter dans la poitrine des deux archers gobelins.
« Moins de dix secondes, se dit Homelf pour lui-même. »
Il retira son épée du corps sans vie de l’arklins et se mit en position de défense. Il surveillait la réaction des quatre gobelins. Cette fois, il s’était trompé, les quatre gobelins ne s’étaient pas enfuis. Il devrait en découdre.
Balco resta sans voix. Il n’avait pas eu le temps de faire un mouvement que trois créatures venaient de tomber raide morte. Il avait vu toute la scène, mais lui-même n’avait pas eu le temps de faire le moindre mouvement. Il n’avait même pas encore son épée en main. Il avait encore beaucoup de travail pour être en mesure d’aider Homelf. Ou simplement pour se défendre seul.
« Je savais les elfes proches de la nature, mais je ne les pensais pas aussi durs de la feuille, gronda une nouvelle voix émergeant des sapins devant eux. »
Trois nouveaux arklins massifs apparurent. Chacun avec une épée longue dans une main. Homelf rumina intérieurement, ce n’était pas prévu dans son scénario que d’autres créatures se trouvaient proches. Il comprenait mieux pourquoi les quatre gobelins n’avaient pas fui.
« Je vais te le répéter une nouvelle fois en espérant que ton faible cerveau d’elfe puisse capturer l’essence de ma phrase. Vous ne passerez pas par ce sentier sans avoir payé la taxe. C’est la seule règle qui est en vigueur ici, jusqu’à que nous décidions de quitter cette forêt. Autant dire que ce n’est pas pour demain. La taxe s’applique à tous et moi je serais encore là pour botter les culs d’elfes qui osent penser que toutes les forêts de notre planète leur appartiennent. Tu es mort elfe ! »
Homelf bouillonnait intérieurement. Il devait continuer de protéger Balco. Après la mort de trois des brigands, il n’y avait plus aucune négociation possible. Homelf présenta son épée brillante et bien aiguisée devant ses yeux. Il toisa du regard les trois arklins qui passaient devant les quatre gobelins qui n’avaient pas osé s’approcher de Homelf. Au moins, les gobelins avaient toutes les chances de rester en arrière. Il ne se retrouver qu’à trois contre un. Aucun ne devait le prendre à revers, cela pourrait mettre Balco en danger.
Il engagea le combat contre le premier arklins. Attaque et contre-attaque, mais l’arklins s’opposa avec dextérité. Homelf recula d’un pas pour éviter de voir sa tête séparée de son corps par le mouvement horizontal de l’épée du deuxième arklins.
Il enchaîna avec une passe pour contrer les attaques simultanées des trois arklins. Il reculait d’un pas à chaque assaut. Ses trois adversaires lui laissèrent une seconde de répit dans leur enchainement. Homelf réagit promptement, il fit glisser un poignard attaché à son avant-bras gauche dans sa main. D’un geste pratiqué des milliers de fois, il fit jaillir dans le même mouvement son poignard qui se figea directement dans l’œil de l’arklins à sa gauche.
Il profita de l’étonnement des deux autres, pour porter une série de coups vers l’arklins de droite. Après deux chocs entre les épées, Homelf appliqua un mouvement de poignée qui délogea l’épée des mains de l’arklins. Homelf profita de l’occasion pour enfoncer sa lame dans le cou de son adversaire désarmé. Il recula de deux pas et regarda le dernier arklins avec colère.
« Tu vois cette épée, clama Homelf avec un regard noir. C’est une lame humaine ! Elle fut retravaillée par les elfes pour lui apporter un peu plus de légèreté tout en gardant sa robustesse. Elle a tranché de nombreuses têtes d’arklins venus saccager les forêts. Elle a brisé des centaines d’os de squelettes ranimés dans le seul but de réduire l’Empire à l’état de vestige de l’histoire. Du sang noir de démon a coulé le long de cette lame au nom de la liberté. Si tu tiens à la vie, laisse-moi passer et fuit aussi vite cette forêt. Si tu refuses, je te vais te faire rejoindre tes anciens compagnons.
— Range cette épée, gronda l’arklins. Tes discours sont d’une banalité affligeante. La règle est simple… nul ne passera par ce chemin. Range donc ton épée oreille pointue et fais demi-tour. Sinon je te fais transpercer de coups d’épées et de flèches. »
L’arklins gronda dans sa langue arklins une série d’ordre que Balco ne put comprendre. Les quatre gobelins vinrent se placer de chaque côté de l’arklins pour lui porter main forte. Toutes les lames étaient pointées en direction de Homelf.
Deux nouveaux archers arklins sortirent de leur cachette pour se placer au milieu du sentier. C’est deux là étaient prêt, ils avaient déjà bandé leur arc et leur flèche était déjà destiné à transpercé le corps d’Homelf.
Balco frissonna, il n’était pas visé par aucune de ses créatures, mais cela pouvait rapidement changer. Une flèche pourrait rapidement prendre sa direction. Il avait beau envisager les possibilités pour aider Homelf, il ne voyait aucune manière pour lui venir en aide. Au contraire, il était certainement mieux à rester à l’écart pour éviter de compliquer la tâche de son compagnon de voyage.
Homelf passait de l’espoir à l’inquiétude en une poignée de seconde. Par deux fois, il pensait avoir fait le nécessaire pour prendre l’avantage. Cette fois la situation était plus problématique, il y avait deux archers et le dernier arklins semblait plus doué que les précédents avec une épée. Il ne savait pas s’il y aurait encore d’autres surprises cachées dans les bois environnants. Il lui restait un dernier poignard placé dans sa ceinture. Pas assez pour éliminer les deux archers.
Seul, il plongerait en corps à corps. Si les archers étaient d’un faible niveau et il pensait bien que des archers arklins ne pouvaient que l’être. Soit ils n’oseraient pas tirer, soit ils risquaient de toucher un des leurs. Mais là, il y avait Balco. Si lui s’engageait en corps à corps, les archers auraient un champ de vision dégagé pour tirer sur le jeune garçon. Il devait donc déjouer l’arklins à l’épée tout en cherchant à maintenir le focus des archers sur lui et non sur Balco.
Balco observait Homelf au moment où un incident absurde fit basculer la situation. Tout se passa très vite et pourtant dans l’esprit de Balco, il eut l’impression que la scène se déroula au ralenti. Homelf faisait tourner la lame de son épée devant lui, tout en faisant glisser sa main gauche lentement vers le poignard de sa ceinture.
Un claquement retentit. La corde de l’arc d’un des archers arklins venait de casser sous la pression constante qui lui était appliquée. Par réflexe, le deuxième archer relâcha sa main et sa flèche fila droit sur l’elfe.
Balco ouvrit de grands yeux brillants d’un éclat de stupéfaction. L’archer s’effondra au sol sans réaction. Homelf avait été aussi prompt à réagir et il avait lancé son poignard vers le seul archer avec un arc valide. Cependant son geste l’avait empêché de chercher à se protéger. La flèche tirée par l’arklins était venue se figer dans son épaule gauche.
Homelf poussa un cri de douleur. Il serra les dents en fixant l’arklins avec une épée qui s’approchait de lui. Il avait lancé son dernier poignard juste à temps. Maintenant il ne lui restait plus que son bras droit et son épée. Avec le peu de force qui lui restait dans le bras gauche, il fit signe à Balco de reculer.
Les quatre gobelins se précipitèrent sur Homelf pour en découdre, pendant que l’arklins leur hurlait des ordres. Le premier gobelin arriva proche de Homelf et un premier choc d’épée résonna. Homelf bien que blessé avait toujours une poigne ferme sur son épée. Il riposta et par une feinte pour les débutants, parvint à détourner l’attention du premier gobelin. Le résultat fut qu’il parvint à lui planter son épée en plein cœur.
Homelf se baissa rapidement pour éviter un coup d’épée de l’arklins. Ce dernier continuait de gronder contre les gobelins et leur inefficacité. Balco tremblait de tous ses membres, il voyait la situation se détériorer. Il avait conscience qu’il ne pouvait pas laisser Homelf tout faire, il devrait faire sa part aussi. Le rapide cours de la veille risquait d’être bien insuffisant pour déjà passer à la pratique. Mais ce n’est pas comme s’il avait vraiment le choix.
Le dernier archer avait laissé son arc brisé et avait déjà pris celui de son compagnon. Il s’apprêtait déjà à encocher une nouvelle flèche.
Les trois gobelins se lancèrent en même temps sur Homelf qui recula en se protégeant. L’arklins laissa ses gobelins se charger de l’elfe et il fit quelques pas en direction de Balco. Le jeune garçon reculait comme lui avait conseillé Homelf. Il avait sorti son épée lui aussi. Il faisait de son mieux pour la tenir devant lui avec une poigne assurée. Il n’était pas certain qu’il arriverait à tromper l’arklins bien longtemps sur ses réelles compétences avec une épée.
Les gobelins avaient bloqué le passage à Homelf pour qu’il ne puisse plus se diriger vers Balco. Ils cherchaient à éloigner les deux compagnons. Le bruit des lames qui s’entrechoquaient résonna plusieurs fois dans la forêt.
Homelf défendait sa position avec une vigueur exemplaire. Un gobelin succomba aux assauts répétés de l’elfe. Les deux autres ne relâchèrent pas leur assaut pour ne laisser aucun répit à Homelf. Il continua d’esquiver et de parer les coups, jusqu’à qu’une flèche vienne se planter dans sa cuisse. Il poussa un cri de douleur qu’il ne put réprimer cette fois.
Sa jambe se plia d’elle-même incapable de supporter son poids. Il déplaça tout le poids de son corps sur sa jambe valide. La douleur était terrible. Homelf sentait un goût de sang lui envahirent toute la bouche. Il faisait son possible pour ne pas perdre sa lucidité. La flèche avait surpris les deux gobelins qui avaient stoppé quelques secondes leur mouvement. Homelf profita de la situation pour couper d’un geste précis la tête du gobelin le plus proche.
Homelf eut toute la difficulté à maintenir son épée dans sa main. Le geste était puissant, son bras se faisait lourd. La première blessure lui avait déjà fait perdre beaucoup de sang. Il sentait ses forces déclinait. Il se battrait jusqu’à son dernier souffle.
Balco venait d’assister à toute la scène terrorisée, mais un danger encore plus grand se présenter à lui. L’arklins armé de son épée s’avançait lentement vers lui. Il était complètement pétrifié. Il avait bien conscience que Homelf lui avait demandé de reculer et que c’était ce qu’il avait de mieux à faire. Pourtant, il ne pourrait pas fuir éternellement, l’arklins ne le laisserait pas se sauver, surtout après les pertes que Homelf avait fait subir à sa bande de brigands.
La situation lui apparut comme désespérée. Pourtant, au fond de lui, une petite voix, lui demandait de prendre son courage à deux mains et de tenter l’impossible. Il avait déjà fait l’impossible en affrontant l’armée de Lichn. Sauvant la vie d’une elfe en offrant la sienne. Il serra les poings et ferma les yeux. Il chercha au fond de lui, le courage que l’aigle Blanc était censé lui avoir transmis en héritage.
Il tenta d’oublier sa peur ! C’était à lui de prouver qu’il était un héros. Il se répéta plusieurs fois cette pensée dans la tête : « Je suis un héros, un vrai héros. Celui que l’on appelle en dernier recours. »
Une légère et presque imperceptible vague de courage le fit tressaillir de l’intérieur. Comme si un léger picotement venait de lui parcourir le corps, il n’avait jamais ressenti cela auparavant. C’était le signe qu’il attendait. Il ouvrit les yeux avec une étincelle de malice au fond des yeux. Il y avait quelque chose de plus en lui. Ce qui lui manqué habituellement lorsqu’on se moquait de lui et de ses cochons… Lorsqu’il voulait protéger ce qu’il aimait sans y parvenir…
Cette fois en lui, il avait cette envie de vaincre. Ce ne serait peut-être pas suffisant pour éliminer un arklins ayant une plus grande expérience que lui, mais il se devait de tenter. Il dressa son épée au-dessus de lui et poussa un hurlement : « Waaaargh… Et que Rouge soit avec moi ! »
Balco se jeta en avant pour faire face à l’arklins. L’épée tenue entre ses deux mains. Fébrile, il plongea en fermant les yeux. Il continua à hurler comme un fou furieux pour se donner du courage. Il abaissa son épée lorsqu’il fut à un pas de l’arklins. Son coup était précis, mais l’épée de son adversaire vint stopper son geste sans aucune difficulté. L’arklins fit bouger ses joues comme pour se moquer de lui. Puis d’un coup de pied vif, il asséna un coup violent dans le ventre de Balco.
Balco roula sur le sol en tombant maladroitement et il se redressa rapidement complètement pris par son adrénaline. Se relever, il l’avait fait des centaines de fois en affrontant Homelf lors de son entraînement. S’il avait au moins appris une chose, c’était bien ça. Balco fit de nouveau face à l’arklins qui tendait son épée dans sa direction. Il se moquait de lui comme l’avait fait Homelf lors de leur séance d’entraînement. Sauf que cette fois-ci ce n’était plus un jeu, l’un des deux adversaires devait mourir !
Balco ravala sa salive, la situation s’annonçait très compliquée pour lui.
Le dernier gobelin décida de ne pas attendre. Il repartit à l’assaut de Homelf. Ce dernier tenta de parer l’attaque, mais son geste fut trop lent. L’épée du gobelin se planta dans son ventre. Homelf cracha une gerbe de sang. Il resta lucide malgré tout et il profita du fait que l’épée de son adversaire n’était plus disposée à contrer sa prochaine attaque.
Par habitude et avec son expérience, il planta à son tour son épée directement dans le cœur du dernier gobelin. Il regarda le gobelin dont les yeux s’éteignirent avant de basculer en arrière. Homelf avait encore un esprit vif, mais son corps ne répondait plus aussi bien qu’il l’aurait souhaité.
Il fixa impuissant le dernier archer arklins tendre son arc dans sa direction. Il ne pourrait rien faire pour éviter la prochaine flèche. Homelf grimaça en serrant les dents, il sentait ses forces l’abandonner au même rythme que son sang.
Balco regarda l’arklins avec des yeux livides de toutes émotions. Tout son corps bouillonnait d’une énergie incroyable. Il ne parvenait pas lui-même à se reconnaître. Il se servit de cette vigueur inconnue pour continuer le combat. Grâce à cette afflue extraordinaire, Balco bondit sur l’arklins. Il l’attaqua de toutes ses forces en tenant son épée entre ses deux mains. L’arklins se protégea avec son épée exactement de la même manière que Homelf l’avait fait la veille.
Et tout comme ce dernier il stoppa avec calme chacune des tentatives de Balco. Sa fougue, si puissante soit-elle, ne pouvait pas remplacer l’expérience ! Balco s’attendait à recevoir une correction en retour de son attaque avortée…
Un simple léger bruissement dans l’air frémit aux oreilles de Balco. Une flèche envoyée avec une précision parfaite venait de passer juste à côté de Balco sans qu’il en ait conscience. Elle se planta dans le front du dernier archer avant que lui-même ait eu le temps de décocher la sienne. La flèche traversa la tête de l’archer de part en part. L’archer s’écroula de tout son corps inerte contre le sol.
L’arklins face à Balco le regarda avec un regard de stupeur qui se changea en grimace de douleur, avant qu’un voile passât devant ses yeux et lui effaçât toute trace d’émotion. L’arklins s’écrasa face contre terre sans même chercher à stopper sa chute.
Balco respira fortement en regardant tout autour de lui. Il avait un peu de mal à comprendre ce qui venait de se produire. Il commença à retrouver ses esprits. D’un coup d’œil rapide vers le sol, il comprit qu’il n’était pour rien dans la mort de l’arklins, ce qui ne le surprenait guère. Une flèche s’était plantée dans son cœur. La pointe ensanglantée dépassée dans le dos de l’arklins.
Profitant de son attaque désespérée, une autre personne en avait profité pour lui tirer cette flèche à la conclusion mortelle. Il rangea son épée nerveusement en épiant tout autour de lui. Il s’attendait que la prochaine flèche lui soit destinée. Il était encore sous le choc ! Il respira profondément deux fois. Il avait donné tout ce qu’il avait en lui et même plus qu’il ne le pensait, et pourtant le résultat était toujours le même, il n’était qu’un gardien de cochon incapable de manier une arme convenablement.
Homelf était immobile contre le sol. Il ne pouvait plus se relever et encore moins bouger sa jambe. Sa vision commençait à être trouble. Homelf saignait abondamment des multiples blessures qu’il venait de recevoir.
Il ferma les yeux et resta immobile.
Balco se précipita vers Homelf lorsqu’il prit conscience de l’état catastrophique de son compagnon. Il n’avait pas pu suivre la fin de la bataille d’Homelf, lui-même trop occupé par l’arklins. Il le regarda en lui demandant quoi faire. Homelf parvint juste à lui faire un sourire tordu au milieu d’une grimace de douleur. Mais il ne répondit pas.
Balco se retrouva à genoux devant Homelf. Il ne pouvait rien faire pour aider son compagnon. Lui était encore en vie, mais tout portait à croire que celle d’Homelf en était à ses derniers instants.
« Vous ne pouvez rien faire pour lui, déclara une voix cristalline derrière Balco. Je ne sais pas ce que vous aviez prévu, continuez votre chemin. Je vais tenter de sauver cette elfe, mais j’ai peur d’arriver trop tard. »
Balco leva les yeux. Il voulait tourner la tête vers son interlocuteur, mais son mouvement fut stoppé dans son élan. Un nouveau gobelin se présenta sur le chemin à une vingtaine de mètres devant lui. Le gobelin stoppa son mouvement en constatant le massacre. Il commença à crier. Une nouvelle flèche vint mettre un terme à son existence en se plantant directement dans sa gorge.
Balco tourna alors la tête pour découvrir un autre elfe derrière lui. Il replaçait une flèche dans son arc en scrutant les alentours.
« Sauvez-vous jeune homme, répéta l’elfe avec sa voix douce.
— Je ne peux pas m’en sortir tout seul, supplia Balco. Je ne parviendrais jamais à rejoindre la demeure du grand maître tout seul dans cette forêt.
— Vous allez y arriver jeune homme, continua l’elfe. Vous le devez… Si ce n’est pour vous, faites-le pour cet elfe qui a sacrifié sa vie pour vous amener jusqu’ici. S’il l’a fait, c’est qu’il avait confiance en vous.
— Et s’il y a encore des arklins ? Questionna Balco la voix pleine d’inquiétude.
Lif
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Présent dans les chapitres : 4 -
— Faites un choix jeune homme ? Déclara l’elfe avec une voix douce. Je peux vous accompagner et vous conduire jusqu’à la demeure du grand maître. Ou je peux venir en aide à votre ami et tenter de lui sauver la vie pendant que je le peux encore. Je ne pourrais vous protéger et sauver votre ami en même temps. Que préférez-vous ?
— Je vais faire de mon mieux, s’exclama Balco avec des larmes dans les yeux. Je vais courir aussi vite que je le peux pour rejoindre la demeure du grand maître.
— Courrez droit devant vous le long de ce sentier, ajouta l’elfe. Vous croiserez la demeure du grand maître sans avoir besoin de changer de chemin. Je sais que le destin nous permettra de nous revoir, il m’a fait suivre votre chemin. Il me guidera de nouveau jusqu’à vous. Je pourrais alors comprendre pourquoi je devais vous suivre.
— Sauvez Homelf messire elfe, dit Balco avec conviction.
— Lif, ajouta l’elfe avec un sourire. Lors de notre prochaine rencontre, appelez-moi Lif plutôt que messire elfe. »
Il regarda la forêt tout autour de lui d’un air inquiet. Nonobstant sa faible perception auditive, la forêt lui sembla plus périlleuse soudainement. Un danger se rapprochait. Il avait parcouru pourtant un trop long chemin pour abandonner maintenant.
Il jeta un coup d’œil à Homelf qui ne bougeait plus. Il fixa les deux yeux verts, d’un vert clair presque transparent de l’elfe venu l’aider. Il avait un visage souriant l’invitant à rapidement prendre le chemin qui le mènerait jusqu’au grand maître. Il ne devait plus regarder derrière lui. L’avenir était devant lui.
Balco eut un frisson qui lui sillonna tout le dos. Il jeta un ultime coup d’œil au sol pour distinguer le visage de son compagnon elfique.
Il se retourna et il partit en courant le long du sentier. Il jeta quelques coups d’œil autour de lui et derrière lui pour vérifier s’il ne parvenait pas à apercevoir furtivement de nouvelles créatures qui lui voudraient du mal.
Il ignorait tout de l’elfe qui lui avait sauvé la vie et pour le moment, il n’avait pas le temps pour le chercher à le savoir. Il fit un petit signe de la main droite, comme pour dire adieu à Homelf. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Il redressa la tête comme pour les retenir. Le regard droit devant lui. Il cavala aussi vite que son corps put le supporter.
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