Chapitre 20 : Dans les toiles d'araignéesLa foule ! C’était l’image que Balco avait gardée de Haches après les quelques jours passés dans la cité. Né et éduqué dans sa petite ferme familiale, il n’avait jamais eu l’occasion de passer un moment dans un endroit où vivait autant de monde. Une population où peu se connaissait. Chacun s’occupant de lui-même ou de ses affaires en cours, mais nullement de son prochain. Quel prochain, il y en avait tellement ! Partout du mouvement, du bruit… et bien plus encore ! Une cacophonie inaudible. Un ensemble désordonné, pourtant nul ne s’en souciait. Il avait écouté sa mère et son père lui conter des histoires sur les grandes cités de Sulder. Son imagination fertile avait bien tenté de dessiner au sein de son esprit une représentation de leur dire. Il se rendait compte aujourd’hui qu’il était loin, très loin, de la vérité. Désormais, il savait ! Toutefois, cela n’avait rien de rassurant. Les rêves sont souvent bien plus doux que la réalité. Est-ce qu’il est aussi intéressant que cela de vouloir à tout prix la rechercher, si c’est pour en être désabusé ? Balco était pensif sur ce sujet, il se tenait encore maladroitement sur son cheval malgré les conseils que lui avait prodigués Homelf. | Petit Village était, désormais, à une journée de cheval derrière eux. Homelf y était resté afin d’organiser la défense de la cité. Principalement, le temps que l’Empire se redresse sous l’impulsion des chevaliers de l’Empire, après que Balco ait accompli sa tâche contre l’empereur. Lif, le compagnon elfique de Homelf, avait souhaité rester avec Balco pour l’accompagner. L’héritier de la nuit n’y avait vu aucune objection. Un nouveau compagnon elfique ne pouvait pas faire de mal pour éviter les troupes d’éclaireurs de l’Empire. La cité de Haches avait déjà revendiqué son indépendance face à l’Empire. Petit Village venait de se laisser tenter par le grand maître grâce à l’action de quelques émissaires. La cité des neiges, elle, allait être ou était déjà attaquée par une armée d’arklins au service du grand maître. Cela allait faire beaucoup ! Nul doute que l’Empire redouble ses patrouilles dans l’Ouest pour se prémunir d’une invasion fomentée par le grand maître. Les paysages forestiers denses, qui les avaient accompagnés depuis leur départ de Haches, s’estompèrent progressivement. Ils traversaient actuellement des plaines immenses où le sol aride laissait à peine de la place pour des zones herbeuses peu épaisses. Balco scrutait les environs avec angoisse, des créatures hostiles vivaient ici. Des serpents, des scorpions et des rats, d’une grosseur à faire fuir un chat, étaient parfaitement visibles. Balco n’osait même pas imaginer quelles autres créatures pouvaient vivre ici et qu’il n’avait pas remarqué. | Malgré cette présence hostile, il ne se passa absolument rien ! En début d’après-midi, ils décidèrent de prendre une halte à l’ombre de quelques arbres feuillus qui bordait un étang verdâtre et cloaque. Ils s’installèrent à même le sol afin de se ravitailler et de laisser leurs chevaux se reposer également. La route jusqu’à Englub était encore longue et les obstacles divers et variés. Ils avaient besoin de toutes leurs forces et leurs vigilances pour y faire face. Et si cela était valable pour eux, il en était de même pour leur compagnon équestre. Ils s’attardèrent deux bonnes heures pour manger, digérer, se reposer et bavarder. Les chevaux frais offerts par les gardes de Petit Village leur avaient fait gagner un temps précieux. Leur prochaine destination était visible depuis qu’il avait quitté les forêts épaisses. Complètement à l’Est se dressaient les montagnes entourant la cité d’Englub. Des pics pointant vers le ciel. Des montagnes abruptes, enneigées sur les sommets. Elles étaient encore loin à l’horizon, mais déjà visibles et impressionnantes. Difficile d’imaginer comment les traverser de si loin et pourtant il existait de nombreux passages. Une large route les traversait de part en part, mais c’était la voie principale pour accéder à Englub. Gardée, surveillée, protégée en permanence par l’armée de l’Empire. | D’autres passages plus anciens, creusés à même la roche, existaient. Bien souvent des anciennes galeries naines. Toutefois, bien d’autres créatures avaient participé à l’élaboration du gruyère de galeries présent sous la capitale. C’était l’une de ses galeries qu’ils espéraient découvrir et utiliser. Englub fut il y a bien longtemps la cité la plus peuplée de Sulder. Le surnom de « la Capitale de la planète » lui vint à ce moment-là. Et même si aujourd’hui la capitale est en ruine et ressemble plus à un village d’un point de vue du nombre d’habitants. Pour tout le monde, elle reste la capitale. Les différents empereurs n’ont jamais quitté la capitale, commémorant les gloires passées et profitant du luxe de l’immense palais qui fut construit par le premier empereur : Sylvain 1er. La capitale est redevenue une ville, puis un village… Désormais, on peut la comparer à un hameau. Les ruines de l’ancienne Capitale s’étendent sur des kilomètres. Seul le palais reste le point visible de l’ancienne gloire de cette gigantesque cité. | Une poignée d’habitant vivant toujours là avait retapé un unique et minuscule quartier proche du palais. Un spectacle désolant pour quiconque avait connu les fastes d’Englub… La pause s’éternisa un peu. Balco n’était pas mécontent de profiter du paysage. C’étaient des conditions nouvelles et enchanteresses pour lui. Chaque montagne, chaque nuage ou ombre apparaissant au loin était une nouvelle source d’interrogation. Nathax, installé à côté de lui pour la pause, répondait au mieux à chacune des questions de Balco. Nathax de nature peu loquace, se révéla tout de même un bon conteur aux yeux de Balco. Nathax enchaîna les réponses puis soudainement se lança dans une des nombreuses légendes naines qui se contaient sur Sulder. « La grande route d’Englub commença à conter Nathax. Une route creusée au cœur des montagnes comme le voulut l’empereur Sylvain 1er. Une route pour que les caravanes puissent entrer dans Englub sans rencontrer de difficulté. Bien que nous allions éviter ce chemin trop facile et évidant. Nous avons de la chance que ce passage existe encore… » | Nathax changea de position en se plaçant un peu plus confortablement. Il savait déjà que son histoire allait lui prendre un peu de temps à être conté. « Juste après la chute de Rouge, lorsque Demondai vint raser notre univers. Il envoya plusieurs de ses plus puissants démons dévaster Sulder. Le seigneur démon Line fut chargée de détruire la capitale. Quoi de plus normal? La capitale était la cité majeure de Sulder, sa destruction aurait plongé toute la population dans un doute encore plus grand qu’il ne l’était déjà. Line conduisit une armée de démon et autres créatures des ténèbres. Il envoya toute son armée sur le passage afin d’arriver sur Englub sans avoir à trouver un passage dans les montagnes. On raconte que la capitale est un gruyère dans son sous-sol et bien… c’est parfaitement vrai ! » Nathax afficha un large sourire entre ses longues moustaches tressées. Les couleurs criardes utilisées pour teindre ses moustaches rendaient son sourire plus inquiétant qu’il aurait dû. Balco se concentra sur l’histoire afin d’oublier les mimiques du nain. | « De nombreuses créatures ont creusé des galeries et les nains en font partie. La forteresse naine d’Englub était légendaire pour les nains. Une forteresse menant du milieu du passage au cœur des montagnes jusque sous les murs de la cité. Une situation parfaite pour les nains afin d’y importer de l’alcool sans payer les taxes aux entrées de la capitale. » Balco fronça un peu les sourcils à cette explication. Nathax éclata de rire. Il donna une bonne tape dans le dos de Balco et lui transféra son hilarité contagieuse. « Toutes les constructions ont une raison première d’exister ! confia Nathax en calmant son rire progressivement. Pour cette forteresse c’était juste de l’alcool moins cher pour les nains. Ce qui est déjà une noble raison à mes yeux. Gimgul était le seigneur nain de la forteresse d’Englub à cette époque-là. Il leva l’armée complète de la forteresse pour protéger la capitale et les siens. Connaissant par cœur toutes les montagnes de la région et plus particulièrement celles qui surplombait le passage vers Englub. Gimgul savait parfaitement qu’il ne pouvait rien contre Line. C’était un démon bien trop puissant pour quiconque. Il se concentra sur les nombreuses troupes en lançant des énormes rochers du sommet des pics surplombant le passage. L’armée de Line fut ensevelie sous les rochers. Durant trois jours et trois nuits, les nains perpétuèrent ce harcèlement sur les troupes des ténèbres. À l’aube du quatrième jour, Line trouva Gimgul et il l’expédia dix pieds sous terre ! » | Nathax marqua une courte pause. Il ferma les yeux un instant, comme pour marquer cette disparition. Balco ne fit aucun commentaire. Il laissa à Nathax le temps nécessaire pour qu’il rouvre les yeux et reprenne le cours de son histoire comme si de rien n’était. « Gimgul ne faisait pas le poids et sombra très vite sous les coups d’un seigneur démon énervé. Mais là n’était pas le plus important, Gimgul en sacrifiant sa vie était parvenu à ses fins. Les troupes de Line étaient affaiblies. Elles ne purent s’attaquer à Englub. Dame Inima et d’autres anciens compagnons de Rouge vinrent achever le travail entamé par Gimgul. Ils repoussèrent Line hors de la planète. Les montagnes sont encore marquées par cette bataille. Le chemin est encore obstrué sur une bonne partie de la chaussée à certains passages. On peut voir des pans complets de la montagne qui sont manquants. Tombées grâce aux nains de Gimgul. Que retenir de cette histoire ? » Nathax regarda Balco en se lissant les moustaches entre les doigts. Balco ressentait la fierté que le nain éprouvé à lui conter cette histoire. Balco ne répondit rien. Il préférait attendre que le nain continue de lui-même la suite de son histoire. | « Ce qu’il faut en retenir, répéta Nathax. C’est que personne ne considère Gimgul comme un héros. Sauf pour nous les nains bien entendu. Il devrait pourtant mériter ce titre. Il a sacrifié sa vie pour le bien de cette planète. Si le jour de l’invasion de Line, Gimgul, armé seulement de son courage et de sa détermination, n’avait pas été là… Englub aurait certainement sombré. L’Empire se serait écroulé et nous ne serions certainement plus là pour en discuter aujourd’hui. Je dois tout de même relever que tout le monde ne fut pas ingrat avec Gimgul. Il y eut un geste de reconnaissance de dame Inima qui donna de l’argent pour qu’il soit enterré sur le champ de bataille. Cette dame a un cœur. Elle ne pense pas qu’à elle. Elle sait reconnaître les bons gestes de chacun. C’est une qualité rare. — Dame Inima, soupira doucement Balco. C’est une grande dame de notre planète. Je le savais déjà. Le geste que vous êtes en train de me décrire ne fait que le confirmer. — Même si elle n’appartient pas au peuple nain, elle est appréciée par tous, ajouta Nathax. Je pense que je serais tout aussi émerveillé que toi d’avoir le privilège de la rencontrer un jour. L’argent qu’elle donna permit de bâtir en l’honneur de Gimgul une sépulture. Au détour d’un virage de la route principale, on peut y trouver une grande pierre rectangulaire posée contre le sol, où seul le nom de Gimgul y est gravé dans le marbre. Il n’y a pas la moindre explication de sa présence en ce lieu insolite. La forteresse naine d’Englub possède l’un de ses accès souterrains proches de la sépulture. Si pendant un temps la mémoire de Gimgul y fut entretenue, ce n’est plus le cas de nos jours. La vieille forteresse naine a été désertée au fil des années. Il n’y a plus un seul nain vivant à l’intérieur. Elle s’est dépeuplée au même rythme que la capitale. Si les humains, et surtout l’Empire, ont pu oublier l’histoire de Gimgul, il n’en est pas de même pour les nains. Nous avons une très grande mémoire pour ce genre de chose. Nos histoires se transmettent sans divergence entre les générations. Je pourrais te raconter mille histoires sur les nains, leurs alliés et leurs ennemis au fil des siècles. | — Je serais enchanté d’entendre plusieurs d’entre elles, commenta Balco. J’aime les histoires de notre planète. — Ce sera pour moi un honneur que de conter des histoires à l’héritier de la nuit, indiqua Nathax en inclinant respectueusement la tête. Pour en terminer avec la présente histoire, à cause du dénigrement des actions bénéfiques de Gimgul. Et de bien d’autres également, les nains sont très en colère contre l’Empire. Officiellement, il y a toujours une alliance entre les castes naines et l’Empire. Cependant, c’est une alliance très précaire. Je n’imagine pas que les nains et l’Empire se déclarer la guerre. Aucun des deux camps n’aurait à y gagner dans un affrontement direct. Toutefois, si une nouvelle force venait se montrer plus vaillante et entreprenante que l’Empire, les nains ne seraient pas difficiles à charmer. Je suppose que le grand maître a déjà pris en compte ce paramètre dans ses calculs. Comme, par exemple, si quelqu’un venait à renverser l’empereur ! Nul doute que toutes les castes naines lui apporteraient leurs appuis. Quoi que les autres puissent en dire, avoir le soutien des nains serait une aide précieuse. Certes, on peut me dire que mon point de vue est biaisé par le fait que je suis un nain ! Je n’ai rien à revendiquer pour contredire cette vérité. Reste que je ne suis lié à aucune caste. Cela viendra, j’espère avec le temps. » | Hilld clama d’une voix puissante l’heure du départ. Actuellement, il était encore que le milieu de l’après-midi. Hilld comptait avancer jusqu’à la tombée de la nuit. Ensuite, installer un nouveau campement pour la nuit. Balco était bien impatient d’y être. Il aimait ses moments de pause, où il pouvait prendre le temps de discuter avec les uns et les autres. Mais, ce ne serait qu’un simple arrêt pour la nuit. Ils repartiraient dès le lendemain. D’après les estimations de Hilld, il leur restait encore deux jours de chevauchée pour rejoindre les montagnes d’Englub. Ensuite, il ajusterait ses prévisions une fois sur place. Peut-être un ou deux jours de plus, suivant le temps qu’il leur faudrait pour trouver un passage dans les montagnes. Ils comptaient sur Nathax pour les aider dans cette tâche. Nathax aurait certainement la logique naine pour retrouver les anciennes entrées de son peuple. Mais, ils découvriraient peut-être autre chose, il n’y avait pas que les nains qui avaient creusé des galeries sous Englub. | Chacun reprit sa monture et ils chevauchèrent tout l’après-midi. Balco resta curieux de la nature qui l’entourait. Le paysage désertique qu’il traversait n’avait rien d’exceptionnel, c’était plutôt les grandes forêts que l’on pouvait apercevoir au Nord et au Sud. Et naturellement, les montagnes grises qui lui faisaient face. Elles se rapprochaient d’heure en heure de façon perceptible. La nuit tomba rapidement, ils improvisèrent un feu de camp de fortune et s’endormirent. Tous, sauf Hilld qui montait la garde à lui seul. Balco n’arrivait pas à comprendre comment Hilld pouvait rester actif de jour comme de nuit. Il soupçonnait Hilld de dormir en journée sur son cheval, ou qu’il n’était pas pleinement attentif tout au long de la nuit. Ce n’était pas humain de pouvoir rester éveillé durant toutes les heures d’une journée au cours de plusieurs jours d’affiler. Il devait y avoir une astuce ! Balco savait pertinemment que ce n’était pas la peine de questionner son ami à ce sujet. Il ne lui dirait absolument rien. Toujours solitaire et peu explicite dans ses réponses. Balco hésita un moment à poser des questions à Alendomïën pour tenter d’en savoir un peu plus. En pensant à elle, il lui vint une autre idée ! Et si c’était Alendomïën qui par sa magie donnait à Hilld cette faculté de rester éveillé. Dans ce cas, il allait encore passer pour un inculte de la magie aux yeux de cette elfe. | Balco se rétracta. Il continua d’élaborer des scénarios d’explication jusqu’à que le sommeil ait raison de lui. Lif fut le premier debout, si l’on ne tient pas compte de Hilld resté éveillé. L’elfe aussi discret que Hilld scruta les environs de son regard bleu sans dire le moindre mot pendant plusieurs minutes. Il jeta un petit regard à Hilld en guise de bonjour, mais aucun mot ne vint accompagner son geste ni troubler le silence ambiant. Hilld lui rendit son regard et ils semblèrent s’être compris mutuellement. Le reste du groupe émergea petit à petit de leur sommeil. Un rapide petit déjeuné fut ingurgité et ils reprirent leur monture en direction des montagnes grises qui se faisaient de plus en plus proches. Vers le milieu de la matinée, l’environnement changea. Ils retrouvèrent à nouveau la présence de sapin. Éparpillé, clairsemé. Ils n’étaient pas encore revenus dans une forêt dense, mais ils retrouvaient progressivement la présence de la nature et de la verdure. Le sol aride s’estompait de manière régulière. | Mais encore plus importants, ils avaient commencé leur ascension. Les premières pentes, encore douces, se présentaient à eux. Le sol se relevait lentement et cela indiquait bien qu’ils étaient dans la bonne direction. Un faux plat, montant et caillouteux, avait ainsi laissé place au sol aride. Les montures avaient ralenti leur allure. Mais, ils gagnaient toujours un temps considérable par rapport à un déplacement à pied. Balco apprécia particulièrement cette situation, il n’était pas un grand amateur de la marche à pied active sur des dizaines de kilomètres. Ce moyen de locomotion était d’autant plus apprécié qu’il permettait à Balco de discuter sans se fatiguer un seul instant. Balco se rapprocha de Lif dont il était curieux d’en apprendre un peu plus. Homelf avait fait les présentations. Il avait venté ses mérites et son adresse. Pourtant, il n’en savait presque rien. Certes, Lif était aussi prompt à discuter que l’était Hilld. Et leur première rencontre avait été assez expéditive. Balco se força donc à faire le premier pas, sinon il n’aurait jamais la moindre explication. | « Bien le bonjour, monsieur Lif, commença Balco. Puis-je prendre un peu de votre temps pour discuter ? — Vous le pouvez, indiqua froidement Lif. Je n’avais rien prévu de particulier cet après-midi. » Balco laissa échapper un petit sourire. Comment aurait-il pu prévoir une telle réponse ? Même Hilld, si froid qu’il soit, n’aurait pas entamé une discussion de cette manière. « Je souhaite surtout en apprendre un peu plus sur vous, argumenta Balco. J’ai rencontré plusieurs elfes depuis quelques jours. C’est encore nouveau pour moi. Chacun est bien différent les uns des autres. J’avais toujours cru que tous les elfes étaient semblables. Mais je me rends compte que mes préjugés n’étaient pas fondés. — Comme pour les humains, expliqua Lif. Pour nous, vous êtes tous identiques et pourtant… Toutefois, je ne pense pas être un conteur particulièrement intéressant. Ma vie est des plus simples et modeste. Pas de quoi en délibérer durant plusieurs minutes. — Je ne prendrais que l’essentiel, supplia Balco. Nous sommes destinés à faire un bout de chemin ensemble. Apprenons à nous connaître ! | — Si cela peut vous faire plaisir, jeune humain, soupira Lif. Je suis né il y a un peu plus de vingt-cinq ans. Je suis extrêmement jeune pour un elfe, sans vouloir vous offenser. — Je suis aussi encore jeune pour un humain, commenta Balco avec un large sourire. — J’ai vécu dans mon village natal avec ma famille jusqu’à il y a encore peu de temps, continua Lif. Il s’est avéré que j’avais un don un peu plus développé que la moyenne pour le tir de précision avec un arc. J’ai donc appris auprès des elfes de mon village tous les rudiments de son utilisation. Pour achever mon apprentissage, je devais passer plusieurs semaines éloignées de ma forêt natale pour y subir l’épreuve. C’est au cours de ce passage obligatoire que je vous ai aperçu. Toi et Homelf ! Je vous ai suivi malgré tous les efforts de Homelf pour cacher votre avancée. Ton compagnon elfique m’a posé bien des difficultés et ce fut une excellente expérience. Il est toutefois regrettable qu’il soit parvenu à me faire perdre vos traces pendant un moment. À cause de cela, je suis arrivé juste après votre bataille contre cette bande d’arklins. | — Si nous avions pu savoir, commenta Balco avec une petite moue. Je me serais évité une grosse frayeur en courant comme un fou dans les bois. Et Homelf n’aurait peut-être pas été blessé. — Nous ne pourrons pas refaire le passé, indiqua Lif avec une froideur qui calma Balco. Nous ne nous en sommes pas si mal sorti. Le temps que je vienne en aide à Homelf en lui prodiguant quelques soins. Puis une fois rétabli, juste le temps de prendre la direction de Haches et voilà que nous nous retrouvions ! Je ne crois pas qu’il y ait plus à conter à mon sujet. Je suis un elfe sans histoire, qui souhaite juste aider pour une noble cause. — Une noble cause ! répéta Balco avec étonnement. Je ne partage pas ton point de vue, ami elfe. Je ne suis pas encore convaincu que destituer l’empereur peut être classé comme une noble cause ! — Comment pouvez-vous douter des actions du grand maître ? s’étonna Lif en jetant un regard de travers en direction de l’héritier de la nuit. S’il n’avait pas pris des décisions extrêmes par le passé, nous ne serions pas ici aujourd’hui pour en parler. Le grand maître possède une sagesse et une expérience qui surpasse même celle des elfes ! Je peux comprendre votre réticence à revendiquer le trône d’un homme ! J’éprouverais la même. Cependant, déceler les causes et effets de ce geste… Je fais une confiance aveugle au grand maître. Pour ce cas précis, je place de côté mes interrogations et mes principes. Le grand maître a vu et vécu si longuement que son jugement est affecté par des siècles d’expériences. Que peut bien valoir notre morale de quelques années de maturité face à une sagesse de plusieurs millénaires ! | — Je n’avais pas vu sous cet angle, marmonna Balco pensif. — Je vous assure que je suis comme vous, continua Lif. Si cela ne tenait qu’à moi, je n’irais pas à la rencontre de l’empereur. Je ne connais pas cette personne. Tout du moins pas personnellement, bien entendu que je connais son nom. Et je sais ce que représente l’empereur pour notre planète. Tout comme vous héritier de la nuit, je n’ai aucune raison de lui en vouloir au point de prendre sa vie ou sa place. — Nous avons la même vision des choses, souligna Balco. Cependant, je reconnais que votre remarque est pertinente. Nous n’avons certainement pas assez de recul sur ce genre d’événement. Nous n’avons pas la possibilité de juger efficacement si c’est une bonne décision ou non. — Le grand maître a décidé ! Agissons ! clama fermement Lif. Nous pourrons profiter de l’expérience de nos actes par la suite. — Agissons ! déclara Balco avec une moue encore dubitative. » Balco s’éloigna de l’elfe en restant bien pensif. Il suivait le groupe ne sachant toujours pas comment il allait agir et réagir lorsqu’il se retrouverait face à l’empereur. Il avait pour le moment toujours un peu de mal à comprendre comment il pourrait passer la garde personnelle de l’empereur. Le grand maître avait bien indiqué que celle-ci devrait être en effectif réduit pour une période. Mais il doutait. C’était l’empereur malgré tout ! Il ne pouvait pas être sans aucune protection digne de son rang. Il avait besoin de voir pour croire que ce phénomène était possible. | La matinée passa. Un frugal repas fut rapidement ingurgité par le groupe afin de repartir tout aussi vite. Ils reprirent leur chevauchée vers la cité d’Englub. Ils arrivèrent en milieu d’après-midi sur les premiers hauts plateaux. La vue qui s’offrit à eux était fantastique. Ils pouvaient apercevoir tout le chemin parcouru. Au loin derrière, ils parvenaient à apercevoir les toits des chaumières de Petit-Village. Invisibles pour Balco, les elfes du groupe parvenaient même à distinguer les remparts de Haches. Devant eux, des montagnes pointues se dressaient. C’était désormais un sol rocheux auquel il avait à faire. Un peu de terre, des sapins et de la roche grise et blanche mis à nue. La progression était dorénavant plus lente ! Les chevaux avaient beaucoup de peine à trouver des appuis stables sur le sol cahoteux. Ils avancèrent de cette manière pendant une heure supplémentaire. Puis, en découvrant une prairie verdoyante juste avant une nouvelle pente escarpée et rocailleuse, Hilld ordonna la halte ! Et surtout, la préparation d’un campement pour la nuit. C’était étonnant que cette préparation intervienne aussi rapidement dans la journée. Balco ne comprit pas tout de suite le pourquoi de cette décision. | Il restait pourtant deux à trois heures de jour qu’ils auraient pu mettre à profit. Il questionna Hilld à ce sujet et il fut désabusé par la réponse. C’était la fin du voyage avec les chevaux ! Ils allaient rester ici jusqu’à leur retour ! Sauf, s’ils devaient fuir face à un prédateur durant leur absence. Demain, ils allaient attaquer l’escalade de la montagne pour trouver les sentiers qui courraient entre les parois abruptes des montagnes et de profonds précipices. On ne pouvait pas particulièrement parler d’escalade, mais le chemin allait devenir terriblement dangereux pour quelqu’un qui manquait d’expérience comme l’héritier de la nuit. La grande nouvelle pour Balco, c’était surtout qu’il allait se déplacer à pied jusqu’à la capitale dès demain. Une bonne nuit de repos ne pouvait pas faire de mal vu sous cet angle. Car personne ne pouvait prévoir les dangers qu’ils allaient rencontrer dès demain sur des accès inutilisés depuis des années. Balco s’inquiétait de cette situation. Il appréciait sa monture et cela lui faisait mal au cœur de l’abandonner à son propre sort. Le lieu choisi par Hilld était particulièrement favorable pour les chevaux. Un grand espace herbeux et certainement une source ou un début de rivière non loin, car il y avait un bruit de fond continu perceptible. Indiquant qu’un filet d’eau coulait de façon régulière. Tout était bien préparé par Hilld, Balco n’avait qu’à constater et admirer chacun des choix de son ami. | Le campement fut rapidement monté avec l’aide de chacun. Balco récupéra un peu de bois mort présent sous quelques grands sapins. Bien que ce ne fût pas le meilleur bois pour démarrer un feu de camp, la magie d’Alendomïën était en mesure d’enflammer n’importe quel type de bois. Balco se doutait même que le bois n’était qu’une façade. Il n’y en avait pas réellement besoin pour déclencher un feu magique. C’était tout de même plus naturel d’avoir du bois et la douce mélodie du bois crépitant sous l’effet des flammes. Qu’avoir une simple flamme jaillissant de nulle part et restant dans le même état toute la nuit. Et-ce que Alendomïën aurait été capable de créer un feu perpétuel ? Il évita de poser la question, c’était tout de même une corvée bien facile que d’aller chercher un peu de bois. Pourquoi se plaindre et avoir la prochaine fois quelque chose de bien plus physique. Nathax et Hilld ramenèrent des troncs entiers de sapin tombés à cause du vent ou de la foudre. Ils portèrent chaque tronc un à un pour les disposer en cercle autour du feu. Chacun pouvait s’asseoir sur un tronc et profiter de la chaleur et du crépitement du feu. Et le plus appréciable du point de vue de Balco, c’est qu’il pouvait de cette manière écouter toutes les conversations qui auraient lieu autour du feu. | Il restait encore quelques heures avant que le soleil décline derrière les sommets des montagnes proches. Ils en profitèrent pour se prélasser un peu. Balco accompagna Nathax pour trouver la source d’eau afin de se rafraîchir et remplir avec de l’eau fraîche toutes les gourdes du groupe. Il ne leur fut pas très difficile de découvrir le petit ruisseau qui glissait sur une roche mise à nu par le faible courant. Ils remplirent tranquillement les besaces de chacun en profitant pour boire directement de cette eau claire. Hilld pendant ce temps s’occupa de laisser les chevaux au milieu de la prairie sans les attacher ! Cette nouvelle idée surprit Balco. Mais, elle fut rapidement expliquée par son compagnon de taverne. Ils n’étaient en aucun cas certains de repasser par cet endroit à leur retour. Personne ne pouvait savoir ce qui allait se passer lorsqu’ils allaient rencontrer l’empereur. Ni même pour commencer s’ils allaient parvenir jusqu’à lui ! Hilld ne souhaitait pas les laisser attacher alors que leur retour était improbable. Les chevaux seraient devenus des proies bien trop faciles pour le moindre prédateur passant par cette petite prairie. Vu qu’ils étaient très proches des montagnes, nul doute qu’un grand nombre de prédateurs était présent. | Balco dut une nouvelle fois admettre que c’était la meilleure solution à adopter. Il craignait fortement que les chevaux ne soient plus là pour leur retour, prédateur ou non. Il commença à se faire à l’idée que le retour jusqu’à la cité de Haches risquait d’être particulièrement long. Cette idée ne le séduisait pas spécialement à première vue. Il tenta d’oublier le retour, il n’en était pas encore là. Il devait d’abord se concentrer sur l’idée d’aller jusque devant l’empereur. Ce qui n’était pas une mince à faire ! Il restait encore du chemin avant que cela ne se produise. Pour Balco, malgré toute l’estime qu’il avait pour le grand maître et la confiance qu’il accordait en ses compagnons de route, cette petite compagnie ne pouvait pas pénétrer dans le palais de l’empereur. C’était inconcevable, ils ne parviendraient pas jusqu’à lui aussi facilement. L’empereur était une personne trop importante pour ne pas être protégée comme il se devait. Encore plus, en l’absence de ses cinq principaux chevaliers. | Balco ne dit rien à ce sujet non plus. Il ne voulait pas entamer le moral du groupe avec ses idées négatives. Après tout, dans tout le groupe, c’était bien lui la personne la plus inutile à cause de son grand manque d’expérience. Le grand maître l’avait choisi pour se présenter devant l’empereur, mais il restait persuadé qu’il était le moins qualifié pour faire face à cette situation. Mais là ni lui ni un autre du groupe n’auraient contesté une décision du grand maître. Il en avait déjà évoqué le sujet avec Lif. Il était le seul à être véritablement inquiet de la situation. Il avait survécu à Lichn, c’était déjà un miracle en soi. Il avait échappé de peu à la mort en tombant face à un démon ! Si son héritage de la nuit pouvait le protéger des créatures de l’ombre, l’empereur n’avait rien de maléfique ! Il jugeait que ce n’était pas une bonne idée de jouer sa vie une nouvelle fois. Le grand maître ne pouvait pas lui demander de sacrifier sa vie sans avoir quelques appréhensions ! Pourtant, il ne pouvait plus reculer. | Le grand maître ne lui aurait nullement pardonné le fait de ne pas être présent pour affronter l’empereur. Toute la stratégie du grand maître reposant sur sa présence. Balco devrait faire confiance en la force de chacun des membres de la compagnie. Il n’en avait vu que certains pendant une courte guerre. Même s’ils avaient été formés par le grand maître… Balco doutait ! Perdu dans ses pensées, l’héritier laissa son regard caresser le corps d’Anis qui s’était accroupi à côté de lui. Elle avait fermé les yeux pour se laisser somnoler. Son regard se déplaça des épaules dénudées de l’elfe jusqu’à ses bottes brunes qui montaient jusqu’au niveau de ses genoux. Balco sembla fixer la ceinture en peau de daim qui serrait la tunique juste au niveau de son bassin. Celle-ci n’était pas totalement serrée, révélant quelques centimètres de peau de sa hanche. Nathax le réveilla en lui assénant une grande claque dans le dos. « Fais gaffe à ta tête l’héritier, dit Nathax avec un petit ricanement obscène. J’en connais qui se retrouvent avec un petit nuage au-dessus de la tête pour moins que ça ! » | Balco rougit, plus par réflexe que par honte. Il n’avait pas remarqué qu’il dévorait des yeux le corps d’Anis. Son esprit était entièrement occupé par le sort de l’empereur. Mais, il comprenait que son geste ait pu être interprété d’une manière totalement différente. Anis ouvrit ses grands yeux verts et regarda fixement Balco. « Lui, il a le droit de me dévorer des yeux, dit avec un sourire Anis. » Cette remarque troubla encore un peu plus Balco. Il devint complètement rouge jusqu’aux oreilles. « Ben, voyons ! s’exclama grassement Nathax. Tu montres vicieusement tes cuisses et tes hanches à qui veut bien regarder. Moi, je suis traité comme le pire pervers qui puisse exister. Mais pour l’héritier c’est normal qu’il puisse se rincer l’œil sans qu’on lui en fasse le reproche ! » Balco replongea dans ses pensées et laissa le nain et l’elfe se chamaillait. Ils étaient donc condamnés à laisser les chevaux ici. Un maigre espoir de retour était leur seule chance de les revoir. Il devait survivre à leur affrontement contre l’empereur. Puis repasser exactement par le même endroit en souhaitant que les chevaux y soient encore. Pour Balco, cela faisait un peu trop de paramètres aléatoires. | Il n’y avait aucun doute que c’était la dernière fois qu’ils côtoyaient leurs montures. Balco avait un peu de mal à se faire à cette idée. Il ne pouvait pas comprendre comment des animaux pouvaient rester sagement à la même place pendant des jours. Il avait été gardien de cochon. Ce n’était pas si ancien que cela. Si les animaux savaient rester à la même place sans aucune intervention. Les bergers n’auraient aucun rôle à jouer. La tension entre le nain et les elfes s’apaisant aussi vite qu’elle naquit. Chacun s’installa sur l’un des troncs posés autour du feu. Chacun prit un peu de son ravitaillement encore présent dans les sacs à dos. Ils se restaurèrent sans faire le moindre bruit. L’atmosphère était un peu lourde sans qu’il y ait la moindre raison pour que la situation fût aussi dramatique. Même la querelle entre Nathax et Anis était depuis longtemps oubliée. Balco rompit le silence en questionnant les autres pour savoir si l’un d’entre eux avait une histoire à conter avant que le soleil ne disparaisse. | Tous se regardèrent quelques instants, puis Nathax prit l’initiative de la parole : « Je peux te conter quelques histoires si tu le souhaites. — Des histoires de nains ? Critiqua Alendomïën avec une petite intonation d’exaspération. — C’est l’évidence, s’exclama Nathax. Je ne conte que des histoires qui sont dignes d’intérêt. — Les histoires d’elfes ne sont pas intéressantes ? Enchérit Anis avec un long regard de reproche en direction du nain. — C’est le cas, sans aucune contestation possible, lança sèchement Nathax. Des blondinets aux grandes oreilles se gambadant parmi les fleurs et les arbres. Excusez-moi, mais c’est d’un ridicule affligeant. — Un nain grassouillet remplissant son gosier avec des bières d’auberges à longueur de journée est certainement d’un intérêt culturel plus élevé, supplanta Alendomïën. — Stop ! s’écria Balco. Je ne voulais pas créer de discorde avec ma proposition. Je souhaite juste écouter une histoire avant de me reposer. Qu’elle soit elfe, naine, humaine ou issue d’une autre espèce, cela m’importe peu. | — Vas-y Nathax, déclama Alendomïën calmement. On écoute ton histoire de nain. J’espère vraiment pour toi que cette histoire sera nous captiver, car nous sommes tous là pour l’écouter. — Aucun risque, expliqua Nathax. Ce ne sont que des faits historiques que je vais aborder. Lorsqu’on retrace l’histoire de notre bonne planète Sulder, tout est bon et intéressant. Savoir et connaître, c’est le premier pas nécessaire pour progresser. Même si mon histoire parle de nain. — Si c’est historique, commenta Alendomïën avec une exaspération largement exagérée. J’attends de voir tout de même. Je ne crois que ce que j’entends ! » Alendomïën lança un sourire amusé et entendu en direction du nain. Nathax se releva de toute sa stature. Il fit glisser ses doigts le long de ses nattes tressées en regardant son assistance. Il tourna autour du feu de camp pour conter son histoire. Il capta le regard de chacun lentement avant de commencer son histoire. Il souhaitait obtenir l’attention exclusive de tout le monde avant d’entamer son récit. Il n’était pas un conteur de formation, mais il savait tout de même s’y prendre. | « Loin… Très loin dans les âges anciens. Bien avant que les grandes puissances ne se déchaînent dans l’univers. Les puissances de la nuit avaient déjà foulé, de leurs pieds, le sol de Sulder. Peu nombreux et mal organisés, ils semèrent malgré tout la terreur sur les îles les plus faibles de la planète. Personnes les considérant comme une menace majeure, ils purent sévir à leur guise. Les guerres entre les différentes espèces continuèrent comme s’il ne se passait rien. Aklins, lézards, nains, humains et elfes… » Nathax gronda en prononçant le nom de l’espèce. Il jeta un regard coupable en direction des elfes. Alendomïën lui répondit par un léger sourire. Lif resta de marbre et ne releva pas la petite pointe du nain. Heureux de son petit effet, Nathax continua : « Toutes les espèces permirent aux puissances des ténèbres de vivre ! Mais surtout, de développer des guérillas contre les grands royaumes de cette époque. — Qu’est-ce qui foutait les nains à cette époque justement? commenta Anis. Certainement à cuver leurs bières au fin fond d’une caverne ! | — J’y arrive au rôle des nains, asséna Nathax. Eux au moins, ils ne se baladaient pas en petite jupette dans les bois pendant que les ténèbres avançaient cruellement. — L’histoire, rien que l’histoire, tonna Hilld mettant un terme provisoire à la querelle grondante entre l’elfe et le nain. — Les troupes des ténèbres assénaient des coups à l’arrière des armées à la fin de chaque conflit, reprit Nathax en tournant volontairement le dos à Anis. Sans se faire remarquer, ils causaient de très nombreuses pertes. Nous étions pourtant encore dans cet âge reculé qu’au balbutiement des ténèbres. Peu nombreux et faibles, leurs assauts n’avaient rien à voir avec ceux qu’ils peuvent déclencher de nos jours. Les ténèbres continuèrent de progresser sans que les autres peuples se soucient d’eux. Un nain sentit le danger qui pesait sur Sulder ! » Nathax fit rouler ses épaules en évoquant l’un des ancêtres de son peuple. Une fierté qui ne manqua pas de faire grimacer les elfes et qui amusa le reste du groupe. | « Il pressentit que les ténèbres étaient bien plus dangereuses qu’on pouvait le laisser supposer. Ce nain se nommait Glaril. C’était un chef de caste réputé et reconnu pour plusieurs hauts faits de guerre. Glaril demanda audience auprès de l’empereur des nains. Le nom de l’empereur m’échappe, c’est une très lointaine époque… Mais, cela n’a guère d’importance pour mon histoire. — Celui de notre époque n’en a pas plus, commenta Anis en passant une petite brindille le long de ses cheveux avec négligence. — Glaril conta sa méfiance à l’empereur, continuant Nathax sans adresser le moindre regard en direction d’Anis. Il lui suggéra de lever le plus possible de caste naine contre ce danger grandissant. L’empereur l’écouta avant de lui rire au nez et de le sermonner qu’il commençait à devenir sénile ! Les nains avaient des affaires bien plus sérieuses à régler. Il n’allait pas ordonner que l’on vide les forteresses naines pour combattre de faibles créatures qui ne représentaient pas le moindre risque pour le fier peuple nain. Glaril fut déçu par cette inaction. Mais, il pouvait comprendre la réaction de son empereur ! Malgré tout, s’il n’était pas parvenu à convaincre les siens… Lui, Glaril, n’allait pas se laisser endormir par ces fourbes créatures des ténèbres. » | Le feu crépita un peu plus fort. Nathax compensa en montant d’un cran son intonation. « Il retourna dans sa forteresse, afin de réunir tous les guerriers de sa caste. Il leur parla au cours d’un grand buffet et sollicita leur bravoure pour se joindre à son expédition jusqu’aux montagnes d’Anacanda. Il souhaitait y installer un bastion, puis frapper les ténèbres avec des petites escarmouches. Il comptait utiliser la même méthode que les ténèbres. La plus grande partie de ses guerriers acclamèrent et soutinrent leur chef de caste dans son projet. L’expédition fut donc lancée. Dormant à même la roche des montagnes durant les premiers mois, les bâtisseurs nains finirent par développer un réseau souterrain sous les montagnes qui leur servit de cachette et de bastion. Installé au cœur même de la principale zone d’influence des ténèbres, Glaril commanda les escarmouches. S’attaquant à des petits groupes isolés… » Nathax prit une courte pause marquée par une longue aspiration et continua d’observer son auditoire pour capter encore un peu plus leur attention. Il n’avait pas besoin de faire d’effort pour avoir les yeux de Balco rivé sur lui. Le jeune héritier était hypnotisé par l’histoire du nain. Les elfes semblaient totalement indifférents. | « Mais également, à des créatures plus robustes et solitaires, continua le nain avec une voix qui se fit plus rude. Des démons furent aussi la cible des nains de Glaril. Ces derniers furent d’une efficacité redoutable. Ils tuèrent de très nombreuses créatures des ténèbres de tous les types. Les coups portés, s’il pouvait apparaître comme anodin. La somme de l’ensemble des pertes que Glaril causa donna toute la légitimité du travail qu’il s’était fixé. Toutes les créatures tuées n’allaient pas harceler à leur tour les autres espèces. C’était rare dans les temps anciens, mais Glaril travailla pour le salut de toutes les espèces de Sulder. Il continua avec les guerriers de sa caste son travail de sape durant deux années complètes. Le nombre de nains diminuait au fur et à mesure des semaines. Même bien organisé, les créatures des ténèbres n’étaient pas simples à tuer. Une défaillance était vite arrivée. Le moral des nains restait au beau fixe malgré les pertes. C’était pour eux une joie de pouvoir manier la hache régulièrement. La forteresse de Glaril, construite au départ pour être un abri contre les intempéries, les animaux sauvages et pour se cacher lors des déplacements importants de troupes des ténèbres, devint un haut lieu stratégique. Chaque galerie menant à la surface, permettant de provoquer des escarmouches parfaitement ciblées. » | Nathax fit une nouvelle pause et reprit d’un ton encore plus grave pour souligner le changement dans son histoire. Sa voix fut sombre et imposante, Balco ressentit des frissonnements dans son dos. « Finalement, le démon dirigeant les puissances ténébreuses à ce moment-là finit par comprendre la supercherie. Après avoir envoyé quelques appâts pour vérifier sa théorie, il finit par découvrir la majorité des tunnels d’accès à la forteresse de Glaril. Il affecta de nombreuses, trop nombreuses, créatures pour entamer le siège de la forteresse. Il espérait que les nains capituleraient en quelques semaines. Cela aurait été certainement le cas si Glaril n’avait pas eu plusieurs années pour réaliser la forteresse. Le démon arrivait bien trop tard. La forteresse était totalement autonome. Les nains pouvaient y vivre durant des dizaines d’années sans craindre la moindre pénurie… Et c’est ainsi que tout se déroula, le siège dura une année complète sans qu’il y ait le moindre signe de défaillance du côté des nains. Excédé, énervé, irrité… éreinté… Le démon ordonna un assaut de toutes les créatures dont il disposait. Pendant trois mois, les nains de la caste de Glaril parvinrent à repousser les assauts répétés des créatures. Ils abandonnèrent de nombreuses galeries en créant des éboulements. Il préférait perdre un passage plutôt que de laisser une voie d’accès à leur ennemi. Cependant tous les efforts ne faisaient que retarder l’inéluctable. » | Nathax baissa légèrement les épaules en continuant son récit. « Leur nombre diminuait à chaque nouvel assaut. Si la situation n’évoluait pas en quelques mois, ils n’auraient plus la capacité de résister. Glaril, parfaitement conscient de la situation désastreuse et de la fin proche qui l’attendait, décida de tenter un ultime coup de bluff. Une dernière action héroïque afin de tenter de sauver une partie des siens. Il lança un assaut pour sortir de sa forteresse et tenta de rompre le siège qui lui était imposé en cassant le blocus d’une unique galerie. Il ne resta plus qu’une trentaine de nains à la fin de cette tentative du dernier espoir. Glaril faisait partie du nombre. Il fit croire aux créatures des ténèbres qu’il se dirigeait avec ses dernières ressources vers le Nord en direction de son ancienne forteresse. En réalité, Glaril et ses compagnons restèrent cachés dans les montagnes. Lorsque le démon envoya ses guerriers poursuivre Glaril sur les routes du Nord, Glaril décida de s’attaquer seul au démon ! Il laissa ses guerriers en arrière toujours cachés dans les montagnes. » | Nathax continua son récit en simulant avec de grands gestes le combat qui opposa Glaril au démon. « Glaril livra une bataille sanglante contre le démon. Il n’en reste pas moins que Glaril ressorti vainqueur de ce combat ! Glaril fut marqué à jamais par ce conflit, une grande balafre parcourait son dos. Sa colonne vertébrale fut brisée en plusieurs endroits. Il perdit l’usage de ses jambes, de son bras droit. Ainsi que la vue ! Vivant il était, mais peu de temps il lui restait. Sa hache, couverte du sang noir du démon, s’était fissurée dans le crâne du démon. Ce fut le dernier combat de Glaril et de sa hache. Les derniers nains de sa caste le trouvèrent quelques heures après la bataille baignant dans une mare de sang. Il s’était livré corps et âme dans son combat contre les ténèbres. Il avait réussi à retarder un peu plus l’âge où les ténèbres deviendraient une menace pour tous. Glaril fut porté par les siens jusqu’à sa forteresse. Acclamé et accueilli comme un héros qu’il était, malgré sa santé déplorable. C’est bien elle qui fut la perte de Glaril. Il ne vécut, que quelques mois de plus, rendu trop faible, il ne résista par à l’hiver rude qui s’abattit sur Saol. » | Nathax ferma les yeux un court instant pour donner encore un peu plus d’intensité à cette disparition. Puis il reprit : « L’action de Glaril peut apparaître futile, car les ténèbres sont toujours là et même bien trop. Toutefois, il aura épargné bien des conflits aux autres espèces. Ce ne fut que peu de chose dans l’océan de conflit qui nous opposa par la suite aux ténèbres. Malgré tout, c’est toujours une goutte qui fait pencher la balance du bon côté. La forteresse de Glaril existe toujours et il y ait enterré dans un tombeau majestueusement sculpté. Quant à sa forteresse dans les montagnes d’Anacanda… » Nathax plissa les yeux. Les nattes dans ses moustaches semblèrent se redressaient légèrement, donnant une impression d’ondulation. Nathax tourna son regard vers le jeune héritier. « Personne ne sait si elle existe toujours ! ajouta lentement Nathax. Nul n’en a jamais retrouvé l’une des entrées. Nombreuses furent ensevelies par Glaril et les siens. Il est bien possible qu’il se soit assuré avant de quitter sa forteresse que personne ne pourrait plus y accéder. Il existe quelques rumeurs dans les autres castes naines. On raconte que les derniers survivants transmettraient l’information de sa localisation de génération en génération. Une légende naine déclare même qu’il y aurait au cœur de la deuxième forteresse de Glaril une forge particulière. Enfin, sa particularité viendrait d’un filon de métal très rare qui aurait permis de forger des armes en mesure de lutter contre les ténèbres. Pour cette dernière partie de la légende, je pense, c’est du folklore nain qui s’est ajouté au fil des siècles. De toute façon, aucune arme soi-disant issue de cette forge n’est jamais apparue entre les mains d’un nain. Glaril fut héroïque dans ses décisions. Retenons son courage et son abnégation devant l’adversité… Et qu’il nous serve d’exemple dans les tâches qui nous attendent. | — Et que Rouge soit avec nous, s’écria Balco en surprenant tout le monde. » Tous les regards se tournèrent vers Balco qui en fut très gêné. Il baissa les yeux vers le sol attendant que l’attention se détourne de lui. L’insistance des autres l’obligea à s’expliquer : « Je n’ai qu’un héros qui me sert d’exemple, argumenta Balco. Il s’agit de Rouge ! — Difficile de trouver un meilleur exemple, commenta Nathax. Même si ce n’est pas un nain. Rouge fut mainte fois plus efficace que Glaril ou tout autre nain. Ce n’est pas du tout le même registre de héros. Le nain n’a tué qu’un seul démon majeur, alors que l’aigle a pratiquement anéanti les ténèbres jusqu’à leurs dernières ramifications. — Malheureusement, il y a ce presque ! insista Alendomïën. Il reste encore des créatures des ténèbres. Nous ne vivons pas dans un monde tranquille en coulant des jours heureux. — Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, souligna Balco. Nous sommes là parce que le grand maître fonde de l’espoir en nous. Tâchons de ne pas le décevoir. » | La discussion continua encore quelques minutes sur divers sujets. Puis Hilld intervint pour ajouter des éléments importants sur leur environnement : « Je ne suis pas certain que tout le monde ait remarqué ce détail, indiqua Hilld. Pendant l’installation du campement, j’en ai profité pour inspecter les environs. À environ cinq cents mètres vers le Nord, on peut apercevoir des ruines sous les ronces et autres végétations. Ce n’est pas juste une structure qui se trouve là, mais une ancienne cité de la grande époque de la capitale. — Dippli ? Questionna Alendomïën avec certitude. — Parfaitement exacte Alendomïën, confirma Hilld. L’ancienne cité qui servait de douane à la capitale. Toutes les caravanes, ainsi que les autres transports terrestres devaient passer par Dippli pour obtenir leur laissez-passer pour Englub. Il s’obtenait en s’acquittant d’une taxe qui dépendait de la cargaison. Il y avait ici un poste militaire très connu de l’Empire. Tous les soldats de Dippli étaient réputés pour leur vaillance et leur fidélité à l’Empire. Il n’était pas permis de tromper l’Empire en accordant des passe-droits ou des facilités. C’était de toute façon très rare, la garde de Dippli excellait dans la recherche des mauvais payeurs et des contrebandiers. | — La cité est tombée ? Questionna Balco. — Au moment de l’invasion de Line, expliqua Hilld. Si la capitale fut sauvée, les cités aux alentours n’eurent pas la même chance. Et l’on retrouve bien ici la marque des ténèbres. Ils ont rasé complètement la cité, pas de prisonnier ni d’orphelin. Une éradication la plus complète de toutes les formes de vie. Il ne reste désormais plus que les ruines de Dippli pour que l’on se souvienne de cette cité. — Il y a bien des cités qui sont reconstruites même après une catastrophe. Non ? Questionna Balco. — Bien souvent c’est le cas, car il y a toujours un survivant, un parent, un fils qui veut retrouver le lieu de son enfance ou de ses souvenirs, expliqua Hilld. Pour Dippli, l’affaiblissement de l’Empire a causé sa perte. Il y aurait déjà bien trop à faire pour reconstruire la capitale, alors les cités annexes sont oubliées. C’est malheureux. Mais, nous ni pouvons absolument rien. » Balco resta pensif dans son coin n’écoutant plus la suite de la discussion. Les ruines de Dippli lui rappelaient les ruines fumantes de son village. Il avait survécu à ce désastre. D’après les dires de Hilld, ce serait à lui de faire les efforts pour rebâtir son village. Il n’en avait pas spécialement l’envie pour le moment. Il avait trouvé aventure et rêve. Son passé enfouit au fond de lui-même, mais il ne souhaitait pas le déterrer… Pas pour le moment en tout cas. | La lumière déclina rapidement. En quelques minutes, il ne resta plus que les braises de leur feu de camp pour éclairer sommairement autour d’eux. Hilld raviva le feu pour que quelques flammes soient présentes et éclairent un peu mieux. Chacun prit son paquetage et s’organisa une couche improvisée autour du feu. Tous, sauf Hilld qui montait la garde comme toutes les nuits. Balco ne comprenait toujours pas comment il pouvait se passer de dormir. Il avait pourtant cherché. À chaque fois qu’il l’observait, Hilld était éveillé. Toujours très calme, mais bel et bien en éveil. Balco s’endormit sur l’élaboration de nouvelles explications… Toutefois, la nuit fut très courte. Balco avait fermé les yeux que depuis une petite heure lorsque Hilld vint le secouer avec vigueur. Balco allait protester, mais le regard de Hilld était des plus sombres et son attitude laissa supposer à l’héritier qu’il valait peut-être mieux ne rien dire. Tout le groupe émergea l’un après l’autre, après que Hilld les ait éveillés un à un. Balco était fatigué et il ne comprenait rien. | Tous les autres se dressèrent l’arme à la main scrutant la nuit qui les entourait. Balco encore allongé une couverte à moitié sur lui commença à comprendre, lorsqu’il aperçut des points lumineux jaunes et rouges à quelques mètres de lui ! Balco ne savait absolument pas quelles créatures étaient présentes, mais il sentait que ces yeux les épiaient dans les ténèbres. Balco se redressa d’un seul mouvement. Il oublia sa fatigue. Il attrapa rapidement le fourreau de sa lame prêt à sortir son épée magique même s’il n’en contrôlait pas les pouvoirs. Il savait que son épée pouvait même lui nuire tant qu’il ne parviendrait pas à endiguer son pouvoir. S’il n’avait pas le choix, il prendrait le risque. Tout le groupe était attentif au moindre bruit. Hilld expliqua d’une voix calme : « Ce sont des araignées géantes. Je ne m’y connais pas particulièrement dans ce genre de bestiole, mais elles m’ont toutes l’air d’être affamées. Il va falloir être persuasif pour leur faire comprendre que nous ne sommes pas à manger. » | Balco était écœuré à l’idée de croiser des araignées. Mais, il était encore loin d’imaginer que la notion de géante n’était pas usurpée. Il put le constater à son plus grand effroi quelques instants après. Il aperçut lesdites araignées lorsqu’Alendomïën asséna le premier coup ! L’index tendu droit devant elle, un éclair bleu avec une aura légèrement rougeâtre jaillit de sa main et vint s’écraser contre l’araignée la plus proche de la magelsorf. L’éclair balaya les alentours d’une vaste lumière. Pendant un cours instant, Balco put voir toutes les araignées présentes. Balco ne put les dénombrer, il y en avait bien trop, mais ce n’est pas leur grand nombre qui le terrorisa, mais leur taille ! Elles devaient être aussi grandes que lui sur leurs huit pattes. Des mandibules claquant l’une contre l’autre et des yeux effroyables. Balco transpira abondamment. L’araignée, touchée par Alendomïën, explosa ! Son corps vola en éclat de tout côté. Ses longues pattes velues émirent un son horrible en retombant sur le sol. La luminosité s’estompa, les araignées disparurent de nouveau dans les ténèbres qu’imposait la nuit. Balco entendait toujours leur mandibule claquer et leurs pattes courir sur le sol. Il voyait encore leurs yeux partout autour de lui. Il serra fortement le fourreau de son épée de la roche contre son torse. | Il allait avoir besoin de bien plus qu’une épée magique pour se sortir de cette situation. Balco ferma les yeux et invoqua l’aide de Rouge avec la plus grande conviction qu’il pouvait émettre. Mardeën se mit à faire la même chose qu’Alendomïën. Les deux lanceuses de sort elfiques jetèrent plusieurs éclairs bleutés à la suite. Les premiers touchèrent leur cible et réduisirent plusieurs araignées au silence. Mais à force, les araignées adoptèrent une nouvelle forme de défense et leurs éclairs ne touchèrent plus rien ! Balco avait l’impression que les araignées riaient du mauvais sort qu’elles leur imposaient. Lif banda son arc et il décocha de façon régulière des flèches dans les ténèbres. Balco n’avait pas la moindre idée si l’elfe touchait quelque chose avec ses flèches. Lif devait avoir une bien meilleure vision que lui dans l’obscurité. D’ailleurs, il se sentait un peu seul à ne rien voir. Les elfes n’étaient pas dérangés par la nuit. Hilld et Naneshhlimsh qui l’encadraient observaient les araignées avec une facilité tout aussi déconcertante. | Heureusement, si l’on peut dire, il y avait Nathax. Le nain fronçait les sourcils, tapotant sa hache avec impatience. Nathax était comme lui, incapable de voir ce qui approchait. Sauf que pour le nain, il avait hâte de voir apparaître une araignée dans son champ de vision, ce qui n’était pas le cas pour Balco. La situation était très simple, tous les compagnons de Balco étaient en cercle, leur dos faisait face à leur feu de camp. Chacun regardait dans la nuit noire observant, si possible, la progression des araignées. Alendomïën, Mardeën et Lif étaient les seuls en action. Les autres attendaient pour le moment. Hilld était particulièrement concentré. Les poings serrés et le regard très dur ! Naneshhlimsh, Calaento, Anis et Nathax, l’arme à la main respirait lentement en attendant le moment de l’assaut des araignées. Il ne faisait plus aucun doute pour Balco qu’il allait y avoir un affrontement direct de la part des araignées. Elles n’allaient certainement pas se laisser détruire par la magie des elfes ou les flèches de Lif sans réagir. | « De nombreuses petites araignées, une cinquantaine de tailles normales, une dizaine de toiliennes et une araignée mère ! lâcha Hilld froidement. Je n’ai pas décelé de tueuse ni de pondeuse. Ça va être compliqué, mais on a peut-être des chances de s’en sortir. Si on parvient à tuer la mère, les autres se sauveront. Faites attention aux toiliennes, elles pourraient bien nous compliquer singulièrement la tâche. — Parfaitement compris, s’exclama Nathax. Montrez-moi juste où est cette araignée mère et je vous en fais de la bouillie. — Préparez-vous au contact ! hurla Calaento. » Lui et Naneshhlimsh plongèrent dans la noirceur de la nuit en poussant de grands cris. Hilld ne tarda pas à les rejoindre. Nathax se rapprocha à petits pas chassés de Balco. « Eh bien ! J’ai l’impression que l’on est tous les deux dépendant de la lumière de ce feu. Tâchons de faire notre possible pour que personne ne vienne nous priver de notre source de lumière. » Balco hocha positivement la tête en guise de réponse. Il avait toujours le fourreau de son épée plaquée contre son torse. Il souhaitait empoigner l’épée de la roche qu’au dernier moment, de peur de ne pas pouvoir digérer l’afflux de puissance qu’elle était en mesure de lui conférer. Lif disparut à son tour dans les ténèbres. Balco parvenait toujours à entendre le claquement de la corde de son arc à intervalle régulier. Anis suivit l’elfe juste après lui, l’épée à la main. | Il n’était plus que quatre autour du feu, les deux elfes magiciennes, le nain et lui. La première araignée apparut à quelques mètres de Balco. Énorme ! D’une taille presque aussi grande que Balco ! De grandes pattes velues qui la portaient avec une aisance toute naturelle. Elle se déplaça droit devant elle. Balco n’était pas prêt. Son épée de la roche toujours coincée dans son fourreau. Son esprit ne voulait pas retirer l’arme. Il avait une crainte aiguë des conséquences que cela pouvait avoir sur lui. L’araignée ne se posa aucune question et se retrouva aux pieds de Balco. La tête plongée contre le sol, forcée de s’écrouler devant l’héritier de la nuit ! Le nain venait de lui arracher toutes les pattes d’un seul coup de hache. Nathax ne prit pas de pause et planta d’un coup sec la lame de sa hache dans la tête de l’araignée. Elle cessa de bouger en quelques secondes, rendant son dernier souffle juste devant le jeune héritier terrorisé. « Gamin, je ne suis pas Hilld, je ne pourrais pas te défendre contre toutes les bestioles, hurla Nathax avec rage. Il faut que tu y mettes un peu du tien. On ne voit rien tous les deux dans la nuit, je suis d’accord. Ce n’est pourtant pas une bonne raison pour les laisser nous tuer ! » | Balco acquiesça d’un mouvement de tête. Il eut rapidement l’occasion de prouver au nain qu’il allait suivre son conseil. Déjà trois nouvelles araignées étaient désormais visibles. Elles s’approchaient rapidement d’eux. Balco souffla un grand coup et retira d’un coup sec l’épée de la roche de son fourreau. Ce dernier tomba au sol. Balco ne s’en préoccupa plus. Il tenait fermement la crosse de son épée, anticipant les picotements qu’elle allait provoquer. En réalité ce ne fut pas le cas, il ne se produisit absolument rien ! Les araignées étaient sur eux. Nathax attira l’attention de deux d’entre elles. La troisième continua droit sur Balco sans se préoccuper du nain. Il fit vibrer la lame de son épée devant lui comme s’il s’agissait d’une torche afin de repousser l’araignée. Celle-ci resta insensible aux simagrées de l’héritier de la nuit. Elle continua sa route, droit devant elle. Balco serra fortement son épée entre ses deux mains et donna un coup horizontal en direction de l’araignée. La lame toucha la tête de la créature velue et elle fut coupée de part en part. Elle se retrouva en deux morceaux ! Balco ne comprit pas, il n’avait senti aucune résistance lorsqu’il avait porté le coup. Elle se retrouvait séparée en deux totalement alors qu’il n’avait touché que la tête. | Balco regarda la lame de son épée avec surprise. Serait-il possible que son épée se soit ajustée à ses capacités ? La première fois, ce fut une erreur, elle l’avait cru plus fort qu’il ne l’était. Elle avait corrigé d’elle-même le tir ! Elle permettait à Balco de la porter et de la manier, mais également de profiter de ses grands pouvoirs. Balco fut rassuré et il plongea dans le conflit avec une confiance en lui décuplée. Il n’était peut-être pas doué pour manier une épée. Mais, les araignées ne l’étaient pas plus que lui ! Chacune de ses touches provoquait une blessure mortelle. Nathax haussa un sourcil en observant le jeune héritier agir avec autant de facilité. « Je crois bien mettre trompé sur ton compte gamin, clama fortement Nathax tout en continuant de donner des coups de hache. Tu es peut-être plus doué qu’il n’y paraissait. » Plusieurs araignées chargèrent vers Balco et Nathax. Le jeune héritier ne se préoccupait plus que de son secteur. Il n’avait pas la moindre idée de ce qui pouvait arriver aux autres membres du groupe. Sauf quelques coups d’œil de temps à autre en direction de Nathax qui se battaient juste à ses côtés ! Ils s’aidaient mutuellement. Balco était fier de se battre au même niveau que le guerrier nain. En valeur pure, il était bien moins doué, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. Mais face à un adversaire sur huit pattes et armé de son épée magique, la balance s’équilibrait. Balco avait le sourire aux lèvres pour la première fois, il sentait qu’il avait une place dans ce groupe. | Ils tuèrent une bonne dizaine d’araignées avant que la situation ne se complique encore un peu plus. Nathax terminait d’achever une nouvelle araignée lorsqu’une toile blanche immense s’abattit sur lui. Nathax ne parvenait plus à bouger complètement prisonnier de la toile. Balco échappa à la vigilance de l’araignée qu’il était en train de repousser avec le tranchant de sa lame pour aider le nain. Mais une araignée encore plus grosse et imposante que toute celle qu’il avait pu combattre jusque-là se dressa sur son chemin. D’un seul coup de patte, elle repoussa Balco en arrière. Il ne put rien faire et recula en remuant les bras pour retrouver son équilibre. L’énorme araignée commença à prendre Nathax enfermé dans sa toile entre ses pattes intérieures… Calaento intervint juste à ce moment-là plantant sa hallebarde entre les mandibules de l’araignée. « Une araignée mère ! s’étonna Calaento. J’ai bien peur qu’il y en ait pas seulement qu’une pour le menu de ce soir. » Il n’eut pas le temps de dire un mot de plus qu’une toile s’abattit sur lui également. Balco avait repris son équilibre. L’araignée mère agonisante, il ne s’en préoccupa pas. Deux araignées de tailles normales fondirent sur lui. Avec plusieurs coups d’épée bien placés et en évitant les mandibules des créatures, il parvint à s’en débarrasser. Balco se retourna, mais il n’y avait plus rien ! Les corps entoilés de Nathax et de Calaento avaient disparu ! | À la place, c’était maintenant Rosental qui se trouvait le plus proche de sa position. L’armure bleutée du guerrier humain miroité avec les flammes du feu de camp. Rosental embrocha plusieurs araignées sans se soucier du reste. Balco souffla deux secondes, mais pas une de plus. Il fut rapidement confronté à de nouvelles araignées qui émergeaient de l’obscurité. De nouvelles toiles tombèrent du ciel en direction de Balco. Il parvint à échapper aux toiles avec beaucoup de chance. À peine avait-il échappé à cette menace qu’une autre lui tomba dessus. Une nouvelle araignée encore plus grosse que l’araignée mère que Calaento avait tuée apparut à la lumière du feu de camp. Cette araignée était encore plus grande que lui. La taille de ses mandibules était plus grande que celle de sa tête. Balco resta tétanisé devant une créature aussi imposante qui s’avançait vers lui. Balco garda les yeux grands ouverts voyant sa dernière heure arriver, mais l’araignée ne se s’intéressa pas un seul instant au jeune héritier. Elle se dressa sur ses pattes et passa au-dessus de Balco comme s’il n’était qu’un vulgaire obstacle sur sa route. Balco ne sut quoi faire et se contenta de suivre du regard la mouvance parfaite de la créature gigantesque. | L’énorme araignée continua son chemin jusqu’à se trouver au-dessus du feu de camp. Balco ne comprit que trop tard ce que cette araignée s’apprêtait à faire ! Il leva son épée au-dessus de lui et se rua vers elle en hurlant. Trop tard ! Balco avait réagi bien trop tardivement pour éviter le drame. L’araignée posa son abdomen complet sur le feu de camp… L’obscurité fut totale en quelques secondes. Le noir absolu régnait tout autour de Balco qui s’était arrêté incapable de voir ce qui se passait à un centimètre devant lui. Il tenait toujours son épée, entre ses deux mains, braquée devant lui comme le dernier rempart pour le protéger. Il chercha à écouter pour tenter d’anticiper, mais il y avait trop de bruit de pattes ou de mandibules claquant l’une contre l’autre. Un souffle d’air passa proche de lui. Balco se douta que c’était une nouvelle toile qui avait dû passer près de lui. Il redoutait d’affronter une araignée sans la voir. Ce fut finalement une toile qui s’empara de lui quelques secondes après. La toile se serra contre son corps. La toile était gluante. Elle se colla à sa peau comme une sangsue. Incapable de tenir debout, Balco tomba au sol et roula sur quelques mètres jusqu’à sentir quelque chose l’agripper. Il crut un court instant avoir trouvé un peu d’aide. | La suite acheva ses espoirs de délivrance. Balco se sentit traîné sur le sol. Balco referma un peu plus ses doigts sur la crosse de son épée toujours fermement accrochée dans sa main. Il ressentit immédiatement la toile se détendre légèrement. Son épée était en mesure de couper la toile sans aucune difficulté. Balco relâcha la pression de ses doigts pour que son arme ne se laisse pas emporter. Il n’avait aucun intérêt à sortir de sa toile pour le moment. Il aurait été plongé dans le noir de la même manière et dans l’incapacité la plus totale de se défendre. En quelques minutes il aurait retrouvé une place dans une autre toile ou pire. Balco préféra attendre une potentielle lumière pour se sauver. Dans le pire des cas, il ne quitterait pas ce monde sans avoir amené quelques araignées avec lui. Balco fut traîné pendant plusieurs minutes. Puis il y eut un arrêt. Balco écoutait tout ce qui l’entourait. Les araignées semblaient communiquer avec leur mandibule, mais le jeune héritier ne comprenait pas le moindre élément de ce langage arachnéen. Un autre corps tiré sur le sol sembla se rapprocher de Balco. | Il ne se trompa pas, le nouveau corps lui cogna avec violence les côtes. Balco décida de tenter sa chance. Il donna une forte pression sur les articulations de ses doigts. Son épée magique répondit instantanément à son appel. Revigoré par une puissance insufflée par l’épée, il coupa la toile qui le retenait prisonnier. Balco plongea en aveugle sur le corps qui venait d’être transporté à côté de lui. Balco cria le plus fort qu’il put : « Je suis Balco l’héritier de la nuit, qui êtes vous ? — Je suis Alendomïën la magelsorf, répondit-elle faiblement. Évite de crier si fort cela ne sert pas à grande chose, sauf si tu souhaites que les araignées te capturent plus rapidement. Et puis, si tu peux retirer tes mains de ma poitrine, j’apprécierais aussi ! » Balco s’écarta brusquement de l’elfe en rougissant. Il n’avait pas imaginé un seul instant se retrouver dans une position aussi compromettante. « Pardon, je ne pensais pas mal agir, s’excusa Balco. Je ne suis que l’héritier de la nuit, pas l’héritier qui voit la nuit. » | Alendomïën étouffa un petit rire à la remarque de Balco. Rassuré qu’elle ne lui tienne pas rigueur de son geste déplacé, car il n’avait pas pu voir où se posaient ses mains, Balco enchaîna : « Alendomïën ? Questionna Balco en cherchant à voir le visage le plus sérieux possible, car l’elfe pouvait la voir dans la nuit. Je ne veux pas me sauver, je n’ai aucune chance d’y parvenir. Je n’ai pas ta vision nocturne pour y parvenir. Est-ce que tu aurais la capacité de créer une lumière magique pour m’aider un peu ? — Je peux faire ça, déclara Alendomïën avec une voix douce. Pourquoi est-ce que tu veux cette lumière ? — Pour voir ! Assura Balco en toute innocence et d’une voix puissante. » Balco ressentit une nouvelle toile s’abattre sur son corps. D’un habile coup d’épée, il découpa la toile avant qu’elle ne se resserre contre lui. Balco resta debout en fermant les yeux. Immobile, il attendait que la magie d’Alendomïën puisse lui donner le coup de pouce dont il avait besoin. Il se passa quelques secondes, avant qu’une énorme explosion ne retentisse. Une lumière intense illumina le ciel. | Balco ouvrit les yeux lorsque la peau de ses paupières renvoya une couleur rouge et non plus un noir profond. Une boule de lumière blanche était suspendue à une centaine de mètres au-dessus de lui dans le ciel. Elle éclairait les environs sur plusieurs centaines de mètres. Affolé par l’afflux de lumière, le réflexe des araignées fut de fuir la source de lumière en poussant des cris aigus et grinçants. Balco se rappela les conseils prodigués par Hilld juste avant le début du combat. Si la plus imposante des araignées venait à mourir, les autres abandonneraient le combat. Balco fit un tour sur lui-même lentement pour repérer la plus grosse des araignées en espérant que c’était bien la taille qui indiquait l’importance des araignées. Il repéra la plus énorme et difforme des araignées qui lui fut donné de voir jusqu’à présent. Il laissa de côté son écœurement et il la poursuivit en courant. Elle semblait se diriger vers un gros amas de rocher. Balco accéléra encore un peu plus son rythme de course pour rattraper l’araignée avant qu’elle ne puisse atteindre les rochers. Dans un tel décor, elle aurait pris un avantage trop important par rapport à l’héritier qui aurait dû gravir les rochers en plus de se battre. L’araignée posa ses deux premières pattes sur les premiers rochers lorsqu’il fut à sa hauteur. Il leva son épée de la roche au-dessus de lui et rabattit la lame rapidement contre l’abdomen de l’arachnide. Cette dernière poussa un cri haineux lorsque le tranchant de la lame s’enfonça dans sa chair. Contrairement aux araignées de plus petite taille, la mastodonte araignée n’eut qu’une entaille peu profonde sur la surface de son corps. | Elle se fit volte-face avec une vitesse prodigieuse. Ses yeux fixèrent en quelques instants le visage de Balco qui était encore surpris que sa lame n’eût pas mis fin à la vie de cette créature en un seul coup. Balco recula de quelques pas dans un mouvement réflexe. Il replaça son épée devant lui comme s’il tenait une torche, dont la lumière déclinée progressivement. La boule de lumière créée par Alendomïën était toujours dans le ciel, son intensité n’avait pas faibli un seul instant depuis sa création. Balco souhaitait que cela reste encore ainsi pendant plusieurs longues minutes, car cette araignée n’allait pas être aussi facile à terrasser qu’il l’avait prévu. Les yeux rouges ardents de l’araignée le fixaient avec une extrême intensité. Elle avança vers le jeune héritier en faisant claquer ses mandibules très rapidement. Balco donna un coup d’épée en direction des mandibules, mais la lame rebondit sur l’une d’entre elles sans causer la moindre égratignure. Balco parvint à maintenir fermement son arme dans sa main malgré la vibration après le contact avec la mandibule. | Elle souleva une de ses pattes avant pour donner un coup dans le ventre de Balco qui le fit tomber à terre. Elle se pencha au-dessus de sa proie sa bouche juste au-dessus de la tête de Balco. Ce dernier respirait très fort. Galvanisé par sa tuerie de petites araignées, il avait imaginé une situation aussi simple pour détruire la plus gigantesque d’entre elles. Une erreur de débutant une fois encore ! La situation était en train de lui échapper totalement et il ne voyait plus d’issue. Elle ouvrit ses mandibules en salivant. Balco regardait l’araignée avec un regard pétrifié d’effroi par les événements qui se déroulaient lentement devant ses yeux. Il pensait que cette fois ce fut la fin… Son destin avait encore prévu d’autres choses pour lui, car elle lui refusa cette fin. Une flèche se planta dans l’œil gauche de l’araignée qui hurla de terreur en redressant sa tête. Elle n’avait pas encore terminé d’exprimer sa rage et sa douleur qu’une deuxième flèche se logea dans son deuxième œil la rendant totalement aveugle. Elle avança maladroitement devant elle. Balco profita de l’occasion qui lui était offerte. Il empoigna fortement son épée et la souleva au-dessus de lui. Il transperça le corps de l’araignée qui poussa un long cri de douleur agonisant. | Elle bougeait encore. Elle secoua son corps pour faire lâcher prise à Balco. Ce dernier retira son épée et roula le plus rapidement possible pour ne plus être sous le corps de cette créature à huit pattes. Il craignait que cette dernière ne tente de l’écraser par dépit de ne pouvoir le voir. Elle ne réalisa pas l’action que prévoyait Balco, mais elle se mit à tâtonner sous elle avec ses pattes pour trouver l’humain qui venait de la faire souffrir. Une nouvelle flèche fut tirée contre l’araignée et se planta dans sa gueule entre ses mandibules. Elle se laissa choir sur ses pattes. Elle ne pouvait plus geindre. Elle semblait éprouver de la difficulté à respirer. Balco ne lui laissa pas l’occasion de reprendre des forces. Il sauta sur l’abdomen de l’araignée en faisant un bond d’un peu plus d’un demi-mètre de hauteur. Il planta son épée au milieu de son corps velu. Elle remua ses pattes et son corps en réaction. Balco ne put tenir et il fut projeté au sol. Il se redressa en tenant toujours fermement son épée dans sa main. Il n’avait qu’une idée en tête, c’était de repartir combattre cette bestiole jusqu’à qu’elle rende son dernier souffle. | Une nouvelle difficulté lui fit face… une dizaine d’araignées de différentes tailles et formes le séparaient désormais de la plus monstrueuse agonisant sur le sol. Balco souffla un grand coup et s’élança sur la première qu’il découpa en deux. La deuxième fut tout aussi rapide à exterminer. Il s’agissait des deux plus petites du groupe venu protéger leur chef. La troisième commença à lui poser une résistance plus inquiétante. Alors qu’il tentait de l’embrocher avec sa lame, une nouvelle toile d’araignée lui tomba dessus ! Balco tomba au sol son épée contre lui. Balco garda tout son courage, il commença à découper la toile qui l’entourait avec l’envie de reprendre le combat. Mais un événement qu’il n’avait pas prévu vint perturber ses plans. Une longue aiguille se planta dans son dos, lui arrachant une grimace de terreur. Balco sentit ses muscles se raidir. Il suffoqua quelques instants avant de s’endormir. Une piqûre d’araignée avait eu raison de sa volonté… Il s’écoula plusieurs heures avant que Balco ne rouvre les yeux. Il était allongé sur un sol légèrement herbeux. Le soleil était juste au-dessus de lui et le forçait à plisser les yeux. Sans bouger, Balco regarda tout autour de lui. À quelques mètres deux personnes discutaient sans faire attention à lui. Il les reconnut sans difficulté, c’était Hilld et l’elfe qu’ils avaient récupérés en retrouvant Homelf, Lif. | Balco se redressa sur ses coudes. Il se trouvait juste à côté des restes de cendres de leur feu de camp. Tous ses compagnons d’aventures étaient là endormis et très pâles tout autour de l’ancien foyer. Il ne manquait que Naneshhlimsh d’après le premier tour d’horizon de Balco. Hilld était encore une fois éveillé alors que tout le monde dormait. Balco n’en revenait pas. Mais ce n’est pas cela qui l’occupait pour le moment. Comment avait-il fait pour se sortir de la mauvaise passe dans laquelle il se trouvait ? Balco se remit debout, il retrouva à ses pieds son épée de la roche placée dans son fourreau. Comme si sa nuit n’avait jamais eu lieu ! Il la prit en main et l’attacha à sa ceinture. Son mouvement attira les regards de Lif et Hilld. « À la bonne heure, ce n’est pas trop tôt, s’exclama Hilld sans exprimer la moindre joie dans sur son visage. Je n’avais pas la moindre idée du temps qu’il te faudrait pour expulser ce venin d’araignée. Tu as une bonne constitution héritier ! — Mais que s’est-il passé ? Questionna Balco encore ahuri. | — Nous avons essuyé une escarmouche des plus sévères face à des araignées très bien organisées, commenta Hilld avec son flegme habituel. Des petites, des toiliennes, des mères, des princesses, des tueuses, des vénéneuses et même une reine. Pour la dernière tu dois en avoir un court souvenir, tu l’as sérieusement blessé avant de baisser pavillon. — Comment as-tu fait pour ne pas te faire avoir par les araignées ? Continua de questionner Balco. — J’ai une résistance naturelle au venin d’araignée, indique Hilld avec désinvolture. Elles s’en sont rendu compte trop tardivement. Lif de son côté est un excellent archer et il possède également une grande expérience dans la lutte contre les araignées. Ce fut une aide précieuse. Naneshhlimsh est un lézard noir, les araignées redoutent cette espèce. Il put profiter de cet avantage pour leur causer d’important dommage. Pour les autres, ils ont vaillamment combattu tout comme tu l’as fait. Nous avons chacun réalisé notre part du travail. Ce n’était pas gagné d’avance, mais nous avons réussi à nous en sortir. Le plus important c’est qu’il n’y a que des petites blessures et aucune perte à dénombrer. De notre côté en tout cas. Elles ont cru pouvoir prendre l’avantage, mais elles se sont trompées. | — Naneshhlimsh est toujours vivant ? interrogea Balco avec surprise. — Il patrouille autour du camp pour être certain que les araignées ne lanceront pas un nouvel assaut, précisa Hilld. — Comment avez-vous réussi à repousser les araignées ? Enchaîna Balco dont l’esprit fourmillait de question. — Tu as fait le plus gros du travail, conta Hilld. Leur reine a l’agonie, il nous a juste fallu l’achever. — Je n’ai rien fait, déclara Balco. L’énorme araignée n’aurait fait qu’une bouchée de moi si je n’avais pas eu de l’aide. — Heureux d’avoir pu être ce coup de pouce, signala Lif avec un petit mouvement de tête en direction de Balco. — C’est moi qui te remercie, souffla Balco surpris. Tu as une sacrée adresse. Je n’avais jamais vu des flèches se planter avec une telle efficacité. — Et de mon côté, je fus surpris par le courage dont vous avez fait preuve, commenta Lif avec une voix sincère. Je connais trop de monde qui aurait fui le danger. Vous l’avez affronté de face et vous êtes revenu à la charge plus d’une fois. Vous êtes digne de votre titre d’héritier ! | — Je t’accorde le score de cinq, hurla joyeusement Nathax donna une tape sur l’épaule de Balco. — Cinq ? répéta Balco sans comprendre l’allusion. — Nous en avions parlé, il y a quelques jours, expliqua Nathax. La première épreuve que nous avait fait subir le grand maître ! Le combat contre cinq petites araignées. Sans aucune contestation possible, tu viens de passer l’épreuve et je te décerne les cinq points ! Tu as du retard, mais tu fais partie des meilleurs ! |
|