Chapitre 17 : Un retour inopinéComme convenu la veille, Hilld fit irruption dans la chambre de Balco afin de le réveiller. Balco craignant d’être sorti du lit sans s’en rendre compte ne parvint pas à bien fermer l’œil de toute la nuit. Il resta sur ses gardes épiant avec anxiété le moment où la porte de sa chambre allait s’ouvrir. Lorsque ce fut le cas, Balco bâilla grandement et se redressa sur son lit. Hilld n’eut rien besoin de dire. Balco était debout même s’il avait des petits yeux endormis. « Prenez bien le temps de manger quelque chose avant de quitter la taverne, lui conseilla Hilld. Nous allons chevaucher une bonne partie de la matinée, il ne faudrait pas que vous vous retrouviez mal au bout de quelques kilomètres. Nous avons un peu de temps devant nous, mais pas assez pour faire de nombreuses haltes. — Je n’oublierais pas, dit Balco en cachant un nouveau bâillement entre ses deux mains. » Hilld quitta la chambre sans dire un mot de plus. Balco était un peu fatigué de sa nuit sans bien dormir, il espérait retrouver des forces très vite. Car il ne comptait pas ralentir tout le groupe. Nul doute dans son esprit que la prochaine nuit serait complètement différente. Épuisé par le manque de sommeil et une longue chevauchée, il allait s’endormir sans même se rendre compte de l’endroit où il se serait allongé. | Balco se prépara lentement, le grand maître lui avait dit de ne pas s’occuper de son sac de voyage, il en aurait déjà un parfaitement préparé. Il prit donc son temps pour trouver une tenue adéquate pour la journée. Un pantalon de tissu beige et une épaisse chemise en laine avec des carreaux bleu ciel et blanc. Peut être pas très discret pour une balade. Il se changerait en fonction des conseils des autres membres de son expédition. Il chaussa les bottes noires que lui avait fournies Taruis après leur rencontre. Même s’il les trouvait un peu lourdes à porter, elles étaient adaptées au grand air. Balco termina, en plaçant le fourreau de l’épée de la roche dans sa ceinture. Il fit glisser ses doigts le long de la crosse de l’arme pour sentir quelques picotements lui parcourir les doigts. Un héritier, il était désormais. Avec des pouvoirs qu’il ne comprenait pas et qu’il ne savait pas maîtriser. Cette épée était la preuve qu’il avait un rôle à jouer, mais il en avait peur. Cette puissance incontrôlable avait failli le tuer, même si le grand maître ne semblait pas s’en inquiéter. « Et que Rouge soit avec moi, se dit Balco intérieurement pour se donner du courage. » | Balco prit délicatement la lettre qu’il avait rédigée avant de s’endormir et il descendit dans la grande salle de la taverne. Elle était complètement vide. Il était encore un peu trop tôt pour quelques habitués ne soient venus. Puis, plusieurs d’entre eux devaient être en train de se préparer pour le départ vers Englub. Balco savait qu’il devrait rejoindre la grande porte de Haches rapidement. Il espérait que Hilld soit là pour l’accompagner, car sinon il risquait de se perdre. À peine entré dans la pièce principale qu’il ressentit le souffle de la tavernière juste derrière lui. Balco se retourna avec un large sourire en lui souhaitant une bonne journée. D’une main légèrement tremblante, il tendit la lettre qu’il devait faire parvenir à sœur en direction de la tavernière. Elle lui rendit son bonjour et son sourire. Elle prit la lettre délicatement des mains de Balco et lui assura que cette lettre serait envoyée dans la journée sans faute. Puis elle l’incita fortement à prendre place autour d’une table. Le grand maître lui avait donné la consigne de lui faire prendre un bon petit déjeuner et elle allait faire le nécessaire pour qu’on n’ait rien à lui reprocher. | Balco ne se fit pas prier, il prit place rapidement sur la même chaise que d’habitude. La tavernière lui apporta presque aussitôt un bol de lait et quelques tranches de pain franchement coupé recouvertes d’une épaisse couche de confiture rouge. Balco s’apprêtait à attaquer la première tartine lorsque Hilld vint le rejoindre dans la taverne. Il s’installa en face de Balco et attendit. Balco avala quelques bouchées avant de poser une question à Hilld. « Vous prenez votre petit déjeuner vous aussi ? » Hilld lui adressa un petit très léger sourire. « J’ai déjà pris tout ce dont j’aurais besoin pour le voyage, dit-il sèchement. Prenez des forces héritier de la nuit, les prochains jours vont être longs et nous avons besoin que vous soyez en pleine possession de vos moyens. — Je suis au courant, déclara Balco. Tout le monde me le dit depuis que le grand maître me force à me diriger vers Englub. — C’est que nous sommes tous inquiets, indiqua Hilld. Nous savons que vous n’avez pas eu de formation. Le grand maître compte sur nous pour vous guider, mais on a toujours un doute de mal faire. On veut que vous reveniez ici en vie. Nous n’avons que très peu de contrôle sur les événements qui vont arriver. | — Je comprends, souligna Balco. » L’héritier de la nuit replongea dans son petit déjeuner sans plus rien dire. Il était partagé entre deux sentiments, la peur de cette aventure et l’excitation de découvrir de nouveaux lieux. Jusqu’à présent il avait surtout pensé à lui. Hilld venait de lui faire comprendre que chacun des membres du groupe était également inquiet, non pas par son manque d’expérience, mais plus par la peur de le perdre. Il termina rapidement son bol de lait. Hilld se dressa de son siège à l’instant précis où Balco reposait son bol vide. Il fit juste un mouvement de main en direction de Balco pour qu’il le suive. Balco prit une grande inspiration. Il tourna la tête vers le comptoir de la taverne. La tavernière lui fit un sourire rassurant. « Courage héritier de la nuit, clama la tavernière. Revenez-nous vite. Je m’occupe de votre lettre, ne vous occupez pas de ça. » Balco lui dédia son plus beau sourire en inclinant la tête. Hilld n’était pas d’humeur à toute cette cérémonie de départ. Il agrippa Balco par la manche de sa chemise et le traîna de force à l’extérieur de la taverne. | Hilld avança rapidement dans les ruelles encore calmes de la cité. Balco suivait sans dire un mot. Les idées fusaient dans son esprit. Une appréhension grandissait de minute en minute. Il craignait de plus en plus le moment du départ. Il n’était pourtant pas encore habitué à cette cité de Haches. Mais il s’y sentait déjà comme chez lui. Ses doutes se dissipèrent lorsqu’ils émergèrent dans la grande place devant la grande porte sud de Haches. Le petit groupe était déjà là. Balco retrouva son sourire en apercevant le nain et la magelsorf qui discutaient paisiblement. Juste à côté d’eux, Anis et le grand maître étaient également en pleine discussion. Le capitaine de la garde était tout proche du grand maître, il discutait avec le lézard noir. Tous les regards se tournèrent sur Hilld et Balco lorsqu’ils aperçurent leur arrivée. Balco baissa légèrement les yeux impressionnait par le fait que tout le monde stoppe ses activités justes à cause de lui. Hilld continua d’avancer comme si de rien n’était et il s’arrêta juste à côté du grand maître. Balco d’un pas légèrement plus hésitant s’approcha à son tour. | Il s’empourpra totalement lorsqu’Anis vint lui dire bonjour en lui accordant un baiser sonore sur chaque joue. L’elfe était d’une bonne humeur et heureuse d’accompagner le jeune héritier. Le grand maître esquissa un léger sourire en direction de Balco. Il était venu accompagner le groupe avant leur départ et donner ses dernières consignes à chaque membre de la compagnie. L’héritier eut également le droit à son petit discours. Ce qui permit aux derniers retardataires d’arriver. Mardëen et Rosental les accompagnaient également. Balco attendait l’heure du départ avec une anxiété grandissante. La fatigue de sa courte nuit était dissipée, son esprit était pris par une panoplie d’émotion. Le voilà embarqué dans une grande aventure comme dans les histoires que lui contait sa mère. Il ferma les yeux, soupira. Il souffla entre ses lèvres : « Et que Rouge soit avec moi ! ». Cette simple phrase lui redonnait toujours un petit coup de fouet et une énergie nouvelle pour affronter la suite des événements. Il rouvrit les yeux, pour découvrir devant lui un cheval qui lui était destiné pour le voyage. | Balco venait d’agripper les brides du cheval que le capitaine de la garde venait de lui apporter personnellement. Originaire d’une ferme, ce n’était pas une nouveauté pour lui. Toutefois, il avait surtout monté des chevaux plutôt ancien et dépourvu de vigueur. Le cheval qui lui était proposé était encore jeune et plein de puissance. Aucune fougue qui indiquait que son dressage avait été négligé. Ce qui arrangeait bien Balco. Il n’était pas complètement serein, mais il souhaitait que cela ne paraisse pas aux yeux de ses camarades de groupe. Le grand maître lui avait confié une mission importante. Voir même primordiale. Il lui avait délégué plusieurs de ses élèves pour la mener à bien. Une importante responsabilité pour quelqu’un aussi peu expérimentée que lui. Il savait pertinemment qu’il n’allait pas faire grand-chose de lui-même. Ces compagnons de route bien qu’officiellement ici pour le seconder, aller bel et bien tout gérer par eux-mêmes. Balco ne serait qu’un élément du groupe sans grande valeur. Que pouvait-il bien apporter à ce groupe, il n’avait rien de particulier sauf cette épée magique que lui avait confié le grand maître. Elle symbolisait son appartenance à une très ancienne prophétie dont il ne comprenait pas la teneur ou juste quelques éléments. Il allait se reposer sur toutes les compétences de ses compagnons en souhaitant ne pas les gêner ! | Balco fit un sourire au grand maître et aux autres personnes assemblées devant la porte de Haches. Il se tenait toujours bien droit sur le cheval. Ce n’était pas la meilleure façon pour assurer sa position, mais il souhaitait donner l’illusion à tous que tout allait bien pour lui. Étrangement ce fut Hilld qui fut le plus long à installer sur un cheval. Ce dernier semblait capricieux et ne souhaitait pas avoir Hilld sur le dos. Patient, Hilld recommença sa tentative d’être sur son dos plusieurs fois. Sa persévérance lui donna raison, car il parvint à être sur le dos de l’animal après quelques essais. Personne ne dit rien de la situation, ni s’en amusa. Cela détendit un peu Balco, si personne ne se moquait de Hilld en train de monter à cheval. Il ne se moquerait pas plus de lui et de son manque de pratique. Cela aller lui donner encore un peu plus de confiance et il en avait bien besoin. Hilld prit la tête du groupe. Il fit un signe de la main pour saluer rapidement les curieux et indiqua aux autres qu’il était désormais temps de le suivre. | Une colonne de cavalier se forma à la suite de Hilld. Balco se plaça au milieu de la file. La tête et la queue de cette dernière n’étaient pas une bonne idée pour lui. De toute manière, il doutait fort qu’on ait pu lui permettre de rester en fin de ligne. Le groupe devait s’assurer qu’il arrive jusqu’à Englub en vie. Il n’allait pas le laisser tomber dans la première embuscade venue. Cela aurait été fort étrange de leur part, en sachant que le grand maître n’aurait que très moyennement apprécié une situation aussi critique. Balco chercha à oublier ce genre de pensée de son esprit. Il s’attarda sur l’environnement qui lui faisait face. Un groupe de caravanier s’avança lentement dans leur direction. Il venait certainement apporter quelques marchandises ou denrées à l’attention des commerces de Haches. Balco regarda la caravane en tentant de deviner quel était le contenu de chacun des chariots. Perdu dans sa réflexion, il sursauta à l’évocation de son nom. « Balco ! Comme je suis heureux de te savoir toujours de ce monde. Ma défaillance ne semble pas avoir engendré des conséquences fâcheuses ! » | Balco tourna la tête de droite à gauche. Les larmes lui vinrent immédiatement dans les yeux. Devant lui, marchant à côté des chariots de marchandise… Homelf ! Le garde le toisa du regard avec un sourire en coin. Balco stoppa immédiatement sa monture et sauta à terre. Homelf lui assena une lourde tape amicale dans le dos. Balco sécha ses larmes de bonheur d’un revers de la main. Il ne trouva pas les mots pour exprimer toute la joie qui venait d’envahir tout son corps. « À peine quelques jours et vous voilà déjà bien accompagné mon cher Balco. Je n’aurais cru que la situation soit aussi bénéfique pour vous ». Le grand maître apparu juste à côté d’eux. Balco cligna des yeux, il ne l’avait pas vu arriver et fut surpris de le voir apparaître comme par magie dans son champ de vision. « Homelf ! S’exclama le grand maître. On m’avait annoncé la fin de votre vie, il y a quelques jours. La mort aurait-elle refusé de vous accueillir ? — Je ne suis pas passé très loin grand maître. Mais je ne pouvais me résigner à passer à trépas sans avoir terminé la tâche que l’on m’avait confiée. Bien que je constate que tout a pu se dérouler sans heurt malgré une trop grande estime de mes capacités. | — Vous allez être surpris, mon cher Homelf, conta le grand maître. Malgré tous vos doutes, vos efforts ne furent pas vains. Le jeune homme que vous avez accompagné durant quelques jours s’avère être l’un des héritiers que je recherchais depuis si longtemps ! — C’est au moment où je ne croyais plus à cette légende que le hasard me met la preuve du contraire sous les yeux, ajouta Homelf avec un pincement de cœur. Je m’excuse grand maître, je n’aurais pas du vous défier. Et encore moins remettre en question votre longue expérience. J’ai douté de vous et de votre grande patience. — C’est déjà oublié Homelf, indiqua le grand maître avec un sourire rassurant. Nous avons tous le droit d’avoir nos convictions et je n’ai pas le monopole de la vérité. — Sans vouloir être désobligeant, commenta Hilld qui s’était approché du groupe. Nous n’avons pas le temps de faire une halte après n’être partis que depuis quelques secondes. À ce rythme nous n’allons pas y arriver ! — Où allez-vous, questionna Homelf. | — Nous allons à Englub, indiqua Balco enthousiaste. — Alors, nous sommes des vôtres, clama Homelf. Je n’ai personnellement rien de mieux à faire. — Nous ? Répliqua le grand maître. — Je manque de courtoisie, indiqua Homelf. Je vous présente Lif. » Homelf désigna un grand elfe blond aux yeux bleus ciels intenses. L’elfe se tenait juste derrière Homelf depuis le début. Balco ne l’avait pas remarqué, mais il le reconnu aussi. « Je l’avais pris pour un rodeur qui nous suivait, ajouta Homelf. Il s’est avéré que c’était un elfe particulièrement doué. Il m’a aidé à soigner mes blessures après la fuite de Balco. Fuite que je lui avais ordonnée, pour qu’il n’y ait pas de malentendu sur le sujet. — Enchanté de faire votre connaissance, messire Lif, annonça paisiblement le grand maître. » Lif posa un genou à terre et se baissa de tout son corps devant le grand maître. Il y avait une grâce naturelle dans ce geste de soumission. « Je suis honoré de croiser un humain illustre comme vous l’êtes, dit d’une voix cristalline Lif. | — Relevez-vous messire, je ne mérite point tout ce cérémonial même si je suis flatté du geste, souligna le grand maître. » Lif se redressa de toute sa stature, mais sembla encore terriblement gêné de s’adresser aussi simplement au grand maître. Balco comprenait cette situation. Rencontrer le grand maître avait été rêve complètement irréalisable dans son esprit il y a encore quelques jours. Ce destin qui s’ouvrait à lui l’avait placé dans un contexte incroyable. Il arrivait la même chose à cet elfe. « D’où venez-vous messire Lif ? Demanda le grand maître. Il est rare qu’un elfe se balade seul loin de ses forêts natales sans une bonne raison. — Je suis originaire de la forêt de l’arc en feuille ! Indiqua Lif. Et j’avais une bonne raison d’explorer l’orée de votre forêt, grand maître. — Plus connu sous le nom de la forêt interdite, n’est-ce pas ? Commenta le grand maître avec un sourire. Je comprends mieux votre présence. Si je peux me fier à votre âge, vous avez quitté votre forêt pour effectuer votre épreuve de passage ? » | Lif inclina la tête pour signifier que le grand maître avait vu juste. « Je vous souhaite de réussir jeune elfe, commenta le grand maître. Je ne sais pas ce qui vous a été concocté et je sais que vous ne pourrez pas me le dévoiler. Malgré tout, si je puis vous aider d’une manière ou d’une autre, il sera plaisant pour moi d’accéder à votre requête. — Merci de votre sollicitude grand maître, indiqua Lif d’une voix toujours chantante et douce aux oreilles de Balco. Ma quête n’est pas explicite à son énoncé, j’en cherche encore le sens exact. J’ai des pistes. Toutefois, une rencontre avec vous semble faire partie du cheminement que je dois entreprendre ! Reste à savoir si cela peut donner plus de sens à la suite. Je ne peux demander de l’aide, je dois trouver seul même si tout cela doit me prendre des années. — Je suis au courant, dit le grand maître d’un sourire malicieux. J’ai déjà croisé plusieurs de vos ancêtres, certains sont devenus des ermites préférant une vie solitaire qu’un retour sans réussite. Si vous parvenez à trouver deux chevaux rapidement vous pourrez accompagner ce groupe de jeunes gens jusqu’à Englub. | — Englub ! S’exclama Lif avec une très légère intonation plus élevée. Une cité des légendes dont les murs reconquis par la nature cachent encore des vérités ! — Plusieurs cités pourraient répondre à cette définition, commenta le grand maître. Mais de toutes, c’est sans aucun doute, Englub qui y répond le mieux ! » Lif baissa les yeux un peu honteux. « Je n’ai rien entendu jeune elfe, dit en souriant le grand maître. Votre secret sera toujours bien gardé. Vous pouvez faire confiance à Homelf, Hilld et à notre héritier de la nuit ! » Lif regarda dans la direction de Balco surpris par cette présentation. « Héritier de la nuit ? S’interloqua Lif. — Cela vous dit quelque chose ? Questionna le grand maître. — Possible, une nouvelle pièce du puzzle qui prend forme, dit Lif. Je ne peux pas en dire plus. Sauf qu’il est évident que je devais me retrouver ici à cet instant. Mon destin et ma quête se sont rejoints. » Le grand maître regarda Hilld avant de lui adresser la parole. « Continuez votre route comme prévu. Vous devez passer par Petit Village, gardez cette direction. Nous allons trouver des chevaux pour Homelf et Lif, ils vous rejoindront sur le chemin. Au pire, attendez-les une fois rendue à Petit Village avant de reprendre la route pour Englub. Je dois avoir une discussion avec Lif, mais aussi avec Homelf. Cela risque de prendre encore un peu de temps. | — Nous agirons selon votre bon vouloir grand maître, souligna Hilld. Héritier de la nuit en selle ! Une cité de légende nous attend. » Balco ne se fit pas prier. Il aurait voulu profiter un peu plus des retrouvailles avec Homelf. Mais le sachant en vie, c’était déjà une nouvelle qui illuminait sa journée. Dans quelques heures, il allait chevaucher ensemble et à la première pause, Homelf pourrait continuer à l’entraîner au maniement de l’épée. Balco avait le sourire en remontant sur son cheval. Il n’avait certainement pas fait le moindre progrès depuis ses premières expérimentations avec son ami Homelf, mais cette fois il avait à sa disposition une épée magique qui permettrait avec un peu de chance de rééquilibrer les forces en présence. Le groupe se remit en file indienne derrière Hilld. Le grand maître les accompagna du regard pendant un moment avant de reprendre la discussion avec Homelf. « C’est Taruis qui va être heureux de vous savoir toujours en vie, commença le grand maître. Il a longuement ruminé qu’il aurait dû accompagner Balco lui-même. | — Ça je ne doute pas qu’il puisse avoir regretté de ne pas y être allé en personne, indiqua Homelf. Je m’excuse pour toute l’inquiétude que j’ai pu vous causer. — Taruis vous pardonnera bien vite, souligna le grand maître. Et même plus vite que vous ne pourriez le penser. Je compte bien que vous alliez le rejoindre. — C’est une idée, mais je n’ai pas la moindre certitude sur le lieu où il peut se trouver, spécifia Homelf. — Toi tu ne sais pas, mais le grand maître lui a bien plus de ressource que tu ne pourras jamais en posséder, s’exclama Lif avec conviction. — Bonne remarque Lif, s’étonna Homelf. Je ne parviendrais jamais à me mettre dans la peau de quelqu’un d’autre. — Taruis va être présent à Petit Village dans les prochains jours, continua le grand maître avec un léger sourire sur les lèvres. Si tout va pour le mieux, il arrivera juste avant le petit groupe accompagnant Balco et il y restera suffisamment longtemps pour les croiser. — Petit Village ! Mais que va-t-il faire dans cette cité ? S’interrogea Homelf. | — Il y va pour que la population de la cité décide par elle-même de prêter allégeance au grand maître et non plus à l’Empire. Enfin, ce n’est pas en moi qu’ils devront donner les rennes de leur destin, mais plutôt aux héritiers d’une légende qui vont former un nouvel empire, expliqua le grand maître. Taruis y va en mon nom, mais avec peu de risque. Petit Village m’est fidèle depuis des siècles. Leur revirement ne devrait pas se faire dans la violence. Peut être quelques récalcitrants tout au plus, mais pas de quoi lever une armée. — Taruis y va seul ? Questionna Homelf. — Pas du tout, il a toujours sa garnison de soldat avec lui et je lui moi-même affecté quelques-uns de mes élèves. Pas les meilleurs loin de là, mais sortir un peu de Haches ne pourra pas leur faire de mal. Cela pourrait même leur être profitable. — Qu’est-ce que je vais devoir faire à Petit Village, enchaîna Homelf. — Excellente déduction, dit le grand maître en continuant de sourire. Vous allez prendre la tête de la garde de Petit Village. Taruis ne doit pas y rester. Il doit continuer à traquer Lichn. Principalement pour l’éloigner de l’Empire dans la mesure du possible. Faire tomber l’empereur va affaiblir l’Empire pendant une courte période. Mon objectif est de provoquer un choc pour réveiller les restes actifs de l’Empire, pas de le détruire. Lichn pourrait profiter de la faiblesse de l’Empire pour frapper un grand coup. C’est de notre devoir d’empêcher cela. | — À choisir, je préfère largement protéger Petit Village, plutôt que de servir d’appât à Lichn, ajouta Homelf. — Le choix ne vous est pas laissé, cher Homelf, dit le grand maître avec un sourire. Taruis aura plus de chance d’être une menace crédible aux yeux de Lichn sans vouloir vous vexer. J’interviendrais personnellement si la situation venait à l’exiger. Cela attirera les foudres de nombreuses créatures. Cependant, il y a des choix qui ont plus de poids que d’autres. Celui de décider que l’Empire doit vivre même sans un empereur à sa tête, par exemple. — Vous avez pris votre décision dans ce domaine, commenta Homelf. La tête dirigeante va donc tomber ! — Il doit y avoir du changement au sein de l’Empire, mais tout ne doit pas changer. Les sulduriens ne seraient pas favorables à un changement aussi important. » Le grand maître se tourna vers Lif. « Jeune elfe, je vous souhaite tout le courage nécessaire pour la réalisation de votre quête, ajouta le grand maître. Je n’ai ni conseil, ni question à vous formuler. Vous devez choisir seul où le destin doit vous mener. Rendu à Petit Village, vous aurez le choix de rester avec Homelf, de continuer la route qui vous mènera jusqu’à Englub en accompagnant l’héritier de la nuit ou bien choisir votre route vous-même comme bon vous semblera. Nul ne vous tiendra rigueur de votre décision. Faites ce qui vous semble juste et ne regrettez jamais aucun de vos choix. Les quêtes de la forêt interdite n’ont que très rarement qu’un seul chemin possible pour les achever convenablement. | — Je vous remercie grand maître, souffla Lif en inclinant respectueusement la tête en avant. Je sais déjà que je suivrais le chemin d’Englub, mais je resterais attentif aux signes sur le chemin qui pourrait me désigner une autre route à emprunter pour atteindre mon but. » Le grand maître lui accorda un large sourire avant de les inviter à se présenter aux portes de la ville pour réclamer deux chevaux aux gardes de la cité. Lif et Homelf n’eurent pas le temps de rajouter le moindre mot qu’il avait déjà disparu ! Lif cligna des yeux et son visage rayonna de bonheur. Homelf esquissa à peine un haussement de sourcil. Il côtoyait le grand maître depuis plusieurs mois et il commençait à s’habituer aux interventions extravagantes que le grand maître pouvait avoir. Lif ne fit pas le moindre mouvement complémentaire. Il était enthousiaste d’avoir fait connaissance avec le grand maître. Nonobstant il baignait dans la magie elfique depuis son enfance. Même si le grand maître était un humain, ses capacités étaient dignes de la magie des elfes. | Homelf prit la direction de la grande porte et Lif lui emboîta le pas. Il ne leur fallut que quelques minutes pour rejoindre le poste de garde et faire valoir leur droit pour emprunter des chevaux. Le capitaine de la garde, un peu découragé, leur céda sans se plaindre. Il ne pouvait de toute manière aller contre un ordre du grand maître. Il avait déjà eu un zèle bien trop important au cours de l’affrontement contre l’armée de Lichn. Les montures récupérées, ils purent se lancer à la poursuite du groupe qui les devancer légèrement. Malgré un faible nombre de pauses, le juste nécessaire pour que les chevaux restent en forme sans craindre une blessure, ils ne parvinrent à rattraper le groupe qu’à la faveur de la nuit. La pause obligatoire pour organiser un campement leur offrit l’opportunité de les rallier. La nuit commençait à balayer la lumière du jour au moment où ils posèrent pied-à-terre. Le feu de camp qui crépitait au milieu leur permit de les remarquer aisément. Hilld les accueillit d’un vissage impassible en leur proposant quelques restes de leur repas. | Plusieurs membres du groupe s’étaient déjà assoupis, dont Balco. Il ne put constater le retour de Homelf que le matin à son réveil. Seul le nain était encore debout avec Hilld. Un étrange petit nuage semblait planer au-dessus de la tête du nain. Homelf allait demander la raison de cet étrange phénomène à Hilld. Ce dernier lui fit un petit geste de la main signifiant qu’il y a des événements dont il vaut mieux s’abstenir d’en connaître les détails. Lif avait un léger petit sourire sur les lèvres en observant le nuage au-dessus du nain. Mais il n’en pipa mot à Homelf. Ils discutèrent avec Hilld quelques minutes, le temps de trouver une place, manger un morceau rapidement. Puis ils profitèrent d’une nuit de sommeil. Cela faisait plusieurs jours qu’ils n’avaient pas connu une nuit pleine. La nuit passa sans incident. Lorsque les premiers rayons de lumières firent leur apparition, c’était l’heure pour tout le petit groupe de se reprendre leur route vers Petit Village, puis Englub. Hilld avait veillé toute la nuit sur le campement. Pour les autres, chacun fut libre de choisir entre dormir ou veiller selon leur inspiration. Balco décida pour sa part d’appliquer la première option. Dormir toute la nuit lui semblait une riche idée et il ne le regretta pas. Il était en pleine forme à son réveil. Sa nuit précédente où il avait mal dormi dans la taverne était désormais oubliée. | Il fut enthousiaste comme jamais en découvrant Homelf à ses côtés pour partager un petit déjeuner. Celui-ci était composé exclusivement de pain elfique, très similaire à celui qu’il avait déjà pu goûter lors de son premier voyage au côté de Homelf. Balco était heureux. Il dévora son pain comme si c’était la première fois qu’il y goûtait. Homelf profita de cet instant un peu plus calme pour lui contait les événements après son départ précipité vers la demeure du grand maître. Il n’y avait rien d’exceptionnel dans cette histoire, mais Balco fut satisfait de tout savoir. Juste après le départ précipité de Balco, il s’était préparé du mieux possible pour recevoir les derniers arklins. Finalement, il n’eut pas besoin de se défendre, car c’est Lif qui lui porta assistance. Ils évitèrent un autre groupe d’arklins en restant dissimulés dans les arbres. Tout danger écarté et ses blessures soignées, ils rejoignirent le plus rapidement possible la demeure du grand maître. Ils découvrirent qu’il était déjà parti pour rejoindre la cité de Haches. Ils passèrent une nuit à l’abri dans la demeure du grand maître avant de se remettre en marche. Cette fois-ci, ils prirent la direction de Haches. Ils avaient bien forcé leur marche pour arriver ce matin. Pour la suite, il était déjà au courant. Balco écouta avec passion l’histoire. | Il n’y avait que peu d’action. Cependant, c’était tout de même une histoire avec deux elfes à l’intérieur ! Ce n’était pas rien. Lorsque Homelf termina son récit, ce fut juste l’instant où Hilld clama la reprise de la route. Balco termina en vitesse de ranger son paquetage de la nuit et il se remit en selle. Sa monture avait elle aussi bien profité de la nuit pour se reposer. Il la sentait beaucoup plus en forme qu’à la fin de la journée précédente. Le groupe s’élança de nouveau. Désormais avec deux individus supplémentaires : Homelf le garde de l’Empire, moitié elfe et moitié humain, ainsi que Lif un jeune elfe aussi silencieux qu’étrange. Après avoir quitté le bois de la sorcière, le groupe retrouva la route principale les menant jusqu’à Petit Village. Il s’agissait d’une belle voie en terre tassée. Peu de cailloux vinrent entraver leur chevauchée. Leurs montures pouvaient galoper de façon insouciante. De chaque côté de la route, on retrouvait la forêt. Des sapins sur la gauche et plutôt des êtres et quelques chênes de l’autre côté. La route marquait la séparation entre deux anciennes forêts de Sulder qui avait fini par se rejoindre avec l’aide du vent et des siècles. | Homelf profita du paysage en admirant les diverses couleurs que leur accordait le soleil en se levant lentement entre les arbres. Créant des ombres et des lumières magiques aux yeux du garde de l’Empire. Balco était en arrière de lui, discutant avec le nain Nathax. Ce dernier semblait lui contait quelques légendes du passé. Quelques animaux étaient visibles de temps à autre. Toutefois, ils préféraient la plupart du temps se cacher à l’approche du groupe. Il n’y eut rien à signaler de particulier lors de leur chevauchée jusqu’à Petit Village. Personne ne s’interposa au milieu de la route pour leur demander la bourse ou la vie. Homelf en fut presque déçu. Il connaissait un peu les élèves du grand maître, mais il les avait rarement vus à l’œuvre. Il aurait souhaité éprouver leur apprentissage face à quelques brigands. Il sourit. Leur groupe était certainement impressionnant pour une petite bande de voleurs. Il allait rester à Petit Village comme il l’avait convenu avec le grand maître. Il aurait certainement d’autres occasions de les voir en action. | La forêt s’éloigna progressivement de la route de chaque côté laissant place à une grande prairie verdoyante. En suivant la route du regard, on pouvait distinguer quelques toits de cheminée quelques kilomètres devant eux. Homelf respira à pleins poumons l’air campagnard qui régnait autour de Petit Village. La cité de Petit Village avait gardé son charme depuis des siècles. Même si la cité devait compter un peu plus de trente mille personnes. Elle avait su conserver son côté village. Pas un seul rempart pour protéger la cité. Pas une seule demeure qui avait plus d’un étage. Toutes les toitures étaient faites en chaumes et les structures des demeures étaient entièrement en bois. Une harmonie architecturale qui en faisait également tout son attrait. Pas une route avec des dalles ou des pavées, juste de la terre tassée et rien que cela ! Homelf se rapprocha de Balco. La cité était rassurante pour l’héritier de la nuit, elle lui sembla beaucoup plus familière. La découverte de Haches fut une tout autre histoire. Cette cité était similaire à son village natal, si on passait outre qu’elle devait être cent fois plus grande. Plus il s’approchait de la cité, plus il découvrait des champs cultivés ou des terrains clôturés pour y garder des animaux de ferme. | Balco se sentait presque revenu chez lui. Mais pas une seule ferme ne cachait le sourire de sa mère. Balco referma sa blessure. Il rêva plutôt qu’elle était toujours vivante. Imaginant tout ce qu’il aurait à lui conter désormais s’il devait la rencontrer. Le groupe approchant de Petit Village, une milice de la cité, composée d’une dizaine de gardes, s’avança vers eux. Homelf s’élança en avant du groupe pour aller à leur rencontre. En quelques secondes, il les devança d’une bonne cinquantaine de mètres. Homelf s’était volontairement porté à la tête du cortège, car il souhaitait faire voir son visage et l’emblème de l’Empire cousu au niveau de son cœur. Les miliciens le reconnurent immédiatement et le saluèrent très chaleureusement. Comme l’avait prédit le grand maître, Taruis devait déjà se trouver à Petit Village. Cette milice était composée de moitié de quelques hommes du magicien et de l’autre moitié des miliciens de Petit Village. Ce mélange était bon signe. La cité était de leur côté, sans aucun conflit, ni effusion de sang. Le groupe pourrait profiter d’une nuit de sommeil dans une auberge. Échanger leur monture contre de nouvelles en pleines formes pour continuer leur périple. Le plan du grand maître semblait fonctionner parfaitement jusqu’à présent. | Ce n’était que le début, le plus difficile allait les attendre à Englub même. Et même là, si tout se déroulait bien, le chemin du retour serait certainement plus compliqué. Homelf soupira, ils devaient bien tous en avoir conscience, sauf Balco encore trop innocent pour comprendre dans quoi il venait de mettre les pieds. La milice avait des consignes précises, il attendait justement son arrivée. Homelf haussa les sourcils de surprise. Puis il secoua la tête. Taruis est un magicien, il devait déjà être au courant qu’il n’était pas mort. C’était peut-être même le grand maître qui le lui avait déjà indiqué. Homelf attendit que Hilld arrive à son niveau pour l’informer de la situation. Hilld hocha la tête sans dire un mot. Ce n’était pas encore l’heure de la séparation. Toutefois, il y avait peu d’espoir pour qu’il passe cette soirée avec le reste du groupe. Homelf adressa un léger signe de la main à Balco avant de descendre de sa monture pour suivre la milice. Il fut escorté jusqu’au cœur de Petit Village. Homelf sourit en déambulant dans les ruelles. Balco aurait été émerveillé de découvrir un village semblable au sien, mais s’étendant sur des kilomètres. | La nature était présente à chaque recoin. Chaque maison avait son lopin de terre. Potager et fleurs s’y côtoyaient avec ferveur. Cette cité n’avait rien à voir avec Haches qui était une cité plus moderne et guerrière. Petit Village avait su préserver ses origines. Homelf et la milice finirent par arriver sur une place imposante après avoir vadrouillé dans quelques ruelles boueuses. La place était totalement vide de structure, pas une fontaine ou une statue pour la décorer. Tout le luxe des grandes cités semblait banni d’ici. Le côté elfique d’Homelf était conquis par l’apparence tranquille de la cité. S’il n’était pas si souvent sur la route, il aurait presque rêvé de pouvoir vivre ici. Même s’il devait reconnaître que les remparts de Haches avaient une utilité non négligeable. Taruis avait installé un petit campement sur la place principale de Petit Village. Homelf reconnut le style du campement. Il avait vécu assez d’aventure avec Taruis pour en reconnaître le style. Il sourit. Il avait la sensation étrange de ne pas avoir vu un tel campement depuis trop longtemps. Pourtant, il n’avait quitté le magicien que depuis très peu de temps. | Plusieurs gardes vinrent saluer Homelf avec une grande ferveur. Certainement attiré par tout le bruit environnant, Taruis fit également son apparition en dévoilant sa présence derrière la tenture d’un des abris du campement. Homelf lui adressa un mouvement de tête en le reconnaissant du premier coup d’œil. Le magicien n’avait pas changé à croire que sa tenue ne pouvait pas se salir. « Vieille crapule de Manulitocarios ! S’écria soudainement Taruis d’une voix enjouée. Quand je pense que je t’ai cru mort. Voilà que tu oses revenir et bien vivant de surcroît. On t’a accordé le droit de revenir parmi les vivants pour me tourmenter encore un peu plus ? — Ce fut une possibilité, clama Homelf. Finalement, j’ai préféré ne par mourir, je me disais bien qu’un vieux cœur comme le tien ne pourrait pas survivre au choc de ma disparition ! — Comme tu le dis si bien mon cœur n’est plus tout jeune, exprima Taruis. Fort heureusement, il commence à avoir vu trop de choses pour flancher à la moindre mauvaise nouvelle. Quoi qu’il se soit passé, je suis très heureux de te voir debout. » | Taruis et Homelf s’avancèrent l’un vers l’autre et s’accordèrent une accolade chaleureuse. Ils étaient heureux de se revoir, mais aussi affligés de s’être retournés contre le grand maître au moment le moins opportun. « J’imagine que tu te souviens du jeune garçon dont tu m’avais confié la surveillance ? Questionna Homelf en reculant de quelques pas. Tu as dû être satisfait d’apprendre que c’est nous qui avons trouvé le premier des héritiers de la légende de l’aigle blanc. Juste au moment où notre foi en cette légende déclinait. — Ne m’en parle pas, bougre de bougre, ronchonna Taruis. Le grand maître a déjà pris le temps de me tirailler sur ce sujet. Je savais que nous commettions une erreur à nous détourner de la pensée du grand maître, mais je n’aurais pas cru que nous prendrions le retour de bâton aussi rapidement. Je sais qu’il ne nous en tiendra pas rigueur et qu’il a déjà certainement oublié notre petite rébellion. Mais j’aurais souhaité ne pas lui donner la moindre raison de nous en vouloir ! | — C’est à nous de nous faire pardonner, expliqua Homelf. Je pense qu’il serait bon pour nous de faire profil bas pendant un petit moment. Évitons de provoquer une nouvelle fois la colère du grand maître. — Je n’ai pas la moindre intention de ne plus croire en lui, s’exclama Taruis. Je regrette déjà bien assez d’avoir eu à le faire une seule fois dans ma vie. Comment va ce jeune héritier ? — Je l’ai laissé à l’entrée de la cité avec ses compagnons, expliqua Homelf. Il se porte du mieux possible. Il semble encore bien innocent pour être le héros que nous attendons tous. Le grand maître lui en demande beaucoup pour ses débuts. — Cet héritier arrive au moment où nous avions le plus besoin de lui, commenta Taruis. Le grand maître prévoit de grandes manœuvres à destination de l’Empire depuis des mois, voire des années. Même sa la présence de ce jeune héritier, il aurait lancé son offensive. J’en suis persuadé. La découverte de Balco donne encore plus de poids à ses convictions. Tout semble lui tomber dessus. Il doit avoir l’impression que l’on attend de lui des miracles. C’est un peu vrai, mais pas complètement. Le grand maître n’a pas laissé beaucoup de place au hasard dans sa démarche de déstabilisation de l’Empire. » | Taruis réajusta son chapeau bleu pointu sur le sommet de son crâne. Il lissa la plume qui reposait sur le côté de son chapeau en soutenant le regard d’Homelf. « Laissons l’héritier réaliser sa tâche, occupons-nous de nos propres rôles dans cette histoire, proposa Taruis. — Je t’écoute, dit Homelf. Le grand maître m’a convié à te rejoindre ici. Puis à prendre le commandement de la garde de Petit Village. Tu vas pouvoir me donner un peu plus de détails sur le sujet. Le grand maître, comme souvent, fut plutôt avare en détail. — Le temps est le seul responsable de cette situation mon brave ami, déclara Taruis. Le grand maître aurait été plus clément à t’accorder des détails, s’il n’était pas déjà lui-même occupé à finaliser un certain nombre de bagatelles. Tu sais déjà que le grand maître souhaite que tu prennes le rôle de capitaine de la garde de Petit Village. Tu devrais avoir peu de combats à livrer, le grand maître compte restaurer l’ancienne protection accordée par les grandes cités. Haches est déjà aux mains du grand maître. Englub sera bien amputé de son empereur et l’un des chevaliers de la main assurera l’intérim. Comme convenu avec les chevaliers, ils vont renouer l’alliance avec le grand maître. Enfin, la cité des neiges va être reconquise par la force ! | — Par la force, s’exclama Homelf. Le grand maître ne possède aucune armée digne de prendre cette cité. — Détrompe-toi mon ami, expliqua Taruis. Le grand maître n’a rien de tel en lui-même, mais il compte parmi ses élèves un arklins noir qui n’aspire qu’à devenir un grand chef de guerre pour son peuple. Le grand maître lui offre une occasion de faire valoir ses possibilités. Il possède sa propre armée. Mais comme pour l’héritier de la nuit, une manigance est déjà en place à la cité des neiges. Les chevaliers de la main de l’empereur ont retiré le plus gros des troupes. Plusieurs nobles de la cité sont au courant de la manœuvre et ne participeront pas au combat. La cité devrait se rendre juste en apercevant la masse d’arklins qui va se poster devant leur porte. Et je vais moi-même superviser que la guerre se déroule comme le grand maître l’a prévu. — Tout semble bien rodé, précisa Homelf. — Dans la théorie, c’est exact, dit Taruis d’une voix assurée. Mais nous connaissons tous les deux les événements qui peuvent se dérouler sur le terrain. De l’imprévu va se produire et nous devrons réagir au mieux afin de ne pas mettre en péril l’ensemble. Le voyage de l’héritier de la nuit jusqu’à Englub risque de ne pas être aussi simple que le grand maître l’escompte. Comme la capture de la cité des neiges, j’ai un mauvais pressentiment. | — Et tu ne te trompes que rarement sur ce genre de présage, précisa Homelf. — Malheureusement, soupira Taruis. C’est pour ça que tu dois me remplacer ici. Je devais protéger Petit Village, mais je sens que ma place est à la cité des neiges, plus vite je serais parti et mieux ce sera. Tu dois rester ici jusqu’à que le grand maître ou moi te remplacions. Tu dois protéger le retour de l’héritier de la nuit. Après son passage à Englub, il risque d’avoir un bon nombre d’imprévus. Possible qu’il arrive à pied. Tu devras assurer la protection de l’héritier et lui fournir toute l’assistance que tu jugeras nécessaire. Il est possible que toutes nos actions préventives ne servent à rien. — En prévoir trop n’a jamais fait de mal, commenta Homelf. — Parfaitement, ajouta Taruis. Enfin, le grand maître souhaite que la salle de combat de Petit Village soit remise en état. Elle devrait servir dans peu de temps. — Le grand maître a des projets pour l’énergie ? Questionna Homelf. — Il en a toujours, spécifia Taruis… » | La discussion entre le magicien et le nouveau capitaine de la garde se poursuivit une bonne partie de la soirée. Homelf quitta tardivement le centre de la cité pour retrouver l’héritier de la nuit. Quant à Taruis, à peine sa discussion terminée, qu’il avait déjà repris la route pour se diriger vers le Nord pour rejoindre la cité des neiges. |
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