Chapitre 13 : La cabaleLe grand maître s’était installé au sommet du porche de la porte de Haches. Il faisait encore jour, mais le soleil allait décliner d’ici une bonne heure. Il observait discrètement les gardes de la cité préparer des barricades sur la place faisant face à la porte de Haches. Le grand maître était à califourchon sur les créneaux. Il faisait balancer son pied dans le vide avec un léger amusement. La population de la cité avait été prévenue par la garde de la cité. Même s’il ne voulait pas cela, il ne pouvait pas tout empêcher. La population avait pour ordre de rentrer chez elle et de s’enfermer. Les téméraires pouvaient participer à la défense de la ville à leur convenance. Personne n’était forcé de protéger Haches en dehors des gardes de la cité qui avaient cette tâche de dévolu dans leurs prérogatives. Le grand maître s’était douté que le capitaine de la garde ne l’écouterait pas. Mais il ne lui en voulait absolument pas. Dans sa jeunesse, lui aussi avait été enrôlé dans une armée et il avait appris la hiérarchie et les ordres. Le capitaine de la garde avait reçu ses ordres de l’Empire, certainement de l’empereur Truiki ou de l’un des cinq chevaliers de la main. Parmi ses ordres, il se devait de protéger cette ville au prix de sa vie si nécessaire. | Grand maître  Présent dans les chapitres : 3 - 5 - 6 - 7 - 9 - 11 - 13 - | La ville n’était désormais plus officiellement sous l’influence de l’Empire, mais le capitaine de la garde ne pouvait s’y résoudre. Un ordre était un ordre. Quels que soient les changements politiques au-dessus de lui, sa vie était destinée à protéger la cité de Haches. Cet homme avait foi en ses convictions et le grand maître le respectait pour ça. Certes, il aurait voulu que ce soit un test important pour le groupe qu’il avait formé depuis quelques années avant de les lancer dans un engrenage infernal dont l’issue était incertaine. Même sans ce test, l’histoire venait d’ouvrir une nouvelle page blanche et elle commençait à écrire un nouveau chapitre. Peu importe qui était ce Balco que Taruis et Homelf lui avaient envoyé, il allait être le déclencheur d’un changement important. S’il pouvait se révéler être l’un des fameux héritiers de la légende de l’aigle blanc ce serait encore mieux. Les préparatifs continuaient à battre leur plein sur la place. Le grand maître tourna la tête pour observer à l’extérieur de la cité. Tout était calme en apparence, la grande prairie qui s’étendait sur plusieurs centaines de mètres face à la cité était complètement déserte. | Pas un voyageur, pas une caravane de marchand, pas un seul bataillon de garde en patrouille. Tout le monde s’était enfermé dans la cité. « Il n’y aura pas de siège, pensa le grand maître. » En tout cas, il ne le permettrait pas. Un siège serait trop long au vu de ses plans futurs. Et puis avec le nombre de sorciers, magiciens ou autres lanceurs de sorts présents dans l’enceinte de ces murs, il faudrait être fou pour penser pouvoir tenir un siège autour de la cité. Il était même prêt à faire usage de la troisième force pour rapidement mettre en terme au blocus. La plaine était vide oui. Mais la forêt un peu plus loin ne l’était pas. Le grand maître ressentait les vibrations obscures des créatures qui s’approchaient de la cité. Il se demanda s’il n’allait pas partir en éclaireur pour évaluer la menace lorsqu’il ressentit l’amertume et la colère d’une de ses élèves. Le grand maître l’interpella par l’esprit. « Alendomïën ? Qu’est-ce qui s’est passé à la tour ? — Je pense qu’ils ne veulent pas de moi, dit dépitée Alendomïën dans l’esprit du grand maître. J’ai beau tout faire pour prouver mes qualités de magelsorf, ils ne veulent pas le reconnaître. Et ils me donnent à chaque fois de nouveaux défis ou papiers à remplir. C’est stupide ! | Alendomïën  Présent dans les chapitres : 8 - 11 - 12 - 13 - | — Je suis navré, déclara le grand maître toujours télépathiquement. J’aimerais pouvoir faire plus pour vous aider. — Je le sais grand maître, déclara Alendomïën. Vous avez fait votre possible. Même vos nombreuses relations ne semblent pas en mesure de les faire plier. — Il reste un autre moyen, commenta le grand maître. Je sais que nous en avons déjà parlé et que ce n’est pas le plus simple loin de là. Mais c’est une éventualité à prendre en compte. — La tour grise ? Questionna Alendomïën. — Oui, signifia le grand maître. C’est la plus haute instance de l’ordre de magie des elfes et même de toutes les magies connues. Je sais parfaitement que rentrer en contact de Magelinseco ne sera pas chose aisée. Toutefois, la possibilité existe. — Je ne pourrais jamais rêver mieux que d’apprendre au sein même de la tour grise, dit Alendomïën qui commençait à se détendre. Mais je ne connais personne pour m’aider à rentrer en contact avec la tour. — Je vais voir ce que je peux faire de ce côté-là, indiqua le grand maître. Reposez-vous donc un peu. Je pense que vos pouvoirs seront nécessaires pour la guerre à venir. Malgré tout, si vous pouviez uniquement intervenir lorsque le camp ennemi fera usage également de la magie. Cela m’irait parfaitement. | — Comptez sur moi grand maître, dit Alendomïën. Je ne prévoyais pas de laisser les autres se défendre sans moi. Et puis, il va bien falloir surveiller le petit nouveau. Même si je ne mets pas en doute votre perspicacité pour déclarer qu’il s’agit d’un héritier. Il m’apparaît, de mon point de vue, bien chétif et inexpérimenté pour espérer survivre dans une escarmouche comme celle que l’on va subir. — Je le sais que trop bien, dit le grand maître. Si je l’avais découvert un peu plus tôt, j’aurais pu le former avec vous. Là, je n’ai plus le temps. Je finirais par en retrouver, car il en aura besoin. J’ai déjà assigné Naneshhlimsh et Hilld pour assurer sa protection durant ce conflit. J’espère bien que cela va être suffisant. — Il ne peut pas en être autrement, dit Alendomïën. Hilld va savoir le protéger mieux que personne. Merci grand maître pour votre aide, je suis avec Anis si vous avez besoin de nous. » Le contact télépathique fut rompu. Le grand maître resta perplexe quelques instants. Pensant et repensant à ce qu’il pouvait faire pour aider sa protégée. Elle avait en elle de grands pouvoirs magiques qu’elle devait apprendre à canaliser et utiliser. Le grand maître lui avait enseigné toutes les bases qu’il connaissait et il avait demandé à Taruis de continuer sa formation. | Toutefois l’un comme l’autre, ils n’avaient pas les connaissances suffisantes pour l’aider autant qu’ils le souhaiteraient. Aucun d’eux ne maîtrisait la magie des elfes. Alendomïën était suffisamment curieuse et magnanime pour comprendre et apprendre d’elle-même. Cependant, il aurait été plus efficace d’avoir un véritable formateur elfique. Le grand maître se promit d’envoyer un mot à un de ses vieux amis : maître Tacalaninanenasx. Ce dernier serait certainement mieux placé que lui pour trouver une personne susceptible de prendre Alendomïën sous son aile. Les préparatifs des gardes continuaient encore sur la grande place. Le grand maître balaya du regard chaque recoin de la place avec un sourire amusé. Puis il tourna de nouveau la tête dans l’autre sens pour observer la marche des créatures maléfiques. Rien n’était encore visible. Le grand maître ressentait les mouvements des créatures à l’orée des bois, mais pour le moment pas d’avancée significative. Le grand maître s’en doutait, l’assaut n’aurait certainement lieu que lorsque le soleil commencerait à décliner. Elles chercheraient ainsi à profiter de la nuit. Un bien maigre avantage, voir même inexistant face à plusieurs de ses protégés. Le grand maître avait hâte de voir leurs progrès, il était certain qu’ils étaient prêts pour les grands projets qu’il avait envisagés. Il ne lui fallait qu’une confirmation. | Le grand maître balaya de nouveau le paysage d’un mouvement horizontal du regard. Ne décelant aucune menace perceptible dans les prochaines minutes, il prit la décision de tenter d’appeler son vieil ami maître Darinx par télépathie. Voilà bien plusieurs mois qu’il ne lui avait pas parlé. Ses premiers appels ne reçurent aucune réponse comme un écho ne trouvant qu’un mur pour rebondir. Le grand maître continua patiemment, maître Darinx devait être occupé pour le moment et il prendrait le temps de lui répondre lorsque la situation s’y prêterait. Après une vingtaine de tentatives, une réponse lui vint enfin. « Grand maître, bien le bonjour ! » Le grand maître esquissa un sourire heureux d’être parvenu à le joindre. « Bonjour à toi Darinx, répondit le grand maître. J’espère que je ne te dérange pas dans un moment inopportun. — Je t’aurais répondu par un court message si cela avait été le cas. Je me suis libéré de mes activités, j’ai quelques minutes pour prendre de tes nouvelles, lui conta Darinx. | Darinx  Présent dans les chapitres : 13 - | — Je compte bien prendre de tes nouvelles également, enchaîna le grand maître. Il a bien dû se passer des événements importants depuis notre dernière discussion. — Pas vraiment, conta Darinx. J’ai toujours le petit groupe d’humains que j’ai pris sous mon aile. Je leur apprends un maximum de chose et en contrepartie, ils retapent ma demeure. C’est un peu une routine quotidienne et de ton côté ? — Je pense que j’en ai un peu plus long à raconter, indiqua le grand maître. Tu te souviens que j’ai moi-même formé un petit groupe. — Pour ne pas trop déroger à tes habitudes, commenta Darinx avec une petite pointe d’ironie. — Je te l’accorde, répondit le grand maître. J’ai utilisé mon groupe pour venir revendiquer le contrôle de la cité de Haches. Quelques coups de main à droite et à gauche et une attaque parfaitement menée contre la guilde de voleur la plus influente de la cité aidèrent beaucoup. Les autorités de la cité n’étant pas en harmonie avec les dernières décisions de l’empereur, ils ont préféré tourner leur veste. Toutefois, Haches est une cité qui m’est restée fidèle depuis sa fondation. La décision de repasser sous ma protection en lieu et place de celle de l’Empire fut donc pratiquement un acte naturel. | — J’ai l’impression d’entendre l’histoire de la fondation de l’Empire, commenta Darinx. Avec le chevalier Sylvain vivant dans la cité de Haches. Son point de départ… — Et j’espère que la cité de Haches sera un nouveau point de départ, coupa le grand maître. La population aime les images fortes, Haches fait partie des cités qui ont un prestige dans l’histoire de la planète. Mon choix n’est pas anodin, mon cher ami. — Je n’en doutais pas une seule seconde, indiqua Darinx. J’ai été dans cette situation il y a fort longtemps. Vous vous souvenez de votre petite équipe formée pour aider la descendance de l’empereur Sylain 1er. — Je ne peux l’oublier, indiqua le grand maître. — Et moi non plus, ajouta Darinx. Je faisais partie de cette équipe ! Je fus également il y a un temps, un de vos élèves uniquement là pour vous aider dans une tâche plus grande. Autre temps, autre groupe, mais vous êtes toujours là cher grand maître. Je ne suis plus le jeune aventurier que vous aviez recruté, je suis devenu un vieil aventurier. | — Et un maître en énergie respecté, souligna le grand maître. — Peut-être, dit Darinx. Enfin, tout cela pour dire que vous êtes toujours là, à œuvrer dans l’ombre pour le bien de cette planète. Quoi que vous envisagiez, je vous suivrais grand maître. Je ne serais déjà plus de ce monde si vous ne m’aviez tout apporté. — Allons mon cher Darinx n’exagérons pas, s’offusqua le grand maître. Cependant, je constate que vous me connaissez bien. Je ne vous ai pas dérangé juste pour le plaisir de prendre de vos nouvelles. J’ai effectivement une faveur à vous demander. — Ne le prenait pas mal grand maître, commenta Darinx. Je m’en doutais depuis le début de notre conversation. Que puis-je faire pour vous ? — Je ne peux y répondre aussi promptement, expliqua le grand maître. Je dois te mettre dans le contexte. Je ne sais pas si tu te souviens de Taruis, tu as dû le croiser il y a quelques années lors de notre dernière réunion des maîtres en énergie. Le magicien a peut-être découvert un des fameux héritiers dont je vous avais parlé. Un hasard du destin, Taruis pourchassait le nécromant Lichn, lorsqu’il est tombé sur ce jeune homme aux capacités surprenantes. Je ne peux rien confirmer pour le moment, mais je le ferais dès que la preuve sera devant moi. Toutefois, ce jeune garçon du nom de Balco est le déclencheur que je cherchais depuis quelques semaines. Comme tu l’as deviné, la cité de Haches n’est qu’une première étape dans un projet bien plus vaste que j’ai en tête. | — Je crains le pire à vous entendre, déclara Darinx avec une voix amusée. — Tu me connais depuis bien trop longtemps mon cher, complimenta le grand maître. Je n’ai plus la capacité de te surprendre. Je souhaite renverser l’empereur Truiki ! — Renverser l’Empire ! Répéta incrédule Agal. Soyez rassuré, vous avez encore la faculté de me surprendre. Je n’aurais jamais pu imaginer que tu oses entreprendre une lutte ouverte contre l’Empire. — Je ne souhaite pas détruire l’Empire, compléta le grand maître. Uniquement, destituer l’empereur Truiki. Il est temps que quelqu’un de plus compétent remonte sur le trône de l’Empire. L’avenir ne pourra pas se passer de l’Empire, mais de son empereur oui. — Et tu penses à toi pour occuper ce poste ? Demanda Darinx. — Là c’est mal me connaître, déclara le grand maître. Je ne me vois pas dans ce rôle, cela impliquerait bien trop de contraintes. Je préfère de très loin ma liberté de manœuvre. J’espère plutôt y placer l’un des cinq chevaliers de la main de l’empereur. J’aurais une préférence pour le chevalier Ental, il a la carrure pour endosser ce rôle. | — C’est dans la logique de l’organisation de l’Empire, commenta Darinx. Si l’empereur tombe, un intendant va prendre sa place et les mieux placés pour prendre ce rôle ce sont les cinq chevaliers de la main. — Effectivement, ajouta le grand maître. Sauf que le chevalier Ental est déjà au courant de la future manœuvre qui va se tramer ! — Intéressant, lança Darinx dubitatif. C’est un complot de grande envergure que tu es en train de nous préparer. — L’empereur aura toujours quelques partisans dont je ne pourrais me débarrasser par la négociation, toutefois tout semble se diriger vers la voie que je tente d’entreprendre, indiqua le grand maître. — Je suis impatient d’entendre les histoires qui vont germer de cet assassinat, clama Darinx. Il risque d’y avoir bien plus de remous au sein de l’Empire que tu ne sembles le penser. La perte de l’empereur ne sera pas sans conséquence. Même si tu es le grand maître, c’est un acte qui va laisser des traces dans la mémoire collective. — Je travaille sur cet aspect de l’histoire actuellement, dit le grand maître tranquillement. Je ne souhaite pas me mettre en avant dans cette histoire, une nouvelle génération de héros doit prendre, enfin, la relève. C’est plutôt eux que je souhaite mettre sur le devant de la scène. Ce sera leur premier acte historique et j’escompte bien qu’il y en aura bien d’autre. | — Je ne doute pas un seul instant qu’il y a une suite à cette première idée, tu ne te lancerais pas dans une action irréfléchie, commenta Darinx. — Je souhaite que tout se réalise naturellement, continua le grand maître. Faire en sorte que ce soit la logique qui amène cette décision et non une machination d’un vieux maître. — Je ne peux que constater que l’ennui n’est pas prêt de te gagner, ajouta avec amusement Darinx. Tu as toujours des idées pour t’amuser et faire en sorte que ce monde retienne ton nom. — Je ne suis pas aussi narcissique, clama le grand maître. Tu devrais le savoir depuis le temps. — Je le sais mon ami, sifflota Darinx. Ce n’était qu’une farce, n’y voit aucune attaque personnelle. Cela n’est pas dans ma nature également. Venons au but de cette discussion, je pense en savoir désormais assez pour être au courant de la suite que tu me prépares. Comme nous l’avons déjà évoqué, tu ne m’as pas appelé juste pour le plaisir de prendre de mes nouvelles. — La troisième force mon ami, lâcha le grand maître. Voilà ma seule véritable motivation en ce monde. Elle a été abandonnée sous la pression malveillante de démons, pourtant c’est notre seule garantie de pouvoir un jour retrouver notre liberté. | — Un retour de l’énergie ! S’étonna Darinx. — Est-ce vraiment une surprise ? Interrogea le grand maître. — Pas autant que cela, je te l’accorde, répondit Darinx d’un ton plus neutre. Vous m’avez formé pour que je possède en mon temps l’énergie. Et vous l’avez fait avec des milliers de personnes, si ce n’est plus. Vous avez passé votre vie à faire en sorte que l’énergie soit présente sur Sulder. Vous n’allez pas abandonner la partie aussi simplement. — Aucun risque ! Déclara avec conviction le grand maître. L’énergie c’est ma véritable nature et il ne pourrait pas en être autrement. Je ne vais pas changer à mon âge. — C’est certain qu’il est trop tard pour changer, commenta avec un petit rire Darinx. Et ce n’est certainement pas moi qui me lancerais dans la périlleuse mission de vous changer. Tout le monde vous apprécie pour ce que vous êtes et ce que vous avez réalisé. Je suis enclin à penser que cela ne diminuera pas après vos prochaines actions. — Nous verrons à ce moment-là, dit le grand maître. Je prépare l’avenir pour que ce monde soit meilleur et non pas pour savoir ce que les gens vont penser de moi. Si j’agissais de cette manière, je pourrais prendre ma retraite et juste me vanter de toutes mes actions passées. | — Vous n’agirez pas de cette manière, coupa Darinx. Avant que nous arrêtions notre conversation. J’ai d’autres activités qui m’attendent et vous connaissant, je pourrais parier des fortunes que vous avez également de quoi vous occuper dans les prochaines minutes. Est-ce que vous auriez d’autres éléments à m’apporter par rapport au changement à venir ? Ou bien suis-je censé en savoir déjà assez ? — Je n’aurais pas le temps de dévoiler tout mon plan d’action, répondit le grand maître. L’empereur va tomber et c’est bien là le point déclencheur, celui que tu dois surveiller. À partir de ce moment-là, le retour de l’énergie sera en marche. Rien ne pourra stopper la chute de l’empereur. Les chevaliers de la main sont au courant de ma future action et ils vont y participer à leur façon. — Que dois-je comprendre ? Questionna Darinx. — Les chevaliers de la main vont créer une brèche dans la défense de l’Empire. Pour une petite période de trois jours, les cinq chevaliers vont quitter Englub avec leurs meilleures troupes pour quelques guerres ou entraînements. La sécurité de l’empereur sera réduite au minimum. Et pires que cela, les chevaliers ne laisseront pour protéger l’empereur que les plus mauvaises recrues de l’Empire. C’est cette courte période que je vais utiliser pour envoyer un petit groupe à la rencontre de l’empereur. Si son arrogance n’est pas trop grande, il acceptera de capituler de lui-même et de rendre sa couronne. Mais je crains que nous n’ayons pas d’autres choix que de mettre fin à ses jours. | — Un complot au sein de l’Empire fomenté par les chevaliers de la main et le grand maître, commenta Darinx avec admiration. — Et mis en œuvre par un jeune paysan dont l’avenir reste à prouver, ajouta le grand maître. Beaucoup de manigances se préparent, mais n’oublions pas que notre objectif est que la planète Sulder retrouve sa liberté. — Je ne perds pas de vue notre but ultime, dit Darinx. — L’empereur Truiki n’est qu’une marionnette, conclut le grand maître. Une icône d’un pouvoir du passé que l’on fait parader devant son peuple. Nul n’est dupe devant ce spectacle, tout le monde donne le change par tradition. La seule force qui maintient l’Empire, ce sont ses chevaliers et plus particulièrement les cinq chevaliers de la main ! Tant que l’un d’entre eux, au moins, sera encore en vie, l’Empire sera debout et vaillant. Les chevaliers le savent. Ils ne souhaitent pas forcément renverser le pouvoir en place, mais ils rêvent de pouvoir agir avec toutes les compétences qui leur sont accordées et non plus être bridé par des ordres dictés par la peur des ténèbres. Je suis le premier à regretter de devoir reconnaître que la mort d’un empereur pourrait changer le destin d’une planète. Mais c’est le cas ! Si j’avais une autre solution, je serais le premier à l’étudier. Je prépare ce retour depuis plusieurs années et malheureusement c’est la seule solution viable sure du long terme. | — Je vous fais confiance pour avoir étudié de multiples solutions, souligna Darinx. Votre force est de reconnaître les failles de cette solution et d’avoir le courage de vous lancer dans sa réalisation. Bon nombre d’entre nous aurait pu faire le constat de cette décision sans jamais entreprendre les démarches pour la mettre sur pied. Ma question est certainement stupide, mais avez-vous prévenu maître Tacalaninanenasx ? — Taca est prévenu bien entendu, dit le grand maître avec un sourire. Je ne pouvais pas mettre à l’écart le maître en énergie officiel de l’Empire. Et, en plus, un ami de plus de trois mille ans. Lui aussi fait partie du complot, c’est le premier ravi de cette initiative. Imagine qu’il va pouvoir de nouveau former les chevaliers de l’Empire à la troisième force. Voilà une armée qui va retrouver tout son prestige. Taca va même me donner un coup de main, il doit trouver un moyen pour éloigner les magiciens de la tour blanche pour cette petite période cruciale. — Tout semble en place, commenta Darinx. Rien n’a été laissé au hasard et la plupart des anciens maîtres sont au courant. Un nouveau temps se prépare. | — Il me reste encore quelques maîtres à prévenir, indiqua le grand maître. Cela ne devrait pas me prendre trop de temps, nous ne sommes plus aussi nombreux que cela. — Je vais devoir prendre congé grand maître, signala Darinx. Je n’aurais qu’une chose à ajouter. J’espère que vous prendrez un peu de temps pour former vos recrûs. Car je compte bien que les miennes soient devant les vôtres dès que le premier tournoi d’énergie sera organisé. — Un défi mon cher maître ! S’exclama le grand maître. — Et comment ? lâcha Darinx avec un rire. Nous revoilà en compétition et j’adore ça. — Heureux de l’apprendre, dit le grand maître. Et je relève votre défi avec joie. Quel que soit le résultat, cela me fera chaud au cœur de vous recroiser réellement. — Et encore plus d’assister à un tournoi d’énergie, ajouta Darinx. — Exact, termina le grand maître. Bonne continuation maître Darinx, on se revoit rapidement. » Le grand maître coupa la conversation sans attendre la salutation de Darinx. Il avait un large sourire sur les lèvres. Tout se déroulait comme il le souhaitait. Si seulement, ce jeune Balco pouvait se révéler être un héritier de la légende et là ce serait le comble. Il restait pourtant une guerre à mener avant d’organiser la destitution de l’empereur. | Le grand maître scruta la plaine devant la cité de Haches. Toujours aucun mouvement de la part des troupes de Lichn. C’était rare qu’il ait autant de temps libre. Il ne pouvait concevoir d’en profiter pour se prélasser, il avait d’autres maîtres à contacter. La notion de repos n’était pas faite pour lui, même s’il appréciait ses instants. Il avait encore deux maîtres avec qui il souhaitait discuter. Des anciens héros, d’une époque qui apparaissait comme lointaine. Ils avaient également croisé la route de l’empereur Sylvain 1er, celle de Rougue et même dans une moindre mesure celle de Rouge. Des amis de longue date qui suivraient ses recommandations à n’en pas douter. Certainement heureux de pouvoir goûter de nouveau à un peu d’action. Le grand maître se concentra de nouveau et il appela mentalement les deux maîtres en énergie. C’était une technique un peu plus complexe afin d’assurer une liaison mentale entre deux interlocuteurs. Mais c’était bien peu pour le grand maître, il avait déjà eu à faire des conversations avec bien plus de monde. Cette conversation allait lui demander un peu plus d’attention, mais ce n’était pas suffisant pour qu’il ne puisse pas surveiller du coin de l’œil l’arrivée de l’armée de squelettes. | Gorock  Présent dans les chapitres : 13 - | Le grand maître renouvela une deuxième fois son appel et il n’eut pas besoin de le répéter une fois de plus. Les deux personnes qu’il recherchait répondirent en même temps. « Messieurs les maîtres, je vous salue, entonna le grand maître d’un ton joyeux. Je ne vous ai pas parlé depuis trop longtemps. Je suis ravi de vous entendre aujourd’hui. — C’est un plaisir pour nous également, indiquèrent deux voix dans l’esprit du grand maître. — Maître Gorock et maître Targhan, enchaîna le grand maître. Je vous ai envoyé dans de nombreuses aventures par le passé… — Et vous allez continuer à l’avenir, coupa Gorock. — Il est vrai, s’étonna le grand maître. Je compte vous utiliser une fois de plus. Vous avez le droit de refuser. Je ne vous imposerais jamais rien comme vous devez déjà le savoir. — Je vais voir ce que je peux faire, expliqua Targhan. J’ai un emploi du temps assez chargé en ce moment et je ne suis pas certain de pouvoir me libérer. — Comme toujours ! Commenta le grand maître avec un petit rire. Certaine habitude ne change pas et c’est mieux ainsi. N’ayez crainte, vous pourrez gérer votre emploi du temps comme bon vous semblera et je n’aurais rien à y redire de mon côté. | — Cela me rappelle mes débuts sur Saol, coupa Gorock. Nous étions alors libres de gérer notre programmation de tournois. Mais c’était un casse-tête si important entre les dates de tournois et les temps de déplacements… que rien que le fait de nous occuper de cela nous prenez déjà un temps précieux. — Je ne pourrais pas dire le contraire, souligna le grand maître. Et cette anecdote tombe à pic, car c’est bien de cela qu’il s’agit. J’ai l’espoir, certainement un peu fou, de remettre en place les tournois d’énergie. Certainement pas sous la même forme que vous les avez connus dans votre jeunesse. Plutôt bâtis sur de nouvelles règles pour en redorer le blason et donner un nouvel essor à la troisième force. Notre planète ne pourra jamais être elle-même sans la présence de l’énergie. — Qu’attendez-vous de nous grand maître ? Questionna Gorock. — Que vous effectuiez votre travail, mes chers maîtres ! Répondit le grand maître. Il y a des salles de combats à remettre en état. De nouvelles recrues à détecter. Des tournois à organiser. Des entraînements à superviser. | Targhan  Présent dans les chapitres : 13 - | — L’énergie a été interdite grand maître ! S’étonna Targhan. À suivre vos directives, nous allons finir dans un sombre cachot en quelques heures. Aucune cité ne suivra le mouvement. — Patience, messieurs ! Coupa le grand maître. Je ne veux pas vous voir terminer vos jours dans une prison sordide, croyez-le bien. Notre heure va bientôt arriver. Il faut que vous soyez prêt pour ce jour. Faites le nécessaire pour que ce soit le cas. Nous avons besoin de tous les maîtres en énergie compétent et encore vivant. Vous en faites partie. Votre longue expérience sur cette planète me sera précieuse. — Ce n’est pas une plaisanterie, grand maître ? Questionna avec une voix remplie d’émotion Gorock. — Je ne me moquerais pas de vous. J’ai la ferme intention de rétablir les droits de la troisième force sur cette planète. Cela me prendra certainement plusieurs semaines, mais il va y avoir du changement. Je suis resté trop longtemps inactif. — Il est temps de reprendre du service ! S’exclama Targhan. — Nous sommes des vôtres, grand maître, indiqua Gorock. Nous allons débuter notre remise en place de l’énergie discrètement. Avez-vous une préférence pour notre installation ? | — Maître Gorock, votre vie fut souvent liée à la cité de Adis et vous y vivez encore de nos jours régulièrement, commença le grand maître. Je vais vous demander d’y rester. Vos relations privilégiées avec l’empire des lézards ne pourront que nous être bénéfiques pour l’avenir. — Ce sera un honneur de redevenir le maître en énergie officiel de la cité d’Adis. Je suis persuadé que les lézards seront heureux de me revoir à ce poste. — J’en suis intimement persuadé également, précisa le grand maître. Quant à vous, maître Targhan, je sais que vous êtes lié avec le peuple elfe, mais j’ai besoin de vous dans la cité d’Aiges ! Cette cité est un des plus grands patrimoines de l’énergie de la planète. Elle doit avoir le privilège d’être ranimée par un maître de qualité. — La cité d’Aiges, suffoqua Targhan. Ce n’est pas une petite tâche que vous me confiez là. — J’espère que vous parviendrez à placer cela dans votre agenda et que vous n’aurez pas de retard pour vous rendre promptement jusqu’à cette cité, déclara le grand maître avec un petit ton d’amusement. | — Je serais à l’heure, dit Targhan. — N’annoncez pas l’impossible, ria doucement le grand maître. Si vous parvenez à vous rendre à Aiges avec seulement une trentaine de jours de retard… je considérerais que pour votre décompte du temps, vous êtes à l’heure. — Je vais faire de mon mieux, annonça Targhan. — Quelle est la première étape de notre mission ? interrogea Gorock. — Après vous être rendu dans vos cités respectives, vous devrez trouver un moyen pour devenir propriétaire des anciennes de salles de combat, expliqua le grand maître. Cela ne devrait pas poser beaucoup de problèmes, les bâtiments ne sont plus utilisés et les cités seront prêtes à s’en départir contre une somme généreuse. Ensuite, vous devrez remettre en état les salles de combat, mais sans vous faire remarquer. Nul ne doit se douter de ce qui va se passer prochainement. Pour la suite, je vous informerais de cela le moment venu. Si déjà vous avez un lieu en état de fonctionnement, ce sera une énorme étape de réalisée. — On ne recherche pas d’élève ? S’inquiéta Gorock. | — C’est à votre choix, commenta le grand maître. Je serais positivement pour cette option, mais cela pourrait vous faire remarquer. À vous de voir, si vous décidez de commencer la formation assurez-vous de ne prendre que des élèves de confiance qui ne vous trahiront pas avant que tout ne soit déclenché. — Nous allons redoubler de prudence, conta Targhan. Je n’ai pas l’intention de faire des bévues. J’en ai fait par le passé, mais j’ai appris de mes erreurs. — À la bonne heure, commenta le grand maître. Toutes mes leçons ne furent pas veines ! — Ne le croyez pas grand maître, conta Gorock. C’est toujours le même et il commet encore les mêmes erreurs. — Je ne te permets pas d’annoncer ça, clama Targhan. — Vous réglerez vos comptes lors des futurs tournois, coupa le grand maître. Celui qui formera les meilleurs élèves aura obligatoirement raison ! — Ça semble logique, dit Gorock. Le défi me plaît. — Une lutte par élève interposé, souligna Targhan. Voilà un défi des plus intéressants. Nous aurons encore une petite confrontation sans y participer en personne. | — J’ai hâte d’y être, clama Gorock. Je vais te prouver que je suis un meilleur formateur. — Défi relevé, entonna Targhan. Grand maître, vous allez être de la partie ? — J’en ai bien peur, mes chers maîtres, signifia le grand maître. J’ai déjà tout mon groupe de recrue depuis quelque temps. Je ne les ai pas encore formés aux secrets de la troisième force. Mais cela ne serait tarder. Je doute que vous puissiez rivaliser avec eux. Ils sont doués et ont de belles capacités à découvrir. — Ce sera un défi comme un autre, lança Gorock avec une petite intonation de compétition. — Pourquoi pas organiser un tournoi rien que pour cela ? ajouta Targhan. Dans le seul but de savoir qui est le meilleur maître formateur de l’année ! — Bonne idée, lâcha Gorock. — Une base intéressante pour le retour de l’énergie, soupesa le grand maître. Les anciennes normes avaient pour objectif de mettre en valeur les combattants et les cités. Les maîtres n’avaient qu’un rôle mineur. Si les nouvelles règles les remettaient en valeur… | — Ce ne serait que justice pour le travail que l’on réalise, ajouta Gorock. — Et une motivation supplémentaire pour les maîtres, souligna le grand maître. Ainsi qu’une source d’inspiration pour que d’autres aspirent à devenir maîtres. Vous avez soulevé un point très prometteur et je vais exploiter cette suggestion. J’aurais souhaité discuter plus longuement avec vous, mais le devoir m’appelle ailleurs. Une guerre se prépare aux portes de Haches. Je me dois de veiller à son déroulement. — Bonne guerre, soufflèrent les deux maîtres en même temps. » Le grand maître interrompit la communication. Son regard était fixé sur les premières rangées de squelettes qui venaient de sortir de l’orée des bois. La plaine au sud de Haches allant en quelques minutes être remplies par cette masse d’os en mouvement. La guerre s’annonçait. Le grand maître croisa les bras. Il sourit intérieurement, tout son plan était en place. Le point de départ de celui-ci était cette guerre. Si ses protégés s’en sortaient avec autant de brios qu’il l’imaginait, la suite s’annonçait encore plus passionnante… |
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